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tionalité, le portera naturellement à faire prévaloir, et à rendre s'il se peut exclusifs pour ses compatriotes, les avantages des relations qu'il aura ouvertes; en sorte qu'il se trouvera ainsi devenu un agent politique, beaucoup plus réellement qu'un apôtre chrétien. Que l'on dise si ce n'est pas là précisément ce qui est arrivé, ce qui se voit encore dans les archipels de la Polynésie, et partout ailleurs, où les missionnaires anglais et américains sont pervenus à s'introduire et à dominer! Le rôle du missionnaire catholique, est tout autre. N'ayant besoin pour lui-même que des aliments qui suffisent à la vie de chaque jour, il se les procure à peu de frais par d'humbles échanges, ou par le travail de ses mains. Pauvre avec les pauvres, il s'identifie aux populations qu'il visite, et pour prix des instructions qu'il leur donne, il ne leur demande que d'en être toléré. Qu'il les trouve déjà prématurément infectées des vices apportés par les aventuriers européens, ou tout à fait sauvages, il ne voit en elles que des portions égarées de la grande famille humaine, que Dieu lui a donné la charge d'éclairer, d'améliorer, d'instruire, et de ramener par le bienfait de l'Évangile, à un mode de vie régulier, laborieux, paisible, en un mot chrétien. Si, comme conséquence nécessaire, cette transformation morale fait naître entre elles, et les nations anciennement civilisées, des communications de commerce, profitables aux unes comme aux autres, il ne cherchera pas à user de son influence pour les rendre particulières et exclusives. Sans éteindre en lui le souvenir de la patrie, sa catholicité le rend indépendant des exigences de nationalité. N'étant pas obligé de développer ces relations, à tout prix, pour la satisfaction de ses protecteurs, ou pour son avantage propre, il pourra employer toute son influence, à défendre ses pauvres néophytes, contre la contagion des vices nouveaux, et des habitudes immorales, que leur apporteront les grossiers équipages des navires de commerce, ou les aventuriers qui viendront se mêler à eux pour les exploiter. En comparant ces différences de position, devra-t-on s'étonner, si,

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partout où les missionnaires catholiques, les Français surtout, ont pu librement s'installer, leur action purement charitable et désintéressée, a été plus moralement fructueuse et profitable aux indigènes, que celle des missionnaires protestants! On peut invoquer sur ce fait, les témoignages unanimes des officiers de la marine française, qui, depuis trente ans, ont visité les archipels de la Polynésie, où les deux systèmes de missions ont été appliqués à des populations analogues. Ils ne me démentiront pas. J'en appellerai particulièrement, avec autant de confiance que d'estime, au capitaine Tardy de Montravel, dont nos missions françaises de la Nouvelle-Calédonie, ont conservé un si touchant souvenir. Les observations personnelles, que cet excellent homme a bien voulu me communiquer, m'en ont appris sur ce sujet bien plus que je n'ai voulu en dire'.

Sur les missions françaises de l'Orégon, de la Californie, et de l'Océanie en général, consultez les volumes des Annales de la propagation de la foi pour les vingt dernières années. Dans ces simples récits, de pauvres prêtres, qui partagent les misères des populations, vous trouverez mille fois plus de détails de mœurs intimes, et sincèrement observées, que n'en fourniraient des voyages de passage. Comparez alors, le sort de ces apôtres, avec l'existence magnifique que s'était faite, par exemple, à Taïti, le fameux Pritchard, avant l'intervention des Français. J. B.

RELATION

DU VOYAGE DE DÉCOUVERTES

EXÉCUTÉ PAR L'ORDRE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE, PENDANT LES ANNÉES 1838, 1839, 1840, 1841, 1842, RÉDIGÉE PAR LE LIEUTENANT CHARLES WILKES, COMMANDANT DE L'EXPÉDITION. 5 VOL. IN-4o, PHILADELPHIE, 1845.

(Extrait du Journal des Savants, 1848 et 1849.)

