Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

très-loin l'idée des prérogatives du rang. Un de ses chapelains eut le malheur de dire Dominus vobiscum d'un air trop aisé : la princesse l'apostropha rudement après la messe pour lui dire de se souvenir qu'il n'était pas évêque, et de ne plus s'aviser d'officier en prélat.

Mesdames vivaient entièrement séparées du roi. Depuis la mort de madame de Pompadour, le roi vivait seul. Les ennemis du duc de Choiseul ne savaient donc dans quel salon, ni par quelle voie ils pourraient préparer et amener la chute dé l'homme qui les importunait. Le roi n'avait de relations qu'avec des femmes d'une classe si vile, qu'on ne pouvait s'en servir pour une intrigue de longue suite; d'ailleurs, le Parc-aux-Cerfs était un sérail dont les beautés se renouvelaient souvent : on voulut donner au roi une maîtresse qui pût avoir un cercle, et dans le salon de qui on pût triompher, par la puissance des insinuations journalières, de l'ancien attachement du roi pour le duc de Choiseul. Il est vrai qu'on choisit madame Du Barry dans une classe bien vile. Son origine, son éducation, ses habitudes, tout portait en elle un caractère vulgaire et honteux; mais on la fit épouser à un homme qui datait de 1400, et on crut sauver le scandale. Ce fut le vainqueur de Mahon qui conduisit

On trouvera, dans le volume qui contient les anecdotes el souvenirs, des détails sur le Parc-aux-Cerfs.

(Note de l'édit.)

une aussi sale intrigue. Cette maîtresse avait été très-habilement choisie pour égayer les dernières années d'un homme importuné des grandeurs, ennuyé des plaisirs, rassasié de volupté. L'esprit, les talens, les grâces de la marquise de Pompadour, sa beauté régulière, et jusqu'à son amour pour le roi, n'auraient plus eu d'empire sur cet être usé,

Il lui fallait une Roxelane d'une gaieté familière, sans respect pour la dignité du souverain. Madame Du Barry porta l'oubli des convenances jusqu'à vouloir un jour assister au conseil d'état : le roi eut la faiblesse d'y consentir; elle y resta ridiculement perchée sur le bras de son fauteuil, et y fit toutes les petites singeries enfantines qui doivent plaire aux vieux sultans2. Une autre fois elle saisit dans les mains du roi

:

Il semblait qu'on eût, à cette époque, perdu presque tout sentiment de dignité. « Peu de seigneurs de la cour de France, dit un écrivain du temps, se préservèrent de la corruption générale M. le maréchal de Brissac était un de ces derniers. On le plaisantait sur la rigidité de ses principes d'honneur et de probité; on trouvait étrange qu'il se fâchât parce qu'on le croyait, comme tant d'autres, exposé aux disgrâces de l'hymen. Louis XV, qui était présent, et qui riait de sa colère, lui dit : « Allons, M. de Brissac, ne vous fâchez point, c'est un petit >> malheur, bon ayez courage. Sire, répondit, M. de Brissac, >> j'ai toutes les espèces de courage, excepté celui de la honte. » (Note de l'édit.)

[ocr errors]

2 Pour éviter d'inutiles répétitions, nous renvoyons le lecteur aux Mémoires du général Dumouriez, qui contiennent, tom. I., p. 142, de curieux détails sur madame Du Barry. (Note de l'édit.)

1

tout un paquet de lettres encore cachetées, parmi lesquelles elle en avait reconnu une du comte de Broglie; elle dit au roi qu'elle savait que ce vilain Broglie lui disait du mal d'elle, et qu'au moins elle s'assurerait que cette fois il ne lirait rien d'écrit sur son compte. Le roi voulut se saisir du paquet, elle résista, lui fit faire deux ou trois fois le tour de la table qui était au milieu de la salle du conseil, puis en passant devant la cheminée elle y jeta les lettres qui furent consumées. Le roi devint furieux ; il saisit son audacieuse maîtresse par le bras et la mit à la porte sans lui parler. Madame Du Barry se crut disgraciée; elle rentra chez elle, et resta seule pendant deux heures livrée à la plus grande inquiétude. Le roi vint la trouver; la comtesse, en larmes, se précipita à ses pieds, et il lui pardonna.

