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fut indiqué. Le roi n'en fut instruit que le matin même, et signa une lettre de cachet qui défendait cette représentation. Lorsque le courrier qui portait cet ordre arriva, une partie de la salle était déjà garnie de spectateurs, et les rues qui aboutissaient à l'hôtel des Menus - Plaisirs étaient remplies de voitures; la pièce ne fut point jouée. Cette défense du roi parut une atteinte à la liberté publique.

Toutes les espérances déçues excitèrent le mécontentement à tel point que les mots d'oppression, de tyrannie ne furent jamais prononcés, dans les jours qui précédèrent la chute du trône, avec plus de passion et de véhémence. La colère emporta Beaumarchais jusqu'à lui faire dire : Eh bien! messieurs, il ne veut pas qu'on la représente ici, et je jure, moi, qu'elle sera jouée, peut-être dans le chaur même de Notre-Dame! On pourrait trouver un sens prophétique à ces paroles 2. Peu de temps après, on insinua dans le monde la résolution que Beaumar

I On appelait lettre de cachet tout ordre écrit émané de la volonté du roi; cette dénomination ne s'appliquait pas seulement aux ordres d'arrestations.

(Note de madame Campan.)

› Le garde des sceaux s'était continuellement opposé à la représentation de cette comédie. Le roi dit un jour en sa présence « Vous verrez que Beaumarchais aura plus de crédit que M. le garde des sceaux. » Ce prince croyait-il dire si bien la vérité ? (Note de l'édit.)

chais avait enfin prise de supprimer tous les passages de son ouvrage qui pouvaient blesser le gouvernement, et, sous prétexte de juger les sacrifices faits par l'auteur, M. de Vaudreuil obtint la permission de faire jouer ce fameux Mariage de Figaro à sa maison de campagne. M. Campan y fut invité; il avait entendu plusieurs lectures de l'ouvrage, et n'y trouva point les changemens annoncés; il en faisait la remarque à plusieurs personnes de la cour, qui lui soutenaient que l'auteur avait fait tous les sacrifices prescrits. Chacun venait à son tour l'en entretenir; M. Campan fut si étonné de ces assertions sur une chose évidemment fausse, qu'il leur répondit par une phrase de Beaumarchais lui-même, dans son Barbier de Séville, et prenant le ton de Basile, leur dit : «< Ma foi, messieurs, je ne sais pas qui l'on >> trompe ici, tout le monde est dans le secret. » On en vint alors au fait, et on lui demanda avec instance de dire positivement à la reine que tout ce qui avait été jugé répréhensible dans la comédie de M. de Baumarchais en avait disparu mon beau-père se contenta de répondre que sa position à la cour ne le mettant dans le cas d'articuler son opinion que dans l'occasion où la reine lui en parlerait la première, il n'en dirait son sentiment que si elle le lui demandait. La reine ne lui en parla pas. Peu de temps après, on obtint enfin la représentation de cet ouvrage. La reine croyait que Paris allait être bien attrapé en ne voyant qu'une pièce mal conçue et dénuée d'intérêt, depuis que toutes les satires en

avaient été supprimées '. Monsieur, persuadé qu'il n'y avait pas un seul passage susceptible d'applications malicieuses ou dangereuses, se rendit à la première représentation en grande loge : tout le monde sait quel fut le fol enthousiasme du public pour cette pièce, et le juste mécontentement de Monsieur; bientôt après la détention de l'auteur eut lieu, tandis que son ouvrage était porté aux nues, et que la cour n'aurait pas osé en suspendre les représenta

tions 2.

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C'était aussi l'opinion de Louis XVI. « Le roi, dit Grimın, comptait que le public jugerait l'ouvrage sévèrement, et il demanda au marquis de Montesquiou, qui partait pour en voir la première représentation: Eh bien! qu'augurez-vous du succès ? Sire, j'espère que la pièce tombera. Et moi aussi, répondit le roi. >> (Note de l'édit.)

2 Il y a quelque chose de plus fou que ma pièce, disait Beaumarchais lui-même, c'est le succès. Mademoiselle Arnould l'avait prévu le premier jour en s'écriant : C'est un ouvrage à tomber cinquante fois de suite.

