Images de page
PDF
ePub

Jora, lui replica Jesus; parce que ce ne font pas la chair & le fang, qui vous l'ont découvert, mais mon Pere, qui eft dans le Ciel; 18 & moi je vous dis que vous êtes Pierre & que fur cette pierre je bâtirai mon Eglife, & les portes de la mort ne la furmonteront point. 19 Je vous donnerai aussi les clefs du royaume du Ciel, & ce que vous lierez fur la terre fera lié au Ciel, & ce que vous délierez fur la terre fera délié au Ciel. 20 Alors il défendit à ses Disciples, qu'ils ne dissent à personne que lui Jefus fût le Christ.

21 De

lors que l'on emploie cette expreffion, par oppofition à
Dieu. Voyez Gal. I, 16. En effet S. Pierre n'avoit appris,
que Jefus étoit le Meffie, d'aucun Docteur qui le lui eût
dit.
Mais mon Pere] Par les grands miracles, qu'il lui avoit
donné le pouvoir de faire & par la fainte doctrine qu'il lui
avoit ordonné de prêcher, & qu'il obfervoit lui-même, avec
la derniere exactitude; à quoi S. Pierre, fans autre inftruc-
tion, pouvoit reconnoître qu'il étoit le Meffie.

. 18. Et moi] Ce & marque que Notre Seigneur promet ici, de fon côté, quelque chofe à S. Pierre, pour recompenfer ce qu'il venoit de dire. Voyez Luc XXII, 29.

Vous êtes Pierre C'eft-a-dire, vous vous appellez Pierre, & ce n'eft pas fans raifon, car fur cette pierie &c. Ainfi Jacob dit Gen. XLIX, 8. à un de fes fils vous êtes Juda, vos freres vous loueront; en Hebreu jodoncha, d'où vient le nom de Juda. De même Nôtre Seigneur fait ici une allufion vifible au nom de Pierre, qu'il avoit lui-même donné à Simon, Jean I, 43.

Sur cette pierre je batirai] C'est-à-dire, je vous rendrai le premier prédicateur de mon Evangile; ou, vous ferez celui qui jettera les premieres pierres du bâtiment fpirituel de mon Eglife. Etre une des pierres, fur lefquelles l'Eglife eft bâtie, ou jetter les premieres pierres de ce bâtiment, eft la même chofe, dans ce langage metaphorique. Il ne s'agit pas ici de la perfonne de S. Pierre, diftincte des fonctions de fon Apoftolat; mais de ce faint homme, confideré comme premier prédicateur de l'Evangile; ainfi qu'on le peut voir par l'evenement. Car S. Pierre fut le premier, qui le prêcha, après l'afcenfion de Nôtre Seigneur, Act. II, Ainfi Jefus-Chrift ne promet rien de particulier à S. Pierre, fi ce n'eft qu'il feroit le premier, qui commenceroit à bâtir l'Eglife Chrétienne; puis que les autres Apôtres n'y ont pas moins contribue, pour n'avoir pas été les premiers parler.

à

Mon Eglife] Le mot Eccleesia fignifie en Grec une assemblée, & les Juifs nommoient leur nation l'assemblée du Créateur, Deut. XXIII, 1, 2, 3. où les LXX. Interpretes ont traduit l'Eglife (Eccleesian) du Seigneur. De même Jefus-Chrift & fes Apôtres ont appellé l'Eglife de Jesus-Chrift, ou l'Egfe de Dieu tous ceux qui font profeffion de croire en Dieu & en Jefus-Chrift, ou de fuivre la doctrine de ses Apô

tres.

Les portes de la mort. ] Quoi que le mot Hadès ne fignifie pas proprement la mort, comme on le peut voir par la remarque que l'on a faite fur le Ch. X, 23. il fignifie encore moins ce qu'on nomme en François l'Enfer; mot qui ne fignific jamais en cette Langue que le lieu des fupplices, ou ceux à qui les fupplices font principalement préparez; fa voir, les Démons. Il n'y en a pas un feul exemple dans P'Ecriture Sainte, ni dans les Auteurs profanes, qui nom ment ainfi le Dieu des morts, & fon empire qui comprend auffi bien le fejour de la felicité, comme les Payens l'entendoient, que le lieu des fupplices. eft certain que No

