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l'Original, & fans le déterminer à rien de trop précis, afin que chacun puiffe l'entendre, de la maniere qu'il croira la plus juste & la plus conforme aux idées & au langage des Ecrivains Sacrez.

Il n'eft pas befoin que je dife que le texte, que j'ai traduit, eft celui des

meilleures éditions de Hollande & d'Angleterre, dont on fe fert communément, à présent. C'est le même texte, que les autres Interpretes modernes fe font propofez de traduire. Si l'on avoit publié en Angleterre, comme on dit qu'on le fera, le fameux Manufcrit d'Alexandrie, tel qu'il est, je l'aurois fuivi, comme le plus ancien Exemplaire qui nous foit connu. Ce font là les principales regles, que j'ai fuivies dans cette Version. Il y a encore diverses regles particulieres, que j'ai crû devoir observer, mais que je ne pourrois pas rapporter en détail, fans m'étendre trop, & fans entrer dans une difcuffion, dont ceux, qui n'entendent que le François ne pourroient pas bien juger. D'ailleurs on trouvera ces maximes dans les Remarques, où elles font appuyées d'exemples, qui les rendront plus fenfibles & plus faciles à entendre. Il vaut mieux qu'on ne les voye, que dans les lieux, où la lecture fuivie du Texte en fera fentir l'importance & la néceffité; que de les détacher ici de ces endroits, que l'on ne pourroit rapporter avec assez d'étendue, pour se faire bien entendre.

Si j'avois pû entrer, dans des Remarques Françoifes, dans la difcuffion exacte des mots & des expreffions des Apôtres & les rapporter en leur Langue; j'aurois mieux prouver ce que j'y avance, en produifant des paffages de toutes fortes d'Auteurs. Mais comme ceux, qui ne favent que le François, n'entendroient pas ce que j'aurois dit, je n'ai pas crû devoir entreprendre un semblable travail. Je n'ai néanmoins éviter de mettre quelquefois des mots Grecs, que j'ai écrits en caracteres ordinaires, en mettant des doubles lettres pour exprimer les voyelles longues, & marquant les accents, comme j'ai pû, par nos accents François.

Au reste j'ai tâché d'éviter un défaut, qu'on a repris avec raison, dans quelques Verfions modernes ; c'eft de donner une paraphrafe, au lieu d'une Version; fur tout quand il y a quelque chofe d'obfcur dans l'Original. Il m'auroit été très-facile d'imiter ces Verfions, & de faire parler les Apôtres plus conformément au génie de nôtre Langue, en leur prêtant un tour qu'ils n'ont pas. Mais il auroit femblé aux Lecteurs, qu'ils lifoient mes penfees, au lieu de celles de ces Saints Hommes. Il ne s'agiffoit pas, pour le dire encore une fois, d'exprimer ce qu'ils ont dit, comme je l'aurois dit moi-même, fi j'avois voulu le dire à ma maniere; mais d'expliquer ce qu'ils ont écrit, feulement en forte qu'on pût l'entendre & le lire, fans être choqué par des barbarifmes inutiles, & par des manieres de parler trop antiques, que l'on trouve dans les Verfions, dont on fe fert ordinairement, parmi les Proteftans qui parlent François.

