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dans celles de leurs plaisirs, et jusque dans leurs infirmités humaines les plus rebutantes.

Ces règles serviles étaient érigées en espèce de code; elles portaient un Richelieu, un La Rochefoucauld, un Duras, à trouver, dans l'exercice de leurs fonctions domestiques, l'occasion de rapprochemens utiles à leur fortune; et, pour ménager leur vanité, ils aimaient des usages qui convertissaient en honorables prérogatives le droit de donner un verre d'eau, de passer une chemise et de retirer un bassin 1.

Des princes, accoutumés à être traités en divinités, finissaient naturellement par croire qu'ils étaient d'une nature particulière, d'une essence plus pure que le reste des hommes.

Cette étiquette qui, dans la vie intérieure de nos princes, les avait amenés à se faire traiter en idoles, dans leur vie publique en faisait des victimes de toutes les convenances. Marie-Antoinette trouva, dans le château de Versailles, une foule d'usages établis et révérés qui lui parurent insupportables.

Des femmes en charge, ayant prêté serment et vêtues en grand habit de cour, pouvaient seules rester dans la chambre, et servir conjointement avec la dame d'honneur et la dame d'atours. La reine abolit tout ce cérémonial. Lorsqu'elle était coiffée,

'Quand la reine prenait médecine, c'était la dame d'honneur qui devait retirer le bassin du lit.

(Note de madame Campan.)

elle saluait les dames qui étaient dans sa chambre, et, suivie de ses seules femmes, elle rentrait dans un cabinet où se trouvait mademoiselle Bertin qui ne pouvait être admise dans la chambre 1. C'était dans ce cabinet intérieur qu'elle présentait ses nouvelles et nombreuses parures. La reine voulut aussi se servir du coiffeur qui, dans ce moment, avait à Paris le plus de vogue. L'usage, qui interdisait à tout subalterne pourvu d'une charge d'exercer son talent pour le public, avait sans doute pour base de couper toute communication entre l'intérieur des princes et la société toujours curieuse des moindres détails de leur vie privée. La reine, craignant que le goût du coiffeur ne se perdît en cessant de pratiquer son état, voulut qu'il continuât à servir plusieurs femmes de la cour et de Paris; ce qui multiplia les occasions de connaître les détails de l'intérieur et souvent de les dénaturer.

Un des usages les plus désagréables était, pour la reine, celui de dîner tous les jours en public. Marie Leckzinska avait suivi constamment cette coutume fatigante Marie-Antoinette l'observa tant qu'elle

'Mademoiselle Bertin se prévalait, dit-on, des bontés de la reine pour afficher un orgueil très-risible. Une femme alla un jour chez cette fameuse ouvrière en modes, et demanda des ajustemens pour le deuil de l'impératrice. On lui en présenta plusieurs qu'elle rejeta tous. Mademoiselle Bertin s'écria d'un ton mêlé d'humeur et de suffisance : Présentez donc à madame des échantillons de mon dernier travail avec Sa Majesté. Le mot est assez ridicule pour avoir été dit.

fut dauphine. Le dauphin dînait avec elle, et cha. que ménage de la famille avait tous les jours son dîner public. Les huissiers laissaient entrer tous les gens proprement mis; ce spectacle faisait le bonheur des provinciaux. A l'heure des dîners on ne rencontrait, dans les escaliers, que de braves gens, qui après avoir vu la dauphine manger sa soupe, allaient voir les princes manger leur bouilli, et qui couraient ensuite à perte d'haleine pour aller voir Mesdames manger leur dessert 1.

L'usage le plus anciennement établi, voulait aussi qu'aux yeux du public les reines de France ne parussent environnées que de femmes; l'éloignement des serviteurs de l'autre sexe existait même aux heures des repas pour le service de table; et quoique le roi mangeât publiquement avec la reine, il était lui-même servi par des femmes pour tous les objets qui lui étaient directement présentés à table. La dame d'honneur, à genoux pour sa commodité sur un pliant très-bas, une serviette posée sur le bras, et quatre femmes en grand habit, présentaient les assiettes au roi et à la reine. La dame d'honneur leur servait à boire. Ce service avait

'On peut imaginer aisément que le charme de la conversation, la gaieté, l'aimable abandon, qui contribuent en France au plaisir de la table, étaient bannis de ces repas cérémonieux. Il fallait même avoir pris, dès l'enfance, l'habitude de manger en public pour que tant d'yeux inconnus dirigés sur vous n'òtassent pas l'appétit. (Note de madame Campan.)

cet usage;

anciennement appartenu aux filles d'honneur. La reine, à son avénement au trône, abolit de même elle se dégagea aussi de la nécessité d'être suivie, dans le palais de Versailles, par deux de ses femmes en habit de cour, aux heures de la journée où les dames n'étaient plus auprès d'elle. Dès lors elle ne fut plus accompagnée que d'un seul valet de chambre et de deux valets de pied. Toutes les fautes de Marie-Antoinette sont du genre de celles que je viens de détailler. La volonté de substituer successivement la simplicité des usages de Vienne à ceux de Versailles, lui fut plus nuisible qu'elle n'aurait pu l'imaginer.

La reine parlait à l'abbé de Vermond des importunités sans cesse renaissantes dont elle avait à se dégager, et je remarquais qu'après l'avoir écouté elle se jetait avec complaisance dans les idées philosophiques de la simplicité sous le diadème, de la confiance paternelle dans des sujets dévoués. Ce doux roman de la royauté, qu'il n'est pas donné à tous les souverains de réaliser, flattait singulièrement le cœur tendre et la jeune imagination' de Marie-Antoinette.

Elevée dans une cour où la simplicité s'alliait avec la majesté; placée à Versailles entre dame d'honneur importune et un conseiller imprudent, il n'est pas étonnant que, devenue reine, elle ait voulu se soustraire à des contrariétés dont elle ne jugeait pas l'indispensable nécessité : cette erreur tenait à une vraie sensibilité. Cette infortunée

princesse, contre laquelle on est parvenu à soulever l'opinion du peuple français, possédait des qualités dignes d'obtenir la plus grande popularité. En douterait-on, si, comme moi, on l'eût entendue raconter avec délices les détails des mœurs patriarcales de la maison de Lorraine? Elle disait qu'en les transportant en Autriche, ces princes y avaient fondé l'inattaquable popularité dont jouissait la famille impériale. Elle m'a souvent raconté de quelle manière touchante les ducs de Lorraine levaient les impôts. Ce prince souverain se rendait à l'église, me disait-elle; après le prône, il se levait, agitait son chapeau en l'air pour indiquer qu'il allait parler, et disait ensuite quelle était la somme dont il avait besoin. Tel était le zèle des bons Lorrains, qu'on avait vu des hommes dérober, à l'insu de leurs femmes, le linge ou quelques ustensiles de ménage, et aller vendre ces objets pour augmenter la contribution; aussi arrivait-il souvent que le prince recevait plus d'argent qu'il n'en avait demandé; alors il le faisait rendre.

Tous ceux qui connurent les qualités privées de la reine, savent qu'elle méritait autant d'estime que d'attachement; bonne et patiente jusqu'à l'excès dans les détails de son service, elle appréciait avec indulgence toutes les personnes qui lui étaient at

Lisez dans les Éclaircissemens historiques, lettre (I), des particularités curieuses sur la simplicité de la cour de Vienne. (Note de l'édit.)

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