303 DISCOURS SUR LA RELIGION DES DAMES. L AUTEUR de ce petit Livre a eu en vûë, fi je ne me trompe, de faire voir que la Religion Chrétienne doit être à la portée des plus fimples, & qu'il ne faut pas, par conféquent, la confondre avec toutes ces Queftions fubtiles & abftraites dont les Théologiens font tant de bruit, & fur lefquelles ils difputent depuis tant de fiécles. C'eft-là, dis-je, le deffein qu'il s'eft propofé, & qu'il a, ce me femble, rempli fort heureufement en nous faifant un portrait fidèle de la Religion, telle que Jesus-Chrift l'a enfeignée aux hommes, pleine de fageffe, d'une courte difcuffion, toute tournée vers la pratique, claire, & entiérement proportionnée à la capacité des gens fans Lettres, des femmes & du fimple peuple, c'est-à-dire de presque tous les hommes. Si l'on fuppofe que la Religion doit être à l'ufage du fimple Peuple, comme perfonne n'o n'oferoit en difconvenir; je ne vois pas ce qu'on peut trouver à redire au deffein que cet Auteur Je propofe dans ce petit Ouvrage, & à la maniére dont il l'a executé. Dans le portrait qu'il nous donne de la Religion, elle paroît d'une courte difcuffion & d'une extré me clarté. Et ne doit-elle pas avoir ces deux qualitez pour être à la portée de la plus grande partie des hommes, qui étant néceffairement obligez, comme remarque cet Auteur de pourvoir, châque jour, à leurs befoins & à ceux de leur famille, & de remplir les devoirs communs de la vie, ne fauroient s'appliquer à l'examen d'une Religion qui feroit difficile à comprendre, ou d'une trop longue difcuffion? Dira-t-on que l'Auteur a oublié plufieurs célèbres Controverfes de Théologie? Mais fi ces Controverfes font partie de la Religion, il faut renoncer à ce que nous venons de fuppofer, que la Religion Chrétienne doit être à l'ufage du fimple Peuple, des gens fans Lettres, auffi bien que des Savans. Il faudra dire que la Religion n'a été donnée aux hommes que pour leur exercer l'efprit à la difpute, au lieu que, fi l'on en croit Saint Paul, Dieu nous l'a revelée pour nous apprendre à nous défaire de nos mauvaises habitudes & à vivre dans ce préfent fiécle fobrement, justement, & religieufement. Je vois clairement qu'à juger de la Religion fur l'idée que cet Apôtre nous en donne dans cet endroit, elle convient admirablement à des gens incapables d'une grande application d'efprit, & qui n'ont ni affez de pénétration ni affez de loifir pour s'attacher à des recherches trop fubtiles & d'une trop longue difcusfion. Mais je ne faurois comprendre qu'on puiffe porter le même jugement des Controverfes qui regnent depuis fi long-temps parmi les Théologieus. Elles font fi fubtiles ces Controverfes que parmi ceux-là même qui font profeffion de les enfeigner aux autres, il y en a peu qui fachent précisément en quoi elles confiftent. Cependant ce n'eft pas tout que de connoître le nœud de la queftion, il en faut favoir la veritable folution. Or rien n'eft fi difficile que de fe déterminer parmi tant d'opinions différentes. Un Théologien n'a pas plutôt décidé une de ces Controverfes, que d'autres Théologiens lui oppofent une décifion toute contraire. Là-deffus il en furvient d'autres qui prennent un troifiéme parti, fuivi d'un quatriéme qui contraire à tous les trois fe trouve encore attaqué par de nouveaux champions. Si la Religion confifte dans ces fortes de Controverfes, de quel côté se tourneront de pauvres Laïques fans étude que n'entendent pas même les termes dont on fe fert pour les exprimer? Faudra-t-il que de Tome II. V fim fimples Paifans embrassent la décision de leur Curé ou de leur Minifire, fans la comprendre? Mais fuppofé que nous entendions le fenti ment de nos Docteurs, (ce qui est tout-à-fait contraire à l'experience) cela fuffit-il pour nous mettre en droit de l'approuver ? Non fans doute; car il faut encore que nous entendions les raifons de leurs adverfaires, & que nous les comparions avec celles de nos Docteurs pour embrasser l'opinion qui nous paroîtra la plus raisonnable. On a beau dire. C'est une chose dont on ne peut fe dispenfer en bonne juftice. Tout le monde fait trèscertainement, que tel & tel Ministre qui prêche tous les jours contre certains Hérétiques, n'a jamais vu les couvertures de leurs Livres, & n'en fait pas même le nom. confcience, pouvons-nous nous rapporter à ce que de tels Docteurs nous disent contre les Hérétiques? Approuverions-nous un Mabometan, qui croiroit tout ce qu'un Faquir, qui n'auroit jamais lû l'Evangile, débiteroit dans une Mofquée contre la Religion Chrétienne? La chofe eft toute pareille. En Mais direz-vous,, Un Prédicateur Controverfifte ne fe contente pas d'établir fon fentiment, il refute celui de fes Adverfai"', res, & s'il n'a pas lû leurs Ouvrages, il 9, en a vû des citations dans les Livres de » quel 3 quelque favant Professeur de fon parti".Et qui vous affûrera, Monfieur, que le Prédicateur ou le Profeffeur rapportent fidelement l'opinion qu'ils refutent? Comment faurez-vous, s'ils ne dissimulent point quelqu'une des meilleures raisons de leurs Adverfaires? On voit tous les jours, qu'une Hiftoire qui n'intereffe perfonne, fe falfifie en passant par différentes bouches. A plus forte raison, devons-nous craindre qu'un homme qui entreprend d'en refuter un autre devant une nombreufe Affemblée, n'affoibliffe volontairement, ou fans y penfer, les raifons de fon Ennemi, pour les détruire plus aifément, & s'affûrer par-là l'honneur du triomphe. Par conféquent, nous ne pouvons condamner, fans te merité ceux que les Chefs de notre parti nomment Hérétiques, fans lire nous-mêmes leurs Ouvrages. Et d'ailleurs, quand même nos Prédicateurs expoferoient fidellement leurs raifons; nous ne pouvons pas les condamner fur cet expofé fans nous rendre coupables d'une partialité criminelle; car un Juge qui condamneroit un homme fur le fimple rapport de fa Partie, fans l'avoir ouï lui-même dans fes défenfes, feroit un Fuge inique, quoi que dans le fond fon jugement fut conforme à la verité Voici du Latin d'un Poëte Payen qui dit la même chose que mon François, , |