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dans l'impoffibilité de concourir jamais aux progrès réels des connoiffances humaines.

Graces à leurs écrits lumineux, nous comprenons que pour bien connoître les chofes, & dès-là même pour communiquer aux autres des connoiffances folides & utiles, il faut commencer, non par des principes généraux & abftraits, mais par les faits & les obfervations dont ceux-là ont été le réfultat; que nos premiers maitres doivent être Pexpérience par rapport aux objets fenfibles; Pattention à nous-mêmes & aux impreffions que les objets extérieurs font sur notre ame, pour voir d'où viennent fes premieres perceptions & les premiers matériaux de fa pensée; la confidération réfléchie des diverfes facultés & opérations que cette ame déploie fucceffivement fur ces premiers matériaux, pour fe former des idées vraies & exactes de ces divers objets qui ont fait impreffion fur elle; l'application enfin à connoître avec précision Porigine, le développement & la génération de fes idées, & comment elle s'y prend encore pour s'élever fans-ceffe par degrés à des connoiffances vraies & certaines, fur-tout ce dont il lui importe d'être inftruite.

Graces à ces grands hommes, nous comprenons que cette méthode est fans contredit

la plus propre pour instruire les jeunes gens de ce que les chofes font réellement dans la nature, & les conduire de ce qu'ils favent déja avec certitude par leurs propres obfervations, à ce qu'ils ne favent pas encore, en fe fervant d'une premiere connoiffance folide comme d'échelon pour les élever fucceffivement à des connoiffances nouvelles & par des progrès réels & fûrs.

Nous comprenons enfin que les jeunes gens inftruits par cette marche des forces naturelles de leur efprit, connoiffant, par une forte de fentiment de befoin, la néceffité où ils font de les exercer par eux-mêmes pour étendre leurs connoiffances, leurs progrès dans celles-ci deviendront pour eux auffi aifés que rapides, & qu'ils pourront en faifir avec autant de promptitude que d'avidité la gradation & l'enchaînure, parce que cette mé thode ne leur offrira rien qui ne foit exacte, ment concordant avec la marche ordinaire de l'efprit humain, qui dans fes opérations fe regle toujours fur l'ordre tracé par la nature, & ne s'en écarte jamais tant qu'il n'est pas entraîné par une loi contraire que l'autorité rend plus impérieufe; tout cela fera éclairci plus au long dans notre feconde Partie,

Mais ces grands hommes qui ont eu la gloire de nous mettre fur la vraie route de la lumiere & de l'inftruction, auroient-ils fait tout ce qu'il eft poffible de faire en ce genre? En fe bornant à nous présenter leurs propres obfervations & celles de leurs contemporains, ne nous auroient-ils point peutêtre laiffé dans un cercle de faits trop circonfcrit, & fur une base trop resserrée encore, pour élever là-deffus un édifice régulier & complet des connoiffances humaines? Enfin, ne pourroit-on pas concevoir quelque bafe plus étendue encore, & un édifice plus vafte fans être moins régulier? C'eft ce que nous devons examiner dans le chapitre suivant,

CINQUIEME RÉFLEXION.

Si l'on jette les yeux fur le tableau de la diftribution des sciences que nous avons préfenté dans le chapitre précédent, on ne tardera pas à s'appercevoir que fes diverses parties repofent principalement fur des connoiffances hiftoriques relatives à l'efpece humaine ou du moins intéreffantes pour elle, & qu'elles fe rapportent même toutes plus ou moins directement à l'homme comme à leur objet principal, & le centre de réunion de toutes leurs vues utiles; qu'enfin, elles doi

vent dès-là même fe correfpondre les unes aux autres, & fe lier entr'elles comme tout fe correfpond, & eft lié dans le fyftême de l'humanité.

Cette obfervation fi frappante pour tout homme attentif, femble n'avoir fait qu'une impreffion très-légere fur ceux qui ont traité les fciences féparément, & fur ceux même qui ont voulu les confidérer dans leur enfemble. Qui diroit à la lecture des Auteurs qui ont écrit fur différens genres, à la lecture d'une Encyclopédie, que l'homme eft le centre où toutes les fciences doivent aboutir, où tous les rayons de la lumiere intellectuelle doivent converger. L'oubli à cet égard a été fi frappant que dans la diftribution des fciences, dans l'arbre généalogique qui la préfente, dans les ouvrages destinés à une inftruction univerfelle, on n'a pas même tracé la plus légere efquiffe, on n'a pas même conçu l'idée ni fait la moindre mention de la science générale de l'homme, & qu'on a pu traiter les diverfes parties de la Philofophie, la Pfycologie, la Logique, la Morale, fans avoir penfé à les faire précéder de cette fcience que nous appellons Antropologie.

Qui peut douter cependant de la réalité

de cette fcience qui n'eft autre chofe que la réunion des faits généraux, tant phyfiques que moraux, qui font immédiatement relatifs à l'homme, mais l'homme confidéré fous toutes les faces qui le rendent intéreffant à fes propres yeux; l'homme diftingué des autres efpeces par de glorieuses prérogatives; l'homme appartenant à une espece répandue fur la terre, & diftribuée en fociétés dont tous les individus agiffent en vue d'un commun intérêt; l'homme déployant fon industrie pour pourvoir à fes befoins & à fon bien-être par les arts de premiere & de feconde néceffité, s'occupant des objets de goût & s'élevant à la théorie des sciences ; l'homme développant fon intelligence pour embraffer par fa pensée, tout ce qui l'environne, & fe procurer des connoiffances vraies & certaines; l'homme exerçant fa liberté & fon activité felon certaines regles dictées par la nature & connues par fa raifon; l'homme liant commerce avec fes femblables par le langage, & affujettiffant ce langage à une forme & une marche réguliere qui favorife la communication exacte de fes fentimens & de fa penfée; l'homme enfin s'égarant dans fes opinions fur fon origine, fa deftination & fur l'objet de fon culte, & ne

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