A la soixante-douzième représentation, il y avait autant de monde qu'à la première. Une anecdote que rapporte Grimm vint ajouter encore à la curiosité du public. Voici ce qu'on lit dans sa correspondance :

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Réponse de M. de Beaumarchais à M. le duc de Villequier qui lui demandait sa petite loge pour des femmes qui voulaient voir Figaro sans être vues.

des

» Je n'ai nulle considération, monsieur le duc, pour femmes qui se permettent de voir un spectacle qu'elles jugent malhonnête, pourvu qu'elles le voient en secret ; je ne me prête

La reine témoigna son mécontentement à toutes les personnes qui avaient aidé l'auteur du Mariage de Figaro à surprendre le consentement du roi pour la représentation de sa comédie. Ses reproches s'adressaient plus directement à M. de Vaudreuil pour

point à de pareilles fantaisies. J'ai donné ma pièce au public pour l'amuser et non pour l'instruire; non pour offrir à des bégueules mitigées le plaisir d'en aller penser du bien en petite loge, à condition d'en dire du mal en société. Le plaisir du vice et les honneurs de la vertu, telle est la pruderie du siècle. Ma pièce n'est point un ouvrage équivoque. Il faut l'avouer ou la fuir.

>> Je vous salue, monsieur le duc, et je garde ma loge.

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» C'est ainsi que cette lettre, ajoute Grimm, a couru huit jours tout Paris. D'abord on la disait adressée à M. le duc de Villequier, ensuite à M. le duc d'Aumont. Elle a été sous cette forme jusqu'à Versailles où on l'a jugée, comme elle méritait de l'être, d'une impertinence rare; elle a paru d'autant plus insolente que l'on n'ignorait pas que de très-grandes dames avaient déclaré que, si elles se déterminaient à voir le Mariage de Figaro, ce ne serait qu'en petite loge. Les plus zélés protecteurs de M. de Beaumarchais n'avaient pas même osé entreprendre de l'excuser. Après avoir joui de ce nouvel éclat de célébrité, soit qu'il le dût à ses propres soins ou à ceux de ses ennemis, M. de Beaumarchais fut obligé d'annoncer publiquement que cette fameuse lettre n'avait jamais été écrite à un duc et pair, mais à un de ses amis dans le premier feu du mécontentement. >>

Il fut prouvé que la lettre avait été écrite au président d'un parlement, et dès lors l'indignation s'apaisa. Ce qui paraissait impertinent envers des hommes de la cour, ne l'était plus envers des hommes de robe. (Note de l'édit.)

l'avoir fait jouer chez lui. Le caractère violent et dominateur de l'ami de sa favorite avait fini

déplaire.

par lui Un soir que la reine rentrait de chez la duchesse, elle dit à son valet de chambre d'apporter sa queue de billard dans son cabinet, et m'ordonna d'ouvrir l'étui qui contenait cette queue. Je fus étonnée de n'en pas trouver le cadenas dont la reine portait la clef à la chaîne de sa montre. J'ouvris l'étui, et j'en retirai la queue en deux morceaux. Elle était d'ivoire, et faite d'une seule dent d'éléphant; la crosse en était d'or, travaillée avec infiniment de goût. « Voilà, me dit-elle alors, de quelle manière M. de » Vaudreuil a arrangé un bijou auquel j'attachais un » grand prix. Je l'avais posée sur le canapé, pendant » que je parlais à la duchesse dans le salon; il s'est >> permis de s'en servir, et dans un mouvement de » colère, pour une bille bloquée, il a frappé la » queue si violemment contre le billard qu'il l'a cas»sée en deux. Le bruit me fit rentrer dans la salle; » je ne lui dis pas un seul mot; mais je le regardai » avec l'air du mécontentement dont j'étais péné» trée. Il a été d'autant plus affligé de cet accident, » qu'il vise déjà à la place de gouverneur du dau>> phin, et qu'avec cette ambition l'emportement » n'est pas un défaut à laisser éclater. Je n'ai jamais » pensé à lui pour cette place. C'est bien assez d'a>> voir agi selon mon cœur pour le choix d'une gou>>vernante, et je ne veux pas que celui de gouver>> neur du dauphin dépende en rien de l'influence de

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