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qu'aux noms les plus insignifians. Les descriptions des livres sibyllins n'offrent aucune apparence de l'obscurité prophétique; tout s'y présente au grand jour de l'histoire et avec une lucidité que l'on chercherait vainement chez les prophètes inspirés de l'Ancien Testament. Comment ces prophétesses païennes auraient-elles acquis, sur les mystères de Dieu et de la rédemption, une connaissance plus parfaite que les prophètes du peuple élu, éclairés par la lumière d'en haut? Il y est souvent question de faits qui se trouvent dans nos évangiles canoniques, comme, par exemple, le miracle des 5000 personnes rassasiées; la question de S. Jean-Baptiste à Jésus-Christ (S. Matthieu, x1, 3 sq.); divers détails sur la Passion qui ne permettent à aucune personne impartiale de douter qu'ils n'aient été écrits après l'événement. S'il fallait en croire la sibylle, qui parle dans les deux premiers livres, elle aurait vécu du temps de Noé, et par conséquent avant Moïse, tandis qu'il est généralement reconnu que Moïse a été le plus ancien des prophètes, et que ni dans le Pentateu que, ni dans aucun autre livre canonique, il n'est parlé d'une femme qui aurait reçu des inspirations de Dieu à cette époque. Nous ne remarquerons pas que les anciens oracles, dont il est question dans les écrivains profanes qui ont précédé le christianisme, ne sont ni aussi religieux, ni aussi étendus, ni d'une tendance semblable; on ne voit pas non plus qu'on en ait empêché avec autant de soin la publicité, et enfin il est certain qu'ils ont été consumés par les flammes, et n'ont pu par conséquent parvenir à la connaissance des chrétiens; mais en passant tout cela sous silence, il faut encore avouer que ce qu'on lit dans ces livres s'accorde souvent assez peu avec la révélation divine. Il y est dit qu'avant Noé trois générations, qui n'avaient aucune relation physique ou morale entre elles, furent complètement détruites sans aucune exception (1. I, v. 85-115). Ce fait détruirait l'unité du genre humain, et par suite le dogme du péché originel et

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celui de la rédemption. D'un autre côté on y enseigne une dronateatadig toy matov, que l'on ne trouve nulle part avant Origène, etc. De ce côté done aussi la supposition de ces livres est évidente.

Il faut, d'après cela, d'autant plus s'étonner que les premiers apologistes du christianisme aient mis tant d'importance au témoignage des sibylles. Toutefois cela peut encore s'expliquer. De temps immémorial, des oracles mystérieux et respectés avaient cours parmi les païens. On dut done saisir. avec avidité le témoignage de livres qui paraissaient tout-àcoup dans le public, portant un nom si vénéré jusqu'alors parmi les hommes, qui confirmuaient d'une manière si frappante la cause du christianisme et qui, par leur origine même, semblaient fournir une arme puissante contre les adversaires de cette religion. A cela il faut encore ajouter que, quoique le jugement de la critique doive nécessairement se prononcer pour leur supposition, considérées en général, on ne peut pas en dire autant de certaines portions de ces livres en particulier. Aussi Strabon, Flave Josèphe, et plus anciennement encore Alexandre Polyhistor, qui vivait 140 ans avant Jésus-Christ, citent-ils des passages des sibylles dont les derniers se retrouvent chez Cyrille d'Alexandrie (13). Mais il est remarquable que tous ces oracles anti-chrétiens n'avaient aucun but religieux, bien moins encore un but chrétien. Ceci, du reste, n'est pas difficile à comprendre. Il fallait nécessairement avoir déjà un point d'appui dans ce qui existait, si l'on ne voulait pas se borner à recommander seulement les nouveautés que l'on présentait, mais si l'on prétendait en outre, par cette liaison, leur donner un plus grand degré

(13) Strabo, Rer. geogr. L. IV, c. 97. Jos. Flav. Archæol. 1, 4, § 3. Cf. Sibyll. III, V, 35 sqq. Cyrill, Alex. contr. Julian. (edit. Spanheim), p. 9.

de vraisemblance et par suite l'autorité nécessaire dans le peuple.

