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faire? Retourner chez lui eût demandé beaucoup de temps; il prit donc le parti de faire route à pied, et il commença à doubler le pas.

Cependant Joséphine avait été fort surprise de ne pas trouver Redouté sur son passage à sa sortie de la messe; elle en avait même dit quelque chose, et un peu plus tard, elle s'informait s'il n'était pas arrivé quelque accident à son peintre de fleurs, lorqu'on vint lui annoncer arrivée de ce dernier qui fut introduit sur-le-champ.

Je devrais vous gronder, dit-elle en souriant et recevant gracieuseent la livraison que lui offrit Redouté, car vous avez retardé le plaisir lue devait me causer cet admirable dessin.

Madame, répondit inconsidérément Redouté, je supplie Votre Majesté de me pardonner: je n'avais pu, jusqu'à présent, être assez heureux pour voir le roi de Rome, et...

A peine ces dernières paroles furent-elles prononcées que Joséphine tressaillit. Redouté s'apercevant aussitôt de son étourderie, se troubla, balbutia, et finit par ne plus savoir ce qu'il disait.

-

Remettez-vous, mon cher peintre, dit Joséphine, je suis bien aise que vous ayez vu le fils de l'Empereur. Dites-moi donc cela tout au long.

Enhardi par le ton tout bienveillant de l'Impératrice, Redouté reprit quelque assurance, et il raconta, sans rien omettre, comment il se trouvait qu'il eût été obligé de venir à pied.

Et vous avez donné tout votre argent à cette pauvre femme ? dit Joséphine dont le charmant visage un peu triste tout à l'heure, s'épanouit tout à coup.

Puis avant que Redouté eût pu répondre, elle reprit :

Mais vraiment je m'étonne de cela, comme s'il était extraordinaire qu'un grand artiste eût un noble cœur!...

-

Je puis certifier à Votre Majesté que tout le monde en eût fait autant que moi; cette pauvre mère avait l'air de tant souffrir!...

Oh! si Napoléon le savait !... Mais non, il ne faut pas qu'il le sache. Ecoutez je veux que vos protégés soient aussi les miens... J'irai demain les voir dans le plus grand incognito, et comme il est juste que vous soyez de moitié dens cette affaire, vous seul m'accompagnerez. Je compte donc sur vous, demain à neuf heures,

Cette fois Redouté fut exact. A neuf heures précises, Joséphine sortit de ses appartemens, et tous deux montèrent dans une voiture très simple qui arriva bientôt à Paris, et vint s'arrêter au milieu de la rue du FourSaint-Honoré.

---

- Est-ce ici que demeure Mme Blanger? demanda Redouté à la portière d'une maison d'assez misérable apparence.

Quand vous serez à la dernière marche de l'escalier, la porte de sa chambre vous fera face, répondit la vieille sans lever les yeux de dessus le tricot auquel elle travaillait.

Guidée par son peintre, l'Impératrice s'aventura, non sans quelque terreur dans une étroite et sombre allée au bout de laquelle ils trouvèrent l'escalier. Après avoir monté cinq étages, ils frappèrent à la porte qu'on leur avait indiquée, et que la jeune veuve vint leur ouvrir.

- Madame, lui dit Redouté, je suis toujours persuadé que l'Empereur viendrait à votre secours, s'il savait dans quelle mauvaise position vous vous trouvez; mais il est maintenant inutile de la lui faire connaître. Madame que j'ai l'honneur d'accompagner, veut bien être votre protectrice, et cette protection peut vous dispenser de toute autre.

Pendant qu'il parlait, Joséphine s'approcha de l'enfant, assis dans son berceau, et qui souriait en lui tendant les bras.

Oh! le bel enfant! dit-elle en l'embrassant. Ne m'avez-vous pas dit, Redouté, qu'il est né le même jour que le roi de Rome?

Le même jour et à la même heure, Madame, répondit la jeune mère. Cette circonstance eût pu, dans le temps, nous faire obtenir des secours; mais alors nous n'en avions pas besoin. Et puis, mon pauvre Charles avait le cœur trop haut placé pour demander quelque chose; il travaillait de toutes ses forces, et rien ne manquait ici... Mais il y a déjà huit mois que j'ai eu le malheur de le perdre; depuis ce temps, ma santé

a été moins bonne de jour en jour... Et l'on peut voir, ajouta-t-elle er jetant un regard humide et plein d'une amère tristesse sur les misérables meubles qui garnissaient la chambre, on peut voir que toutes mes ressources sont épuisées.