Quoi que je n'aie pas eu devant les yeux ces Verfions, en travaillant, de peur que la coûtume de les lire, & de les fouffrir, ne fît paffer dans celle que je faifois quelques-unes de leurs expreffions furannées; j'ai néanmoins obfervé conftamment une chofe, qui me paroiffoit importante, à caufe de l'ufage reçu. C'est que lors que l'on parle à Dieu, je me suis fervi du TOI, que nos Poëtes employent encore, comme une maniere de parler plus relevée, & dont on fe fert même fouvent en profe, dans les Apoftrophes, & dans les Profopopées. Cet ufage & la Raifon, qui nous apprend, auffi bien que la Religion, qu'il n'y a qu'un feul Dieu, & qu'il ne peut y avoir plufieurs objets du culte fuprême, que nous lui rendons, m'ont déterminé à fuivre en cela les anciennes Verfions Françoifes. Mais par tout ailleurs, au lieu de Toi, qui n'eft plus en usage, j'ai mis vous. On pourra voir, en ouvrant ce livre, qu'encore que j'aie divifé le Texte, par Chapitres & par Verfets, en y mettant des chiffres, pour fuivre l'ufage & pour la commodité des citations; je n'ai néanmoins fait des articles féparez, en recommençant la ligne, que lors qu'il s'agit d'une autre matiere, qu d'un autre raisonnement, excepté au commencement des Chapitres, où je n'ai pû faire autrement. Il eft vrai que quelques perfonnes m'avoient confcillé de mettre les titres des Chapitres à la marge, & j'aurois peut-être mieux fait; mais j'ai eu peur que cela ne choquât trop les yeux de ceux qui font accoûtumez à voir ces titres en groffes lettres au milieu de la page, & qui ne font pas tous capables de goûter les raisons qu'on auroit cues d'en ufer d'une autre maniere. Tous ceux qui ont vu des Manufcrits du Nouveau Teftament, ou même qui ont jetté les yeux fur les plus anciennes Editions, Greques, Latines & Françoises, qui s'en font faites, favent qu'il n'y a aucune distinction de verfets, & que ce n'eft qu'un ufage, qui s'eft introduit depuis, pour la commodité. On a donc crû avoir droit de ne fuivre cet ufage, qu'en ce qu'il a de bon; fans s'attacher à ce qu'il peut avoir d'incommode. Perfonne ne peut disconvenir que la coûtume que l'on a de couper en verfets toute l'Ecriture, comme en autant de paragraphes, n'empêche fouvent qu'on n'entende auffi facilement la fuite du difcours, & ne bleffe même la vuë. Car enfin tous les livres de l'Ecriture ne font pas comme les Proverbes de Salomon, qui font compofez de fentences détachées, & qui n'ont ordinairement, que peu ou point de rapport les unes avec les autres; en forte que pour les entendre, les faut feparer. Les narrations des Livres Hiftoriques, & les raisonnemens des Epitres ne fouffrent pas qu'on les coupe ainfi, par morceaux. On eft choqué de voir un nouvel article commencer par une petite lettre ; ou fi l'on y en met une groffe, on ne voit qu'avec peine la conftruction interrompue par un point & par un nouveau commencement. On ne voit pas où les Ecrivains Sacrez commencent un nouveau difcours, ou quittent

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celui qui précede, fans les lire avec beaucoup d'attention. Au contraire on n'a qu'à jetter les yeux fur un Exemplaire coupé, non felon le nombre des mots & des expreffions, mais felon la diverfité des maticres & des raisonnemens; pour s'appercevoir quand l'Auteur commence & finit. On repasse ainfi, d'un coup d'œeuil, ce que l'on a lû, on voit la fuite des penfées, le nombre des faits, & des raisonnemens, & l'on divife facilement dans fon efprit les matieres; ce qui ne fert pas peu à les bien comprendre, à en voir la liaison & à s'en reffouvenir; comme on l'éprouve, dans la lecture de toutes fortes de livres.

Il n'y a pas long-tems que toute la divifion, que l'on voyoit dans les Livres, étoit celle des Chapitres; fi l'on en excepte les Ouvrages des Doc teurs Scholaftiques & des Jurifconfultes. Les Chapitres entiers n'étoient diftinguez par aucuns paragraphes, mais tous d'une fuite; comme s'il n'y avoit eu qu'un feul raisonnement, ou qu'un feul fait raconté. Mais depuis que l'on a commencé à penfer avec plus de jufteffe, à ranger mieux fes penfées, & à les partager, felon les idées differentes qu'elles renferment; on s'eft apperçu que la maniere d'écrire des Scholaftiques & des Jurifcon fultes étoit plus commode & plus nette, & l'on ne voit aujourd'hui prefque rien, qui foit écrit avec quelque ordre; où l'on ne recommence la ligne, autant de fois, que l'on entre dans un nouveau fujet, à moins que l'on n'en dife que deux, ou trois mots. On connoit des gens, qui s'en trouvent fi bien, qu'ils ont de la peine à fouffrir les ouvrages imprimez autrement. Mais enfin fi quelque perfonne, peu verfée dans ces fortes de chofes, eft d'abord furprise de la diftinction, que l'on a fuivie; elle n'a qu'à en faire un effai, en lifant quelques Chapitres, dans ce Nouveau Teftament, & enfuite dans un autre. Cet effai lui fera mieux fentir l'utilité de la difpofition, que l'on a gardée ici, que tous les raisonnemens, que je pourrois faire,

