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Les juges de Poyet ne furent ni doux, ni clémens. Après une instruction d'une année, du 21 avril 1544, au 23 avril 1545, on prononça l'arrêt définitif dont lecture fut faite au malheureux chancelier dans la grand 'chambre, les portes ouvertes, l'accusé debout et la tête nue. Cet arrêt, après l'avoir déclaré atteint et convaincu de péculat, concussion, malversation, abus d'autorité, etc., « le prive de ses état et office de chancelier; le déclare incapable de tenir office royal; le condamne en cent mille francs d'amende envers le roi; ordonne au surplus qu'il sera confiné, durant le temps et espace de cinq ans, en telle ville et sous telle garde qu'il plaira au roi ordonner, etc. »

Poyet, à la prononciation de l'arrêt, était vêtu d'une longue robe de taffetas fourrée de martre. On le dépouilla de sa robe et on le renvoya avec un manteau court.

Cette condamnation ne satisfit pas entièrement les ennemis du chancelier. Le roi, le roi lui-même, et le fait paraîtrait incroyable s'il n'était attesté par tous les historiens, manifesta aux députés du Parlement qui lui portèrent l'arrêt à Amboise (où était la cour), une fort mauvaise humeur de ce que cet arrêt ne prononçait ni la mort, ni l'amende honorable, ni la confiscation. Sire, répondit le conseiller Jacques Aubril au monarque, nous avons jugé M. le chancelier selon nos consciences. Et si Dieu a un jour à nous reprocher quelque chose dans cette procédure, c'est de n'avoir point fait comparaître sur la même sellette que Poyet une infinité de gens qui se croient tout permis, parce qu'ils ont des parchemins et des hallebardes à leur service.

Cette hardie réponse du conseiller Aubril ne déplut point au roi. A ce que je vois, maître Aubril, dit-il, en regardant fixement le magistrat, vous êtes des amis de Poyet.

- Sire, répondit vivement Aubril, j'ai été son ennemi tout le temps qu'il a été chancelier et qu'il trafiquait, avec la permission de quelques hauts et puissans personnages, de l'honneur et de la justice. Aujourd'hui Poyet est malheureux, il a reçu le salaire de ses méfaits, je n'ai plus que de la pitié pour lui.

Poyet fut d'abord enfermé dans la grosse tour de Bourges; mais quelques amis qui lui étaient restés fidèles sollicitèrent si vivement son élargissement, qu'il fut mis en liberté au bout de quelques mois, sans avoir même acquitté l'amende prononcée par l'arrêt. Voici ce qu'écrivait Poyet, quelques jours avant de sortir de prison, à l'avocat François Olivier, qui devint depuis chancelier.

« Dans trois jours d'ici, mon cher Monsieur, je quitte ma prison pour rentrer dans le monde M. le sénéchal de Bourges est venu m'annoncer cette bonne nouvelle ce matin même, et je vous en fais part. C'est à votre infatigable activité, à votre éloquence et à votre amitié, que je devrai sans doute un si prompt changement dans ma position; il est de mon devoir de vous prévenir le premier. Je vais donc retourner à Paris! à Paris, où j'ai occupé la plus haute place et la plus infime; à Paris où j'ai été le chef de la justice du royaume, et où j'ai été flétri par cette justice. Ah! mon cher Monsieur, vous n'avez pas besoin de me recommander l'abandon du chemin des honneurs, je suis trop payé pour le détester et pour le fuir. Désormais je veux vivre éloigné du monde, au milieu de mes chers livres et du peu d'amis que la fortune m'a laissés. Je hanterai pourtant encore le Palais, car il ne me reste rien de mes exactions, et il faudra bien que je plaide si je veux manger du pain. Mais n'ayez pas peur, je m'en tiendrai irrévocablement aux petites causes bourgeoises, je ne veux plus me frotter aux causes des grands. Le procès de M. le connétable de Bourbon a été pour moi un marchepied pour arriver aux honneurs; mais, mon Dieu ! que j'ai donc amplement payé depuis lors le futile avantage de faire parler de moi! Adieu, Monsieur, ma première visite à Paris sera pour vous, etc. »

Poyet vint effectivement à Paris quelques jours après, et le président à mortier du Rochelet lui fit obtenir gratuitement un petit logement à T'hôtel de Nemours, où il s'installa et où il vécut paisiblement,

Poyet reprit la robe d'avocat et se montra au palais avec assiduité; mais soit que les plaideurs craignissent de confier leurs intérêts à un homme quasi flétri par l'arrêt du Parlement, soit, ce qui est plus vraisemblable, que son talent comme orateur et comme jurisconsulte fût baissé, on lui confia peu de causes, et encore elles étaient si peu importantes et si maigrement rétribuées, que le pauvre chancelier disait souvent à son ami Olivier devenu avocat-général : « Messire Olivier, je gagne moins aujourd'hui à parler six heures d'horloge, pour un mur mitoyen ou pour l'annulation d'un testament, qu'autrefois en un quart d'heure, lorsqu'il s'agissait d'un enregistrement royal qui me rapportait trois ou quatre mille écus. » Poyet se renferma bientôt dans la consultation; mais cette tentative ne fut pas plus heureuse que la première, et il continua à végéter tristement dans son humble demeure.