Nous allons tâcher, ma chère dame, dit l'Impératrice, de vous faire oublier tout cela. D'abord il faut quitter ce logement qui est triste et malsain; puis je vous enverrai mon médecin, et la tranquillité de l'ame et le bien-être physique aidant, tout le mal sera bientôt réparé. Je compte sur vous, mon cher peintre, dit-elle à Redouté, pour une foule de petits détails, et d'ailleurs vous savez que nous sommes de compte à demi. Redouté répondit qu'il ferait tous ses efforts pour seconder son illustre associée dont la jeune mère baisait les mains en pleurant de joie. Tout le monde, en France, avait vu avec peine l'éloignement de Joséphine. Marie-Louise était jalouse de cette popularité qui lui manquait. et elle ne négligeait rien pour la conquérir. Chaque fois qu'elle paraissait en public, un certain nombre d'individus se répandaient dans la foule avec la mission de recueillir ce qu'on y disait de la nouvelle Impératrice. Le jour même où Redouté avait donné son argent à la pauvre veuve, un de ces observateurs qui se trouvait près de lui, avait vu et entendu ce qui s'était fait et dit entre le peintre et la jeune mère, et le tout avait été rapporté à Marie-Louise qui, bien qu'ayant peu de goût pour ces sortes d'aventures, avait pris, elle aussi, la résolution de faire une visite à la veuve.

Déjà Joséphine se levait pour sortir, après avoir mis dans les mains de l'enfant une fort jolie bourse avec laquelle il se jouait, lorsque la porte de la chambre s'ouvrit, et une jeune femme parut. Redouté, qui était debout demeura immobile et comme pétrifié; il venait de reconnaître Marie-Louise accompagnée d'un chambellan de nouvelle création. Joséphine, piquée que la nouvelle venue ne lui eût pas rendu son salut, reprit son siége et fit signe à Redouté d'attendre. La pauvre veuve s'étant en même temps empressée d'offrir une chaise à Marie-Louise, les deux Impératrices qui ne se connaissaient pas se trouvèrent en pré

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Pourquoi non, madame? Il pourrait se faire qu'il y eût dans le monde des rois de ma facon.

Pendant ce colloque, Redouté était au supplice; lui seul de toutes les personnes présentes connaissait les deux Impératrices, et il craignait un éclat qui aurait pu avoir les suites les plus fàcheuses.

Madame, dit-il bien bas à Joséphine, si cela dure encore un instant. Votre Majesté va infailliblement se découvrir, et cela, j'en suis convaincu, amènerait une scène fort désagréable.

Joséphine se tut, et Redouté, interprétant favorablement ce silence, prit la parole.

Mesdames, dit-il, il est si doux pour de belles ames de faire le bien, que ce débat n'a rien qui puisse étonner; mais pourquoi l'une de vous céderait-elle à l'autre sa part de bonheur ? Pour moi j'accepte ton le bien que l'on voudra faire à mes chers protégés.

Les deux rivales s'inclinèrent en signe d'assentiment, puis elles se

LE RÉGIMENT ROYAL-BONBON.

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Moins de deux années après la rencontre des Impératrices chez la veuve Blanger, Joséphine mourait de chagrin à la Malmaison, tandis que Marie-Louise quittait avec indifférence, peut-être même avec joie, la France qu'elle n'aimait pas et où elle n'était pas aimée.

Ne pleure pas, maman, disait à sa mère le petit Charles Blanger, est-ce qu'il ne nous reste pas mon bon ami Redouté ?

En effet de toutes les hautes protections qui avaient promis un si brillant avenir au pauvre enfant, il ne lui restait rien, si non l'amitié d'un grand artiste qui n'avait pour fortune que son talent. Tout pauvre qu'il était pourtant, Redouté ne répudia pas l'héritage à lui tacitement légué par la bonne Joséphine que la douleur avait tuée; il faisait de fréquentes visites à la veuve Blanger, et il s'arrangeait de manière à écarter la misère de la demeure de cette infortunée dont la santé n'avait pu se rétablir, et dont la fin devait être prochaine.

Un jour, après une absence de deux mois, nécessitée par un voyage qu'il avait été obligé de faire, le grand artiste accourt chez ses chers protégés. Il entre, son cœur se serre; un bruit de marteau se fait entendre... C'était la bière de la veuve que l'on clouait... Dans un coin, le petit Charles fondait en larmes, tandis que des parens éloignés de la défunte délibéraient tout haut sur ce qu'il conviendrait de faire de cet enfant. Au bout d'un instant, il fut par eux décidé, à l'unanimité, qu'il serait conduit à l'hospice des Orphelins.

- Oh! non, non! s'écria tout à coup l'enfant en venant se jeter dans les bras de Redouté; mon bon ami ne veut pas, lui!... N'est-ce pas, mon bon ami, que tu ne veux pas qu'on me mette à l'hospice?

Et lui aussi il pleurait, le grand artiste. Il prit l'enfant qui donnait tous les signes de la frayeur et du désespoir; et s'approchant de ces gens qui venaient de délibérer, il s'écria :

- Il n'y a donc pas de cœurs dans vos poitrines?