Toutes les nations maritimes de l'Europe tiennent aujourd'hui à honneur, et se font presque un devoir, d'envoyer leurs vaisseaux explorer des mers lointaines; non plus, comme autrefois, pour y chercher de l'or ou des conquêtes, ni même dans la seule vue de protéger les intérêts exclusifs de leur commerce; mais aussi dans le dessein généreux d'agrandir la sphère des idées et des connaissances communes à tous les peuples civilisés. Des expéditions pacifiques ainsi conçues, étant commandées par des hommes résolus, prudents, et désintéressés, dissipent l'ignorance et les pré

jugés nés de l'éloignement; étendent les rapports commerciaux, ou en suggèrent l'utilité réciproque; découvrent les lignes de transport les plus favorables; indiquent les points de la terre ou des mers que la navigation particulière trouvera le plus de profit à exploiter; et ces récoltes de documents fructueux, de communications importantes, compensent bien au delà les avances qu'elles coûtent. Mais les intérêts matériels ne sont pas les seuls qui en tirent avantage. Depuis le mémorable voyage fait par Cook en 1769, dans les îles du grand Océan, pour y observer le passage de Vénus sur le Soleil, on a muni ces expéditions des instruments et des moyens d'exploration nécessaires pour perfectionner la géographie générale, accroître nos connaissances sur l'histoire naturelle de l'homme, des animaux, des minéraux et des plantes; recueillir toutes les données relatives à la physique du globe, qu'il est impossible de se procurer, même de soupçonner, autrement que par des études locales aussi étendues. On a excité l'émulation courageuse des marins à chercher des terres nouvelles, désertes ou habitées, jusque dans les régions glacées les plus proches des deux pôles, qui semblaient avoir été exclusivement réservées par la nature à l'organisation froide et rigide des grands cétacés et des oiseaux de mer, mais qui ne se sont pas trouvées impénétrables à l'homme civilisé; puis, à ces mêmes hommes, revenus dans des climats plus doux, on a recommandé d'être compatissants et inoffensifs envers les pauvres peuplades sauvages qui se rencontreraient sur leur route; de leur apprendre, par des échanges bienveillants, les rapports mutuels de bonté, de justice humaine qu'ils ignorent; surtout de ne leur donner des marques d'une puissance qui leur sera irrésistible, et qui leur semblerait surnaturelle, qu'en les leur montrant tempérées par la patience et par la charité des peuples chrétiens. Voilà quel a été généralement le but et le principe moral des expéditions de découvertes, ordonnées de nos jours par les gouvernements européens. C'est un des plus beaux fruits de notre civilisation, et une de ses gloires les plus pures.

Le gouvernement des États-Unis n'avait pris jusqu'à présent aucune part à ces grandes explorations maritimes qui profitent à toutes les nations. Ce n'était pas assurément qu'il manquât de moyens d'y concourir. Le pavillon militaire et commercial de l'Union sillonne toutes les mers du monde; le commerce américain embrasse la surface entière du globe. M. Wilkes nous apprend que la seule flotte baleinière des États-Unis compte 675 bâtiments, jaugeant ensemble 200000 tonnes, et dont la manœuvre occupe annuellement 15 ou 16 mille matelots, qui s'y endurcissent aux plus rudes travaux de la mer. Mais, dans une république, où l'ardeur des intérêts privés trouve à se satisfaire pleinement par ses propres efforts, sur un champ illimité d'entreprise, il ne paraît pas facile de faire comprendre le besoin, ou la convenance, d'opérations générales qui semblent n'être que glorieuses, et qui doivent s'exécuter aux frais de tous. Le Dragon à mille têtes se laisse mal aisément diriger vers un but unique et spéculatif. L'expédition nationale dont nous allons rendre compte n'a pu être réalisée qu'assez longtemps après la décision du congrès qui l'avait autorisée. M. Wilkes laisse entrevoir qu'elle n'était pas en faveur dans l'opinion publique. Il va même jusqu'à dire qu'on en parlait et qu'on la contrôlait beaucoup trop; ce qui semblera quelque peu aristocratique aux partisans de l'infaillibilité populaire. Il n'en reçut et n'en accepta le commandement qu'après les refus successifs de plusieurs officiers auxquels on l'avait proposé. Ces hésitations eurent ainsi un très-bon résultat. A son expérience comme marin, M. Wilkes joignait les connaissances scientifiques indispensables pour donner à une expédition de ce genre tout son éclat et toute son utilité. Il avait été, en 1833, directeur du magnifique observatoire national de Washington, dont le prétexte est la conservation des cartes nautiques. Tous les détails de son voyage le montrent tel qu'il fallait être : hardi, prudent, éclairé. L'habileté de ce choix, et la persistance dans l'exécution de cette noble entreprise, à travers la houle de l'opinion publique, feront

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