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rens chrétiens et d'une famille distinguée (1). Aux dons qu'il avait reçus de la nature, vinrent se joindre une excellente éducation et une instruction variée; aussi cet homme remarquable devint-il l'objet de l'admiration de toute la chrétienté. Son père, Léonides, qui était selon toute apparence un rhéteur, regarda comme un devoir de travailler luimême à la culture de l'esprit et des sentimens religieux de son fils; afin de donner une base profonde à sa piété, il ne laissait pas passer un jour sans lui faire lire et méditer quelques passages de l'Ecriture-Sainte. Cette habitude influa puissamment sur la direction de son esprit. Dès lors, son regard pénétrant ne se contenta plus du sens littéral qu'on lui présentait ; il cherchait, il demandait le sens mystérieux de ce qu'il lisait, et ses questions jetaient souvent son père dans l'embarras. Celui-ci reprochait à la vérité à son fils, une curiosité qu'il traitait d'intempestive, mais il se réjouissait en secret du bonheur de posséder un fils qui promettait tant; il lui arrivait fréquemment de découvrir et d'embrasser, pendant qu'il dormait, la poitrine de l'enfant qu'il regardait comme le temple du Saint-Esprit. Du reste, Origène étudiait aussi, sous les yeux de son père, les sciences grecques, dans lesquelles il faisait les plus brillans progrès (2). Cependant il ne puisa pas toute son instruction dans les leçons de son père : jeune encore il fréquenta l'école catéchétique de sa ville natale, sous le célèbre professeur Clément (3), et ses écrits témoignent de l'influence que Clément exerça sur la direction de son esprit.

Origène fut dès son enfance un homme (4). On s'en aper

(1) Euseb., h. e., VI, 19. Le néoplatonicien Porphyre prétendait le contraire, mais Eusèbe l'accuse nettement de mensonge.

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(4) Hieron. ep. 84, ad Pammach. : Magnus vir ab infantia Origenes et vere martyris filius.

çut lors de la persécution qui s'éleva contre les chrétiens en 202, sous Septime-Sévère. Le désir qu'il éprouvait de verser son sang pour Jésus-Christ était alors déjà si ardent, que l'on eut bien de la peine à l'empêcher d'aller hautement se déclarer chrétien. Ce désir devint plus vif encore, lorsque son père Léonide fut arrêté et jeté en prison. Ni les représentations, ni les prières de sa mère, ne purent ébranler sa résolution de partager le sort de son père, et l'on fut obligé de cacher ses vètemens pour l'empêcher de sortir de la maison. Alors il fut saisi de la crainte que son père, menacé de perdre avec la vie toute sa fortune, ne chancelât dans sa foi, par compassion pour sa malheureuse famille ; il lui écrivit donc une lettre d'encouragement, dans laquelle il lui disait entre autres choses: « Garde-toi bien de changer de sentiment par considération pour nous! »

Léonide souffrit le martyre; ses biens furent confisqués, et sa veuve, avec sept enfans en bas âge, fut réduite à la misère. Une dame riche d'Alexandrie eut pitié d'elle, et lui accorda, dans sa maison, le logement et la table. Origène déploya dans cette occasion un trait de caractère particulier. Cette même dame avait accueilli chez elle un gnostique, nommé Paul, qui était du reste un homme fort instruit. Origène ne put éviter de s'entretenir avec lui, mais il ne se laissa pas persuader de prier avec lui, voulant écarter toute apparence de communion religieuse entre eux. Par les secours de sa bienfaitrice, il put se livrer, avec un redoublement de zèle, à l'étude des sciences et des lettres, et étant parvenu. promptement en état de donner lui-même des leçons de grammaire et de rhétorique, il put dès lors se passer de toute subvention étrangère.

Le grand talent d'Origène et son ardente piété ne tardèrent pas à le faire remarquer même parmi les païens, et plusieurs d'entre eux s'adressèrent à lui pour être instruits dans le Christianisme. Il s'en chargea avec plaisir, et les brillans suc

cès qu'il obtint attirèrent les regards de l'évêque Démétrius, qui conféra sur-le-champ à ce jeune homme la chaire vacante à l'école catéchétique (5). Ceci se passait en l'an 203 (6). Origène, alors âgé de dix-huit ans, se livra de tout coeur à ées fonctions. Ne pouvant continuer les leçons qu'il avait coutume de donner, il vendit, afin de s'adonner sans partage à sa nouvelle profession, la belle bibliothèque d'ouvrages classiques qu'il possédait, et ne demanda comme prix à l'acheteur que 4 oboles par jour, pour son entretien. Cela suffisait à ses besoins. Sa mère ainsi que ses frères et sœurs furent entretenus aux frais de l'Église d'Alexandrie. On a de la peine à se faire une idée de tout ce qu'Origène accomplit dans la position où il se trouva placé. Le talent qu'il déployait dans ses leçons, où il réunissait l'esprit, la vigueur, la grâce et l'onction, excitait l'admiration de tout le monde. Avec cela, sa conduite était aussi indulgente envers les autres que sévère pour lui-même, et ses manières étaient édifiantes au plus haut degré. Il exerçait la pauvreté dans le sens le plus étendu; il mangeait fort peu ; il n'avait qu'une seule tunique; il se refusa pendant longtemps l'usage des souliers, et aucune instance ne pouvait F'engager à rien accepter de ses auditeurs. La plus grande partie de ses nuits se passaient dans la prière et la méditation, et pendant le peu de temps qu'il accordait au repos, il couchait étendu par terre. Il ne faut donc pas s'étonner si tout le monde accourait vers lui, et si ses auditeurs se remplissaient d'un tel enthousiasme en l'écoutant, que plusieurs d'entre eux coururent au martyre. Ce qui est plus inconcevable, c'est qu'il n'ait pas dès lors partagé leur sort, puisque bravant la fureur des païens, il accompagnait ses disciples au tribunal en les encourageant et les caressant, tandis