Puis s'adressant à l'enfant :

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- Rassure-toi, mon petlt Charles, tu ne me quitteras pas... Je serai ton père,

-Oh! oui, oui!... Et tu m'apprendras à devenir un grand peintre comme toi... Et quand je serai grand, j'empêcherai aussi qu'on mette à l'hospice les pauvres enfans qui n'auront plus de mère...

Redouté a tenu parole, et l'enfant aussi.

Il y a six mois, un corbillard se dirigeait vers le cimetière de l'Est; une foule d'artistes, de gens de lettres, de savans, de magistrats, le suivaient avec recueillement; parmi eux on remarquait un homme d'environ trente ans dont le visage inondé de larmes portait l'empreinte de la plus profonde douleur.

Ce corbillard conduisait Redouté à sa dernière demeure. L'homme qui le pleurait, c'était le fils adoptif et le meilleur élève de ce peintre célèbre : la protection de deux souveraines avait failli le laisser aller à l'hôpital: la protection d'un grand artiste l'a placé au premier rang de nos peintres de genre.

A Marseille, du lazareth où nous retenaient, il y a plusieurs années, les impérieuses lois de la santé, nous avons entendu faire par un respectable officier-supérieur, rappelé d'Afrique en France pour y être admis à la retraite, un récit que nous allons essayer de reproduire.

<< Bien peu d'entre vous, messieurs, nous dit-il, peuvent avoir vu le joli régiment de Royal-Bonbon; c'est à peine si vous avez pu en entendre parler, et je ne suis pas très éloigné de croire que c'est à moi que vous devrez la révélation de sa joyeuse existence. Pour avoir goûté le plaisir de le voir défiler, il faut compter au moins cinquante printemps, ce que l'on avoue pas volontiers. Par le temps de progrès qui court, on est à quinze ans un savant accompli; un lustre de plus sur la tête, et l'on peut se donner pour un oracle.... A la vérité, comme tout se compense, à vingt-cinq ans on commence à déchoir quelque peu; vienne la trentaine, on passe dans la catégorie des ganaches, et à trente-cinq ans on est classé naturellement parmi les fossiles, les antediluviens, comme le mastodonte analysé et rendu, pour ainsi dire, à la vie par Cuvier.

« Moi, messieurs, j'ai cinquante-cinq ans ; c'est infâme, je le sais; pis que cela, c'est ridicule (car l'un passe actuellement avant l'autre); mais qu'y faire? qu'y faire à présent que la fontaine de Jouvence est supprimée, avec la mythologie et le sens commun qui avaient fait leur temps? J'ai, comme un sot, laissé des jours s'ajouter à des jours, sans penser une pauvre petite fois au suicide; je n'ai su, quand je ne comptais que vingt années, me cramponner au présent, et je l'ai laissé se changer en passé. Je viens au fait.

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Royal-Bonbon, messieurs, florissait de 1790 à 1791, et comme il est douteux que les archives de ce corps existent au Dépôt de la guerre, il faudra vous contenter de ce que je pourrai recueillir dans mes souvenirs.

« Sur la terrasse, dite du bord de l'eau, dans le magnifique jardin des Tuileries, terrasse où les courtisans de l'Empire firent depuis élever le Pavillon du roi de Rome, que la Restauration remplaça ensuite par te Trocadéro, d'autres courtisans avaient édifié plus anciennement un modeste bâtiment d'habitation, qui se composait d'un seul rez-de-chaussée, et qu'entouraient de jeunes bosquets, fermés par un fragile treillage de bois, peint en vert. Dans ce simple réduit, qu'une foule d'arbustes soigneusement entretenus dérobaient entièrement aux regards de la multitude, demeurait alors un dauphin de France, un enfant infortuné qui devait s'asseoir sur le trône et ceindre une couronne, et qui, après avoir vu son père, sa mère et ses tantes descendre les degrés des cachots de la tour du Temple pour monter plus tard à l'échafaud, termina ses jours, Dieu sait où et comment!!!

« Ce fils de nos rois pouvait avoir six ans à l'époque où je vous reporte, et, comme divertissement, ou peut-être afin de l'empêcher d'apercevoir la bouche immense de l'ogre révolutionnaire qui devait le dévorer, on avait imaginé de lui former une garde, qui se recruterait parmi les enfans des officiers de la garde nationale. C'est précisément ce corps de bambins d'élite, qui ne se composa jamais, je crois, que de deux compagnies, une de grenadiers et l'autre de chasseurs, que les contemporains appelèrent ROYAL-BONBON.

