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Comme le dit un philosophe anglais (1), « accompagnez vos lois de raison qui les justifient. C'est un repos ménagé dans une carrière fatigante et aride: ce sera un moyen de plaisir si, à chaque pas qu'on fait, on trouve la solution de quelque énigme, si on entre dans l'intimité du conseil des sages, si on participe aux secrets du législateur, si, en étudiant le livre des lois, on y trouve encore un manuel de philosophie et de morale. C'est une source d'intérêt que vous faites jaillir du sein d'une étude, dont l'ennui repousse aujourd'hui tous ceux qui n'y sont pas attirés par la nécessité de leur condition, c'est un attrait pour la jeunesse, pour les gens du monde, pour tous ceux qui se piquent de raison et de philosophie, et bientôt il ne sera plus permis d'ignorer ce qu'on aura rendu facile et agréable à apprendre.

« Cet exposé des raisons rendra les lois plus faciles à concevoir. Une disposition dont on ignore le motif ne jette pas des racines profondes dans l'intelligence; on ne comprend bien que les choses dont on comprend le pourquoi. Les termes de la loi peuvent être clairs et familiers; mais ajoutez-y la raison de la loi, la lumière augmente; il ne peut plus rester de doute sur la véritable intention du législateur, l'intelligence de ceux qui la lisent communique immédiatement avec l'intelligence de ceux qui l'ont faite.

« Plus les lois se conçoivent facilement, plus il est aisé de les retenir. Les raisons sont une espèce de mémoire technique; elles servent de lien et de ciment à toutes ces dispositions qui ne seraient sans elles que des fragmens et des ruines dispersées. Les Jois seules pourraient se comparer à un dictionnaire de mots. Les lois, accompagnées de leurs raisons, sont comme une langue dont on possède les principes et les analogies.

Les raisons mêmes deviennent une espèce de guide pour les cas où la loi serait ignorée; on peut préjuger ses dispositions, et par la connaissance acquise des principes du législateur, se mettre en sa place, le deviner ou conjecturer ses volontés, comme on présume celles d'une personne raisonnable avec laquelle on a vécu et dont on connaît les maximes. » Ce que désirait Bentham, il était facile de l'éxécuter en France. Nous avons les lois civiles de Domat, où l'on a puisé la majeure partie des articles de nos

(1) Bentham, Traité de législation civile et pénale, t. 3, p. 83 et suiv,

codes qui ne donnent pas de définitions, tandis que notre profond jurisconsulte pose la question, et la développe avec une telle lucidité qu'il ne laisse rien à désirer.

<< Le dessein de mettre les lois civiles en ordre, dit Domat, a engagé à composer un traité des lois qu'on a jugé aussi nécessaire pour bien entendre les lois civiles, que l'est pour apprendre la géographie une connaissance au moins générale du système entier du monde, telle que nous la donne la cosmographie.

<< Toutes les lois ont leur source dans les premiers principes, qui sont les fondemens de la société des hommes; et on ne saurait bien entendre la nature et l'usage des différentes espèces de lois, que par la vue de leur enchaînement à ces principes, et de leur rapport à l'ordre de la société dont elles sont les règles. C'est donc dans le système et dans le plan de cet ordre universel qu'il faut reconnaître la situation et l'étendue des lois civiles, ce qu'elles ont de commun avec les autres espèces de lois, ce qui les distingue, et plusieurs vérités essentielles pour les bien entendre, et pour en faire de justes applications dans les matières où elles se rapportent. C'est aussi dans ce même plan qu'on distingue quelles sont ces matières, et quel est leur ordre; et toutes ces vues, et de leurs matières, feront le sujet de ce traité des lois.

