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tendait au rappel de M. le duc de Choiseul; les regrets qu'il avait laissés à la cour parmi ses nombreux amis, l'attachement d'une jeune princesse qui lui devait le trône de France, tout paraissait annoncer son retour la reine le demanda au roi avec les instances les plus vives, mais elle rencontra un obstacle invincible, et qu'elle n'avait pas prévu. Le roi avait, dit-on, puisé les plus fortes préventions contre ce ministre 1 dans des Mémoires secrets écrits par son père, avec l'injonction faite au duc de La Vauguyon de les lui remettre aussitôt qu'il serait en âge de s'occuper de l'art de régner 2. Ce fu

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plus grande faiblesse et le plus ardent amour pour la vie. C'est la seule femme qui ait pleuré sur l'échafaud, et demandé grâce. Sa beauté et ses larmes touchèrent le peuple; on hâta l'exécution. (Note de madame Campan.)

› Ces préventions ne portaient point sur le prétendu crime dont la calomnie avait accusé ce ministre; mais principalement sur la destruction des jésuites, à laquelle il avait eu en effet une part considérable. (Note de madame Campan.)

2 Il serait difficile de révoquer en doute l'existence de ces Mémoires, ou plutôt de ces instructions rédigées par le dauphin, pour servir de guide à ses enfans. Ce prince était entouré d'hommes dont il avait étudié le caractère, approuvé les principes, reconnu l'attachement : il paraît naturel qu'il les ait recommandés au choix de son successeur. Un écrivain prétend en avoir la liste. Nous la donnons avec les notes dont elle est accompagnée, et qu'on peut croire exactes si l'on en juge par la place que plusieurs des personnages qu'elles concernent obtinrent dans la confiance et dans la cour de Louis XVI. Voyez les Éclaircissemens sous la lettre (H). (Note de l'édit.)

rent ces Mémoires qui lui inspirèrent l'estime qu'il avait conçue pour le maréchal du Muy, et l'on peut ajouter que madame Adélaïde qui, dans ces premiers momens, influença beaucoup les décisions du jeune monarque, le soutenait dans les mêmes principes.

La reine s'entretint avec M. Campan du regret qu'elle avait de ne pouvoir contribuer à faire rappeler M. de Choiseul, et lui en confia les motifs. L'abbé de Vermond qui, jusqu'à l'époque de la mort de Louis XV, avait vécu avec M. Campan dans la plus étroite intimité, entra chez lui le second jour de l'arrivée de la cour à Choisy, et prenant un air sérieux et sévère : «Monsieur, lui dit-il, la reine eut >> hier l'indiscrétion de vous parler d'un ministre au» quel elle doit être attachée, et que ses amis dési» raient vivement de revoir auprès d'elle; vous savez » que nous devons renoncer à voir le duc à la cour; >> vous en connaissez les motifs; mais vous ignorez » que la jeune reine m'ayant fait l'aveu de cet entretien, j'ai dû, comme instituteur et comme ami, » lui faire les représentations les plus sévères sur le » tort qu'elle avait eu de vous communiquer les dé» tails qui sont à votre connaissance. Je viens en ce » moment vous annoncer que si vous continuez à profiter de la bienveillance de votre maîtresse » pour vous initier dans les secrets de l'État, vous >> aurez en moi l'ennemi le plus prononcé. La reine >> ne doit avoir ici que moi pour confident des choses

>>

» qui doivent être ignorées '. » M. Campan lui répondit qu'il n'enviait pas le rôle important et dangereux que s'attribuait l'abbé de Vermond dans la nouvelle cour; qu'il se bornerait aux fonctions de ses charges, assez satisfait des bontés constantes dont la reine l'honorait, pour. ne rien désirer de plus. Cependant il rendit compte, dès le soir même, à la reine, de l'injonction qu'il avait reçue. Elle lui avoua qu'elle avait parlé de sa conversation à l'abbé; qu'il l'avait en effet sérieusement grondée, pour lui faire sentir la nécessité du secret dans les affaires; et elle ajouta : « L'abbé ne peut vous aimer, mon cher » Campan; il ne s'attendait pas que je trouverais » dans mon intérieur, en arrivant en France, un >> homme qui me conviendrait aussi parfaitement » que vous 2. Je sais qu'il en a conçu de l'ombrage ;

' L'abbé de Vermond n'était pas blâmable d'empêcher la reine de parler d'affaires importantes à un des officiers de sa chambre; mais il l'était d'annoncer qu'il serait initié dans les secrets les plus intimes. (Note de madame Campan.)

