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chait aussi de n'avoir pas visité l'hôtel des Invalides et celui de l'Ecole militaire, et lui disait même, en notre présence, qu'il devait connaître non-seulement tout ce qui existait à Paris, mais voyager en France, et résider quelques jours dans chacune de ses grandes villes.

La reine finit par être blessée de l'indiscrète sincérité de l'empereur, et par lui faire elle-même quelques leçons sur la facilité avec laquelle il se permettait d'en donner. Un jour qu'elle était occupée à signer des brevets et des ordonnances de paiemens pour sa maison, elle s'entretenait avec M. Augeard, son secrétaire des commandemens, qui lui présentait successivement les objets à signer, et les replaçait dans son portefeuille. L'empereur, pendant ce travail, se promenait dans la chambre; tout à coup il s'arrête pour reprocher assez sévèrement à la reine de signer tous ces papiers sans les lire, ou, au moins, sans y jeter les yeux, et lui dit les choses les plus justes sur le danger de donner légèrement sa signature. La reine lui répondit que l'on pouvait appliquer très-mal de fort judicieux principes; que son secrétaire des commandemens, qui méritait toute sa confiance, ne lui présentait, en ce moment, que les ordonnances du paiement des trimestres des charges de sa maison, enregistrées à la chambre des comptes, et qu'elle ne risquait pas de donner inconsidérément sa signature'.

Ces paroles se trouvent confirmées par les renseignemens

La toilette de la reine était aussi un sujet perpétuel de critique pour l'empereur. Il lui reprochait d'avoir introduit trop de modes nouvelles, et la tourmentait sur l'usage du rouge auquel ses yeux ne pouvaient s'habituer. Un jour qu'elle en mettait plus que de coutume, devant aller au spectacle, il lui conseilla d'en ajouter encore, et indiquant une dame qui était dans la chambre, et qui en avait à la vérité beaucoup : « Encore un peu, sous les yeux, >> dit l'empereur à la reine; mettez du rouge, en >> furie, comme madame. » La reine pria son frère de cesser ses plaisanteries, et surtout de ne les adresser qu'à elle seule, quand elles seraient désobligeantes. Cette manière de critiquer les usages et les modes établies convenait assez à l'esprit frondeur qui régnait alors; autrement l'empereur eût été généralement blâmé. Les gens qui tenaient par principes aux anciens usages furent seuls affligés, et lui surent très-mauvais gré de quelques accès d'une franchise par trop déplacée 1.

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que donne madame Campan sur l'ordre établi dans la comptabilité des fonds appartenant à la cassette de la reine [***].

(Note de l'édit.)

'Sans nier le penchant que montrait l'empereur à la raillerie, l'on doit ajouter qu'il savait aussi, selon l'occasion, tourner agréablement des choses flatteuses. Madame de Genlis rapporte même, dans ses Souvenirs de Félicie, un trait qui vaut mieux qu'un mot spirituel. On sait que Joseph II parcourut plusieurs provinces de la France. « A Nantes, dit d'abord madame de Genlis, il partit de son auberge à la petite pointe

La reine lui avait donné rendez-vous au Théâtre Italien; Sa Majesté changea d'avis, et se rendit aux Français. Elle envoya un page aux Italiens prier son frère de venir la rejoindre. L'empereur sortit de sa loge, éclairé par le comédien Clairval, et accompagné de M. de La Ferté, intendant des menusplaisirs, qui souffrit beaucoup d'entendre Sa Majesté Impériale dire à Clairval, en lui exprimant obligeamment son regret de ne point assister à la représentation des Italiens: « Elle est bien étourdie votre jeune reine; mais heureusement cela ne vous déplaît pas trop à vous autres Français.