Le chagrin, la honte, le remords peut-être, abrégèrent la vie du chancelier; il tomba tout à coup dans une profonde mélancolie, et cette mélancolie se termina par l'invasion d'une maladie cruelle qui mit en quelques jours sa vie en danger. Poyet sentit que son dernier moment était proche, et il voulut, avant d'expirer, se réhabiliter en quelque sorte aux yeux de la magistrature et du Barreau, qu'il avait profondément affligés par sa conduite, lorsqu'il était chancelier de France. Il appela à son lit de mort plusieurs conseillers au Parlement et plusieurs avocats du Barreau, et leur parla à peu près en ces termes :

« Je vous ai fait venir, Messieurs, pour être témoins de mes derniers momens, et pour vous demander pardon du scandale que j'ai eu le malheur de vous donner. On m'a fait passer à vos yeux et aux yeux du public comme un homme avare, cupide et méchant; Messieurs, je n'étais que faible et ambitieux. J'ai ajouté trop de foi aux fallacieuses promesses des grands seigneurs, c'est ce qui m'a perdu. Ils m'ont jeté dans la voie mauvaise, et ensuite ils m'ont abandonné; j'ai été l'instrument de leurs vengeances, et ils m'ont sacrifié au ressentiment des ennemis que je m'étais créés pour leur plaire. Messieurs, j'ai été coupable sans doute, mais j'ai été encore plus égaré que criminel. Que mon exemple serve de leçon à ceux qui seraient tentés d'oublier les droits imprescriptibles de la justice et les devoirs du magistrat. J'étais parvenu par quelque talent à la première dignité judiciaire du royaume, et je meurs aujourd'hui comme un malheureux, dans un asile prêté à mon indigence. Messieurs, je vais bientôt paraître devant un juge bien autrement sévère que la Grand'Chambre du Parlement, mais j'y paraîtrai en pécheur repentant et en homme profondément pénétré du repentir de ses fautes. Priez pour moi, Messieurs du Parlement, et après m'avoir condamné justement sur la terre, implorez pour celui qui eut, quoique indigne, l'honneur d'être votre chef, la miséricorde du Tout-Puissant.

« Et vous, mes chers et anciens confrères, continua le moribond en se tournant vers les avocats, jetez un voile de pardon et d'oubli sur mes ingratitudes et sur mes froideurs: je devais tout à la robe d'avocat, et je ne l'ai point glorifiée au jour de ma faveur; bien plus, je l'aurais avilie, si cette noble toge pouvait l'être... Pardonnez-moi, pardonnez-moi du fond du cœur, et priez pour moi. »>

Les avocats et les conseillers au Parlement ne purent entendre ces paroles sans verser des larmes. Poyet avait été dur, hautain, superbe au temps de sa grandeur; cette métamorphose devait les toucher doublement. Les assistans s'approchèrent de son lit, lui firent entendre quelques consolations, et lui promirent d'unir leurs prières à celle de l'église pour le repos de son ame.

Le jour même de cette scène de deuil, 14 avril 1548, le chancelier Poyet expirait.

Quand on annonça cette mort à Henri II, qui avait succédé depuis un an à François Ier, son père, il s'écria: « Si le chancelier défunt avait été mis en jugement sous mon règne, il n'aurait point été condamné, car une toque de chancelier de France doit être comme la couronne de laurier des anciens Romains: elle doit préserver de la foudre. »

Et sur la remarque que lui fit le premier président Jean Bertrand, que Poyet était certainement coupable d'une grande partie des méfaits qui lui

étaient imputés, le roi répartit avec vivacité: « C'est possible, mais il n'était pas seul; il fallait atteindre tous ou pas un. »

Henri II avait raison, et le jugement du chancelier Poyet, considéré sous le point de vue philosophique, est une iniquité. Poyet avait faussé, dans la procédure de l'amiral Chabot, le bon droit et les formes protectrices de la justice criminelle; mais était-ce une raison pour agir de même dans une circonstance semblable?

Poyet fut un avocat distingué; il reste quelques uns de ses plaidoyers, qui ne manquent pas d'une certaine élégance de style et de pensées; il était bon dialecticien, et sa verve mordante, sa parole incisive s'attaquent aux syllogismes et aux paradoxes dont étaient semés les discours de ses antagonistes avec une grande et merveilleuse habileté. Comme chancelier, il a laissé de bons et utiles réglemens pour l'administration de la justice, et son ordonnance de Villers-Cotterets a mérité la réputation de sage et de providentielle, qu'elle obtint au seizième siècle; c'est un monument de haute politique et de bonne justice. Mais les œuvres du magistrat ne résident pas seulement dans ses actes, elles existent aussi dans sa conduite; or la vie publique du chancelier Poyet est condamnable. Ses remords, ses malheurs, son indigence peuvent avoir désarmé la haine de ses contemporains, mais l'impassible histoire ne tient pas compte du repentir des magistrats prévaricateurs, elle les traîne aux gémonies et les suspend de sa main véridique aux fourches caudines de l'opprobre et de l'ignominie.

LE MISSISSIPI.

(Droil).