tre Seigneur s'eft fervi d'une phrase commune dans le V.T. ou fchahare fcheol, ou maveth fignifie les portes du sépulcre, ou de la mort, ce qui veut dire la mort même, ou l'etat des morts, quel qu'il foit. Voyez Pf. IX, 14. CVIII, 18. Efaïe XXXVIII, 10. Sapience XVI, 13. par où il eft vifible que fcheol, que l'on traduit fépulcre, & Hadès en Grec & maveth, c'est-à-dire, la mort, font des mots tout à fait fynonymes, dans cette expreffion, les portes du fepulcre ou de On a mieux aimé traduire ici Hadès par la mort, parce que l'expreffion eft plus claire, étant d'ailleurs indubitable que le fepulcre se prend ici métaphoriquement pour

la mort.

la mort.

Ne la furmonteront point] Karifchein fignifie proprement vaincre & vaincre par la force. Si l'on rapporte le pronom la à l'Eglife, Jefus-Chrift voudra dire que les frayeurs de la mort ne feront pas capables d'empêcher qu'il ne fe trouve toûjours des gens qui feront profeflion de croire en lui. Ce que l'évenement a confirmé, fur tout pendant les trois premiers fiecles; auxquels les Payens employerent fréquemment le dernier fupplice, contre l'Eglife Chrétienne; fans la pouvoir vaincre, ou eteindre le Chriftianifme dans l'Empire Romain. Mais fi l'on rapporte ce même pronom la à la pierre, fur laquelle l'Eglife a été bâtie, Jefus-Chrift pro mettra à S. Pierre en particulier la conftance, dont je viens de parler. Ce dernier fens paroît le plus naturel, parce qu'il s'agit ici de recompenfer la profeffion que S. Pierre venoit de faire, & non de prédire ce qui devoir arriver à PEglife en géneral. La fuite du difcours ne regarde auffi proprement que lai; quoi que Jefus-Chrift ne voulût pas exclurre les autres Apôtres des mêmes avantages, s'ils s'acquittoient des mêmes devoirs que lui.

19. Les clefs du royaume &c.] Les Clefs marquent l'adminiftration, parce que l'Intendant, ou le Maître d'Hotel d'une maison, eft chargé de fes clefs. Voyez Esaïe XXII,

20.

[ocr errors]

Ce que vous lierez] Ce mot peut fignifier déclarer défendu, comme celui de délier eft déclarer permis, felon le ftyle des Juifs, dont on a parié, fur le Chap. V, 17. En ce fens Jefus-Chrift promettroit à fes Apôtres le pouvoir d'inftruire les Chrétiens avec autorité, fur tous leurs devoirs. Mais on peut auffi prendre le mot de lier pour affliger d'une maladie, & celui de délier pour en guerir; auquel fens, Nôtre Seigneur promettra à fes Apotres le pouvoir d'affliger ou de guerir de maladies ceux qu'ils jugeroient à propos. Sur le mot de lier voyez Luc XIII, 16.. Il paroit par les exemples d'Ananias & de Saphire, du Magicien Elymas & de l'incef tueux de Corinthe, que S. Pierre & S. Paul fe font quelquefois fervis du pouvoir miraculeux de lier & de détier, pris en ce dernier fens.

Sera lié au Ciel] C'eft-à-dire, ou, Dieu approuvera vos décifions; ou, il punira ceux que vous fouhaiterez qui foient punis; & au contraire.

. 20. Il défendit à fes Difciples ] On a déja marqué en plufieurs endroits la raison de cette défenfe; c'eft qu'il étoit

dan

part

Depuis ce tems-là, Jefus commença à découvrir à fes Difciples, qu'il falloit qu'il s'en allât à Jerufalem, qu'il y fouffrit beaucoup, de la des Confeillers, des fouverains Sacrificateurs & des Scribes, qu'il y mourût, & qu'il reffuscitât le troisième jour. 22 Mais Pierre l'ayant embraffe, fe mit à le reprendre, en ces termes: Dieu vous foit propice, Seigneur; cela ne vous arrivera point. 23 Mais Jefus fe tournant dit à Pierre retirez vous de moi, mon ennemi; vous êtes propre à me faire tomber, parce que vous ne pensez pas aux chofes de Dieu, mais à celles des hommes.

