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fans,contemplatifs, ingenieux, religieux,sages. ar la sagesse est aux animaux froids comme ux elephans, qui, comme le plus melancholique Le tous les animaux, est le plus sage, docile, Ereligieux, à cause du sang froid. De ce temperament melancholique advient aussi que les meridionaux sont paillards à cause de la melancholie spumeuse, abradente et salace, comme il se voyt aux lievres; et cruels, parce que ceste melancholie abradente presse violemment les passions et la vengeance. Les septentrionaux, pituiteux et sanguins, de temperament tout contraire aux meridionaux, ont les qualités toutes contraires, saufqu'ils conviennent en une chose, c'est qu'ils sont aussi cruels et inhumains; mais c'est par une autre raison, sçavoir par défaut de jugement, dont comme bestes ne se sçavent commander et se contenir. Ceux du milieu, sanguins et choleres, sont temperés, d'une belle humeur, joyeux, disposts, actifs.

Nous pourrons encores plus exquisement et subtilement representer le divers naturel de ces trois sortes de peuples, par application et comparaison de toutes choses, comme se pourra voir en ceste petite table, où se voyt que proprement appartient et se peut rapporter aux septentrionaux1: le sens commun; force comme des ours et bestes; Mars, Lune guerre, chasse; art et manufacture; ouvriers, artisans, soldats. Executer et obeir; jeunes mal-habiles.

Aux moyens, discours et ratiocination; raison et justice d'hommes; Jupiter, Mercure : empereurs, orateurs; prudence, cognoissance du bien et du mal; magistrats pourvoyans: juger, commander; hommes faits, manieurs. d'affaires.

Aux meridionaux, intellect; finesse de renards, et religion de gens divins; Saturne, Venus contemplation, amour; science du vray et du faulx; pontifes, philosophes : contempler; vieillards graves, sages, pensifs.

Les autres distinctions plus particulieres se peuvent rapporter à ceste-cy generale de midy et nord; car l'on peut rapporter aux conditions des septentrionaux ceux d'occident et ceux qui vivent aux montagnes, guerriers, fiers, amoureux de liberté, à cause du froid qui est aux montagnes. Aussi ceux qui sont eslongnés de

(1) Charron a pris toute la distribution de cette table dans la République de Bodin, liv. V, c. 1.

MORAL.

la mer, plus simples et entiers. Et au contraire aux conditions des meridionaux l'on peut rapporter les orientaux, ceux qui vivent aux vallées, effeminés, delicats, à cause de la fertilité d'où vient la volupté. Aussi les maritimes trompeurs et fins à cause du commerce et du trafic avec diverses sortes de gens et nations.

Par tout ce discours il se voyt qu'en general ceux de septentrion sont plus advantages au corps et ont la force pour leur part, et ceux du midy en l'esprit, et ont pour eux la finesse; ceux du milieu ont de tout et sont temperés en tout. Aussi s'apprend par là que leurs mœurs ne sont à vray dire ny vices ny vertus, mais œuvres de nature; laquelle du tout corriger et du tout renoncer il est plus que difficile, mais adoucir, temperer, ramener à peu près les extremités à la mediocrité, c'est l'œuvre de vertu.

CHAPITRE XLIV.

Seconde distinction et difference plus subtile des esprits et suffisances des hommes.

Ceste seconde distinction, qui regarde l'esprit et la suffisance, n'est apparente et perceptible comme les autres et vient tant du naturel que de l'acquit, selon laquelle y a trois sortes de gens au monde, comme trois classes et degrés d'esprits. En l'un et le plus bas sont les esprits foibles et plats, de basse et petite capacité, nais pour obeir, servir et estre menés, qui en effect sont simplement hommes. Au second et moyen estage sont ceux qui sont de mediocre jugement, font profession de suffisance, science, habileté; mais qui ne se sentent et ne se jugent pas assez, s'arrestent à ce que l'on tient communement et l'on leur baille du premier coup, sans davantage s'enquerir de la verité et source des choses, voire pensent qu'il ne l'est pas permis et ne regardent point plus loin que là où ils se trouvent; pensent que partout est ainsi ou doubt estre; que si c'est autrement, ils faillent et sont barbares. Ils s'asservissent aux opinions et lois

municipales du lieu où ils se trouvent dès lors qu'ils sont esclos, non seulement par observance et usage, ce que tous doibvent faire, mais encore de cueur et d'ame, et pensent que ce que

(1) Les Asiatiques, dit Aristote, sont ingénieux et adroits; mais ils n'ont point de cœur. De là vient qu'ils obéissent et servent toujours. Polit. liv. VII, c. 7.