L'Amérique septentrionale avec ses forêts impénétrables, ses fertiles prairies, ses lacs profonds, ses hautes montagnes, ses cataractes et ses grands fleuves, est certainement une des contrées les plus riches et les plus pittoresques du monde. Presque toutes ces merveilles de la nature sont aujourd'hui des lieux de pélerinages scientifiques et artistiques. Elles sont d'ailleurs si nombreuses et si variées qu'il est difficile de décider quelle est celle à laquelle on doit accorder le plus d'admiration. Quant à nous, nous ne connaissons rien qui doive être comparé au Mississipi, et nous croyons que le lecteur partagera notre opinion quand il se représentera la prodigieuse fécondité que ce fleuve communique à la vallée qu'il arrose, et l'immensité de son cours majestueux.

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Le nom de Mississipi est une corruption de celui que les Indiens donnent à ce fleuve, et que l'on a poétiquement traduit par « le Père des Eaux. Nous pensons qu'une version littérale eût été meilleure et plus caractéristique. En général les noms indiens sont éminemment descriptifs. Celui-ci vient de Missah et de Sippah, racines du dialecte de la nation des Choctaws, qui jadis occupa presque tout le littoral du fleuve et dont il reste encore des tribus au nord dans l'Ohio, et au sud dans les Florides. La réunion de ces deux mots signifie «< Vieux gros - fort. » Presque tout le pays que traverse le Mississipi est un sol d'alluvion composé d'un terreau noirâtre et vierge qui, par la prodigieuse végétation dont il se couvre, semble appeler la main du cultivateur. On y chercherait vainement une seule pierre si ce n'était vers les sources. Ce sol d'alluvion forme sur les bords de faibles jetées qui suffisent à retenir les eaux, au moins pour quelque temps, car il n'est pas de fleuve plus capricieux que celui-ci. Il a un cours tellement sinueux que la boussole d'une embarcation qui le descend, se dirige successivement vers tous les points de l'habitacle; et il change si souvent de lit qu'à chaque voyage les plus habiles bateliers ont peine à reconnaître les rives.

Loin de suivre avec soumission les nombreux détours que la nature semble lui avoir imposés pour retarder l'impétuosité de ses eaux, et l'empêcher de se précipiter vers la mer sans avoir accompli sa mission de fertilisation, il lutte avec une énergie toujours croissante contre les

faibles digues qu'il s'est lui-même formées, les renverse souvent et se coupe, à travers la plaine, un nouveau chemin où il doit rencontrer des obstacles nouveaux et quelquefois capables de le faire refluer vers un ! autre point de son ancien lit. Ces nouvelles directions s'appellent dans

le pays des « traverses. » Il arrive par là que des terrains considérables

sont entrainés et détruits, que d'autres, situés jadis près du fleuve, en sont aujourd'hui distants de plusieurs lieues, et que tel village qui se trouve sur la rive droite, était naguère sur la rive gauche. Ces terrains, qui passent ainsi d'un bord à l'autre, se nomment des « rognures.

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Le courant, en faisant ces traverses, » emporte à la surface de ses . eaux des monceaux d'arbres immenses, débris des forêts primitives, qui dansent sur les vagues comme autant de brins de paille, jusqu'à ce qu'une pointe de terre les arrête. Ils s'y agglomèrent pour y pourrir à loisir, et couvrent ainsi quelquefois une étendue de plusieurs milles. On voit les branches noires et colossales s'élever au dessus des eaux comme d'énormes serpents à l'agonie; cela forme une scène de désolation difficile à décrire. Ces masses d'arbres flottans et entrelacés ont reçu le nom de « radeaux. »

D'autres arbres s'accrochent au fond de la rivière par les raci nes ou par les branches et conservent pourtant assez de liberté pour obéir alternativement à la force du courant qui tend sans cesse à les coucher au fond, et aux loix de la pesanteur spécifique qui tend à les mailtenir à moitié hors de l'eau dans une position perpendiculaire. Il en rẻ. sulte un mouvement de va-et-vient aussi curieux que redoutable; l'arbre (et ce sont des arbres de quatre-vingt à cent pieds de haut) après avoir été abaissé jusque sous la surface se relève lentement de manière à s: trouver presque droit, puis incline de nouveau sa tête chauve avec une grâce qui ne messiérait pas à un courtisan du vieux monde.

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Les bateliers ont donné à ces arbres terribles le nom pittoresque de scieurs-de-long. >> De grosses barques passent quelquefois sur les scieurs >> en descendant le fleuve, et les retiennent sous l'eau jusqu'à ce que le courant et le vent les aient mises à l'abri de tout danger; mais si, en remontant, quelque enfant du génie de Fulton se laisse saluer de trop près par l'exquise politesse d'un scieur-de-long, il sera trop hetreux d'en être quitte pour une avarie grave, un mât fracassé ou une roue brisée, tandis que le « scieur » se relève, secoue l'eau de sa tête branchue, et se replonge gaîment comme s'il se réjouissait d'avoir ainsl manifesté sa puissance avec calme et gravité.

