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>> Partout ailleurs il serait déplacé. Mais cette vérité » leur échappe la poussière des vieux parchemins les » aveugle '. >>

La veille de sa mort: « Mon ami, disait-elle à son mé>> decin, je me jette entre les bras de la Providence : c'est >> le seul point d'appui invisible qui nòus soutienne. L’i» dée en est consolante. J'aime beaucoup la simplicité de >> ma religion, je la révère : je hais tout ce qui sent le fa>> natisme 2. >>

Quand on lui présenta son codicille à signer, sa main tremblait : « Ce serait dommage, dit-elle en souriant, de >> rester en si beau chemin. »

Le jour de sa mort, on ouvrit sa fenêtre. Le ciel était pur, l'air vif et frais. « Voilà, dit-elle, l'air et le climat » de la Suisse. J'y ai passé deux mois d'un bonheur sans » mélange... Son âme est si belle, et nos cœurs s'enten>> daient si bien ! »

Chaque instant l'approchait de sa fin. Son esprit n'avait rien perdu de ses forces. « Malgré mon état, disait» elle, j'ai besoin d'exprimer mes pensées. » Je m'étais un peu éloigné de son lit, ajoute son médecin, dont nous avons cité les paroles. Elle m'appela d'un son de voix plus élevé que de coutume. J'accourus : se reprochant alors cette espèce de vivacité : « Comme » on est impérieux, dit-elle, quand on n'a plus le » temps d'étre poli!» Un moment après elle n'était plus !

1 Relation de M. Maignes.

2 Relation de M. Maignes. Avant de subir une opération presque toujours funeste, madame Campan avait scrupuleusement rempli ses devoirs religieux.

Ses amis la virent expirer le 16 mars 1822. La gaieté qu'elle montra dans tout le cours de sa maladie n'offrait rien de contraint ni d'affecté. Son caractère avait naturellement de la force et de l'élévation. A l'approche de la mort, elle montra l'âme d'un sage, sans sortir un moment de son rôle de femme, sans renoncer aux espérances, aux consolations d'une chrétienne. Sa religion penchait vers l'indulgence et la douceur, comme il arrive à tous ceux dont la piété est encore plus de croyance et de sentiment que de pratique. Quoique ayant vécu long-temps dans le grand monde, elle ne méprisait pas trop l'espèce humaine. Les envieux n'avaient pu provoquer dans son coeur un sentiment de haine; l'ingratitude n'avait point lassé sa bienfaisance. Son crédit, son temps, ses démarches appartenaient à ses amis; sa bourse était ouverte à tous les malheureux.

Un sentiment profond, une constante étude, son attachement pour la reine, et ses travaux sur l'éducation, se sont partagé sa vie. Napoléon lui disait un jour : « Les anciens systèmes d'éducation ne valent rien ; que manque-t-il aux jeunes personnes pour être bien élevées en France? Des mères, lui répondit madame Campan. Le mot est juste, reprit Napoléon. Eh bien! madame, que les Français vous aient l'obligation d'avoir élevé des mères pour leurs enfans. » La réponse de madame Campan renferme l'idée principale de son système d'éducation. Tous les soins de la meilleure institutrice tendaient à mettre ses élèves en état d'être ellesmêmes un jour celles de leurs filles. Les instructions qu'elle lisait les dimanches aux jeunes personnes de Saint-Germain ; les petites anecdoctes qu'elle composait autant pour leur instruction que pour son amusement;

l'ouvrage qu'elle achevait au moment de sa mort, et qui contient le fruit de vingt années d'expérience, sont dirigés vers le même but . « Les femmes, disait-elle à ses amis, ont perdu l'empire que leur donnait jadis la galanterie chevaleresque ! Elles dédaigneraient aujourd'hui celui qu'elles obtinrent plus tard dans leur boudoir, ou sur le théâtre brillant de la cour. Ce n'est pas aux dépens

I Madame Campan a laissé des Nouvelles, et plusieurs comédies manuscrites, dont nous ne citerons que les titres : la Vieille de la cabane, Arabella ou la Pension anglaise, les deux Éducations, les Petits Comédiens ambulans, le Concert d'amateurs, etc. Toutes ont un but d'instruction pour la jeunesse. Elle achevait, à ses derniers momens, un ouvrage d'un ordre plus élevé, intitulé de l'Éducation des Femmes. Nulle ne pouvait mieux qu'elle remplir ce cadre intéressant. Je citerai les premiers mots de ce traité.