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l'on croit en leur village est la vraye touche de verité (cecy ne s'entend de la verité divine revelée ny de la religion ), c'est la seule ou bien la meilleure reigle de bien vivre. Ces gens sont de l'eschole et du ressort d'Aristote, affirmatifs, positifs, dogmatistes, qui regardent plus l'utilité que la verité, ce qui est propre à l'usage et trafic du monde qu'à ce qui est bon et vray en soy. En ceste classe y a très grand nombre et diversité de degrés; les principaux et plus habiles d'entr'eux gouvernent le monde et ont les commandemens en main. Au troisiesme et plus haut estage sont les hommes doués d'un esprit vif et clair, jugement fort, ferme et solide, qui ne se contentent d'un ouy dire, ne s'arrestent aux opinions communes et receues, ne se laissent gagner et preoccuper à la creance publique, de laquelle ils ne s'estonnent point, sçachant qu'il y a plusieurs bourdes, faulsetés et impostures receues au monde avec approbation et applaudissement, voire adoration et reverence publique; mais examinent toutes choses qui se proposent, sondent meurement et cherchent sans passion les causes, motifs et ressorts, jusques à la racine, aimant mieux doubter et tenir en suspens leur creance que par une trop molle et lasche facilité ou legereté, ou precipitation de jugement, se paistre de faulseté, et affirmer ou se tenir asseurés de chose de laquelle ils ne peuvent avoir raison certaine. Ceux-cy sont en petit nombre, de l'eschole et ressort de Socrates et Platon, modestes, sobres, retenus, considerant plus la verité et realité des choses que l'utilité; et s'ils sont bien nais, ayant avec ce dessus la probité et le reiglement des mœurs, ils sont vrayement sages et tels que nous cherchons icy. Mais pource qu'ils ne s'accordent pas avec le commun quant aux opinions, voyent plus clair, penetrent plus avant, ne sont si faciles, ils sont soupçonnés et mal estimés des autres qui sont en beaucoup plus grand nombre, et tenus pour fantasques et philosophes; c'est par injure qu'ils usent de ce mot. En la premiere de ces trois classes y a bien plus grand nombre qu'en la seconde et en la seconde qu'en la troisiesmę. Ceux de la premiere et derniere, plus basse et plus haute, ne troublent point le monde, ne remuent rien, les uns par insuffisance et foiblesse, les autres par grande suffisance, fermeté et sagesse. Ceux du milieu font tout le bruict et les disputes qui sont au monde, presomptueux,

tousjours agités et agitans. Ceux de la plus basse marche, comme le fond, la lie, la sentine, ressemblent à la terre, qui ne faict que recevoir et souffrir ce qui vient d'en haut. Ceux de la moyenne ressemblent à la region de l'air en laquelle se forment tous les meteores et se font tous les bruicts et alterations qui puis tombent en terre. Ceux du plus haut estage ressemblent à l'ether et plus haute region voisine du ciel, sereine, claire, nette et paisible. Ceste difference d'hommes vient en partie du naturel, de la premiere composition et temperament du cerveau, qui est different, humide, chaud, sec, et par plusieurs degrés; dont les esprits et jugemens sont ou forts, solides, courageux ou foibles, craintifs, plats; en partie de l'instruction et discipline; aussi de l'experience et hantise du monde, qui sert fort à se desniaiser et mettre son esprit hors de page. Au reste, il se trouve de toutes ces trois sortes de gens soubs toute robe, forme et condition, et des bons et des mauvais, mais bien diversement.

L'on faict encores une autre distinction d'esprits et suffisances, car les uns se font voye eux-mesmes et ouverture, se conduisent seuls. Ceux-cy sont heureux de la plus haute taille et bien rares; les autres ont besoing d'aide, mais ils sont encore doubles; car les uns n'ont besoing que d'estre esclairés; c'est assez qu'il y aye un guide et un flambeau qui marche devant, ils suyvront volontiers et bien aisement. Les autres veulent estre tirés, ont besoing de compulsoire, et que l'on les prenne par la main. Je laisse ceux qui par grande foiblesse, comme ceux de la plus basse marche, ou par malignité de nature, comme il y en a en la moyenne, qui ne sont bons à suyvre, ny ne se laissent tirer et conduire, gens desesperés.

CHAPITRE XLV.

Troisiesme distinction et difference des hommes accidentale, de leurs degrés, estats et charges.