25 Car

24 Alors Jefus dit à fes Difciples: fi quelcun veut venir après moi, qu'il renonce à foi-même, qu'il fe charge de fa croix & me suive. quiconque voudra fauver fa vie, la perdra; & quiconque aura perdu sa vie, à caufe de moi, la retrouvera. 26 Et que ferviroit à un homme de gagner tout le monde, & de perdre fa vie ? ou quel échange pourroit-il donner pour fa vie? 27 Car le fils de l'homme doit venir dans la gloire de fon Pere, avec fes Anges; & alors il rendra à chacun, felon fes actions. Je vous dis en verité, qu'il y en a quelques-uns de ceux, qui font ici,

28

dangereux que ceux qui avoient une fauffe idée du regne du Meffie ne priffent alors cette publication, pour un ordre aux Juifs de prendre les armes & de s'affembler auprès du Roi, fi long-tems attendu, pour fecouer le joug des Romains & des Tetrarques, qu'ils avoient établis fur une partie des Juifs; délivrance que l'on attendoit communément du Meffie. Cela auroit donné lieu d'accuser de fédition Jefus-Chrift & fes Apôtres.

. 21. Qu'il y fouffrit beaucoup ] Il étoit à propos d'inftruire dès lors les Apôtres de ces importantes veritez, de peur que fachant que Jefus étoit le Meffie, ils ne s'attendiffent à le voir dans l'éclat d'un Roi mondain. Cependant ils ne comprisent pas alors ces difcours de leur Maitre, comme il paroit par la fuite.

Des Confeillers] Des Anciens. C'eft ainfi qu'on nommoit les Confeillers qui compofoient le Grand Sanhedrin. Ce nom étoit bien tiré de l'âge, comme celui de Senateur, parmi les Romains; mais en cette occafion, c'eft un nom de dignité. On appelloit cette affemblée quelquefois presbutérion, comme Luc XXII, 66. A&t. XXII, s. quelquefois gerousia, 1. Macch. IV, 20. noms qui fignifient une affemblée de viellards, de même que celui de Senat, en Latin. On remarque la même chofe, en plufieurs autres Langues, où les Magiftrats font appellez de noms, qui fignifient un âge avancé parce qu'originairement il n'y avoit que des gens âgez, qui fuffent admis à ces emplois, quoi que dans la fuite on ne regardât plus à l'âge.

Des Scribes] Des Docteurs de la Loi. Voyez fur le Ch. II, 4. & Marc XIV, 25.

. 22. Dieu vous foit propice] Il y a ici une expreffion de fectueule, vous foit propice; qui veut dire, Dieu vous garde de cela. Voyez les LXX. Interpretes Gen. XLIII, 23. 2. Sam.

[blocks in formation]

qui

noit un confeil auffi mauvais, que s'il eût été le plus grand de fes ennemis.

Vous êtes propre à me faire tomber] Vous m'êtes fcandale. Voyez fur le Ch. XIII, 41.

Vous ne pensez pas &c.] Vous avez des penfées du regne du Meffie, telles que les hommes charnels les ont, & non pas l'idée que Dieu veut que l'on ea ait.

. 24. Qu'il renonce à foi-même ] C'est-à-dire, qu'il renonce à tous les defirs qu'il pourroit avoir, pour fe foumettre en tout aux loix de l'Evangile, quoi qu'elles puiffent exiger de lui. On aime naturellement les plaifirs & fes douceurs de la vie, & on tâche d'en jouir, autant que l'on peut; mais fi cette jouïffance se trouve incompatible avec les loix de Jesus-Chrift, il y faut renoncer. Dans le fonds, on ne renonce à foi-même, que pour ce qui regarde les douceurs de cette vie; puis que c'eft l'unique moyen de fe rendre heureux après la mort, pour toûjours.

Qu'il charge fa croix &c.] Voyez le Ch. X, 38, 39.

. 27. Dans la gloire &c.] Revêtu de la gloire qu'il aura reçue de Dieu fon Pere, accompagné d'Anges, environné d'une lumiere extraordinaire: comme Dieu fon Pere parut, fous le Vieux Teftament.

Selon fes actions] Selon fon action.