La maréchale de Beauvau, la duchesse de Choiseul et la duchesse de Grammont, avaient renoncé à l'honneur de la société intime du roi, plutôt que de s'y trouver avec madame Du Barry. Mais quelques années après la mort de Louis XV, la maréchale étant seule au Val avec mademoiselle de Dillon, vit la calèche de la comtesse s'abriter dans la forêt de Saint-Germain pendant un violent orage. Elle lui fit offrir d'entrer, et ce fut la comtesse qui raconta ces détails que je tiens de la maréchale de Beauvau'.

'Chamfort raconte, avec des circonstances différentes, la visite de madame Du Barry au Val.

« Madame Du Barry, dit-il, étant à Vincennes, eut la cu

Le comte Du Bar y, surnommé le roué, et mademoiselle Du Barry, conseillaient ou plutôt sifflaient madame Du Barry, d'après les plans du parti du maréchal de Richelieu et du duc d'Aiguillon. Quelquefois même ils la faisaient agir dans un sens utile à de grands mouvemens politiques. Sous prétexte que le page, qui accompagna Charles I. dans la fuite de ce monarque, était un Du Barry ou Barrymore, on fit acheter, à Londres, à la comtesse Du Barry, le beau portrait que nous avons à présent dans le Muséum. Elle fit placer le tableau dans son salon, et quand elle voyait le roi incertain sur la mesure violente qu'il avait à prendre pour casser son parlement, et former celui qu'on appela le parlement Maupeou, elle lui disait de re

riosité de voir le Val, maison de M. de Beauvau. Elle fit de mander à celui-ci si cela ne déplairait pas à madame de Beauvau. Madame de Beauvau crut plaisant de s'y trouver et d'en faire les honneurs. On parla de ce qui s'était passé sous Louis XV. Madame Du Barry se plaignit de différentes choses qui semblaient faire voir qu'on haïssait sa personne. Point du tout, dit madame de Beauvau, nous n'en voulions qu'à votre place. Après cet aveu naïf, on demanda à madame Du Barry si Louis XV ne disait pas beaucoup de mal d'elle (madame de Beauvau) et de madame de Grammont : «Oh! beaucoup. Eh bien, quel mal de moi, par exemple?

De vous, madame?

que vous étiez hautaine, intrigante; que vous meniez votre mari par le nez. » M. de Beauvau était présent: on se hâta de changer de conversation. »

TOM. I.

(Note de l'édit.)
3

garder le portrait d'un roi qui avait fléchi devant son parlement.

Les ambitieux, qui travaillaient à renverser le duc de Choiseul, se fortifièrent par leur réunion chez la favorite, et vinrent à bout de leur projet. Les dévots, qui ne pardonnaient pas à ce ministre la destruction des jésuites, et qui avaient toujours été opposés au traité d'alliance avec l'Autriche, influençaient l'esprit de Mesdames. Le duc de La Vauguyon, gouverneur du jeune Dauphin, lui inspirait les mêmes préventions.

Telle était la disposition des esprits, lorsque la jeune archiduchesse Marie-Antoinette arriva dans la cour de Versailles, au moment où le parti qui l'y amenait était prêt d'être renversé 1.

Madame Adélaïde avouait hautement son éloignement pour une princesse de la maison d'Autriche; et lorsque M. Campan fut prendre ses ordres, au moment de partir avec la maison de la

1

1 Voyez dans les Éclaircissemens historiques, sous la lettre (A), un morceau qui fait connaître la force, les moyens, les pro jets, les espérances de deux partis qui divisaient, à cette époque, la cour de Louis XV.

Ces Éclaircissemens et Pièces historiques se partagent en deux classes. Ceux que madame Campan avait pris elle-même le soin de recueillir ou de rédiger seront imprimés dans le caractère des Mémoires dont ils sont inséparables, et désignés par des astérisques. Des lettres capitales indiqueront les documens que l'éditeur a cru devoir rassembler.

(Note de l'édit.)

« ZurückWeiter »