Ceste distinction accidentale, qui regarde les estats et charges, est fondée sur deux principes et fondemens de la societé humaine, qui sont commander et obeir, puissance et subjection, superiorité et inferiorité: Imperio et ob

sequio omnia constant. Ceste distinction se verra premierement mieux en gros en ceste table.

Division premiere et generale.

Toute puissance et subjection est, ou

1. Privée, laquelle est aux familles et mesnages, et est de quatre façons:

Mariage, du mary à la femme; ceste-cy est la source de la societé humaine. - Paternelle, des parens sur les enfans; ceste-cy est vrayement naturelle. - Herile, double, sçavoir des seigneurs sur leurs esclaves, maistres sur leurs serviteurs. Patronelle, des patrons sur leurs affranchis, de laquelle l'usage est peu fréquent. Aux corps et colleges, communautés civiles, sur les particuliers membres de la communauté.

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2. Publique, laquelle est ou souveraine, qui est de trois façons et sont trois sortes d'estats, cuncias nationes et urbes, populus, aut primores, aut singuli regunt2, sçavoir: monarchie d'un, aristocratie de peu, démocratie de tous. Subalterne, qui est en ceux qui sont superieurs et inferieurs pour diverses raisons, lieux, personnes, comme sont les seigneurs particuliers en plusieurs degrés. Officiers de souveraineté; qui sont en grande diversité.

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Ceste puissance publique, soit souveraine soit subalterne, reçoit des subdivisions qu'il faut sçavoir. La souveraine qui est triple, comme dict est, pour le regard de la maniere du gouvernement est encores triple, c'est-àdire chascune de ces trois est conduicte en trois façons, dont est dicte royale, ou seigneuriale, ou tyrannique. Royale, en laquelle le souverain (soit-il un, ou plusieurs, ou tous) obeissant aux loix de nature, garde la liberté naturelle et la proprieté des biens aux subjects. Ad reges potestas omnis pertinet, ad singulos proprietas... Omnia rex imperio possidet, singuli dominio. Seigneuriale, où le souverain

(1) Tout consiste dans le commandement et l'obéissance. (2) Toutes les nations et toutes les villes sont gouvernées ou par le peuple, ou par les grands, ou par des monarques. TACIT. Annal., liv. IV, c. 53, initio.

(3) Aux rois appartient toute la puissance, à chacun des sujets la propriété. Le roi possède tout, mais à titre de maître; les sujets possèdent à titre de propriétaires. SÉN. de Beneficiis, liv. VII; la première partie, du c. 4; la seconde, du c. 5, imtio. Sénèque dit: Ad veges potestas omnium pertinet, et non pas, potestas omnis.

est seigneur des personnes et des biens, par le droict des armes, gouvernant ses subjects. comme esclaves. Tyrannique, où le souverain, mesprisant toutes loix de nature, abuse des personnes et des biens de ses subjects, differant du seigneur comme le voleur de l'ennemi de guerre. Des trois estats souverains le monarchique, et des trois gouvernemens le seigneurial, sont les anciens, grands, durables, augustes, comme anciennement Assyrie, Perse, Egypte, et maintenant Æthiopie, la plus ancienne qui soit, Moscovie, Tartarie, Turquie, le Peru. Mais le meilleur et plus naturel estat et gouvernement est la monarchie royale; les aristocraties fameuses sont jadis Lacedemone et maintenant Venise; les democraties, Rome, Athenes, Carthage, royales en leur gouverne

ment.

La puissance publique subalterne, qui est aux seigneurs particuliers, est de plusieurs sortes et degrés, principalement cinq, savoir: seigneurs

Tributaires, qui do:bvent tribut seulement; feudataires, vassaux simples, qui doivent foy et hommage pour le fief; ces trois peuvent

estre souverains.

Vassaux liges, qui outre la foy et hommage doibvent encore le service personnel, dont ils ne peuvent estre vrayement souverains.

Subjects naturels, soit vassaux ou censiers, ou autrement, lesquels doibvent subjection et obeissance et ne se peuvent exempter de la puissance de leur souverain, et sont seigneurs.

La puissance publique subalterne, qui est aux officiers de la souveraineté, est de plusieurs sortes, et, pour le regard de l'honneur et de la puissance, reviennent à cinq degrés.

Premier et plus bas, des infames qui doibvent demourer hors la ville, executeurs derniers de la justice.

