Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

et on s'expliqua assez haut et très-défavorablement sur celle que l'impératrice Marie-Thérèse avait fait donner à ses filles. L'abbé de Vermond se crut offensé, prit part dans cette querelle, et unit ses plaintes et ses plaisanteries à celles de madame la dauphine sur les critiques de la gouvernante, et s'en permit même à son tour quelques-unes sur l'instruction de madame Clotilde. Tout se sait dans une cour. Madame de Marsan fut à son tour instruite de ce qui s'était dit chez la dauphine, et lui en sut trèsmauvais gré. A partir de ce moment, il s'établit un foyer d'intrigues, ou plutôt de commérage, contre Marie-Antoinette, dans la société de madame de

Versailles le 3 mai 1764. « Madame Élisabeth, dit M. de La Salle, auteur d'un article biographique sur cette intéressante et malheureuse princesse, n'avait pas reçu de la nature, comme madame Clotilde, son auguste sœur, cette douceur et cette flexibilité de caractère qui rendent les vertus faciles; elle annonçait plus d'un trait de ressemblance morale avec le duc de Bourgogne, l'élève de Fénélon. L'éducation et la piété agirent sur elle comme sur ce prince : les leçons, les exemples dont on l'entoura, l'ornèrent de toutes les qualités, de toutes les vertus, et ne lui laissèrent de ses premiers penchans qu'une aimable sensibilité, de vives impressions, une fermeté qui semblait faite pour les malheurs terribles auxquels le ciel la réservait. »

Nous aurons plus d'une fois occasion, dans le cours de ces Mémoires et dans l'ensemble de cette Collection, de remarquer sa constante amitié, sa touchante résignation, son dévouement sublime, ou son angélique douceur, jusqu'au moment où elle montra le courage héroïque et calme du martyre.

TOM. I.

(Note de l'édit.)

5

Marsan; ses moindres actions y étaient mal interprétées; on lui faisait un crime de sa gaieté et des jeux innocens qu'elle se permettait quelquefois dans son intérieur avee les plus jeunes de ses dames, et même avec des femmes de son service. Le prince Louis de Rohan, placé à l'ambassade de Vienne par cette société, y fut l'écho de ces injustes critiques et se jeta dans une série de coupables délations qu'il colorait du nom de zèle. Il représentait sans cesse la jeune dauphine comme s'aliénant tous les cœurs par des légèretés qui ne pouvaient convenir à la dignité de la cour de France. Cette princesse recevait souvent de Vienne des remontrances dont la source ne pouvait lui demeurer long-temps cachée, et c'est à cette époque qu'il faut rapporter l'éloignement qu'elle n'a jamais cessé de témoigner au prince de Rohan.

Vers le même temps, la dauphine eut connaissance d'une lettre écrite par le prince Louis à M. le duc d'Aiguillon, dans laquelle cet ambassadeur s'exprimait en termes peu mesurés sur l'attitude de Marie-Thérèse relativement au partage de la Pologne. Cette lettre du prince Louis avait été lue chez la comtesse Du Barry'; la légèreté de la correspondance de l'ambassadeur blessait à Versailles la sensibilité et la dignité de la dauphine, tandis qu'à Vienne les rapports qu'il faisait à MarieThérèse contre la jeune princesse finirent par

1

Voyez les détails piquans relatifs à cette anecdote dans les Mémoires de Weber, tom. Ier., pag. 304.

lui rendre suspects les motifs de ces interminables plaintes.

Marie-Thérèse, partageant enfin les même soupçons, prit le parti d'envoyer à Versailles son secrétaire du cabinet, le baron de Neni, qui devait examiner avec attention la conduite de madame la dauphine, et acquérir la mesure juste de l'opinion de la cour et de Paris sur le compte de cette princesse. Le baron de Neni, après y avoir mis le temps et la sagacité convenables, dėtrompa sa souveraine sur les exagérations de l'ambassadeur français; l'impératrice n'eut pas de peine à remarquer, dans les calomnies qu'on avait osé lui faire parvenir, à titre d'intérêt pour son auguste fille, la preuve de l'inimitié d'un parti qui n'avait jamais approuvé l'alliance de la maison de Bourbon avec la sienne 1. A cette époque, madame la dauphine

'L'impératrice Marie-Thérèse connaissait fort bien les personnages de la cour de Louis XV qui pouvaient être favorables ou contraires à Marie-Antoinette. On prétend qu'au moment du départ de cette princesse pour la France, l'impératrice lui remit la note suivante écrite de sa main.

