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CHAPITRE VIII.

Voyage de Joseph II en France. ·Son caractère.

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Ses pa

roles. L'étiquette est l'objet de ses railleries. Leur amertume. Il n'épargne ni les dames de la cour ni la reine elle-même. Il critique le gouvernement et l'administration. Anecdotes qu'il raconte sur la cour de Naples. Il est présenté par la reine et accueilli avec transport à l'Opéra. Fête d'un genre nouveau que lui donne la reine à Trianon. — Première grossesse de la reine.-Détails curieux. Retour de Voltaire à Paris. Mot de Joseph II. On délibère sur la présentation de Voltaire à la cour. Opposition du clergé. On décide qu'il ne sera point admis. Réflexions de la reine à ce sujet. Duel de M. le comte d'Artois avec le duc de Bourbon. Assertions du baron de Besenval, dans ses Mémoires, réfutées. Il ose faire une déclaration à la reine.

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Conduite noble et géné

reuse de cette princesse. Mot sensé qu'elle prononce. Retour du chevalier d'Éon en France. - Détails sur ses mis

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Promenade

sions et les causes de son travestissement. pendant la nuit sur la terrasse de Trianon. Anecdotes qui servent de texte aux libellistes. Madame Du Barry se permet d'assister à l'une de ces soirées. Concert donné dans un des bosquets. Couplets contre la reine. Indignation de Louis XVI contre d'aussi viles attaques. Odieuse politique du comte de Maurepas. La reine accouche de MADAME. - Dangers auxquels est exposée la reine. Réflexions.

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DEPUIS l'avènement de Louis XVI au trône, la reine attendait la visite de son frère l'empereur Jo

seph II: ce prince était le sujet habituel de ses entretiens; elle vantait son esprit, son amour pour le travail, ses connaissances militaires, son extrême simplicité. Toutes les personnes qui environnaient Sa Majesté désiraient vivement de voir à la cour de Versailles un prince si digne de son rang. Enfin, le moment de l'arrivée de Joseph II sous le nom du comte de Falkenstein fut annoncé, et l'on indiqua le jour même où il serait à Versailles1. Les premiers embrassemens de la reine et de son auguste frère se passèrent en présence de toute la maison de la reine. Ce spectacle fut très-attendrissant; les sentimens de la nature inspirent involontairement plus d'intérêt quand on les voit se développer avec toute leur puissance et tout leur abandon dans le cœur des souverains.

L'empereur fut d'abord généralement admiré en France; les savans, les militaires instruits, les artistes célèbres, apprécièrent l'étendue de ses connaissances. Il obtint moins de suffrages à la cour, et fort peu dans l'intérieur du roi et de la reine. Des manières bizarres, une franchise qui dégénérait souvent en rudesse, une simplicité dont on remarquait visiblement l'affectation, tout le fit envisager comme

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La reine reçut l'empereur à Versailles et n'alla point audevant de lui en cabriolet, comme cela est dit dans quelques anecdotes sur la cour de Louis XVI, et notamment dans un ouvrage fort estimable où cette fausse anecdote est consignée comme elle l'est dans l'Espion anglais d'où elle a été vraisemblablement tirée. (Note de madame Campan.)

un prince plus singulier qu'admirable. La reine lui parla de l'appartement qu'elle lui avait fait préparer dans le château ; l'empereur lui répondit qu'il ne l'accepterait pas, et qu'en voyageant il logeait toujours au cabaret (ce fut sa propre expression): la reine insista, et l'assura qu'il serait parfaitement libre et placé loin du bruit. Il répondit qu'il savait que le château de Versailles était fort grand, et qu'on y logeait tant de polissons qu'il pouvait bien y avoir une place; mais que son valet de chambre avait déjà fait dresser son lit de camp dans un hôtel garni, et qu'il y logerait.

Il dînait avec le roi et la reine, et soupait avec toute la famille réunie. Il témoigna prendre intérêt à la jeune princesse Elisabeth qui sortait alors de l'enfance, et avait toute la fraîcheur de cet âge. Il circula, dans le temps, quelque bruit de mariage avec cette jeune sœur du roi; je crois qu'ils n'eurent aucun fondement.