<< Louis XVII en était le colonel. J'ai eu l'honneur, moi qui vous parle, messieurs, de porter les galons de caporal dans ce corps illustre, et peut-être ai-je eu tort, dans l'intérêt de mon avancement, de ne m'en pas vanter en 1814 et 1815. Notre uniforme était celui de la garde nationale d'alors. L'armement se composait, parbleu, d'un sabre et d'un fusil « pour de bon ». On nous avait confié « pour de rire » la garde du Dauphin, et nous faisions le service exactement auprès de lui, tant que le soleil et les beaux jours le permettaient; car on pense bien que le petit château de la terrasse ne pouvait être qu'une habitation d'été. Nous passions nos quartiers d'hiver à l'école ou au coin du feu. Quand il y avait grande parade ou revue pour nos pères, il y avait revue et grande parade pour les guerriers de Royal-Bonbon. Dans ces jours de solennité,

le Dauphin, pour se mettre à notre tête et commander, montait un tout petit cheval blanc, qu'avait dressé je ne sais quel écuyer habile, et se trouvait ainsi parodier innocemment le général Lafayette. De toutes les folies de ces temps malheureux, je ne vois guère que celle de Royal-Bonbon qui n'ait pas été prise au sérieux par la nation, et c'est fâcheux celle-là du moins n'était pas dangereuse, et n'a pas fait couler le sang.

La cour se donnait assez souvent le plaisir de nous voir sous les ar mes dans ce cas-là, nous savions conserver un sérieux qui ne le cédait en rien à celui de la garde citoyenne, composée de nos grands parenɛ. A une revue de notre royal colonel, un haut personnage de sa suite, qui jouissait sans doute de priviléges considérables, eut la bouffonne et généreuse idée de faire répandre dans nos rangs, par des laquais adroitement dissimulés, une grèle de dragées, de pralines et de diablotins, et cela, notez-le bien, au moment même où nous devions garder la plus stricte et la plus complète immobilité ! Vous voyez d'ici le tableau, messieurs en un instant, faisant voir qu'il était digne de porter le nom qu'on lui avait donné, tout le régiment, officiers compris, tomba à plat ventre sur le gazon; et sans le moindre respect pour la discipline et la hiérarchie, on ne peut plus fortement compromises, nous nous poussâmes, nous nous bousculâmes, délaissant le fusil pour une praline à la rose, une papillote ou un fruit confit.

« Un jour, qui vivra dans ma mémoire autant que je vivrai moià même, on nous avertit que la reine Marie-Antoinette viendrait, l'issue de la messe, en compagnie des dames de sacour, pour nous passer en revue. On conçoit notre satisfaction. C'était un dimanche, il m'en souvient; on nous inspecta préalablement dans le plus grand détail, afin de s'assurer qu'il ne manquait rien à notre tenue et surtout au fourniment, partie intéressante et qu'on négligeait quelque peu, dès cette époque, ailleurs que dans Royal-Bonbon. En dépit de la prudence toute maternelle de nos chefs, prudence à laquelle nous devions la honte de n'avoir jamais qu'une simple pierre de bois à notre fusil, on nous mit ce jour-là une pierre à feu, faveur insigne, dangereuse, et qui fut universellement blâmée par nos bonnes.

α

La revue eut lieu comme elle avait été annoncée. En tête du cortége, état-major en jupes, marchait la reine, précédée de son fils, à pied, l'épée à la main, et suivie de la princesse Marie-Thérèse, depuis la duchesse d'Angoulême. Elle passa dans tous les rangs, qu'on avait fait ouvrir, pinçant par-ci, par-là quelque joue rubiconde et veloutée de grenadier à peine sorti des mains de sa nourrice, prenant le menton de quelque timide chasseur qui rougissait à son approche, et souriant à tous, comme sourit une bonne mère.

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Maintenant, messieurs, passez-moi un petit mouvement d'orgueil bien naturel en pareil cas je me trouvais placé, moi, caporal indigne, à la droite de la compagnie de chasseurs. Une tradition de famille (et Vous savez que la tradition ne ment jamais) porte que j'avais bien la plus jolie petite mine qu'il fût possible de rencontrer dans Paris et la banlieue; il m'en coûte de le dire, mais la vérité avant tout. Figurezvous, messieurs, que cette petite mine était plus piquante encore sous un bonnet à poil qui en cachait la partie supérieure. Or, soit effet du hasard, soit que, comme l'a toujours pensé ma bonne maman (qui ne me gâtait pas, je vous prie de le croire), je fusse en effet un charmant petit chasseur, un amour en culottes et en guêtres longues, la reine, Sa Majesté la reine de France et de Navarre, s'arrêta tout court devant moi, me regarda, me sourit délicieusement, et me demanda mon nom, du ton de la plus grande bonté. J'étais loin, comme on le pense bien, d'avoir cet aplomb que possédèrent depuis les grognards en présence de leur Empereur. Aussi, au lieu de répondre, deux ruisseaux de larmes vinrent-ils, au même instant, en passant par mes joues et mon menton, humecter le fourniment qui se croisait sur ma poitrine de guerrier en herbe...

a-Pauvre petit!... s'écria ma royale admiratrice; est-ce que je lui fais peur?