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Il y a encore des arbres qui se fixent solidement au fond, et dont les troncs allongés, dépourvus de branches, offrent à la navigation un des plus dangereux obstacles. Un rocher taillé en pointe et placé là à dessein ne serait pas un plus formidable écueil que ces dents d'éléphant. » Qu'un fort vaisseau mette ses bossoirs en contact avec une dent,» il aura infailliblement les flancs déchirés comme s'ils étaient de papier; on le verra alors frissonner comme un être animé qu'on frapperait au cœur, puis s'enfoncer.

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Tels sont les Radeaux, les Traverses, les Rognures et les Dents du Mississipi; expressions qui rappellent aux bateliers et aux chasseurs de l'Ouest des qualités que, par métaphore, ils attribuent à leurs héros et à eux-mêmes. Sans doute le beau idéal de l'homme d'État serait, à leurs yeux, le ministre qui saurait aller droit au but par une Traverse, faire des abus un immense Radeau destiné à pourrir dans un coin, accomplir sa noble mission avec toute la politesse d'un Scieur-de-long et avec une fixité de principes aussi inébranlable qu'une Dent d'éléphant. C'est ainsi que la nature influe sur le génie des langues.

L'étendue du Mississipi dépasse toute croyance. Prenant sa source dans un pays couvert de neiges éternelles, il peut porter le voyageur jusqu'aux contrées où la chaleur est fatiguante. Il passe donc par presque tous les climats. En outre il reçoit dans son sein les tributs de quatre grandes rivières, l'Arkansas, le Red, l'Ohio et le Missouri dont les longueurs, réunies à celles de nombreux affluens, forment plus de trois mille lieues. Toutes ces énormes masses d'eaux sont comme englouties

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dans les flots du Mississipi qui, semblable à une mer, dédaigne de manifester chaque nouvel accroissement de puissance.

Ce fleuve est toujours trouble. Si l'on voulait comparer les grandes choses aux petites, on dirait que c'est le Flavus Tiberis du NouveauMonde. En tout temps l'œil du navigateur n'y voit que l'eau boueuse et brune de ce qu'il pourrait appeler une crue perpétuelle. Cette particurté, jointe à la nature de ses rives si basses et si unies, prouve évidemment que tout le terroir noirâtre de l'immense pays des Sioux, des Osages, des Chactas et des Natchez, n'est qu'un don du Mississipi, comme l'Égypte fut celui du Nil. Il a fini aussi par accumuler le petites dunes qui lui servent maintenant de barrière et qu'il paraît renverser moins souvent qu'autrefois : c'est là un de ses traits distinctifs. On ne voit point ici, comme en d'autres pays, une campagne doucement inclinée jusqu'au bord de l'eau. La plaine qui est basse et parfaitement nivelée, n'est préservée d'une inondation générale, dans les crues ordinaires, que par les petites dunes que le fleuve s'est construites lui-même; mais dans les crues extraordinaires, les eaux passent par-dessus ces digues naturelles et couvrent des provinces entières.

Pour empêcher ce malheur, en apparence inévitable, ou du moins pour le rendre très rare, il semble qu'une puissance mystérieuse exerce une surveillance continuelle sur le géant pour le contenir dans certaines limites, et lui dise: Tu n'iras pas plus loin. Sans cette intervention providentielle, les fertiles plaines du midi, dont les récoltes pourraient nourrir de grands peuples, ne seraient bientôt que des « barres », des bancs de sables faisant partie du golfe du Mexique.

Qu'une saison de pluies envahisse à la fois les diverses parties de l'Amérique du Nord, que les mille tributaires du Mississipi se gonflent à la fois, et l'épouvantable déluge entraînera dans la mer le cœur du continent. Mais tels ne sont pas les arrangemens de la Providence. Au printemps a lieu la crue de l'Ohio dont le fleuve emporte facilement les eaux; pendant l'été, les sources du Mississipi lui-même deviennent plus abondantes, les lacs débordent et le Missouri lui apporte un vaste tribut de glaces et de neiges fondues sur les crêtes des Rocky Mountains : plus tard enfin l'Arkansas et la rivière Rouge lui donnent un accroissement à peine sensible. Mais si tous ces torrens arrivaient ensemble, nous le demandons encore, que deviendrait le paradis des Etats-Unis ?

C'est par de telles considérations que l'on arrive à concevoir l'admiration que doit exciter ce grand fleuve. On peut naviguer long-temps sur ses vagues fangeuses sans rencontrer rien qui soit bien digue de remarque; point de cataractes dans son lit, point de précipices ou de monagnes escarpées sur ses bords: partout l'ennuyeuse uniformité d'un sol immense, plat, riche et fécond, auquel manque même la poésie du désert. L'œil ne saisit donc point, au premier abord, la véritable beauté du Mississipi; mais quand on a voyagé pendant plusieurs jours sur sa surface en apparence stagnante, l'esprit commence à concevoir tout ce qu'il y a de grandiose dans le vieux « Père des Eaux. »

Rivière immense, uniforme comme l'éternité, instrument de création dans la main de Dieu, tu roules sous tes flots les débris d'un monde pour en produire un nouveau; vieil architecte du continent que tu formas jadis et que tu répares incessamment en le modifiant, tu travailles sans fracas et sans secousses, l'espace et le temps sont à toi! (Traduil du Knikerbocker.)

DINER DES CAFFRES.

