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Leurs Majestés de vouloir bien quitter les cabinets intérieurs pour venir dans la chambre recevoir les princes et tous les grands officiers qui désiraient offrir leurs hommages à leurs nouveaux souverains. Appuyée sur son époux, un mouchoir sur les yeux, et dans l'attitude la plus touchante, Marie-Antoinette reçut ces premières visites; les voitures avancèrent; les gardes, les écuyers étaient à cheval. Le château resta désert; tout le monde s'empressait de fuir une contagion qu'aucun intérêt ne donnait plus le courage de braver.

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En sortant de la chambre de Louis XV, le duc de Villequier, premier gentilhomme de la chambre d'année, enjoignit à M. Andouillé, premier chirurgien du roi, d'ouvrir le corps et de l'embaumer. Le premier chirurgien devait nécessairement en mourir. « Je suis prêt, répliqua Andouillé, mais pendant que j'opérerai, vous tiendrez la tête votre charge vous l'ordonne. » Le duc s'en alla sans mot dire, et le corps ne fut ni ouvert ni embaumé. Quelques serviteurs subalternes et de pauvres ouvriers restèrent près de ces restes pestiférés; ils rendirent les derniers devoirs à leur maître; les chirurgiens prescrivirent de verser de l'esprit-de-vin dans le cercueil.

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La totalité de la cour partit à quatre heures pour Choisy Mesdames, tantes du roi, dans leur voiture particulière; les princesses en éducation, avec madame la comtesse de Marsan et leurs sous-gouvernantes; le roi, la reine, Monsieur, frère du roi,

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Madame, le comte et la comtesse d'Artois, réunis dans une même voiture. La scène imposante qui venait de se passer sous leurs yeux, les idées multipliées qu'offrait à leur imagination celle qui s'ouvrait les avaient naturellement portés vers pour eux, la douleur et la réflexion mais, du propre aveu de la reine, cette disposition, peu faite pour leur âge, cessa en entier vers la moitié de la route : un mot plaisamment estropié par madame la comtesse d'Artois fit éclater un rire général, et de ce moment les larmes furent essuyées. La circulation entre Choisy et Paris était immense : jamais on ne vit plus de mouvement dans une cour. Quelle sera l'influence de Mesdames tantes? de la reine? Quel sort réserve-t-on à la comtesse Du Barry? Quels ministres le jeune roi va-t-il choisir? Toutes ces questions furent décidées en peu de jours. Il fut arrêté que l'âge du roi exigeait qu'il eût près de lui une personne de confiance; qu'il y aurait un premier ministre, et les yeux se fixèrent sur MM. de Machault et de Maurepas, tous deux fort âgés : le premier, retiré dans sa terre auprès de Paris; le second, à Pontchartrain où il avait été très-anciennement exilé, La lettre pour rappeler M. de Machault était écrite, lorsque madame Adélaïde obtint la préférence de ce choix important en faveur de M. de Maurepas. On rappela le page qui était muni de la première lettre1.

Ce fait a été mis en doute; mais je puis assurer que Louis XVI s'adressa à M. Campan pour rappeler le page; qu'il le trouva 6

TOM. I.

Le duc d'Aiguillon avait eu trop ouvertement le titre d'ami particulier de la maîtresse du roi; il fut congédié. M. de Vergennes, alors ambassadeur de France à Stockholm, fut nommé ministre des affaires étrangères; le comte de Muy, intime ami du dauphin, père de Louis XVI, eut le département de la guerre. L'abbé Terray dit et écrivit en vain qu'il avait courageusement fait tout le mal possible aux créanciers de l'état, pendant le règne du feu roi; que l'ordre était rétabli dans les finances,

prêt à monter à cheval, le fit remonter pour rendre sa lettre au roi lui-même; et que la reine dit à ce sujet à mon beaupère: Si la lettre eût été partie, M. de Machault eût été premier ministre, car jamais le roi n'eût pris sur lui d'écrire une seconde lettre contraire à sa première volonté*. »

(Note de madame Campan.)

