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les éléments d'organisation absolument semblables qui existent en Angleterre, il montre avec évidence comment ici, où ils sont intimement incorporés à la masse de la population, ils peuvent produire la sécurité, la liberté, fortifier le sentiment religieux, développer les lumières, l'industrie et la puissance nationale; tandis que là, en Irlande, appropriés à un petit nombre d'individus, et presque seulement à une caste, il en résulte l'oppression, la misère et l'abrutissement des masses. J'avais voulu extraire de l'ouvrage quelques-uns des traits les plus saillants de ce tableau remarquable, mais j'ai renoncé à le faire parce qu'ils sont si intimement liés et enchaînés les uns aux autres, qu'on les apprécierait mal si on les présentait isolés. Il faut les étudier ensemble dans l'ouvrage de M. de Beaumont; et cette impossibilité où je me suis trouvé, de séparer ce qu'il a joint si étroitement, est peutêtre le meilleur éloge que je puisse faire de son travail.

Mais après qu'il a fait ainsi connaître ce que l'on pourrait appeler le gouvernement fictif et superficiel de l'Irlande, il y montre l'existence non moins singulière d'une sorte de gouvernement intérieur, indépendant du premier, et, pour ainsi dire, propre aux masses; né de la communauté des misères, des sentiments, des croyances, des passions, des intérêts; aussi intimement incorporé à la nation que l'autre lui est étranger; obtenant une obéissance volontaire aussi générale et absolue que l'autre éprouve de résistance et de haine; renfermant ainsi, dans son essence, tous les principes d'un état républicain. Les deux ressorts de ce gouvernement réellement national, quoique non reconnu, et tout puissant, quoique sans légalité, sont le clergé catholique et l'association irlandaise; deux pouvoirs qui n'ont d'existence que par l'assentiment universel du peuple: le premier n'ayant d'autres revenus que les dons du pauvre; le second, de tribut que ses offrandes volontaires; tous deux invariablement unis, et marchant ensemble sous le joug de la commune nécessité. Dirigés aujourd'hui l'un et l'autre par un chef habile, auquel ils obéissent

aveuglément, ils ont déjà réussi à obtenir de l'Angleterre des concessions immenses pour la liberté et la restauration de leur patrie, sans autres armes que des réclamations constitutionnelles, exprimées au nom de sept millions d'hommes. Le progrès incessant de cette conquête légale, les mouvements réguliers et disciplinés de cette grande stratégie politique, sont décrits dans l'ouvrage de M. de Beaumont avec une précision et un intérêt proportionnés à leur importance morale; mais ils touchent de trop près aux intérêts du moment, pour que nous devions nous en occuper dans un recueil essentiellement étranger à toute politique actuelle. Nous devons, par le même motif, nous imposer une réserve plus grande encore sur la dernière partie de l'ouvrage de M. de Beaumont, dans laquelle il propose la série des mesures politiques et législatives qu'il croit propres à cicatriser les plaies de l'Irlande, et à détourner les dangers qu'elle lui semble préparer à l'Angleterre dans l'avenir. Les règles qui nous obligent à nous abstenir de traiter de pareils sujets, auraient peutêtre été pour l'auteur lui-même des entraves utiles, si le hasard de sa situation, ou ses réflexions propres les lui eussent imposées. Car, malgré la sincérité et la droiture de cœur qu'il a portées dans la discussion de ces matières délicates, malgré les études consciencieuses et profondes par lesquelles il s'y était préparé, il est infiniment périlleux, sinon tout à fait impossible pour un étranger, de conseiller les mesures propres à préparer l'avenir politique d'un pays différent du sien; surtout lorsque l'action d'une société aussi complexe que la société anglaise intervient dans la production des résultats, comme cela a lieu ici néces sairement. Et, quoique cette dernière partie ait été inspirée à M. de Beaumont par des sentiments aussi purs que difficiles à contraindre, peut-être son ouvrage aurait-il gagné en solidité, même en intérêt, s'il avait eu le courage de ne pas associer des vues, inévitablement problématiques, à tant de vérités incontestables qu'il avait exposées si parfaitement.

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VOYAGE EN NORWÉGE ET EN LAPONIE

PENDANT LES ANNÉES 1806, 1807 ET 1808

PAR M. LÉOPOLD DE BUCH

TRADUIT DE L'ALLEMAND PAR J.-B. EYRIÈS

(Extrait du Journal des Savants, 1816.)

C'est un dévouement bien respectable que celui des savants qui, dans le seul dessein d'être utiles, sans intérêt, sans ambition, ordinairement sans récompense, quittent leur patrie, leur famille, renoncent à toutes les douceurs d'une vie tranquille, pour aller au loin agrandir, par de pénibles voyages, la sphère des connaissances humaines. Ce dévouement, dont les Halley, les Bouguer, les Tournefort, les Linné, les Humboldt, nous ont donné de si beaux exemples, est, on peut le dire, aujourd'hui général parmi ceux qui cultivent les sciences physiques et naturelles avec quelque distinction; et il n'est aucun d'eux qui ne fût prêt à exécuter toute entreprise de ce genre qui offrirait à la science qu'il aime quelque espoir d'accroissement. L'excellente méthode qui dirige

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