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Le roi n'aimait pas le caractère du duc de Chartres, et la reine le tint toujours éloigné de sa société particulière. C'est donc sans aucune espèce de probabilité que quelques écrivains ont attribué à des sentimens de jalousie ou d'amour-propre blessé, la haine qu'il a manifestée contre la reine dans les dernières années de leur existence.

Ce fut à ce premier voyage de Marly que parut à la cour le joaillier Boehmer dont l'ineptie et la cupidité amenèrent, dans la suite, l'événement qui porta l'atteinte la plus funeste au bonheur et à la gloire de Marie-Antoinette. Cet homme avait réuni, à grands frais, six diamans, en forme de poires, d'une grosseur prodigieuse; ils étaient parfaitement égaux, et de la plus belle eau. Ces boucles d'oreilles. avaient été destinées à la comtesse Du Barry, avant la mort de Louis XV.

Boehmer, recommandé par plusieurs personnes de la cour, vint présenter son écrin à la reine : il demandait quatre cent mille francs de cet objet; la jeune princesse ne put résister au désir de l'acheter; et le roi venant de porter à cent mille écus par an les fonds de la cassette de la reine, qui, sous le règne précédent, n'étaient que de deux cent mille lielle voulut faire cette acquisition sur ses économies, et ne point grever le trésor royal du paiement d'un objet de pure fantaisie: elle proposa à Boehmer de retirer les deux boutons qui formaient le haut des girandoles, pouvant les remplacer par deux de ses diamans. Il y consentit, et réduisit les girandoles à

vres,

trois cent soixante mille francs, dont le paiement fut réparti en différentes sommes et acquitté en quatre ou cinq années par la première femme de la reine chargée des fonds de sa cassette. Je n'ai omis aucuns détails sur cette première acquisition, les croyant très-propres à jeter un vrai jour sur l'événement trop fameux du collier, arrivé vers la fin du règne de Marie-Antoinette. Ce fut aussi à ce premier de Marly que voyage madame la duchesse de Chartres, depuis duchesse d'Orléans, introduisit dans l'intérieur de la reine mademoiselle Bertin, marchande de modes, devenue fameuse à cette époque par le changement total qu'elle introduisit dans la parure des dames françaises.

On peut dire que l'admission d'une marchande de modes chez la reine fut suivie de résultats fâcheux pour Sa Majesté. L'art de la marchande, reçue dans l'intérieur en dépit de l'usage qui en éloignait sans exception toutes les personnes de sa classe, lui facilitait les moyens de faire adopter, chaque jour, quelque mode nouvelle. La reine, jusqu'à ce moment n'avait développé qu'un goût fort simple pour sa toilette; elle commença à en faire une occupation principale; elle fut naturellement imitée par toutes les femmes.

On voulait à l'instant avoir la même parure que la reine, porter ces plumes, ces guirlandes auxquelles sa beauté, qui était alors dans tout son éclat, prêtait un charme infini. La dépense des jeunes dames fut extrêmement augmentée; les mères

et les maris en murmurèrent : quelques étourdies contractèrent des dettes; il y eut de fàcheuses scènes de famille, plusieurs ménages refroidis ou brouillés; et le bruit général fut que la reine ruinerait toutes les dames françaises.

que

Le costume changea successivement, et les coiffures parvinrent à un tel degré de hauteur, par l'échafaudage des gazes, des fleurs et des plumes, les femmes ne trouvaient plus de voitures assez élevées pour s'y placer, et qu'on leur voyait souvent pencher la tête ou la placer à la portière. D'autres prirent le parti de s'agenouiller pour ménager, d'une manière encore plus sûre, le ridicule édifice dont elles étaient surchargées 1. Des cari catures sans nombre exposées partout, et dont quelques-unes rappelaient malicieusement les traits de

