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Le docte Huet, depuis évêque d'Avranches, fut lié d'une amitié trèstendre avec madame de la Fayette. 11 composa pour elle son Traité de l'origine des Romans, qui fut imprimé en tête de Zayde. C'est à ce sujet que madame de la Fayette disoit à Huet: Nous avons marié nos enfans ensemble.

Rien n'est plus connu que l'amitié de madame de la Fayette et du duc de la Rochefoucauld, l'auteur des Maximes. Elle dura plus de vingtcinq ans, et la mort seule en rompit les nœuds. Ce ne seroit point assez de dire que M. de la Rochefoucauld et madame de la Fayette se voyoient tous les jours; ils étoient continuellement ensemble; ils ne se quittoient pas. Le duc de la Rochefoucauld, après l'éclat et les agitations de sa

jeunesse, condamné à la retraite et au repos, éloigné des places et des honneurs, abandonné de ceux qui ne s'attachent qu'à la faveur, et de plus obsédé de maux très-douloureux, se livroit trop souvent aux accès d'une injuste misantropie. Dans cette position, quelle société pouvoit lui être plus nécessaire que celle d'une femme aimable et bonne, qui embellit sa solitude, remplît le vide de son âme, adoucît son humeur et ses chagrins, dont l'attachement désintéressé fût une continuelle réfutation de son triste système, dont l'entretien fît une agréable diversion aux maux qu'elle ne parviendroit pas à soulager par ses soins, qui attirât chez lui, auprès de qui il pût trouver ce choix d'hommes instruits et de femmes spirituelles, si préférable à

la foule des courtisans frivoles et perfides? Telle étoit madame de la Fayette pour M. de la Rochefoucauld. Son ami mourut; elle fut inconsolable. Accablée par le chagrin et les infirmités, ayant perdu ce qui l'attachoit le plus au monde, elle se jeta toute entière dans le sein de Dieu. Les dernières années de sa vie furent consacrées aux pratiques de la piété la plus austère; elle mourut en 1693, dans sa soixantième année.

Le trait le plus marqué de son caractère, étoit la franchise. M. de la Rochefoucauld lui avoit dit qu'elle étoit vraie. Ce mot qui n'avoit point encore été employé dans cette acception, parut la peindre parfaitement, et dès lors chacun le lui appliqua.

Son caractère et sa conduite ont été attaqués ; mais la malignité connue

pour

de ses détracteurs suffit presque seule réfuter leurs accusations. Il suffit de nommer la Beaumelle, historien infidèle, qui presque toujours mettoit à la place de la vérité les caprices de son humeur ou les saillies de son imagination; et Bussy-Rabutin ce satirique impitoyable qui n'épargna ni le roi ni madame de Sévigné, sa cousine, c'est-à-dire, ce qu'il y avoit de plus puissant et de plus aimable. Aux calomnies de pareils hommes, opposons un témoignage, qui, pour être favorable, n'en est pas moins digne de foi. C'est celui de madame de Sévigné. « Madame » de la Fayette, écrivoit-elle à sa >> fille, est une femme aimable et >> estimable, que vous aimiez dès que » vous aviez le temps d'être avec » elle, et de faire usage de son esprit

et de sa raison. Plus on la connoît, » plus on s'y attache. »

Madame de la Fayette avoit l'esprit éminemment juste. Segrais lui avoit dit : Votre jugement est supérieur à votre esprit. Cette opinion lui avoit paru très-flatteuse. On sent que pour bien goûter une pareille louange, il faut la mériter. Elle ne portoit dans la conversation ni les saillies étincelantes et caustiques de madame Cornuel, ni la vivacité spirituelle de madame de Coulanges, ni l'aimable abandon de madame de Sévigné; mais ses discours étoient d'une précision élégante et ingénieuse. On a retenu d'elle plusieurs mots, entr'autres celui-ci : Les sots traducteurs ressemblent à des laquais ignorans qui changent en sottises les complimens dont on les charge.

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