Je vous ai dit comment vivaient les Hottentots; je dois vous raconter la manière de vivre des Caffres.

Une rigole sépare les deux pays, quelques arbres coupés dans une forêt marquent la limite qu'il n'est permis ni aux Hottentot ni aux CafTres de franchir sans exposer les deux peuples à une guerre sanglante et opiniâtre. Chez l'un et l'autre, des forêts immenses, éternelles, des plaies marécageuses, des rochers en surplomb, des steppes, des rivières et

des ravines profondes; chez tous les deux l'hyène glapissante, le lion qui rugit, le tigre toujours altéré de sang, l'éléphant qui brise les cases sous ses pieds gigantesques, le rhinocéros qui déracine les troncs noueux avec ses terribles coups de boutoir; et, plus effrayant encore, un ciel sans cesse en colère, des torrens d'une pluie brûlante et rapide, et le roulement du tonnerre incessament répété par les mille échos des solitudes et des montagnes.

Ici cependant de la lâcheté, de la paresse, les habitudes de l'unau, le crétinisme dans ce qu'il de plus hideux, la saleté dans ce qu'elle a de plus révoltant: vous reconnaissez les Hottentots.

Là des cœurs de fer, des bras de fer, des volontés de fer. Là des hommes courts, trapus, mais forts, agiles, robustes, indomptés, luttant sans crainte contre les bêtes féroces qui leur disputent le sol, bravant la foudre qui les menace. Tels sont les Caffres.

Ce que veut le Hottentot, c'est un dîner qui ne coûte rien à son indolence. Aussi vit-il de la chair putride des hyppopotames qui viennent mourir de vieillesse sur le rivage. Ce que veut le Caffre, c'est un dîner conquis à l'aide de sa massue, de son casse-tête ou de sa courte flèche empoisonnée. Si la chair de l'hyène ne lui paraissait plus succulente que celle du lion, il préférerait celle-là, parce qu'il y aurait plus de péril à la conquérir. Aussi voyez avec quelle ardeur il se prépare à l'attaque! toute la peuplade est debout aux rugissemens de la bête féroce. L'air retentit de cris assourdissans, les casse-tête tournoient, se lèvent et tombent, la bête féroce est vaincue, le Caffre dîne.

Si la lutte a été ardente, s'il y a des cadavres sur le sol, l'appétit est aiguisé. Il mange avec dégoût si l'ennemi a fait peu de résistance; la vie du Caffre est une agitation perpétuelle; son sommeil, c'est encore du

mouvement.

Dès que le tigre ou le lion est abattu, les farouches habitans de ces contrées de désolation entourent la victime; ils la dépècent à l'aide de sabres ou de couteaux achetés au cap par quelques uns de leurs déserteurs plus téméraires, et livrent les chairs sanguinolentes à la flamme qui les colore et les racornit. C'est au bout des sagaïes que ces débris sont présentés au feu, et le premier qui s'assied au festin, celui qui, le premier, a le droit de toucher aux vivres, c'est le plus brave de la troupe, c'est le combattant qui s'est montré le plus intrépide, celui dont le torse a été plus profondément déchiré par l'ongle du lion ou du tigre. Un chant rauque et sauvage précède le repas, le même chant le termine. On dirait un troupeau de loups affamés ou satisfaits, s'excitant au carnage ou se reposant de leur orgie.

Quand le tigre fait défaut et que le porc-épic passe près de la bourgade, c'est la pauvre bête cuirassée de pointes aiguës qui sert de pâture au Caffre; mais, contrairement à l'usage du Hottentot qui s'amuse de la lente agonie de son adversaire sans défense, le Caffre abat l'animal d'un seul coup de casse-tête, et le dîner a lieu. Ainsi fait-il des sangliers et des porcs qui parcourent les forêts au milieu desquelles il a bâti ses huttes enfumées; ainsi fait-il du buffle apprivoisé qu'il a pris pour auxiliaire dans les guerres qu'il ose soutenir contre les colons de la ville de Table-Bey.

Parmi les arbres qui pèsent sur cette terre inhospitalière, il en est un dont le fruit aigre-doux ressemble assez au Jam-Rosa des îles Malaises; le Caffre en fait une ample provision qu'il enferme pendant quelques jours dans les peaux des bêtes féroces qu'il a vaincues; puis, jetant tous ces fruits dans un large baquet, il piétine dessus, les pétrit, et les laisse cuver en ayant soin de les imbiber de l'eau pure du ruisseau voisin. Il résulte de ce mélange une liqueur beaucoup plus forte et beaucoup plus enivrante que notre eau-de-vie. Le Caffre en use avec profusion, à moins que le chef de la bourgade n'y mette bon ordre; et si, par malheur, sa voix n'est pas écoutée, si les fumées de la liqueur ont monté au cerveau, oh! alors une lutte épouvantable s'engage, le dîner s'achève dans le sang, il n'y a plus ni frère, ni sœur, ni père, les crânes sont ouverts, les poitrines percées, les membres broyés, et le Caffre sert de påture au Caffre.

