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depuis on les pèse. On sait, depuis lui, qu'ils ont des valeurs inégales, qu'un caractère du premier rang équivaut à plusieurs du second; un de ceux-ci à plusieurs du troisième, etc., etc.; ni Tournefort, ni Adanson, ni Linné n'avaient saisi cette considération supérieure ; Bernard l'aperçut, s'en saisit, et, si je puis ainsi dire, la déposa tacitement dans son Catalogue (de Trianon); Laurent de Jussieu l'en tira, la développa, la mit en pleine évidence; M. Cuvier la fit passer, en l'agrandissant, de la botanique à la zoologie, et c'est ainsi que nous avons eu la méthode.

Scrupuleusement occupé auprès d'Antoine (son frère aîné, botaniste aussi, qui l'avait appelé à Paris) à tous les devoirs de la piété filiale, Bernard multipliait son activité et les trésors de sa tendresse pour entourer de soins sa vieillesse. Heureux par eux-mêmes, par leurs amis et par l'étude, la plus douloureuse surprise saisit le pauvre Bernard, lorsqu'une courte maladie lui enleva Antoine. Il tomba dans une sombre rêverie dont il ne se releva plus. Assis seul au foyer commun, sa longue méditation ne commença qu'alors à être interrompue par des pensées amères. Il ne quittait plus sa maison que pour aller à l'église, au Jardin Royal ou à l'Académie. Ces jours-là, ceux d'Académie, étaient les grands jours.

Le long âge condamna Bernard à la cécité; mais ces soulagements, qu'il avait tendrement prodigués à Antoine, lui furent tous rendus par Laurent (son neveu qu'il avait appelé auprès de lui): mêmes soins, même délicatesse. Assis tout le jour près de lui, pendant ses

dernières années, le vieillard, sous l'apparence d'une méditation douce, s'animait du travail de celui-ci : c'était comme une seconde phase d'une même vie, comme une pensée qui se continuait; Bernard ne s'éteignit point, il se transforma: sa dépouille quitta la maison fraternelle le 6 novembre 1777.

A l'époque où parut le Genera plantarum, la botanique possédait 20.000 plantes, dont plus de la moitié n'avait pas été connue de Bernard... L'auteur (Laurent de Jussieu) distribue ces 20.000 plantes en cent ordres; et ces cent ordres en 1.754 genres; et chacun de ces ordres a ses caractères, chacun de ces genres a les siens; et tous ces caractères sont évalués, appréciés, pesés.

C'est ce calcul admirable des caractères qui fait le livre.

L'auteur les divise en trois classes:

Les premiers essentiels, constants, uniformes dans tous les ordres, et tirés des organes les plus importants : le nombre des lobes ou cotylédons de l'embryon, l'insertion des étamines ou leur disposition relativement au pistil, la situation de la corolle staminifère;

Les seconds, généraux, presque uniformes dans tous les ordres, ou n'y variant que par exception, et tirés d'organes moins importants : la présence ou le défaut, soit du calice, soit de la corolle non staminifère, la structure de la corolle considérée comme monopétale ou polypétale, la situation relative du calice et du pistil, enfin la présence ou l'absence du périsperme;

Les troisièmes, tantôt uniformes et tantôt variables, tantôt fournis par un organe et tantôt par un autre, le

calice monophyle ou polyphyle, l'ovaire simple ou multiple, le nombre, la proportion, la connexion des étamines, le nombre des loges du fruit et sa manière de s'ouvrir, la position des feuilles et des fleurs, etc., etc.

Grâce à cette classification des signes par lesquels se classent les plantes, Laurent a toujours devant lui le classificateur qui le guide. Il ne s'agit plus que de respecter partout cette première classification qui donne l'autre. Ne laissez jamais s'introduire un caractère de genre dans la définition d'un ordre, ni un caractère d'ordre dans la définition d'un genre. L'ordre naturel est si bien là que la moindre interversion ferait dis

sonnance.