2. De ceux qui n'ont ny honneur ny infamie, sergeants, trompettes.

3. Qui ont honneur sans cognoissance et puissance, notaires, receveurs, secretaires.

4. Qui ont honneur, puissance et cognoissance, mais sans jurisdiction, les gens du roy.

5. Qui ont jurisdiction et par ainsi tout le reste; et ceux-cy s'appellent proprement magistrats, desquels y a plusieurs distinctions, et principalement ces cinq qui sont toutes doubles :

1. En majeurs, senateurs, mineurs, juges; 2. En politiques, militaires;

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Advertissement. Icy est parlé en particulier des pieces de ceste table et distinction de puissances et subjections (commençant par les privées et domestiques), c'est-à-dire de chasque estat et profession des hommes, pour les cognoistre c'est icy le livre de la cognoissance de l'homme; car les debvoirs d'un chascun seront au troisiesme livre en la vertu de justice, où de mesme ordre tous ces estats et chapitres se reprendront. Or, avant y entrer, faut sommairement parler du commander et obeir, deux fondemens et causes principales de ces diversités d'estats et charges.

Ce sont, comme a esté dict, deux fondemens de toute societé humaine, et de la diversité des estats et professions. Ces deux sont relatifs, se regardent, requierent, engendrent et conservent mutuellement l'un l'autre, et sont pareillement requis en toute assemblée et communauté, mais qui sont obligés à une naturelle envie, contestations et mesdisance ou plaincte perpetuelle. La populaire rend le souverain de pire condition qu'un charretier; la monarchique le met au-dessus de Dieu. Au commander est la dignité, la difficulté ( ces deux vont ordinairement ensemble), la bonté, la suffisance, toutes qualités de grandeur. Le commander, c'est à-dire la suffisance, le courage, l'au thorité est du ciel et de Dieu imperium non nisi divino fato datur: omnis potestas à Deo est1: dont dict Platon que Dieu n'establit point des hommes, c'est-à-dire de la commune sorte et suffisance, et purement humaine par dessus les autres; mais ceux qui, d'une touche divine, et par quelque singuliere vertu et don du ciel, surpassent les autres, dont ils sont appellés heroes. En l'obeir est l'utilité, l'aisance, la neces

(1) L'empire n'est donné que par la Providence divine, toute puissance vient de Dieu.

sité, tellement que, pour la conservation du public, il est encores plus requis que le bien commander; et est beaucoup plus dangereux le desny d'obeir ou le mal obeir que le mal commander. Tout ainsi qu'au mariage, bien que le mary et la femme soient egalement obligés à la loyauté et fidelité, et l'ayent tous deux promis par mesmes mots, mesmes ceremonies et so

lemnités, si est-ce que les inconveniens sortent sans comparaison plus grands de la faute et adultere de la femme que du mary; aussi bien que le commander et obeir soient pareillement requis en tout estat et compagnie, si est-ce que les inconveniens sont bien plus dangereux de la desobeissance des subjects que de la faute des commandans. Plusieurs estats ont longuement roulé et assez heureusement duré soubs de très meschans princes et magistrats, les subjects s'y accommodans et obeissans ; dont un sage, interrogé pourquoy la republique de Sparte estoit si florissante, si c'estoit pource que les roys commandoient bien: Mais plustost, dict-il, pource que les citoyens obeissent bien1. Mais si les subjects refusent d'obeir et secouent le joug, il faut que l'estat donne du nez à terre.

CHAPITRE XLVII.

Du Mariage.

Combien que l'estat du mariage soit le premier et plus ancien, le plus important, et comme le fondement et la fontaine de la societé humaine, d'où sourdent les familles, et d'elles les republiques: Prima societas in conjugio est, quod principium urbis, seminarium reipublicæ, si est-ce qu'il a esté desestimé et descrié par plusieurs grands personnages, qui l'ont jugé indigne de gens de cueur et d'esprit et ont dressé ces objects contre lui.

Premierement ils ont estimé son lien et son obligation injuste, une dure et trop rude captivité, d'autant que par mariage l'on s'attache et s'assubjectit par trop au soin et aux humeurs d'autruy; que s'il advient d'avoir mal rencon

(1) Ce fut Théopompe, roi de Lacédémone, qui fit cette réponse. PLUT. Instruction pour ceux qui manient les affaires d'etat.