(5) Euseb., h. e., 1. c. Cf. Hieron. catal., c. 54. (6) Euseb., h. e., VI, 3. Hieron. cat., 1. c.

que plus d'une fois la maison dans laquelle il donnait ses leçons fut entourée de soldats venus pour l'arrêter (7). Ce fut aussi l'ardeur de son zèle qui l'entraina, vers cette époque, dans une erreur pratique, qui lui fut plus tard sévè rement reprochée. Des femmes et des jeunes personnes venaient souvent solliciter son enseignement. Soit qu'il interprétat trop littéralement les paroles de Jésus-Christ' dans saint Matthieu, 19, 12, soit plutôt pour prévenir toute calomnie, il se mutila lui-même. Démétrius l'ayant appris, le fit appeler, lui adressa de justes reproches, mais le consola en même temps et le pria de ne pas laisser refroidir son zèlé (8).

Il y avait déjà quelque temps qu'Origène se livrait avec succès et gloire à la prédication chrétienne, quand il éprouva le besoin de diriger de nouveau son attention vers la science grecque. Il en explique lui-même la cause. Sa grande réputation attirait auprès de lui des personnes plus ou moins instruites et d'opinions religieuses différentes les partisans de la philosophie grecque et ceux de la gnosis hérétique venaient également chercher de l'instruction dans son école. Cette circonstance lui imposait l'obligation d'étudier plus à fond leurs systèmes, et il se décida lui-même à suivre les cours du célèbre professeur de philosophie, Am-" monius Saccas, qu'Héraelas fréquentait déjà depuis plusieurs années; cette démarche influa sensiblement sur la direction théologique et sur le développement littéraire de son esprit pendant tout le reste de sa vie (9). Du reste, il ne négligea pas pour cela d'augmerter et de perfectionner le trésor de ses connaissances théologiques. Il fit donc, en 211,

(7) Euseb., h. e., VI, 3, 4. (8) Ibid., VI, 8. Origène corrigea plus tard lui-même cette erreur. Hom. XV, in Matth. XIX, 12.

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(9) Fragm. epist. adversus eos, qui nimium ejus studium erga græc. disciplinas reprehendebant. Tom. I, p. 4. Euseb., h. c., VI, ¡9.

un voyage à Rome, afin de voir et d'examiner de près cette Église, la plus ancienne de la chrétienté (10).

Sur ces entrefaites, le nombre des personnes qui fréquentaient son école, devenait de plus en plus considérable, et en conséquence, afin de pouvoir satisfaire à toutes les demandes, il partagea sa place avec Héraclas, son ancien disciple, homme versé dans la philosophie, et d'une éloquence persuasive; il lui abandonna les commençans et se chargea lui-même de la haute instruction (11). Il étendit la sphère de ses cours auxquels il joignit les belles-lettres, tant pour attirer par là au Christianisme la jeunesse païenne (12), que pour exciter les jeunes chrétiens eux-mêmes à l'étude de la philosophie. Car il était bien convaincu, qu'en donnant ainsi à l'esprit une culture plus variée sur le terrain de la foi, il porterait non seulement une grave atteinte au gnosticisme, mais encore que le Christianisme acquerrait par là un nouveau charme aux yeux des païens. La marche de son enseignement était graduelle, comme chez Clément : il le terminait par l'interprétation de l'Écriture-Sainte, par laquelle il insinuait à ses disciples la vraie gnosis chrétienne. On en trouve des détails intéressans dans le panégyrique d'Origène par saint Grégoire (13). Toutes ces circonstances lui attirèrent une considération extraordinaire. Parmi les nombreuses conversions qu'il fit vers cette époque, il faut surtout remarquer celle d'un certain Ambroise qu'il rendit catholique, de valentinien qu'il était, et dont l'amitié, ainsi que nous le verrons plus bas, exerça une si grande influence sur toute son existence (14). Mais le zèle infatigable d'Origène

(10) Euseb., h. e., VI, 14. — (11) lbid., VI, 3, 15, 31. ron. catal., c. 54.

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(13) Euseb., h. e., VI, 18. Greg. Thaumat. in panegyr,, c. 7 sq. Sur le rapport des sciences à la foi, Ep. Orig. ad Greg. Thaum. Origen. Opp. Tom. I, p. 30. — (14) Euseb., h. e., VI, 18.

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