28. Quelques uns &c.] S. Pierre mourut avant la ruïne de Jerufalem, dont Notre Seigneur parle ici, étant more pour le plus tard la derniere année de Neron; mais S. Jean vêcut long-tems après, ayant vêcu jufqu'à l'empire de Trajan. On ne fait pas, quand les autres Apôtres font morts. Goûter la mort, eft la même chofe, que mourir. Goûter dans. l'Ecriture Sainte, fignifie fouvent éprouver. Voyez XXXIV, 9. Proverb. XXX, 17. Heb. II, 9.

Jusqu'à ce qu'ils ayent vu le Fils de l'homme &c.] Jefus, Chrift a réiteré cette même promeffe à S. Jean Ch. XXI, 22. de fon Evangile. Cette circonftance fait voir clairement que l'on doit chercher la venue de Nôtre Seigneur, dont il eft parlé ici, en ce qui eft arrivé pendant la vie de S. Jean. Il dit encore 1. que ce fera avec fes Anges: 2 que ce lea pour rendre à chacun, felon ses actions. On ne trouve rien 13

dans

qui ne goûteront point la mort, jusqu'à ce qu'ils ayent vu le fils de l'homme venir en fon regne.

dans cet espace de tems, à quoi ces deux autres circonftances puiffent quadrer, qu'à la ruine de Jerufalem. Cette terrible execution, contre les Juifs incredules, eft attribuée immediatement à Jefus-Chrift venant avec ses Anges; parce qu'ils y furent presens, d'une maniere invifible, à l'égard d'eux-mêmes, mais très-fenfible pour ce qui regarde les effets. L'Ecriture Sainte repréfente ordinairement Dieu environné d'Anges, & dit qu'il eft là où il fait quelque exe

[ocr errors]

cution extraordinaire. Voyez Jud, . 14. Il eft auffi vifible que ce n'a été que dans cet évenement, que Jefus-Chrift a rendu, dans cet espace de tems, à chacun des Juifs, felen leurs actions. Voyez fur le Chap. XXIV.

En fon regne] C'eft-à-dire, exercer une des plus confiderables fonctions de fon regne, à l'égard des Juifs. Voyez fur le Ch. II, 2. & Luc XIX, 15.

CHAPITRE XVII.

Ix jours après, Jefus prit avec lui Pierre, Jaques & Jean fon frere, & les mena à part fur une haute montagne. 2. Là il fut transfiguré, devant eux; fon vifage devint brillant, comme le Soleil, & fes habits éclattans comme la lumiere. 3 Enfuite ils virent paroître Moïse & Elie, qui s'entretinrent avec lui. 4 Alors Pierre prenant la parole dit à Jesus : Seigneur, il eft bon que nous foiyons ici; faifons y, fi vous voulez, trois cabinets de feuillage, un pour vous, un pour Moïfe, & un pour Elie. • Comme il parloit encore, une nuée lumineuse les couvrit ; & il fortit de cette nuée une voix, qui dit: celui-ci est mon Fils bien aimé, dans lequel j'ai mis mon affection, écoutez-le; & les Disciples l'ayant ouïe, tomberent fur leur vifage, & eurent extrêmement peur. 7 Jefus s'étant après cela aproché d'eux, les toucha, & leur dit : levez-vous & n'ayez point de peur; 8 & comme ils eurent levé les yeux, ils ne virent perfonne,

finon Jefus feul.

9 Enfuite en descendant de la montagne, Jefus leur fit ce commandement, en ces termes: Ne dites à perfonne ce que vous avez vû, jusqu'à

ce

1. Six jours] Voyez Luc IX, 28.

. 2. Transfigure} C'eft-à-dire, que fon vifage & fes habits changerent de couleur, & devinrent d'un éclat, auquel on ne voit rien de femblable fur la terre.

Eclatants] Blancs. Voyez Marc IX, 2. Luc IX, 29.

3. Moife & Elie ] Ou ils apprirent leurs noms, par les difcours qu'ils eurent avec Jefus-Chrift; ou Nôtre Seigneur les leur dit après. Moife avoit été reffufcité, mais Elie n'avoit pas eu befoin de cela, ayant été enlevé en corps dans le fejour de la gloire. Il femble qu'ils furent envoyez fur la terre, pour confirmer Nôtre Seigneur, dans les plus difficiles fonctions de fa charge, où il alloit bien tôt entrer; & pour affermir tout à fait les Apôtres, dans la créance où ils étoient, qu'il étoit veritablement le Meffic.