« Et mon attitude et mes regards lui démontraient assez qu'elle disait vrai...

((

Il faut pourtant que je l'embrasse, reprit-elle. » Oh! alors mon fusil, mon innocent fusil s'échappa de mes mains affaiblies et vint rouler aux pieds de la reine, qui prit la peine de le ramasser de ses belles mains, et voulut bien ensuite essayer de me remettre au port d'arme...

« Vous dire, messieurs, ce qui se passa en moi; vous affirmer que je ressentis une crainte extrême ou une joie infinie, il me faut y renoncer. Tout ce que je puis dire aujourd'hui, c'est que je tremblais, et que mes yeux, indépendamment des larmes qui s'en échappaient, étaient comme couverts d'un voile...

Allons, remettez-vous, mon petit ami, dit une voix d'une extrême douceur: on re veut pas vous faire de mal. » Et sur un signe que la reine fit à un seigneur de sa suite, il me prit dans ses bras avec armes et bagages, m'éleva à la hauteur du visage de l'aimable princesse, et mit ma petite figure, encore inondée de pleurs, en rapport avec la joue de mon auguste souveraine. Alors cette belle et malheureuse femme colla ses lèvres sur l'une de mes grosses joues, et fit résonner un bon gros baiser de mère, qui retentit, j'en suis sûr, dans le cœur des assistans. Cela fait, le seigneur qui, pour un moment, m'avait élevé si haut, moi timide enfant du peuple, me remit à mon rang, et la reine s'éloigna, non sans m'adresser un dernier regard d'adieu.

« Et depuis ce jour-là, messieurs, on passe à côté de moi, l'on me heurte, on me coudoie; et cela sans que rien avertisse ceux qui m'entoure, que j'ai reçu, en 1791, un baiser de la reine de France!... un baiser!

« Après la revue, au moment de rompre les rangs, nous reçumes l'ordre d'ouvrir nos gibernes, qui nous avaient été retirées le matin, un peu avant la prise d'armes : ô surprise!.., il se trouva dans chacune, au lieu de cartouches, un assortiment de bâtons de sucre de pomme auquel nous fimes un merveilleux accueil, avant même que l'on eût ordonné de rompre les rangs. »

L. MACOGNY. (Moniteur de l'Armée.)

LA CROIX D'HONNEUR.

- Oui, mam'zelle Rose, disait Pierre Martin en tortillant son chapeau, je vous aime... voilà ce que je voulais vous faire savoir.

Après cette phrase, articulée faiblement, et d'une voix tremblante, Pierre Martin fit un gros soupir, et l'anxiété qui était peinte sur sa physionomie parut en partie se dissiper.

-Vous, monsieur Martin? répondit Rose en hésitant, et en baissant les yeux.

-Mon Dieu, oui, mam'zelle, reprit Martin, dont l'audace croissait peu à peu. A présent que le grand mot est lâché, je vous avouerai même qu'il y a déjà bien long-temps que je vous aime... sans qu'il y paraisse... plus de cinq ans, mam'zelle Roze! Et, pour bien dire, c'est depuis le jour où je suis arrivé du pays avec une lettre de recommandation pour votre papa, M. Lambert, et où j'eus pour la première fois le bonheur de vous voir.

- Cependant, monsieur Martin, vous ne me connaissiez pas encore. C'est vrai, mam'zelle; mais ça n'y fait rien du tout, parce que, voyez-vous, quoique bien jeune, vous étiez déjà si jolie qu'en vous voyant ça m'a été là tout de suite (et Martin montrait sa poitrine), juste comme si on m'avait donné un coup de poing. Et puis vous aviez déjà vos grands yeux bleus, qui brillent comme deux étoiles, et cette petite voix si douce qui entre dans les oreilies comme le son d'une flute, si bien qu'au moment où vous m'avez regardé, et où vous m'avez dit : Asseyez-vous done, M. Martin, je vous ai obéi tout de suite, au risque de vous paral

