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le portrait de Marie-Antoinette dans le cœur d'une rose épanouie.

Le roi ne parlait que de la dauphine, et madame Du Barry s'efforçait aigrement de faire tomber son enthousiasme. En s'occupant de Marie-Antoinette, elle faisait remarquer à tout propos l'irrégularité de ses traits; elle critiquait les mots qu'on citait d'elle; elle raillait le roi sur sa prédilection. Madame Du Barry était offensée de ne point obtenir de la dauphine les attentions auxquelles elle prétendait ; elle ne cachait point au roi ce grief; elle craignait aussi que les grâces et la gaieté de la jeune princesse ne rendissent l'intérieur de la famille royale plus agréable au vieux souverain, et qu'il ne lui échappåt. Mais la haine contre le parti de Choiseul contribuait puissamment à exciter l'inimitié de cette favorite.

On sait que sa honteuse élévation était l'ouvrage du parti anti-Choiseul. La chute de ce ministre eut lieu en novembre 1770, six mois après que sa longue influence dans le conseil eut amené l'alliance avec la maison d'Autriche, et l'arrivée de MarieAntoinette à la cour de France. Cette princesse, jeune, franche, légère, inexpérimentée, se trouva sans autre guide que l'abbé de Vermond, dans une cour où régnait l'ennemi du ministre qui l'y avait appelée, au milieu de gens qui haïssaient l'Autriche et qui détestaient toute alliance avec la maison impériale.

Le duc d'Aiguillon, le duc de La Vauguyon, le maréchal de Richelieu, les Rohan, et beaucoup

d'autres familles considérables, qui s'étaient servies de madame Du Barry pour faire tomber le duc, n'avaient pu, malgré leurs puissantes intrigues penser à faire rompre une alliance solennellement annoncée, et qui touchait à de grands intérêts politiques. Sans renoncer à leurs projets, ils changèrent donc de marche ; et l'on verra plus bas comment la conduite du dauphin servit de base à leurs espérances.

Madame la dauphine ne cessait de donner des preuves d'esprit et de sensibilité : quelquefois même elle se laissait entraîner à ces élans de bonté compatissante, qui ne sont arrêtés ni par le rang, ni par les usages qu'il établit.

Lors de l'événement du feu de la place Louis XV, à l'occasion des fêtes du mariage, le dauphin et la dauphine envoyèrent l'année entière de leurs revenus, pour soulager les familles infortunées qui avaient perdu leurs parens dans cette journée dé

sastreuse.

Cet acte de générosité rentre dans le nombre de ces secours d'éclat qui sont dictés par la politique des princes, au moins autant que par leur compassion; mais la douleur de Marie-Antoinette fut profonde et dura plusieurs jours; rien ne pouvait la consoler de la perte de tant d'innocentes victimes; elle en parlait en pleurant, à ses dames, lorsqu'une d'elles, cherchant sans doute à la distraire, lui dit qu'un grand nombre de filous avaient été trouvés parmi les cadavres, que leurs poches étaient remplies de

montres et d'autres bijoux. «Ils ont été au moins >> bien punis, ajouta la personne qui racontait ces » détails. Oh! non, non, Madame, reprit la

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dauphine, ils sont morts à côté d'honnêtes gens.» En passant par Reims, à son arrivée de Strasbourg: «Voilà, dit-elle, la ville de France que je » désire revoir le plus tard possible. »

La dauphine avait apporté de Vienne une grande quantité de diamans blancs; le roi y ajouta le don des diamans et des perles de la feue dauphine, et il lui remit aussi un collier de perles d'un seul rang dont la plus petite avait la grosseur d'une aveline, et qui, apporté en France par Anne d'Autriche, avait été substitué, par cette princesse, aux reines et dauphines de France .

Les trois princesses, filles de Louis XV, se réunirent pour lui offrir de magnifiques présens. Madame Adélaïde donna en même temps à la jeune princesse une clef des corridors particuliers du château, par lesquels, sans aucune suite, et sans être aperçue, elle pourrait parvenir jusqu'à l'appartement de ses tantes, et les voir en particulier. La dauphine leur dit, avec infiniment de grâce, en prenant cette clef, que pour lui faire apprécier

'Je cite particulièrement ce collier, parce que la reine crut devoir, malgré cette substitution, le remettre aux commissaires de l'assemblée nationale, quand ils vinrent dépouiller le roi et la reine des diamans de la couronne.

(Note de madame Campan. }

toutes les choses superbes qu'elles voulaient bien lui donner, il n'eût pas fallu, en même temps, lui en offrir une d'un prix inestimable, puisqu'elle devrait à cette clef une intimité et des conseils si précieux pour son âge. Elle s'en servit en effet bien souvent; mais madame Victoire seule l'autorisait, tant qu'elle fut dauphine, à rester familièrement chez elle; madame Adélaïde ne pouvait vaincre ses préventions contre les princesses autrichiennes, et était ennuyée de la gaieté un peu pétulante de la dauphine; madame Victoire s'en affligeait, et sentait que leur société et leurs avis eussent été bien utiles à une jeune personne exposée à ne rencontrer que des complaisans ou des flatteurs. Elle chercha même à lui faire trouver de l'agrément dans la société de madame la marquise de Durfort, sa dame d'honneur et sa favorite. On donna plusieurs fêtes agréables chez cette dame : la comtesse de Noailles et l'abbé de Vermond s'opposèrent bientôt à ces

réunions.

L'événement arrivé à la chasse, près du village d'Achères, dans la forêt de Fontainebleau, donna à la jeune princesse l'occasion de développer son respect pour la vieillesse et sa sensibilité pour l'infortune. Un paysan très-âgé est blessé par le cerf; la dauphine s'élance hors de sa calèche, y fait placer le paysan avec sa femme et ses enfans, fait reconduire Ja famille jusqu'à sa chaumière, et la comble de tous les soins et de tous les secours nécessaires. Son cœur était toujours prêt à éprouver les émotions de la

compassion; et dans ces circonstances, l'idée de son rang n'arrêtait jamais les effets de sa sensibilité. Plusieurs personnes de son service entraient un soir dans sa chambre, croyant n'y trouver que l'officier de garde 1; elles aperçoivent la jeune princesse assise à côté de cet homme déjà avancé en âge; elle avait placé auprès de lui une jatte pleine d'eau, étanchait le sang qui sortait d'une blessure qu'il avait à la main, après avoir déchiré son mouchoir pour lui faire des compresses, et remplissait enfin auprès de lui toutes les fonctions d'une pieuse fille de la charité. Le vieillard, attendri jusqu'aux larmes, laissait par respect agir son auguste maîtresse. Il s'était blessé en voulant avancer un meuble un peu lourd que la princesse lui avait demandé.

Au mois de juillet 1770, un événement fàcheux, arrivé dans une famille que la dauphine honorait de ses bontés, contribua à montrer encore non-seulement sa sensibilité, mais la justesse de ses idées. Une de ses femmes avait un fils officier dans les gendarmes de la garde; ce jeune homme se crut offensé par un commis de la guerre ; un cartel en forme fut imprudemment envoyé : il tua son adversaire dans la forêt de Compiègne ; la famille du jeune homme tué, munie du cartel, demanda justice. Le roi, affligé de plusieurs duels qui venaient d'avoir lieu, avait malheureusement prononcé qu'il n'accorderait point de grâce

1 On appelait officiers de l'intérieur les valets de chambre et (Note de madame Campan.)

les huissiers.

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