S'entretinrent avec lui] S. Luc marque le fujet de leur entretien Ch. IX, 21.

. Il eft bon &c.] Voyez fur Marc IX, 4, 5. Cabinets de feuillage ] C'est ce que fignific fouvent skeenee, témoin la skeenopegie, ou fêtes des tabernacles. Ce dernier mot fignifiant proprement une maison de bois, & ce

lui de rente marquant un couvert de cuir, ou de toile, que l'on tend avec des cordes; on a mieux aimé fuivre l'autre fignification, qui convient au tems & au lieu, Il ne manquoit pas de feuillage, fur cette montagne; mais les Apôtres n'y avoient rien de ce qu'il falloit, pour faire une tente, ou un tabernacle.

. Celui-ci &c.] Dieu fit connoître fon Fils aux trois Apôtres, qui étoient préfens, comme il l'avoit fait à S. Jean Baptifte, Ch. II, 17. Deux d'entre eux font nommez les colomnes de l'Eglife, Gal. II, 9.

Ecoutez-le] Croyez tout ce qu'il vous dira, & obeïssez à tous fes ordres. Voyez Deut. XVIII, 15.

. 9. Ce que vous avez vú ] La vifion; mais comme ce mot fe prend ordinairement pour une vifion prophetique, qui fe fait en exftafe, ou en fonge, où ce que l'on voit n'existe pas réellement; on a mieux aimé traduire ce que vous avez vù.

Jufqu'à ce que le Fils de l'homme &c.] On auroit pû douter de la verité de ce qu'ils auroient raconté, s'ils l'avoient dit d'abord après, parce qu'il n'y avoit jamais eu de sembla

ble

12

ce que le Fils de l'homme soit reffufcité d'entre les morts. 10 Mais fes Disciples lui firent cette demande : d'où vient donc que les Scribes difent, qu'il faut qu'Elie vienne auparavant? " & Jefus leur répondit: Elie devoit bien venir auparavant & rétablir toutes choses; auffi vous dis-je qu'Elie eft déja venu, & qu'ils ne l'ont pas reconnu, mais qu'ils l'ont traité, comme ils ont voulu. Ils feront fouffrir de même le Fils de l'homme. 13 Alors les Disciples comprirent que c'étoit de Jean le baptizeur, qu'il leur avoit dit cela.

16

14 Comme ils furent venus vers le peuple, un homme s'approcha de Jefus, fe jettant à fes pieds, " & difant: Seigneur, ayez pitié de mon fils, parce qu'il eft lunatique, & fouffre beaucoup de mal; car fouvent il tombe dans le feu & fouvent dans l'eau. Je l'ai présenté à vos Difciples, & ils n'ont pû le guerir. 17 Jefus lui répondit, en ces termes : ô race incredule & dépravée, jufques à quand ferai-je avec vous ? jufques à quand vous fouffrirai-je? apportez moi ici cet enfant. 18 Jesus cenfura enfuite le Démon, qui fortit, & l'enfant fut gueri depuis cette heure. "Alors les Difciples s'approchant en particulier de Jefus, lui dirent: pourquoi n'avons-nous pas pû chaffer ce Démon? 20 Jefus leur répondit: à cause de vôtre incredulité. Car je vous dis en verité que fi vous aviez comme un grain de moûtarde de foi, vous pourriez dire à cette montagne: tranfporte toi d'ici là; & elle s'y transporteroit, & rien ne vous se

roit

ble miracle; mais après avoir vû la réfurrection de JefusChrift, on n'avoit plus aucun fujet de douter du refte.

. 10. D'où vient donc &c.] Cette demande eft fondée, fur ce qu'Elie s'étoit retiré, après avoir paru, fans avoir fait autre chofe, que s'entretenir avec Jefus-Chrift; car les Juifs étoient perfuadez qu'Elie viendroit, avant la venue du Meffie, & difpoferoit leur nation à le recevoir, comme il paroît par la réponse de Jefus-Chrift.