tre impoli, car je n'avais plus de respiration, la chambre commençait à danser autour de moi, et je sentais mes jambes s'en aller tout doucement je ne sais où. Depuis, ce fut bien pire encore. Monsieur votre père m'invita à venir le voir, et vous jugez si je profitai de la permission!... Quel brave homme de père vous aviez là, mam❜zelle Roze!,.. Un ancien sergent de la garde impériale, rien que ça!... qui avait fait toutes les guerres, en Italie, en Espagne, en Autriche, en Prusse, en Russie, partout, quoi! et qui avait eu la jambe coupée par un boulet à Waterloo, en défendant sa patrie! Comme j'aimais à l'écouter, le dimanche, quand il nous racontait ses campagnes, et qu'il nous parlait de son Empereur. Et avec ça si honnête homme! et si bon cœur, quoique un peu bougon! C'est celui-là qui n'a jamais fait tort à personne ni refusé un service qu'il pouvait rendre! Va, mon garçon, me disait-il souvent, apprends bien ton état, travaille, sois honnête, et ne t'inquiète pas du reste. L'argent n'est rien dans ce monde: l'honneur est tout. Et il avait raison, car je le trouvais bien mieux vêtu avec sa vieille capoté râpée et son ruban rouge passé à sa boutonnière que s'il avait eu un habit tout neuf du Louviers le plus fin. Aussi voyez-vous, mam'zelle Rose, je l'aimais et le respectais ni plus ni moins que s'il eût été mon propre père! Et c'est pour ça que mon amour pour vous n'a fait que croître et embellir..., parce que vous étiez si gentille et si douce avec lui, et vous en aviez tant de soin quand ses blessures le faisaient souffrir, que ça faisait plaisir à voir, et qu'il m'est arrivé bien souvent de sortir de chez vous, les larmes aux yeux, et de répéter vingt fois de suite, le long de la rue: Mon Dieu! mon Dieu ! quelle femme j'aurai là !... Pardon, mam'zelle; je sais bien que vous ne m'aviez pas promis ça, et que je comptais, comme on dit, sans mon hôte; mais si on ne se flattait pas quelquefois en ce monde, personne n'aurait le courage de vivre. Par exemple, il savait mon projet, lui, le père Lambert. Quelque temps avant sa mort, je lui avais tout dit, à ce pauvre cher homme...

-Ah! interrompit Rose, il ne m'en a jamais parlé. Et qu'avait-il répondu?

- Il m'avait répondu : Quel dommage que tu ne sois pas encore plus avancé! Ce qui était me dire: Travaille et tâche d'arriver, et alors l'affaire pourra s'arranger; mais jusque-là, motus! Et il avait raison, parce que ni lui ni moi ne connaissions l'avenir: je pouvais ne pas réussir; un meilleur parti que moi pouvait se présenter, et il ne fallait pas vous donner des idées trop tôt. Aussi, vous le savez, je n'ai rien dit; et quand il n'a plus été là pour vous protéger, moi qui venais vous voir tous les dimanches, je me suis privé de ce plaisir-là... et ça m'a bien coûté, je vous assure; mais ça aurait pu vous nuire. Je ne suis plus venu que de temps en temps, et seulement pour ne pas être tout-à-fait oublié par

vous...

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– Moi, vous oublier! Ah! M. Martin, ce serait mal à vous de l'avoir cru !

Vous êtes bien bonne, mam'zelle Rose; mais c'est qu'au fond je me rends justice. Je sais bien que je n'ai rien de ce qui plaît aux jeunes filles... Je ne suis pas un joli garçon, moi!... ni un élégant...; je ne suis qu'un ouvrier qui travaille du matin au soir, et qui ne pense guère à la toilette..; et, tout bien compté, je ne m'en repens pas je viens enfin de passer premier ouvrier. Dix francs par jour, et un intérêt dans la maison! et mon patron, M. Marlot, qui a bien assez d'économies pour se retirer des affaires, m'a promis de garder l'établissement jusqu'à ce que je sois en mesure de le prendre. De plus, j'ai deux mille francs sur le grand-livre, et trois cents à la caisse d'épargne....., et je suis venu, mam'zelle Rose, vous dire que vous me rendrez le plus heureux des hommes si vous voulez bien accepter tout ce que je gagnerai à l'ave ir et tout ce que je possède aujourd'hui, on y comprenant un cœur qui vous apprécie comme vous le méritez, mam'zelle, qui n'a ja ais aimé, qui n'aimera jamais que vous... Oh! pour ce qui est de ça, vous pouvez en être sûre, car je voudrais faire autrement que je ne le pc urrais pas.

Pierre Martin débita cette longue harangue tout d'un trait et sans re

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prendre haleine. Il n'y a, dit-on, rien de tel qu'un poltron une fois lancé, et, depuis quinze jours que Martin excitait son courage à cette démarche décisive, il n'y avait pas pensé une seule fois, qu'il ne sentît aussitôt son cœur se serrer et ses jambes fléchir. Ce secret renfermé pendant cinq années au fond de son ame, s'en échappait enfin avec autant de violence que l'eau amassée devant une écluse en met à se précipiter dans le bassin inférieur quand on a levé l'obstacle qui la retenait. Quelle femme fùt demeurée complètement insensible à cet amour si vrai, si désintéressé, si délicat, si profond? Rose en fut touchée, mais en dépit elle-même, seule au monde, et vivant du travail de ses mains, elle avait, d'elle et presque à son insu. D'autres idées la préoccupaient. Livrée à depuis peu, ouvert imprudemment sa mansarde à de fausses amitiés, son oreille à des conseils dangereux, son cœur à des suggestions perfides; elle avait déjà fait quelques pas dans cette route semée de piéges où s'égarent et périssent tant de pauvres filles. Elle répondit assez froidement à Pierre Martin. Cependant, soit par égard pour l'affection si dévouée de ce pauvre garçon, soit par respect pour la mémoire de son père, qu'il avait si à propos évoquée, soit peut-être par coquetterie, ou par cet instinct de prudence que la nature donne aux femmes et qu'elles perdent bien rarement, elle fit preuve de talent diplomatique, et sut manœuvrer avec adresse entre le oui et le non. Martin, qui ne demandait qu'à se faire illusion, trop heureux de ne pas se voir rebuté du premier coup, se confondit en remercîmens, et sortit de chez elle, ivre de joie et d'espérance.