2 L'abbé de Vermond, à la vérité, ignorait que la jeune princesse trouverait dans son intérieur un homme instruit, capable de l'intéresser par des récits piquans et spirituels sur la cour de Louis XV, sur celle du régent, et même sur celle de Louis XIV. L'abbé avait eu soin, à Vienne, de prévenir madame la dauphine contre M. Moreau, ancien avocat aux conseils et historiographe de France, que ses talens avaient fait choisir pour être son bibliothécaire. Le lendemain de l'arrivée de madame la dauphine à Versailles, madame la comtesse de Noailles lui demanda quels ordres elle avait à donner & M. Moreau, Elle

:

>> cela suffit je sais aussi que vous êtes incapable de » faire auprès de moi, pour le desservir, des ten>>tatives qui seraient d'ailleurs inutiles; je lui suis » trop anciennement attachée. Soyez, de votre côté, >> bien rassuré sur l'inimitié de l'abbé qui ne pourra >> vous nuire en aucune manière. Nous ne risquons » de faire des choses injustes que lorsque les per>> sonnes qui nous environnent ont l'art perfide de »> nous déguiser les motifs de haine ou d'ambition >> qui les font agir. » L'abbé de Vermond s'étant assuré dans l'intérieur de la reine le poste de confident unique, était cependant tremblant aussitôt qu'il apercevait le jeune monarque. Il ne pouvait ignorer qu'il était placé par le duc de Choiseul, et taxé de tenir aux encyclopédistes contre lesquels Louis XVI avait une secrète prévention, malgré l'ascendant qu'il leur

répondit que le seul ordre qu'elle eût à lui donner était de remettre la clef de sa bibliothèque à M. Campan qu'elle chargeait de ses fonctions; qu'il pouvait garder le titre qui lui avait été donné par le roi, mais qu'elle n'acceptait pas ses services. La dame d'honneur se récria beaucoup sur cette décision, et parla très-favorablement de l'esprit de M. Moreau; mais la princesse était si prévenue contre lui qu'elle insista pour que sa volonté fût exécutée, et ajouta qu'elle en parlerait au roi ; qu'elle savait que M. Moreau avait tant d'esprit qu'il l'avait double, et qu'elle ne voulait que des gens sûrs auprès d'elle. Jamais le bibliothécaire historiographe ne reparut chez la reine. Il est probable qu'on avait fait connaître à madame la dauphine les liaisons de M. Moreau avec le duc d'Aiguillon et quelques autres personnes du parti de ce ministre.

(Note de madame Campan.)

a laissé prendre sous son règne. L'abbé jugeait donc qu'il ne devait pas être agréable au roi. Il avait de plus observé que jamais, étant dauphin, ce prince ne lui avait dit une seule parole, et que très-souvent il ne lui avait répondu que par un haussement d'épaules. Il prit alors le parti d'écrire à Louis XVI, et lui manda qu'il devait son état à la cour uniquement à la confiance dont le feu roi l'avait honoré; et que les habitudes contractées pendant l'éducation de la reine, le plaçant sans cesse dans son intérieur le plus intime, il ne pouvait jouir de l'honneur de rester auprès de Sa Majesté sans en avoir obtenu le consentement du roi. Louis XVI lui renvoya sa lettre après y avoir écrit ces mots : Je consens à ce que l'abbé de Vermond continue ses fonctions auprès de la

reine.

Quoique Louis XVI, à l'époque de la mort de son aïeul, n'eût pas encore joui des droits d'époux, il commençait à être fort attaché à la reine. Les premiers temps d'un deuil si imposant ne permettant pas de prendre le délassement de la chasse, il lui proposa des promenades dans les jardins de Choisy: ils sortirent maritalement, le jeune monarque donnant le bras à la reine, accompagnés d'une suite peu nombreuse. L'influence de l'exemple sur l'esprit des courtisans produisit un si grand effet, qu'on eut le plaisir de voir, dès le lendemain, plusieurs époux très-anciennement désunis, et pour de bonnes raisons, se promener sur la terrasse avec cette même intimité conjugale. Ils passaient ainsi des heures en

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