. 11. Elie devoit bien venir ] Il y a érchetai, c'est-à-dire, vient; mais fouvent le préfent & l'imparfait fe confondent & fignifient, non ce qui fe fait, mais ce qui fe doit faire. Voyez Ch. II, 4.

Rétablir toutes chofes ] C'eft-à-dire, commencer à faire, parmi les Juifs, la grande révolution, qu'y devoit caufer la venue du Meffic. Ils ne faut pas étendre le mot de toutes chofes plus loin que ne s'étend le fujet dont il s'agit. Il paroit par Malach. IV, 6. d'où les Juifs avoient tiré ce qu'ils croyoient de la venue d'Elie, qu'il ne devoit faire autre chofe que reformer les Juifs, autant qu'il feroit en luï.

. 12. Elie eft déja venu] Voyez Luc 1, 16, 17. Ils Pont traite] Plufieurs l'avoient traité de demoniaque, Ch. XI, 18. & Herode l'avoit fait mourir.

Ils feront fouffrir de même] Quoi que la Prophetie de Malachie, touchant l'Elie, dont il eft parlé ici, ne paroiffe point être conditionnelle, à l'égard de l'effet que fa venue devoit produire; il eft néanmoins clair, par l'évenement, que fon effet dépendoit de la volonté des Juifs. Ainfi Jefus-Chrift en difant qu'il fera traité de même que lui, fait auffi comprendre, que fi fa venue ne produifoit pas, parmi les Juifs, l'effet qu'on en attendoit, ce ne feroit que par leur faute, & non que Dieu manquât à fes promesses.

. 13. Comprirent] II favoient fans doute ce que l'Ange avoit dit à Zacharie, Luc I, 16, 17.

. 15. Lunatique ] Il étoit malade tous les mois, ou toutes les lunes, quoi que ce fût par l'operation d'un Démon. Il fe peut faire qu'il y ait encore aujourd'hui bien des maladies incurables, que l'on attribue à des caufes na turelles & qui foient néanmoins l'effet de l'operation invifible des Démons.

. 17. O race incredule] Quoi que Jefus-Chrift reproche à fes Apôtres leur peu de foi, ces paroles fi vehementes ne s'adreffent pas à eux, mais en géneral aux Juifs incredu les, & aux parens du Lunatique en particulier; qui n'avoient pas cru que les Apôtres fuffent capables de guerir ce malade, ce qui avoit empêché qu'ils ne le gueriffent en effet. Celui qui faifoit le miracle, & celui en faveur de qui il étoit fait devoient avoir de la confiance en Dieu; quoi que la grande foi de l'un pût fuppléer au peu de foi de l'au

tre.

18. Cenfura] De ce qu'il n'étoit pas forti, à la fommation des Apôtres.

20. A cause de vôtre incredulité] Quoi que les Apôtres euffent gueri des malades & des Démoniaques, avant ce tems-ci, comme il paroît, par Marc XI, 12, 13. ils n'étoient pas entierement revenus de leurs doutes. Ainfi encore que les parens du malade fuffent coupables d'incredulite, comme on l'a vû, les Apôtres eux mêmes n'en étoient pas exempts.

Comme un grain de moutarde] Tant foit peu de foi; ce qu'il ne faut néanmoins pas entendre abfolument, comme files Apôtres en avoient été entierement deftituez; mais par rapport à leur emploi, & aux raifons de croire qu'ils.

avoient,

roit impoffible. 21 Mais cette forte de Démons ne fort, que par la priere & par le jeune. 22 Comme ils voyageoient dans la Galilée, Jefus leur dit : le Fils de l'homme fera livré entre les mains des hommes, 23 ils le feront mourir, mais au troifiéme jour il reffuscitera ; & ils en furent extremement affligez.