Rose, après son départ, resta quelque temps immobile et pensive.

Il m'aime celui-là, pensait-elle; oh! oui, je ne puis en douter. Une femme doit être heureuse avec lui... Un si honnête homme !... Ce n'est pas brillant, mais c'est bon, c'est solide... Ah! je voudrais pouvoir l'aimer aussi !

Par malheur, Rose n'avait encore que vingt ans, et, à cet âge, quard le cœur et la raison ne sont pas d'accord, c'est rarement la raison que l'on écoute; bientôt d'ailleurs la porte de la jeune fille s'ouvrit et Mlle Picart entra.

Mile Picart, qui ne connaissait Rose que depuis quelques mois, avait su lui inspirer une confiance sans bornes, et exerçait sur son esprit une grande influence. Cependant il y avait bien peu de rapports entre elle et sa jeune compagne, et la règle ordinaire: Qui se ressemble s'assemble, n'était guère applicable cette fois. Madeleine Picart avait environ trente ans, et à n'en juger que par ses traits fatigués et son teint flétri, on lui en eût volontiers donné quarante. Sa bouche était grande et ses lèvres épaisses, son nez gros et court, ses yeux petits, son front étroit et peu élevé, ou, du moins, ses cheveux noirs et touffus en cachaient la plus grande partie. Son accoutrement, ses mouvemens, son langage, tout trahissait en elle les habitudes d'une vie désordonnée qui avait depuis long-temps dépravé son esprit et son cœur. C'était une de ces folles créatures qui ne vivent que pour le plaisir, et qui, chassant obstinément l'avenir de leur pensée, sont toujours esclaves de la passion du moment. Elle entra le rire sur les lèvres, le nez au vent, sautillant sur la pointe de ses pieds, et fredonnant je ne sais quel refrain, qui, mieux articulé, eût sans doute blessé cruellement les oreilles peu aguerries de la pauvre Rose.

-Eh! vite, eh! vite, s'écria-t-elle, habille-toi, fais-toi belle... Tout ce que tu as de plus cossu... Nous dinons au Cadran-Bleu, et de là nous irons à l'Ambigu-Comique... C'est M. Edmond qui régale... Une première loge... rien que ça !

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-

Que veux-tu dire ?... Je ne comprends pas...

Rose n'avait pourtant que trop bien compris, car elle était devenue rouge et tremblante, et parlait d'une voix si faible que Madeleine la devina plus qu'elle ne l'entendit. Mais Madeleine était une femme habile et expérimentée. Les regards attachés sur la jeune fille, elle épiait tous ses mouvemens. Elle vit son trouble, et, satisfaite de l'effet qu'elle avait produit, elle crut pouvoir risquer davantage.

- Je veux dire qu'il t'aime, répondit-elle, et j'en suis sûre. - Il te l'a dit?

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Non... s'il m'avait prise pour confidente, ce serait différent : pour ce qui est de garder un secret, on peut s'en rapporter à Madeleine Picart. J'en suis bien plus sûre que s'il me l'avait dit, ma foi! Les paroles d'un homme peuvent tromper... On peut même ajouter que ça trompe très souvent... Mais ses regards, ses gestes, l'air de sa figure, le son de sa voix, et autres signes qui lui échappent sans qu'il y pense, ça ne trompe pas, ça !... parce que c'est involontaire.

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Les belles dames !... tu ne t'es done jamais aperçue de l'envie que tu leur inspires à ces femmes si fières, toi qui vas travailler chez elles à la journée ? Cependant, je t'ai déjà vue plus de dix fois, pleurant de leurs insolences. Eh! mon Dieu, ma petite, c'est pour se venger de toi qu'elles t'humilient! Elles mettent sur leurs têtes, souvent bien fanées, du velours, du satin, des plumes, de la dentelle; mais, ont-elles des cheveux comme ceux-ci? ont-elles ce teint? ont-elles ces yeux? La plus adroite couturière de Paris leur donnera-t-elle jamais cette taille? Oh ! si elles pouvaient te rencontrer un jour, sur le boulevard, ou au ChampsElysées, non plus les pieds dans la poussière et perdue dans la foule, mais à leur niveau, assise sur le coussin d'un tilbury, traînée par un cheval fringuant, fendant les airs, avec une robe de velours, un diamant sur le front, et un cachemire flottant sur les épaules... comme elles crèveraient de dépit toutes ces belles dames!... Les Messieurs les plus élégans les planteraient là tout de suite, et ne verraient plus que toi!...