« La première partie des engagemens a été divisée en cinq livres: l'un intitulé Préliminaire, parce qu'il contient trois matières communes à toutes les autres et qui doivent les précéder; le premier des quatre autres, où il est traité de la première espèce d'engagemens, qui sont ceux où l'on entre par les conventions: le second qui contient la seconde espèce d'engagemens, qui sont ceux où l'on entre sans conventions : le troisième, des suites de ces deux sortes d'engagemens, qui y ajoutent ou les affermissent; et le quatrième, des suites des mêmes engagemens, qui les anéantissent ou les diminuent. Suivant ce plan, on a compris, ensuite du Traité des Lois, ce livre préliminaire, et le premier des quatre autres, où il est traité des conventions; et cette suite contient les trois autres livres. Ainsi, on a, dans ces cinq livres de la première partie, tout ce qui regarde les engagemens, c'est-à-dire la première partie des matières de ce livre des Lois Civiles.

"

Pour la seconde partie, elle contient la matière des successions. Ainsi, on aura dans ces deux parties tout ce que Domat

s'est proposé de traiter dans ce livre des lois civiles. C'est-à-dire toutes les matières qui regardent ce qui se passe entre les particuliers, et dont les règles sont presque toutes du droit naturel, et qu'on ne trouve recueillies que dans le droit romain. »

Sans vouloir altérer en rien la gloire qu'ont les Romains, de nous avoir donné leurs lois, leurs institutions et leurs mœurs, aujourd'hui la France se donne en exemple à tous les peuples; et jamais les anciens maîtres du monde n'eurent d'institutions aussi équitables que celles qui nous régissent. Nos besoins ont été bien compris sous un gouvernement ferme et paternel. Aux orages des révolutions a succédé le calme de la justice. La charte constitutionnelle a été notre port de salut.

Les dispositions de ce pacte fondamental sont le complément nécessaire du droit public de Domat. Les lois qui complètent la charte ou la modifient, et les ordonnances qui l'appliquent seront succinctement rapportées dans mon travail. J'y ajouterai les diverses dispositions législatives et réglementaires qui se rattachent aux nombreuses questions traitées par Domat dans son droit public; et, pour fortifier encore ces principes, je m'appuyerai de l'opinion des plus célèbres publicistes anciens et modernes. Mon seul but est d'être utile. Puissé-je avoir réussi !

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p.-Code pénal.

S.-- et suivans.

Cass.
Rejet.

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art. 1888, s. 1888 et suivans.

signifie arrêt de la cour de cassation infirmatif.

· signifie arrêt de la cour de cassation confirmatif. Paris, Rouen, etc. - signifie arrêt de la cour royale de Paris, Rouen, etc.

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NOTICE HISTORIQUE.

DOMAT (Jean) naquit à Clermont en Auvergne, le 30 novembre 1625. Sa vie, exempte d'ambition et d'intrigues, offre peu de détails remarquables. On n'y rencontre pas tour à tour cette série de faveurs et de disgraces qui est ordinairement le partage des hommes célèbres. Content de peu, Domat vécut én philosophe, loin du monde et de la cour: c'est donc seulement dans ses ouvrages qu'il faut le chercher tout entier. Ils nous le montrent à la fois homme dé bien et profond jurisconsulte : homme de bien, car les principes de morale et de justice sont développés par lui avec cette chaleur de conviction qui n'appartient qu'à une ame pure et irréprochable; profond jurisconsulte, car le génie seul peut puiser dans ses inspirations cette force de logique qui fait briller son opinion de tout l'éclat de la vérité.

Nommé avocat du Roi au présidial de Clermont, il remplit dignement les devoirs que lui imposaient ses fonctions modestes et honorables. Prenant pour guide sa conscience et la loi, jamais on ne le vit sacrifier au pouvoir la fortune et l'honneur des justiciables. Effrayé des nombreuses difficultés dont la jurisprudence était hérissée de son temps, il résolut d'y mettre un terme. Les compilations de Justinien, quoique renfermant les maximes fondamentales de l'équité naturelle et civile, n'offrant point une suite exacte de règles et de définitions, les matières sont presque toujours hors de leur place, et sans aucun rapport entre elles. Il fallait une main sûre pour tirer de l'obscurité les règles éparses du droit romain. Domat entreprit cette tâche longue et pénible, et rédigea les lois civiles dans leur ordre naturel. Élaguant tout ce qui, dans les lois romaines, était absolument étranger à nos mœurs et à nos usages, il les remplaça par des dispositions tirées

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