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Le lait est un des principaux alimens de presque tous les peuples. Tous les laits sont formés d'eau de fromage, de beurre, de sucre, de lait et de sel. On emploie ceux de vache, de chèvre et de brebis comme aliment; le lait de vache est formé de beurre, de fromage, de sucre de lait, d'un acide acétique, selon Fourcroy, Vauquelin et Thénard,

D'après Parmentier et Deyeux, le lait de brebis diffère du lait précédent par l'odeur, en ce que le beurre est plus fusible, plus abondant, et que le fromage qui en provient est plus gras.

Le lait de chèvre a l'odeur de cet animal sa crême est épaisse, son beurre dur, blanc, moins abondant que celui de vache et de brebis; il a plus de sérosité et plus de parties gélatineuses.

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Cet aliment est en général nuisible aux vieillards, aux tempéramens lymphatiques, aux bilieux, à ceux dont l'estomac est affaibli, aux personnes sédentaires et aux scrofuleux.

Les tempéramens nerveux et irritables s'en trouvent bien; il les nourrit. Le lait ne convient pas à ceux qui habitent les pays humides, peu aérés, marécageux. Le mauvais lait est la plus détestable de toutes les substances qui peuvent servir à la nourriture; on le falsifie en y ajoutant de l'eau, de la farine et de l'amidon, ce qu'on découvre en faisant passer le lait à travers une toile un peu serrée; il reste une petite quantité de farine sur la toile. L'amidon ne peut se reconnaître, parce qu'il se dissout entièrement dans le lait. On y mêle aussi de la potasse ou de la chaux, pour l'empêcher de se coaguler; on découvre cette falsification en y versant du vinaigre fort, ce qui produira une effervescence. Pour conserver le lait pendant quelques jours, il suffit de mettre une cuillerée de raifort sauvage ratissé dans une jatte de lait qu'on peut tenir indifféremment dans la cave ou à l'air. Le procédé de M. Appert, pour conserver le lait pendant plusieurs années, procédé adopté en Angleterre, consiste à mettre du lait frais dans une bouteille bien bouchée, que l'on plonge pendant un quart-d'heure dans de l'eau bouillante. Ce lait peut se conserver fort long-temps sans altération; on le trouve aussi bon que le jour qu'on le trait. Les Arabes en font une liqueur enivrante. Les paysans de la Hollande boivent du petit lait en place de bière. Hérodote rapporte qu'il y avait des peuples qui ne vivaient que de lait; on les appelait Galoctopodes. Au rapport d'Homère, les Scythes en faisaient beaucoup usage. La consommation annuelle du lait pour Paris dépasse 3 millions de francs. En 1830, M. Delessert a lu un mémoire à l'Académie royale des sciences, sur la découverte d'une nouvelle espèce d'arbre à lait, sur les bords de la rivière de Démérary. Le premier qu'on ait connu, est l'arbre à vache, nommé par les Espagnols palo de Vaca, et que M. Humboldt a décrit sous le nom de Galactodendron utile. C'est un grand et bel arbre, dont les feuilles oblongues et pointues ont jusqu'à dix pieds de longueur. Cet arbre croît dans les terrains pierreux, à la surface desquels ses racines rampent, comme si elles ne pouvaient pas s'enfoncer.

Si dans la saison convenable on entaille l'écorce de cet arbre, on voit aussitôt s'écouler abondamment un lait d'une belle couleur, d'une odeur balsamique, d'une saveur agréable, et qui n'a d'autre inconvénient que d'être une peu gluant. Les gens du pays viennent le matin sous l'arbre boire une tasse de lait, ou même ils en font un déjeûner plus complet, en y mettant des morceaux de cassane ou du crépasse, sorte de galette de maïs.

L'on en retire aussi une cire très bonne à brûler. En 1829, M. F ming, directeur du jardin botanique Caraque, a apporté en Europe plusieurs pieds de ce précieux végétal: ils se sont vendus 25 louis la pièce M. James Smith raconte que, dans une excursion qu'il a faite aux bords de la rivière de Démérary, il a trouvé un arbre nommé hija, qui fournit un lait potable plus épais et plus gras que celui de vache, sans aucune âcreté, mais un peu visqueux; lorsque ce lait est préparé avec du café. on ne peut le distinguer du lait de vache. La hauteur de l'arbre Hija est de 25 à 30 pieds. Entre l'écorce grisâtre et le bois est le lait, qui s'ëcoule aussitôt qu'une incision est faite. Cet arbre est très commun dans les forêts de cette colonie.

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S'il résulte de l'examen du Salon de 1841 un fait à constater, c'est la funeste tendance de nos artistes à matérialiser les sujets religieux. Les peintres ne savent plus rendre les belles et simples expressions du sentiment chrétien, et, les tableaux de sainteté, exposés cette année, sont, pour la plupart, totalement dépourvus d'inspiration. Il faut pourtant excepter de cet arrêt la Résurrection de Lazare, page judicieusement conçue et bien exécutée. M. Van Den Berghe a fait preuve d'un goût élevé en enveloppant le cadavre dans les ombres du premier plan, et le groupe de femmes, qui s'efface dans le lointain, produit un excellent effet.