'Si l'usage de ces plumes et de ces coiffures extravagantes se fût prolongé, disent très-sérieusement les Mémoires de cette époque, il aurait opéré une révolution dans l'architecture. On eût senti la nécessité de hausser les portes et le plafond des loges de spectacle, et surtout l'impériale des voitures. Le roi ne vit pas sans chagrin la reine adopter cette espèce de coiffure : elle n'était jamais si belle à ses yeux que de ses seuls agrémens. Un jour que Carlin jouait à la cour devant cette princesse, en habit d'arlequin, il avait mis à son chapeau, au lieu de la queue de lapin qui en est l'ornement obligé, une plume de paon d'une excessive longueur. Cette aigrette d'un nouveau genre, et qui s'embarrassait dans les décorations, lui donna lieu de hasarder cent lazzis. On voulait le punir: mais il passa pour certain qu'il n'avait point agi sans ordre.

TOM. 1.

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(Note de l'edit.)
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la souveraine, attaquèrent inutilement l'exagération de la mode; elle ne changea, comme cela arrive toujours, que par la seule influence de l'inconstance et du temps.

L'habillement de la princesse était un chef-d'œuvre d'étiquette; tout y était réglé. La dame d'honneur et la dame d'atours, toutes deux si elles s'y trouvaient ensemble, aidées de la première femme et de deux femmes ordinaires, faisaient le service principal; mais il y avait entre elles des distinctions 1. La dame d'atours passait le jupon, présentait la robe. La dame d'honneur versait l'eau pour laver les mains et passait la chemise. Lorsqu'une princesse de la famille royale se trouvait à l'habillement, la dame d'honneur lui cédait cette dernière fonction, mais ne la cédait pas directement aux princesses du sang; dans ce cas, la dame d'honneur remettait la chemise à la première femme qui la présentait à la

I La distinction entre le service d'honneur et le service ordinaire peut s'établir aisément. J'ai le droit de faire, dit avec arrogance le service d'honneur. C'est à vous à faire, c'est à vous à suivre, répond avec humeur le service ordinaire. Entre ces prétentions ridicules et contradictoires de gens qui ont le droit d'agir et qui n'agissent point, et de gens qui devraient agir et qui ne veulent pas, il pourrait arriver que les princes fussent fort mal servis. Madame Campan s'est, au reste, donné la peine de recueillir des détails sur le service ordinaire de la reine de France. On les trouvera au nombre des Éclaircissemens imprimés dans le même caractère que le texte [*].

(Note de l'edit.)

princesse du sang. Chacune de ces dames observait scrupuleusement ces usages comme tenant à des droits. Un jour d'hiver, il arriva que la reine, déjà toute déshabillée, était au moment de passer sa chemise; je la tenais toute dépliée; la dame d'honneur entre, se hâte d'ôter ses gants et prend la chemise. On gratte à la porte, on ouvre : c'est madame la duchesse d'Orléans; ses gants sont ôtés, elle s'avance pour prendre la chemise, mais la dame d'honneur ne doit pas la lui présenter; elle me la rend, je la donne à la princesse; on gratte de nouveau : c'est Madame, comtesse de Provence ; la duchesse d'Orléans lui présente la chemise. La reine tenait ses bras croisés sur sa poitrine et paraissait avoir froid. Madame voit son attitude pénible, se contente de jeter son mouchoir, garde ses gants, et, en passant la chemise, décoiffe la reine qui se met à rire pour déguiser son impatience, mais après avoir dit plusieurs fois entre ses dents : C'est odieux! quelle importunité!

Cette étiquette, gênante à la vérité, était calculée sur la dignité royale qui ne doit trouver que des serviteurs, à commencer même par les frères et les sœurs du monarque.

En parlant ici d'étiquette, je ne veux pas désigner cet ordre majestueux établi dans toutes les cours, pour les jours de cérémonies. Je parle de cette règle minutieuse qui poursuivait nos rois dans leur intérieur le plus secret, dans leurs heures de souffrances,

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