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« Mon ouvrage sera privé, dit-elle, de l'attrait des fictions presque toujours liées aux plans d'éducation, et la quantité de détails que

j'ai à mettre sous les yeux des lecteurs me cause quelque inquié>>tude. Je crains aussi de me laisser entraîner par mon penchant pour » ces êtres innocens et gracieux, dont une foule aimable m'entoura pendant tant d'années, et auxquels j'ai dû de si doux momens; quelquefois je doute si une certaine lenteur, triste et première in

»

» firmité de l'âge, n'allonge pas, malgré moi, mes discours; puis je » pense que je dédie mon ouvrage à mes anciennes élèves, devenues » mères de famille: je songe qu'en leur faisant hommage du fruit » d'une longue expérience, je leur parle de leurs plus chères affec tions, et je me rassure. »

Cet ouvrage pourra paraître aussitôt qu'on aura mis en ordre les différens morceaux qu'avait terminés madame Campan. On y joindra le théâtre.

Outre les Lettres de deux jeunes amies, madame Campan avait aussi publié les Conversations d'une mère avec ses filles. Ces dialogues ont été traduits en italien et en anglais. Madame Campan savait fort bien cette dernière langue; elle en avait donné des leçons à la reine, et conserva jusqu'à l'époque où sa maison fut incendiée, au 10 août, des thèmes écrits en anglais de la main de Marie-Antoinette.

des mœurs, mais sur les mœurs que doit être fondé leur nouvel empire. Leurs succès, moins bruyans, seront plus flatteurs et plus durables. Chaque jour ajoute à leur instruction sans nuire aux grâces légères, aux vertus modestes de leur sexe. Mais ce n'est point assez que leur beauté plaise, qu'on soit charmé de leur esprit : il faut que leurs qualités commandent l'estime ; il faut que leurs talens soient destinés à faire le charme de leur intérieur, et que le cercle de leurs obligations devienne aussi celui de leurs plaisirs. >>

Entourée des élèves pour qui son entretien était une récompense, qu'elle leur parlât des devoirs de leur sexe, ou des faits les plus intéressans de l'histoire, leur foule curieuse, attentive, se pressait à ses côtés, s'attachait à ses moindres paroles. Quelquefois son esprit judicieux et piquant faisait naître une leçon salutaire, du fond d'une historiette amusante. Souvent elle cherchait, dans les événemens du passé, des traits capables d'éclairer leur esprit et d'élever leur âme. J'en atteste ici toutes les élèves d'Écouen: combien de fois ne leur parla-t-elle pas de Louis IX, de Charles V, de Louis XII, d'Henri IV suret des vertus qu'eux et leurs successeurs avaient fait asseoir sur le trône! En arrivant aux temps les plus orageux de la révolution, madame Campan les entretenait des atteintes portées à la majesté royale, des descendans des rois vivant sur une terre étrangère, de Louis XVI et de ses infortunes, de la reine et des outrages dont on l'avait abreuvée. Ces récits attendrissaient leurs jeunes cœurs : en l'écoutant parler de la famille royale de France, les filles des guerriersde Napoléonapprenaient ce qu'on doit de respect aux malheurs, et de reconnaissance aux bienfaits.

tout,

Hors des murs du château d'Écouen, dans le village qui l'entoure, madame Campan avait loué une petite maison, où elle aimait à passer quelques heures, solitaire et recueillie. Là, libre de s'abandonner à ses souvenirs, la surintendante de la maison impériale redevenait pour un moment la première femme de chambre de Marie-Antoinette. Elle montrait avec émotion, au petit nombre de ceux qu'elle admettait dans cette retraite, une robe de simple mousseline qu'avait portée la reine, et qui provenait des présens faits par Tippo-Saëb. Une tasse dans laquelle Marie-Antoinette avait bu, une écritoire dont elle s'était servie long-temps, étaient d'un prix inestimable à ses yeux, et souvent on la surprenait assise et baignée de larmes, devant le tableau qui lui retraçait son image.

« Pardonne, ombre auguste, reine infortunée, par>> donne, dit-elle dans un fragment que je conserve » écrit de sa main : j'ai ton portrait près de moi au mo» ment où j'écris ces paroles. Mon imagination atten» drie y reporte à chaque instant mes regards; je cher» che à ranimer tes traits ; je voudrais y lire si je sers >> ta mémoire en traçant cet ouvrage. Cette tête si noble >> tombée sous le fer cruel des bourreaux, je ne puis la >> considérer sans que les pleurs, en remplissant mes yeux, >> suspendent mon entreprise. Oui, je dirai la vérité sans >> que ton ombre puisse en souffrir: la vérité doit servir >> celle que le mensonge avait si cruellement outragée ! »

Qu'ajouterais-je à ces éloquentes paroles? Madame Campan n'est plus; que ceux qui ont calomnié sa vie insultent encore à sa mémoire, ses écrits la défendront mieux que moi.

F. BARRIÈRE.

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