Après avoir parlé du Texte, il faut dire quelque chofe des Remarques, que l'on a mifes deffous. Avant toutes chofes, on a eu foin de mettre en caractere Italique toutes les paroles du Texte, que l'on n'a pas crû devoir traduire entierement à la lettre; afin que le Lecteur vêt comment il y a dans l'Original, & comprît la néceffité, dans laquelle on a été de s'éloigner, dans ces endroits-là, de fes expreffions. Le reste des Remarques ne confifte qu'en des explications litterales des mots & des manieres de parler; qu'à découvrir les coûtumes, & les hiftoires, auxquelles les Ecrivains Sacrez femblent faire allusion; & qu'à rendre raifon des citations de l'Ancien Teftament, que l'on trouve dans le Nouveau. On a tâché de ne rien avancer, dans les Notes, fans le prouver par quelque paffage de l'Ecriture Sainte, autant qu'il a été poffible, pour peu qu'il y eût de difficulté ; car. pour les chofes communes, & que l'on trouve par tout, on n'a pas crû ** 3 devoir

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devoir en donner des preuves. Ceux qui en auront befoin les chercheront dans des livres Latins, faits pour l'intelligence du ftile des Auteurs Sacrez. On n'a prefque pas cité d'Auteurs Modernes & peu d'Anciens, parce qu'on ne pouvoit pas rapporter leurs propres termes. On s'eft au reste abstenu de toutes fortes de raifonnemens, ou d'applications théologiques des paffages de l'Ecriture, & même prefque par tout d'en tirer des conféquences morales. On n'a entrepris d'établir aucun dogme particulier, ni de réfuter aucun sentiment reçu parmi les Chrétiens, à le confiderer en géneral. On n'a même rapporté, que fort rarement, & fur des paffages obfcurs, les diverfes explications des Interpretes; afin de ne s'engager dans aucune réfutation, que le moins qu'il feroit poffible. On s'eft contenté de mettre l'explication, qui a paru la plus veritable, & de l'appuyer de quelques ráifons, auffi courtes & auffi fenfibles que l'on a pú, tout de même que s'il n'y avoit point de controverfes parmi les Chrétiens. Si l'on a expliqué quelques endroits, autrement que le commun des Interpretes, ce n'est pas pour attaquer les dogmes, qu'ils appuyent par ces paffages, expliquez à leur maniere. On tombe d'accord de tous les dogmes géneralement reçus & fondez fur l'Ecriture Sainte, mais on ne convient pas toûjours des paffages, dont quelques Théologiens fe fervent pour les prouver, & on les appuye plûtôt par d'autres. Il n'y a point d'Interprete, qui foit dans quelque eftime dans les differens partis du Chriftianisme, qui n'ait crû avoir droit d'en user ainfi. Calvin & Beze, par exemple, parmi les Réformez, ont expliqué plufieurs paffages autrement qu'on ne faifoit communément de leur tems, fans confiderer l'ufage qu'on en pouvoit faire, dans quelques Controverfes; parce qu'ils étoient perfuadez qu'un Interprete ne doit avoir égard qu'à la force des termes, & qu'à la fuite du discours; fans fe mettre en peine des conféquences théologiques, qui doivent être fondées fur la lettre de l'Ecriture, & non lui faire donner des fens qui ne lui conviennent pas. On ne doit donc pas, fi l'on veut avoir quelque équité, tirer des conféquences génerales, contre moi, de l'explication que je donne à quelques paffages particuliers; comme fi je rejettois les fentimens, que l'on prouve communément par ces paffages. On ne doit pas non plus m'accufer de ce que je n'entre dans aucun détail des matieres théologiques, que l'on débite dans un Sermon fur un paffage, & que je ne les indique même pas. Ce n'a pas été mon deffein de traiter ni de Théologie, ni de Controverfe; mais feulement d'expliquer litteralement ce qui peut faire de la difficulté à ceux qui étudient la lettre de l'Ecriture Sainte, & qui ne peuvent pas avoir recours aux Originaux, ni aux Interpretes Critiques, qui ont écrit en Latin, & rempli leurs Commentaires de Grec & d'Hebreu.