* S'il faut en croire un écrivain du temps, l'abbé de Radonvilliers ne fut point sans influence dans cette dernière détermination L'on peut voir (lettre G) les motifs secrets qui faisaient agir l'ancien précepteur du jeune monarque. Chamfort rapporte, au sujet de la nomination de M. le comte de Maurepas, l'anecdote suivante :

« C'est un fait connu que la lettre du roi envoyée à M. de Maurepas avait été écrite pour M. de Machault. On sait quel intérêt particulier fit changer cette disposition; mais, ce qu'on ne sait point, c'est que M. de Maurepas escamota, pour ainsi dire, la place qu'on croit lui avoir été offerte. Le roi ne voulait que causer avec lui. A la fin de la conversation, M. de Maurepas lui dit: Je développerai mes idées demain au conseil. On assure aussi que, dans cette même conversation, il avait dit au roi : Votre Majesté me fait donc premier ministre? Non, répliqua le roi, ce n'est point du tout mon intention. J'entends, dit M. de Maurepas; Votre Majesté veut que je lui apprenne à s'en passer. » (Note de l'édit.)

qu'il n'avait plus que du bien à faire, et que la nouvelle cour allait jouir des avantages de la partie régénératrice de son plan de finances : toutes ces raisons, développées dans cinq ou six mémoires qu'il fit successivement remettre au roi et à la reine, ne purent lui servir à conserver son poste. On convenait de ses talens; mais l'odieux que ses opérations avaient nécessairement attiré sur son caractère, et l'immoralité de sa conduite privée, ne permettaient point son plus long séjour à la cour: il fut remplacé par M. de Clugny. Le chancelier de

'Je trouve, dans un écrit du temps, au sujet de la nomination de M. de Clugny, une anecdote que je rapporterai sans vouloir en contester, mais aussi sans prétendre en garantir l'exactitude.

<< Les spéculateurs ont cru voir dans l'élévation de M. de Clugny un premier succès du parti qui cherche à faire rentrer M. de Choiseul dans le ministère. Il paraît cependant que ses efforts seront inutiles. M. de Maurepas, instruit de tout ce qui se passait, a concerté avec le roi un moyen de lui faire découvrir le fil de l'intrigue qui se tramait pour le subjuguer. Il est parti pour Pontchartrain, en prévenant le monarque de toutes les démarches qui auraient lieu dans ce point de vue pendant son absence. Deux fois par jour, le mentor a reçu un courrier de son maître qui l'instruisait de tout ce qui se faisait et disait à cette intention. Le roi lui marqua même un jour qu'on lui avait apporté une gazette anglaise où l'on disait que, si le duc de Choiseul était nommé premier ministre, comme il y avait apparence, la France deviendrait plus puissante à elle seule que toutes les puissances de l'Europe. Le jour du retour de M. de Maurepas, le roi dit en pleine cour: J'apprends que M. de

Maupeou fut exilé; la joie en fut universelle; ensuite le rappel des parlemens produisit la plus grande sensation Paris était dans l'ivresse de la joie, et l'on rencontrait tout au plus une personne sur cent qui prévît que l'esprit de l'ancienne magistrature serait toujours le même, et qu'avant peu elle oserait porter de nouvelles atteintes à l'autorité royale. Madame Du Barry avait été exilée aux Ponts-aux-Dames. Cette mesure était plus de nécessité que de rigueur: quelque temps de retraite forcée était indispensable pour lui faire perdre le fil des affaires.

On lui conserva la possession de Lucienne et une pension considérable 1. Tout le monde s'at

Choiseul est à Paris; que n'est-il à Chanteloup? Quand on a le bonheur d'avoir une terre, c'est la saison d'y être. Tous les amis du duc sont restés muets, et le lendemain il a quitté Paris. » (Correspondance secrète de la cour, t. III, p. 10.)

(Note de l'édit.)

La comtesse Du Barry ne perdit jamais le souvenir du traitement indulgent qu'elle avait éprouvé à la cour de Louis XVI; elle fit dire à la reine, pendant les crises les plus fortes de la révolution, qu'il n'y avait point en France de femme plus pénétrée de douleur qu'elle ne l'était, pour tout ce que sa souveraine avait à souffrir; que l'honneur qu'elle avait eu de vivre plusieurs années rapprochée du trône, et les bontés infinies du roi et de la reine, l'avaient si sincèrement attachée à la cause de la royauté, qu'elle suppliait la reine de lui accorder l'honorable faveur de disposer de tout ce qu'elle possédait. Sans rien accepter de ses offres, Leurs Majestés furent touchées de sa reconnaissance. La comtesse Du Barry fut, comme on le sait, une des victimes de la révolution. Elle montra la

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