24 Lors qu'ils furent arrivez à Capernaum, ceux qui recevoient le tribut des deux drachmes, s'adrefferent à Pierre & lui dirent: vôtre maître ne paye-t-il pas les deux drachmes? 25 Il répondit qu'ouï, & quand il fut entré dans la maison, Jefus le prévint & lui dit : que vous semble Simon? Les Rois de la terre, de qui reçoivent-ils des tributs & des impôts? Eft-ce de leurs enfans, ou de ceux qui ne leur font point parens? 26 De ceux qui ne leur font point parens, répondit Pierre. Les enfans donc, dit Jefus, en font exempts. 27 Mais de peur que nous ne les fcandalizions, allez-vous-en à la mer, jettez votre hameçon, & le premier poiffon, qui s'y prendra, tirez-le, & lui ayant ouvert la gueule, vous y trouverez un ftatere. Prenez-le & le donnez à ces gens, pour vous & pour moi.

avoient , après avoir vu tant de preuves de la verité de la miffion de Jetus-Chrift.

Vous pourriez dire] Vous diriez. Voyez fur le Ch. V, 13. A cette montagne &c.] C'est une maniere de parler proverbiale, comme on le voit par 1. Cor. XIII, 2. pour dire que fi les Apôtres avoient eu un peu de foi (par rapport aux circonftances où ils fe trouvoient) ils auroient pu faire les miracles les plus furprenans, comme feroit celui de tranfporter une montagne. Mais il ne faut pas croire que le pouvoir de faire des miracles, que Jefus-Chrift leur avoit donné, s'étendît à faire des miracles inutiles & comme par oftentation. Auffi n'en firent-ils jamais, que pour la confirmation de l'Evangile, & lors qu'ils les jugerent néceffaires, comme on le voit par les Actes des Apôtres.

. 21. Cette forte de Demans] Envoyez dans des corps, pour punir quelque grand peché.

Par la priere &c.] Jefus-Chrift, qui avoit reçu tout ponvoir au Ciel & fur la Terre, n'employoit que le feul commandement; mais il vouloit que fes Apôtres, & peut-être encore ceux en faveur defquels ces miracles fe faifoient, priaflent & jeunaffent dans ces occafions extraordinaires; pour leur faire comprendre la grandeur du bienfait qu'ils recevoient de Dieu.

Le jeune ] Quoi que le jeune, confideré en foi-même, ne foit ni bon, ni mauvais ; il eft neanmoins utile, quand on veut fe difpofer à une priere extraordinaire, parce qu'affoibliffant le corps, il empêche de penser à bien des chofes, auxquelles on ne pense qu'après avoir mangé, il abat en quelque forte l'efprit, & le rend plus attentif à la priere, & plus foumis.

. 22. Ils voyageoient ] Anaftréphefthai, fignifie ici aller

CHA

de côté & d'autre, comme Jefus-Chrift le faifoit, pour répandre l'Evangile. De cette fignification eft née celle qui marque la conduite de la vie, & qui eft commune dans le

N. T.

Le Fils de l'homme &c.] Nôtre Seigneur commença à les defabufer de ce qu'ils croyoient du regne temporel du Meffie; mais ils ne comprirent prefque rien dans fes difcours, comme il paroît par les autres Evangelistes.

. 24. Le tribut des deux drachmes] Les didrachmes. C'é toit un tribut que les Juifs payoient volontairement, pour l'entretien du Temple & du fervice divin. Moïse avoit donné l'exemple de cette impofition, Exod. XXX, 13. ayant fait payer pour cet ufage un demi-ficle par tête, ce qui revient deux drachmes Attiques, c'est-à-dire, à un quart d'once d'argent fin. Jofeph fait mention de ce tribut Ant. Jud. XVIII, 12. Guer. Jud. Liv. VII. c. 27.

. 25. Qui ne leur font point parens ] Ici allótrios étant oppofé aux enfans, fignifie la même chose qu'alienus en Latin; c'eft-à-dire, d'une autre famille à laquelle on n'eft point al

lié.

. 26. Les enfans done &c.] Jesus-Chrift n'acheve pas fa comparaifon, parce que S. Pierre voyoit bien qu'il vouloit dire qu'il pourroit s'exempter lui & fes difciples de ce tribut, comme étant fils de celui auquel on le payoit.

#. 27. Scandalizions] Voyez fur le Chap. XV, 12. Un ftatere] Qui valoit quatre drachmes, ou un ficle. Jefus-Chrift favoit que ce poiffon trouvant cette monoye au fonds de l'eau effayeroit de l'avaler, dans le tems que S. Pierre pêcheroit en cet endroit, & que Dieu feroit en forte qu'il mordroit à l'hameçon.

« PrécédentContinuer »