Cette toile remarquable dispute les honneurs du salon carré au Jugement dernier de M. Gué. Ce nouvel ouvrage a vivement excité l'attention publique. On peut blâmer la confusion qui règne dans la partie inférieure, mais les têtes d'anges sont admirables. La conception est hardie, le dessin sévère et la lumière généralement bien distribuée. En somme, le Jugement dernier nous paraît réunir un ensemble de qualités moins irréprochable que le Christ mourant du même artiste, si justement admiré à l'exposition de 1840.

Jésus au Calvaire, de M. Steuben, n'est pas non plus une composi tion sans mérite : c'est l'œuvre d'un peintre initié aux secrets de l'art et familiarisé avec les difficultés du pinceau. Malheureusement la tête du Christ n'a ni la majesté ni la poésie qui conviennent à la Divinité.

Dans l'Adoration des Bergers de M. Decaisne, ce brillant coloriste a déposé quelques-unes des richesses de sa palette. M. Chenavard a été moins heureux dans son Martyre de saint Polycarpe, réminiscence assez pâle des anciens maîtres. Si nous signalons maintenant le Christ au tombeau, de M. Jollivet; la Judith, de M. Steubert; la Vierge, de Henri Scheffer, ouvrage d'un beau dessin et d'un faire antique, mais qui manque d'animation et d'intelligence; la Sainte Famille, de M. Mottez, qui rappelle trop la symétrie allemande et la sécheresse de l'ancienne école italienne; l'Eliezer, de M. Schopin; le Sacrifice d'Abraham, de M. Laynaud; et le Moïse sauvé des eaux, de Mme Brune-Pagès, tableau d'une touche molle, mais d'une expression gracieuse, nous n'aurons plus rien de supportable à mentionner dans le domaine de la peinture sacrée, domaine bien pauvre et bien stérile cette année comme on le voit.

D'où vient donc qu'aujourd'hui la pensée nous abandonne? A quoi faut-il attribuer cette déplorable impuissance? La foi qui a créé tous les chef-d'œuvres dont l'art se glorifie, en se réfroidissant dans les cœurs

aurait-elle rendu l'inspiration impossible et éteint le flambeau du génie?

Quoi qu'il en soit, on comprend aisément que les peintres modernes réussissent mieux dans les tableaux de genre, où la grace et l'esprit suffisent, que dans les compositions sacrées qui exigent l'inspiration. C'est en effet parmi les tableaux de genre qu'il faut chercher les œuvres les plus remarquables.

Deux ou trois paysages peuvent soutenir avantageusement la comparaison avec les plus belles toiles des expositions précédentes. La vue prise dans la vallée du Piémont, par M. Calame, révèle surtout une grande puissance de pinceau; l'air se joue délicieusement à travers les arbres dont les feuilles frissonnent, et il nous semble difficile de rendre d'une manière aussi parfaite les magnificence du soleil couchant.

Nous ne parlerons pas de M. Aligny, qui, en dépit de sa célébrité de paysagiste, a fait, avec ses bergers de Virgile et ses souvenirs de Rome, d'assez pauvres esquisses que certains de ses élèves n'avoueraient pas; mais nous signalerons comme un travail d'une haute portée artistique les moutons effrayés par l'orage de M. Verboeckhoven, le Bracassat de la Belgique. Dessin, coloris, composition, fini précieux dans les détails, rien ne manque à ce charmant tableau, qui, dans cent ans peut-être, sera considéré comme un chef-d'œuvre. Que dire maintenant de M. Biard, dont le crayon à la fois spirituel et dramatique a obtenu des succès si mérités aux expositions dernières ? N'est-il pas déplorable de voir un aussi beau talent s'attacher à des sujets stériles, tandis que son imagination pourrait lui en fournir encore de si ingénieux, comme il est facile de s'en convaincre en contemplant les jolies compositions inscrites dans le livret sous ces divers titres: le Viatique dans la montagne, les Demoiselles à marier, la Distraction et le Gros Péché. M. Biard s'est trompé en pensant que les glaces du Spitzberg et les neiges de la Laponie offriraient un aliment à l'inspiration. La Vue de la presqu'ile des Tombeaux, la Chasse aux Morses, la Chasse aux Rennes et le pasteur Laestadius, sont des compositions avec lesquelles un artiste supérieur peut amuser ses loisirs d'atelier, mais qui ne sauraient être appelées à une publicité plus sérieuse; car nous ne connaissons rien de si terne, de si froid, de si désolé.

Ce n'est pas non plus sans quelque regret que nous nous voyons forcé de signaler la déplorable décadence d'un peintre qui naguère promettait un maître, et qui était arrivé, comme pratique, à un assez haut degré de perfection. M. Court a représenté le Roi et la Reine de Danemarck pendant la cérémonie du couronnement à Fredericksberg. Ce tableau, où l'or, la soie, le velours et la lumière sont prodigués, est raide, guindé, sans air, sans vie, sans perspective et surtout sans vérité. Plus heureux, M. Henri Decaisne montre au public, dans Un Trait de la vie de Napoléon, une scène agréable et soignée, qui fait souvenir des plus naïves compositions de Duval-Lecamus. Il faut placer sur la même ligne l'Attente, de M. Auguste Delacroix. La couleur en est jolie; le ciel est bien peint; il y a de la variété dans les figures et une expression bien sentie dans les attitudes. Cet ouvrage promet beaucoup pour l'avenir de ce jeune artiste.