Tais-toi, Madeleine! tais-toi, dit Rose d'une voix tremblante... Ces idées-là ne peuvent servir qu'à perdre une pauvre fille... Ce qu'il me faut, à moi, c'est un mari, un bon mari... et justement, j'en ai trouvé un qui m'a fait sa demande aujourd'hui même... Un bien honnête homme... Pierre Martin, tu sais?

Le serrurier! s'écria Madeleine en riant aux éclats. Il n'est pas dégoûté, par exemple! On lui en donnera des Rose Lambert! C'est pour lui qu'elles sont faites, ma foi! Un manant! un pataud ! qui sent la fumée d'un quart de lieue, qui a la figure toute noire et les mains pleines

de durillons! Bel amoureux pour ma pctite Rose !... Monsieur Martin!.. Pourquoi pas aussi l'autre Martin, celui du Jardin des Plantes? Rose ne dit plus mot, et fut près de rougir de la bonne pensée qu'elle avait eue.

-Allons, reprit Madeleine Picart, laissons-là ce nigaud, et dépêchonsnous. Il est tard; M. Edmond va bientôt arriver, et tu ne veux pas probablement qu'il te trouve en négligé comme te voila?

Sans être tout-à-fait convaincue, Rose se mit provisoirement à sa toilette. Elle n'aimait pas encore M. Edmond, mais il lui paraissait bien flatteur d'en être aimée. Tout en aidant la jeune fille à son importante besogne, Madeleine Picart poursuivait l'œuvre de séduction qu'elle avait entreprise, et il fallut bien que Rose, malgré sa confiance naïve, vît enfin vers quel but on la poussait. En ce moment, elle était presque entierement ajustée et venait d'ouvrir son écrin.

Cet écrin n'était autre qu'une boîte en carton, destinée primitivement à contenir des épingles, et où Rose renfermait quelque bijoux de chry socale, tels qu'une pauvre fille comme elle en pouvait avoir. Parmi eux se trouvait un bijou d'une autre espèce et d'un bien grand prix, puisque son père l'avait payé de son sang, la croix d'honneur que le sergent de la garde avait porté avec tant d'orgueil, sa vieille croix, ornée de l'effigie de l'Empereur et toute ébréchée. A la vue de cette précieuse relique. Rose devint immobile et changea de visage.

-Qu'as-tu done? dit Madeleine en s'interrompant tout à coup.

- Rien dit Rose, rien du tout; va toujours.

- Le mariage! reprit Madeleine; mais ma chère, tout le monde s'e moque aujourd'hui, excepté les imbécilles. Le mariage n'est plus de mode et sera bientôt supprimé. Quelle bêtise, quand on peut rester sa maîtresse et faire toute sa vie ce qu'on veut, de devenir la servante d'un rustre, d'un butor dont il faut tous les jours faire la soupe et raccommoder les bas!... Ah! si j'étais comme toi jeune et jolie, comme je voudrais, au lieu de cela, avoir des domestiques à mon tour, et m'amuser toute la journée, et porter des chapeaux à plumes, et habiter un appartement au premier, orné de glaces et de meubles en acajou! Le plus souvent que...

-Madeleine, interrompit tout à coup Rose avec une singulière véhemence, vois-tu cela?

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- Madeleine, je t'ai bien aimée! mais je ne t'aime plus du tout... Tu as un bien beau châle sur le dos, Madeleine!

Madeleine Picart rougit prodigieusement, et balbutia une réponse peu intelligible, que Rose d'ailleurs n'écouta pas.

- Viens avec moi, viens, reprit-elle; tu as voulu faire de moi une... ce que tu es enfin !... Et moi, je t'écoutais sans défiance!... Le bon Dieu m'a sauvée en offrant à mes yeux cette relique, qui ne me quittera plus... Viens, te dis-je!...

Elle s'élança hors de sa chambre, et il y avait dans sa démarche. dans son regard, dans sa voix, un accent si impérieux que Madeleine la suivit machinalement. Bientôt elles arrivèrent dans l'atelier de Pierre Martin.

Monsieur Martin, lui dit Rose, j'ai eu tort ce matin. Quand un brave jeune homme, tel que vous, veut bien faire à une pauvre fillcomme moi une proposition honorable, elle doit l'accepter sur-le-champ. et avec reconnaissance! Toutes mes réflexions sont faites, et je serai votre femme quand vous voudrez, monsieur Martin.

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