Le service de table était encore fait par les femmes, lorsque la reine mangeait dans les cabinets avec le roi, la famille royale et les têtes couronnées'. J'assistais presque tous les jours au dîner de

1 L'usage était que, même le dîner commencé, s'il survenait une princesse du sang, et qu'elle fût invitée à prendre place à la table de la reine, les contrôleurs et les gentilshommes servans venaient à l'instant prendre le service, et les femmes de la reine se retiraient. Elles avaient remplacé les filles d'honneur dans plusieurs parties de leur service, et conservé quelques-uns de leurs priviléges. Un jour la duchesse d'Orléans

TOM. I.

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la reine. L'empereur y parlait beaucoup et de suite, il s'exprimait avec facilité dans notre langue, et la singularité de ses expressions ajoutait quelque chose de piquant à ses discours. Je lui ai plusieurs fois entendu dire qu'il aimait les choses spectaculeuses, pour indiquer tout ce qui formait un aspect ou une scène digne d'intérêt. Il ne déguisait aucune de ses préventions contre l'étiquette et les usages de la cour de France, et en faisait même, en présence du roi, le sujet de ses sarcasmes. Le roi souriait et

arriva à Fontainebleau à l'heure du dîner de la reine qui l'invita à se mettre à table, et fit elle-même signe à ses femmes de quitter le service et de se faire remplacer par les hommes. Sa Majesté disait qu'elle voulait maintenir un privilége qui conservait ces sortes de places plus honorables, et en faisait une ressource pour des filles nobles et sans fortune.

Madame de Misery, baronne de Biache, première femme de chambre de la reine, dont je fus nommée survivancière, était fille de M. le comte de Chemant, et sa grand'mère était une Montmorency. M. le prince de Tingry l'appelait, en présence de la reine, ma cousine.

L'ancienne commensalité des rois de France avait des pré rogatives reconnues dans l'État. Beaucoup de charges exigeaient la noblesse, et se vendaient de quarante mille jusqu'à trois cent mille francs. Il existe un recueil des édits des rois en faveur des prérogatives et droits de préséance des personnes munies d'offices dans la maison du roi.

1

(Note de madame Campan.)

Joseph II avait du goût, on peut dire même du talent pour la satire. On vient de publier un recueil de lettres dans lesquelles ses railleries amères n'épargnent ni les grands, ni le

ne répondait jamais rien; la reine paraissait en souffrir. L'empereur terminait souvent ses récits sur les choses qu'il avait admirées à Paris, par des reproches au roi sur ce qu'elles lui étaient inconnues : il ne pouvait concevoir comment tant de richesses en tableaux restaient dans la poussière d'immenses magasins1; et lui dit un jour que, si l'usage n'était d'en placer quelques-uns dans les appartemens de Versailles, il ne connaîtrait pas même les principaux chefs-d'œuvre qu'il possédait2. Il lui repro

pas

clergé, ni même les rois ses confrères. On trouvera deux ou trois de ces lettres à la fin du volume (lettre P); elles rentrent dans le sujet que traite madame Campan, puisqu'elles ajoutent quelques traits de plus à la ressemblance de Joseph II.

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Son humeur caustique avait, au reste, matière à s'exercer sur l'étiquette en usage à la cour de France. Si l'on veut avoir une idée de cette tyrannie qui pesait sur les princes dans tous les instans de la journée, et les suivait, pour ainsi dire, jusque dans le lit nuptial, on peut lire un morceau très-curieux placé par madame Campan dans les Éclaircissemens qu'elle destinait à son ouvrage [**]. (Note de l'édit.).

Quelque temps après le départ de l'empereur, le comte d'Angivillers présenta des plans au roi pour la construction du Muséum qui fut alors commencé.

2

(Note de madame Campan.)

L'empereur blâmait beaucoup l'usage, alors existant, de laisser des marchands construire des boutiques près des murs extérieurs de tous les palais, et même d'établir des espèces de foires sur les escaliers, dans les galeries de Versailles et de Fontainebleau, et jusqu'à chaque repos des grands escaliers.

(Note de madame Campan.)

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