M. Gudin n'a rien moins que quatorze tableaux au salon, et si quelques uns de ces œuvres trahissent les imperfections d'une exécution hâtée, on y trouve, en revanche, des beautés tout-à-fait saillantes. Ce fécond peintre de marine a exposé sous le no 919 un combat traité avec un remarquable talent. C'est un morceau de choix, et, dans ce genre, c'est le travail le plus complet et le plus irréprochable qui soit au Musée. Que ne peut-on adresser les mêmes éloges au Naufrage de M. Delacroix? Produit d'un système de peinture vicieux et exagéré, ce petit drame est une de ces erreurs sur lesquelles on ne doit pas trop s'appesantir peutêtre, par égard pour un talent qui a jeté d'éclatantes lueurs.

Il ne nous reste que peu de chose à dire pour terminer notre revue des tableaux de genre. A l'Hallali sur pied, au Relancé du sanglier et à la Curée, de M. Jadin, cet excellent peintre d'animaux, qui se soutient toujours à la hauteur de sa réputation, nous ajouterons le Tor

rent en Italie, de M. Paul Huet, peinture chaude et colorée; le Mattre d'école, de M. Loos; la Convalescence, de M. Destouches, à laquelle on reconnaît une certaine habileté de couleur; les Savoyards, de M. Hornung, qu'on admire pour leur vérité, mais qu'on blâme avec autant de raison pour leur sécheresse; l'ingénieux pastiche de M. Geffroy, qui représente les Acteurs du théâtre Français, groupés au milieu du foyer; enfin la Sieste, de M. Tony Johannot, composition pleine de distinction et d'élégance. La Halle du même artiste réunit des qualités analogues. Ces hommes qui causent à l'ombre d'un arbre courbé par les années, cette mère allaitant son enfant; cette jeune fille qui contemple le nourrisson avec envie, et plus loin, sur le dernier plan, ce jeune homme qui rève sans doute à la jeune fille, tout cela est frais et naïf et repose l'imagination et la vue des tristes médiocrités qui se rencontrent à chaque

pas.

N'oublions pas le Petit pêcheur à la ligne, de M. Monvoisin. Le fond, un peu froid peut-être, nuit à l'effet de la figure; mais en totalité pour la forme, cet enfant est fini et modelé comme une statue antique. Cela vaut cent fois cette Taverne de pécheurs napolitains où M. Pringret s'est complu à représenter des pots et des assiettes avec une minutieuse fidélité. Nous nous arrêtons ici; car le salon n'a plus, en fait de peintures de genre, que la Scène d'Inquisition, de Robert-Fleury, morceau d'un style énergique et d'une effrayante réalité, et la Partie d'échecs de M. Meissonnier, tableau microscopique, l'un des premiers par rang de place, et le premier à coup sûr par ordre de mérite.

MODES.

Comme nous l'avons annoncé, la mode a adopté définitivement, pour les robes, la soie et les tissus légers. C'est chose merveilleuse que la variété des étoffes de soie, si différentes quant au dessin, à la couleur et au prix. Grâce au génie inventif de nos fabricans, cette précieuse substance fournit, à elle seule, tous les genres de toilettes dont on peut avoir besoin. Les mousselines de laine ne sont plus en faveur cette année; cependant elles sont si commodes, en négligé, qu'on peut en prédire le retour pour une époque assez rapprochée. En attendant, on les a remplacées par les foulards, qui sont en général d'un goût très distingué, et par les gros de Naples qui, tantôt sont fort simples, à raies, par exemple, ou à pois, et tantôt très riches de couleur comme de dessin.

On fait beaucoup de robes à corsage plat et à nervure, qu'on orne de passementeries, de boutons, d'enjolivemens faits de la même étoffe que la robe. D'autres ont un corsage froncé et à plis arrêtés de distance en distance dans toute la hauteur. Avec les corsages plats, les manches plates sont de rigueur; elles peuvent s'ajuster également à d'autres corsages, mais alors on en garnit le haut, soit de plis, soit de jockeis simples ou doubles, etc. Quelquefois les manches sont formées de trois ou cinq bouillons, qui se terminent au poignet par une manchette froncée.

Les chapeaux présentent de grandes variétés; cependant ils affectent assez généralement la forme capote. On en fait beaucoup en poult-de-soie glacé, et on les garnit d'une demi-couronne que l'on place sur l'un des côtés de la passe. D'autres sont en tulle et formés de bouillons que l'on sépare avec des tresses de paille. Ces derniers reçoivent des ornemens de tulle et de paille artistement travaillée. Nous avons remarqué un chapeau dont les bouillons voilaient de petites guirlandes de lilas et dont la passe portait trois branches de cette même fleur attachées du mêmé côté. Un autre chapeau, qui nous a paru également digne d'être cité, était entièrement couvert de plissés de tulle et garni d'une guirlande de feuilles de velours. Les chapeaux en crêpe tendu sont bien portés. On peut les orner de fleurs de crêpe, ce qui est d'un effet très gracieux. La disposition des chapeaux de fantaisie en paille n'a jamais été aussi diversifiée qu'aujourd'hui. Les plus distingués se font toujours en paille de riz et d'Italie,

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