« Liste des gens de ma connaissance.

>> Les duc et duchesse de Choiseul;

>> Les duc et duchesse de Praslin ;

>> Hautefort;

>> Les Du Châtelet;

>> D'Estrée ;

» D'Aubeterre ;

n'ayant encore obtenu aucun pouvoir sur le cœur de son époux, craignant Louis XV, se défiant avec raison de tout ce qui tenait à madame Du Barry et au duc d'Aiguillon, n'avait pas mérité le moindre reproche sur ce genre de légèreté que la haine et ses malheurs ont, par la suite, transformés en crime. Convaincue de l'innocence de Marie-Antoi→ nette, l'impératrice donna l'ordre au baron de Neni de solliciter le rappel de M. le prince de Rohan,

» Le comte de Broglie;

» Les frères de Montazet.

» M. d'Aumont;

>> M. Gérard;

» M. Blondel;

» La Beauvau, religieuse;

» Sa compagne ;

>> Les Durfort. C'est à cette famille que vous marquerez en toute occasion votre reconnaissance et attention.

pour

>> De même l'abbé de Vermond: le sort de ces personnes m'est à cœur. Mon ambassadeur est chargé d'en avoir soin. Je serais fâchée d'être la première à sortir de mes principes qui sont de ne recommander personne; mais vous et moi devons trop à ces personnes pour ne pas chercher en toutes les occasions à leur être utile, si nous pouvons le faire sans trop d'impegno.

>> Consultez-vous avec Mercy, Je recommande en général tous les Lorrains dans ce que vous pourrez leur être utile *. »

L'existence de cette liste n'a rien d'impossible. Ce qui pourrait la rendre encore plus vraisemblable, c'est un fait curieux

* On trouvera dans les éclaircissemens (lettre D) quelques détails relatifs à cette liste.

et d'instruire le ministre des affaires étrangères de tous les motifs qui le faisaient désirer; mais la maison de Rohan se mit entre son protégé et l'envoyé autrichien, et l'on ne répondit que d'une manière évasive.

Ce ne fut que deux mois après la mort de Louis XV que la cour de Vienne obtint son rappel. Les griefs positivement énoncés furent: 1°. les galanteries publiques du prince Louis avec des fem

rapporté par l'abbé Georgel dans ses Mémoires; mais il ne faut pas perdre de vue, en lisant ce passage, que cet abbé, malgré son apparente modération, est un des plus dangereux ennemis de Marie-Antoinette. Nous en prévenons le lecteur.

Georgel, secrétaire de l'ambassade de France en Autriche, tenait d'un mystérieux inconnu, comme on l'a pu voir en lisant la note (B), les secrets les plus importans de la cour de Vienne.

« L'homme masqué me remit un jour, dit-il, deux instructions secrètes envoyées au comte de Mercy pour les remettre lui-même à la reine, la première ostensible au roi, la seconde pour la reine seule. Cette dernière contenait des conseils sur le mode à prendre pour suppléer à l'inexpérience du roi, et profiter de la facilité de son caractère pour influer dans le gouvernement sans avoir l'air de s'en mêler. Cette leçon politique était donnée avec beaucoup d'art à Marie-Antoinette : on lui faisait sentir que c'était la voie la plus sûre pour se faire adorer des Français dont elle pourrait par-là faire le bonheur, et en même temps resserrer les liens qui unissaient les deux maisons d'Autriche et de Bourbon. »

On voit ce que Georgel veut faire entendre; et si la cour de Vienne est habile dans ses leçons, l'abbé l'est aussi dans sa haine. (Note de l'edit.)

« ZurückWeiter »