(2) La première société, dans l'ordre naturel, est le mariage... c'est là le principe de la cité, et comme la pépinière de la république. C!c. de Offic., liv. 1, c. 47.

tré, s'estre mescompté au choix et au marché, et que l'on aye prins plus d'os que de chair, l'on demoure miserable toute sa vie. Quelle iniquité et injustice pourroit estre plus grande que, pour une heure de fol marché, pour une faute faicte sans malice et par mesgarde et bien souvent pour obeir et suyvre l'advis d'autruy, l'on soit obligé à une peine perpetuelle ? Il vaudroit mieux se mettre la corde au col et se jetter en la mer la teste la premiere, pour finir ses jours bientost, que d'estre tousjours aux peines d'enfer et souffrir sans cesse à son costé la tempeste d'une jalousie, d'une malice, d'une rage et manie, d'une bestise opiniastre et autres miserables conditions ; dont l'un a dict que qui avoit inventé ce nœud et lien de mariage avoit trouvé un bel et specieux expedient pour se venger des humains, une chaussetrappe ou un filet pour attrapper les bestes et puis les faire languir à petit feu. L'autre a dict que marier un sage avec une folle, ou au rebours, c'estoit attacher le vif avec le mort, qui estoit la plus cruelle mort inventée par les tyrans pour faire languir et mourir le vif par la compagnie du mort.

Par la seconde accusation ils disent que le mariage est une corruption et abastardissement des bons et rares esprits, d'autant que les flatteries et mignardises de la partie que l'on aime, l'affection des enfans, le soin de sa maison et advancement de sa famille, relaschent, destrempent et ramolissent la vigueur et la force du plus vif et genereux esprit qui puisse estre, tesmoins Samson, Salomon, Marc-Antoine, dont au pis aller il ne faudroit marier que ceux qui ont plus de chair que d'esprit, vigoureux aut corps et foibles d'ame, les attacher à la chair et leur bailler la charge des choses petites et basses selon leur portée. Mais ceux qui, foibles de corps, ont l'esprit grand, fort et puissant, est-ce pas grand dommage de les enferger et garrotter à la chair et au mariage, comme l'on faict les bestes à l'estable? Nous voyons mesme cela aux bestes; car les nobles qui sont de valeur et de service, chevaux, chiens, l'on les esloigne de l'accointance de l'autre sexe; l'on ne met au haras que les bestes de moindre estime. Aussi ceux qui sont destinés, tant hommes que femmes, à la plus venerable et saincte vacation et qui doivent estre comme la cresme et la mouelle de la chrestienté, les gens d'église

et de religion, sont exclus du mariage, et c'est pource que le mariage empesche et destourne. les belles et grandes elevations d'ame, la contemplation des choses hautes, celestes et divines, qui est incompatible avec le tabut des af faires domestiques, à cause de quoy l'apostre prefere la solitude de la continence au mariage. L'utile peut bien estre du costé du mariage, mais l'honnesteté est de l'autre costé.

Puis il trouble les belles et sainctes entreprinses, comme sainct Augustin recite, qu'ayant deseigné avec quelques autres siens amis, dont il y en avoit de mariés, de se retirer de la ville et des compagnies pour vaquer à l'estude de sagesse et de vertu, leur dessein fut bientost rompu et interverty par les femmes de ceux qui en avoient; et a dict aussi un sage que, si les hommes se pouvoient passer de femmes, qu'ils seroient visités et accompagnés des anges.

Plus, le mariage empesche de voyager parmy le monde et les estrangers, soit pour apprendre à se faire sage, ou pour enseigner les autres à l'estre et publier ce que l'on sçait; bref le mariage non seulement apoltronit ou accroupit les bons et grands esprits, mais prive le public de plusieurs belles et grandes choses qui ne peuvent s'exploicter demeurant au sein et au gyron d'une femme et autour des petits enfans. Mais ne faict-il pas beau voir et n'est-ce pas grand dommage que celuy qui est capable de gouverner et policer tout un monde s'amuse à con-duire une femme et des enfans? Dont respondit. un grand personnage, quand l'on luy parla de se marier, qu'il estoit nay pour commander aux hommes et non à une femmelette, pour conseiller et gouverner les rois et princes et non pas de petits enfans.

A tout cela l'on peut dire que la nature humaine n'est pas capable de perfection et de chose où n'y ait rien à redire, comme a esté dict ailleurs; ses meilleurs remedes et expediens sont tousjours un peu malades, meslés d'incommodités, ce sont tous maux nécessaires; c'a esté le meilleur que l'on a peu adviser pour sa conservation et multiplication. Aucuns, comme Platon et autres, ont voulu subtiliser et inventer des moyens pour eviter ces espines; mais outre qu'ils ont faict et forgé des choses

(1, Lpitre première aux te rinthens, &. VII, v 8, 26, 5 xc.

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