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Je me trouvais avec mon beau-père dans un des

du jour; il trouva, dans la cour, sa voiture entourée de toutes les jeunes dames de la ville, toutes excessivement parées l'empereur, après les avoir saluées, dit en les regardant : Voilà une si charmante aurore qu'elle promet plus d'un beau jour. » Un trait, ajoute-t-elle, que j'aime mieux que tout cela, est celui-ci :

>> Il passa le bois de Rosny, tandis qu'il dormait dans sa voiture; quand il se réveilla, il en était à un quart de lieue. Se rappelant que Sully avait, durant les guerres civiles, vendu ce bois pour en donner l'argent à Henri IV, alors dénué de tout, l'empereur ordonna aux postillons de retourner sur leurs pas et de rentrer dans le bois, voulant mesurer, par ses yeux, l'étendue du sacrifice qu'un grand homme et un sujet affectionné avait fait, dans un moment de détresse, à l'un de nos plus grands rois*. » (Note de l'édit.)

* « Ce bois est immense : Sully en retira trente mille francs, somme énorme dans ce temps, et la donna toute entière à Henri IV. » (Note de madame de Genlis.)

cabinets de la reine; l'empereur vint l'y attendre, et sachant que M. Campan remplissait les fonctions de bibliothécaire, il l'entretint des livres qui devaient naturellement composer la bibliothèque de la reine. Après avoir parlé de nos auteurs les plus célèbres, le hasard lui fit dire: Il n'y a sûrement pas ici d'ouvrages sur les finances, ni sur l'administration.

Ces mots furent suivis de son opinion sur tout ee qu'on avait écrit dans ce genre, sur les différens systèmes de nos deux célèbres ministres Sully et Colbert; sur les fautes qui se commettaient sans cesse, en France, dans des parties si essentielles à la prospérité de l'empire; sur les réformes qu'il ferait lui-même à Vienne lorsqu'il en aurait le pouvoir: tenant M. Campan par le bouton de son habit, il passa plus d'une heure à parler avec véhémence et sans aucun ménagement sur le gouvernement français; chose d'autant plus blamable, qu'avec du tact et de la dignité, l'empereur ne devait entretenir le secrétaire bibliothécaire que des objets analogues à ses fonctions. Mais il était si préoccupé du grand talent qu'il se croyait pour gouverner les peuples, que cet orgueil lui faisait commettre, en ce moment, une faute d'écolier. Cet entretien dura près d'une heure. L'étonnement autant que le respect nous tint, mon beau-père et moi, dans le plus profond silence; et lorsque nous fûmes seuls, nous prîmes la résolution de ne point parler de cet entretien.

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L'empereur aimait à raconter les anecdotes secrè→ tes des cours d'Italie qu'il avait visitées; les querelles de jalousie entre le roi et la reine de Naples l'amusaient beaucoup il peignait parfaitement la manière d'être et de parler de ce souverain, et disait avec quelle bonhomie il allait solliciter la première camériste pour obtenir de rentrer dans le lit nuptial, quand, par mécontentement, la reine l'en avait banni; le temps qu'on lui faisait désirer cette réconciliation était calculé entre la reine et sa camériste, et toujours mesuré à la nature du délit. Il racontait aussi beaucoup de choses fort amusantes sur la cour de Parme dont il parlait avec assez de dédain. Si l'on eût écrit chaque jour tout ce que ce prince disait sur l'intérieur de ces cours, et même sur celle de Vienne, on en eût fait un recueil trèspiquant : j'ai seulement retenu un trait qui rappelle l'engouement de Léopold, grand-duc de Toscane, pour le système des économistes, et donne une idée du jugement que l'empereur en avait porté. Il raconta au roi que le grand-duc de Toscane et le roi de Naples s'étant trouvés réunis, le premier parla beaucoup des changemens qu'il avait effectués dans ses Etats. Le grand-duc avait rendu une foule d'édits nouveaux, pour y mettre les préceptes des économistes en exécution, espérant par-là travailler au bonheur de ses peuples. Le roi de Naples le laissa parler long-temps, puis lui demanda simplement combien il y avait de familles napolitaines en Toscane. Le grand-duc en compta bientôt le

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