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C'est là en géneral ce que je me fuis propofé dans mes Remarques, & que j'ai crû devoir dire avec un peu d'étendue, afin qu'on ne s'attendît

pas

pas à y trouver ce qui n'y eft point, & qu'on ne m'attribuât pas des vuës, que je n'ai point euës.

Je fuis perfuadé que le Texte du Nouveau Teftament, & l'intelligence litterale de ses expreffions doivent être un tréfor commun à tous les Chré tiens, & qu'après l'avoir expofé à leurs yeux, pour en faire l'ufage qu'ils doivent, il faut laiffer à chacun la liberté de fe former lui-même le Syfteme de la doctrine que ces Livres divins renferment. Car enfin, quoi qu'en puiffent dire quelques-uns d'entre les Chrétiens, c'eft l'unique regle à la quelle on puiffe fe fier, pour s'inftruire exactement & fûrement des fentimens de Jefus-Chrift & de fes Apôtres. Tous les partis conviennent que ces Livres font veritablement de ceux, dont ils portent le nom, & qu'ils renferment très-affurément leur doctrine; & ç'a toujours été le fentiment de toutes les Eglifes Chrétiennes. Il n'y a que quelques Epîtres, dont les Auteurs n'ont pas été également reconnus; mais on a toujours cru qu'elles ne renfermoient que des dogmes Apoftoliques, & en effet il n'y a rien, qui ne foit conforme aux Livres non-conteftez. Si une partie des Chrétiens foûtient à présent que l'Ecriture Sainte eft fi obfcure, qu'on ne peut pas s'affurer des doctrines falutaires, en la lifant; à moins qu'on ne reçoive les explications que ceux, qui difent qu'elle eft fi peu claire, lui donnent; c'eft une chofe, que les autres Chrétiens nient; & comme; felon les premiers, il faut recevoir ces explications fans examen, il eft visible que l'on ne peut pas s'y fier. Il n'y a aucun fentiment que l'on ne puiffe faire paffer, s'il n'est pas permis de l'examiner; ni aucune autorité, parmi les hommes, qui ne foit digne de foi, s'il y en a une, à qui il faille fe foumettre, fans favoir pourquoi. Cela étant ainfi, ceux qui fouhaitent de fe former unei idée affurée du veritable Chriftianifme, ne doivent fe laiffer prévenir d'aucuns fentimens, ni d'aucuns Systemes particuliers, mais avant toutes chofes lire & relire le Nouveau Teftament, & apprendre par là ce que Jefus Chrift & fes Apôtres ont enfeigné. Si l'on ne trouve pas là le Chriftianif me, (qu'il me foit permis de le dire) on ne le trouvera nulle part. Au contraire, fi on se perfuade d'abord que le veritable fens du Nouveau Teftament ne fe trouve que dans la Societe, dans laquelle on a été élevé, avant que de l'avoir lû avec foin; on ne le lira enfuite que pour y chercher les fentimens, que l'on croit veritables, & l'on jugera du fens qu'il doit avoir, par rapport à ces fentimens; & non de ces fentimens, par ceux que l'on trouvera dans les Ecrits des Apôtres, comme il le faudroit faire. Ces Livres, que l'on regarde comme la regle de la foi, perdent ainfi cette qualité, fans qu'on s'en apperçoive; & les Confeffions, les Catechifmes, ou les Syftemes prennent leur place, & reglent la créance de ceux qui les fuivent, avant que de favoir ce qu'il y a dans le Nouveau Teftament. S'il arrive que les Confeffions & les autres Formulaires, compofez par des hommes fujets à

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