En 1793, le Jardin des Plantes reçut une organisation nouvelle et prit le titre de Muséum d'histoire naturelle. Daubenton en fut le premier directeur. M. de Jussieu lui succéda. Dans ces temps difficiles, il se dévoua tout entier à l'administration de ce bel établissement. Les bibliothèques des corps religieux venaient d'être supprimées; il obtint d'y choisir tout ce qui avait trait à l'histoire naturelle, et réunit ainsi les éléments de la bibliothèque, aujourd'hui si riche, du Muséum.

Presque toujours enfermé dans son cabinet, M. de Jussieu était demeuré étranger à toutes les agitations politiques qui, alors, remuaient la France. On lui avait fait quelques reproches de n'avoir jamais paru aux assemblées populaires. Il jugea opportun, après avoir toutefois donné le dernier bon à tirer de son Genera, d'aller à sa section qui était celle des Sans-Culottes. On

nommait, ce jour-là, un président : à sa grande stupéfaction, il fut immédiatement promu aux honneurs du fauteuil. A partir de ce moment, les dignités municipales plurent sur lui, qui ne demandait ni n'osait refuser ces honneurs dangereux, et ne cherchait qu'une occasion de rentrer au plus vite dans sa botanique.

M. Adrien (de Jussieu) avait noblement compris, noblement accepté le grand poids de la renommée de ses ancêtres. Ses travaux marqués au coin de la vraie supériorité, témoignent par leur petit nombre même, dù à ce qu'il ne voulait s'en permettre que d'excellents, de son respect pour ses aïeux et pour lui-même, d'ailleurs si richement pourvu de tous les moyens de bien faire. Quelques-uns de ses mémoires sont des modèles achevés de cette étude complète et approfondie des familles, qui embrasse non seulement tout ce qui tient à la formation des groupes, mais tout ce qui se rapporte à l'anatomie, à la physiologie, à la géographie végétale. Son Traité élémentaire de botanique est le résumé le plus substantiel, le plus précis, et le plus élégant à la fois; enfin son article Taxonomie du Dictionnaire universel d'histoire naturelle est le morceau le plus sensé et le plus profond qui ait été écrit de nos jours sur la grande question des Méthodes.

Son père qui lui avait laissé sa chaire du Muséum en 1826, eut le bonheur de le voir, en 1831, prendre place à côté de lui à l'Académie.

FLOURENS.

BUFFON (GEORGES-LOUIS DE)

Montbard (Côte-d'Or), 1707; Paris, 1788. Naturaliste et écrivain. A parcouru l'Italie et l'Angleterre. Intendant du Jardin du Roi. Membre de l'Académie française.

Ses descriptions, en beau style, ont répandu la connaissance et le goût de l'histoire naturelle. Il repoussait les classifications et les nomenclatures.

Histoire naturelle, 44 vol. 4° (avec Daubenton et Lacépède. Minéraux ; homme; quadrupèdes et oiseaux. Un vol. est intitulé: Les époques de la Nature.)

Dans ces dix-huit mois de courses, le jeune Buffon ne vit que la nature à la fois riante, majestueuse et terrible; offrant des asiles voluptueux et de paisibles. retraites entre les torrents de lave et sur les débris des volcans; prodiguant ses richesses à des campagnes qu'elle menace d'engloutir sous des monceaux de cendres et des fleuves enflammés, et montrant à chaque pas les vestiges et les preuves des antiques révolutions. du globe. La perfection des ouvrages des hommes, tout ce que leur faiblesse a pu y imprimer de grandeur, tout ce que le temps a pu y donner d'intérêt ou de majesté, disparaît à ses yeux devant les ombres de cette main créatrice dont la puissance s'étend sur tous les mondes, et pour qui, dans son éternelle activité, les générations humaines sont à peine un instant. Dès lors il apprit à voir la nature avec transport comme avec réflexion; il réunit le goût de l'observation à celui des sciences contemplatives, et, les embrassant toutes dans l'universalité de son savoir, il forma la résolution de leur dévouer exclusivement sa vie.

CONDORCET.

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