Bien qu'il ne soit pas possible de désigner avec exactitude l'auteur ou plutôt les auteurs de ces livres, la tendance évidente et tout le contenu de l'ouvrage prouve qu'il est dû à une main chrétienne, et qu'il avait pour but de convaincre les païens de la fausseté de leur religion pour les amener à la foi de Jésus-Christ. On ne saurait approuver, mais on peut excuser l'usage d'une fraude pieuse faite dans ce dessein. Mais rien n'indique si les auteurs étaient des juifs ou des païens convertis, et si cet ouvrage est sorti d'une main orthodoxe ou de celle de quelque sectaire hérétique, comme bien des personnes l'ont prétendu. Les recherches faites jusqu'à présent n'ont amené aucune découverte à cet égard.

Il n'est guère plus facile de découvrir le moment où cette supposition s'est faite. Dom Maran a conclu pour le tout d'après certains passages. Ainsi, l. V, v. 51, il est question du testament d'Adrien, qui adopta Antonin-le-Pieux, sous la condition que celui-ci adopterait à son tour Marc-Aurèle et Lucius Verus, ce qui eut lieu en effet. Mais la prédiction faite à cette occasion ne s'est point accomplie, puisque Lucius Verus ne survécut point, comme l'auteur le suppose, à Marc-Aurèle, plus âgé que lui, et ne monta point sur le trône. L'ouvrage a donc dû être composé avant l'avènement de Marc-Aurèle (14). Mais ceci ne regarde que le cinquième livre; d'autres parties sont beaucoup plus anciennes. Dans un autre endroit l'éruption du Vésuve de l'an 79 de Jésus-Christ, est désignée comme un avant-coureur de la fin du monde, et il est dit de Néron, le matricide, à la mort duquel les chrétiens ne voulaient pas croire, qu'il habitait par delà l'Euphrate, qu'il devait s'approcher de Rome avec une armée formidable, comme l'Antechrist, et la dévas

(14) Ceillier, Histoire génér. Tom. I, p. 538.

ter (l. IV, v. 128 sq.; cf. VIII, 70, v. 361 sq.). Ces oracles, auxquels se rattachaient la venue de l'Antechrist et le règne de mille ans, ont été écrits dans le premier siècle de l'ère chrétienne, tandis que l'acrostiche du huitième livre ne l'a certainement pas été avant le commencement du quatrième. D'après cela, il n'y a pas lieu de douter que cette collection, dans l'état où elle se trouve aujourd'hui, n'ait pris naissance à plusieurs époques différentes, quoiqu'il ne soit pas possible de fixer celles des différens livres et des divers oracles. Nous savons par Lactance (I, 6), que de son temps il y régnait encore la plus grande confusion, et l'ordre que l'on y remarque aujourd'hui est l'œuvre d'un siècle plus récent.

Le lieu où ces livres ont été composés n'est pas mieux connu. On a cru, à la vérité, que l'auteur habitait la Phrygie, parce que (1. I, v. 270) il célèbre le bonheur de cette contrée, et dit qu'ici l'arche de Noé s'est arrêtée sur le mont Ararat; mais la tradition du mont Ararat, si générale dans l'Orient, et le prétendu privilége de la Phrygie, sont des signes trop vagues pour que l'on puisse en rien conclure. On avait pensé aussi aux prophétesses de Montan, mais quoique le contenu de l'ouvrage et la chronologie ne s'opposent point à cette supposition, la clarté des sibylles ne s'accorde guère avec la fameuse obscurité des montanistes en démence. D'autres ont cru reconnaître des Égyptiennes, parce que les sibylles parlent partout de l'Egypte et du culte des animaux dans ce pays. Mais cela encore ne prouve rien en faveur de leur patrie. Elles annoncent, en commençant, qu'elles veulent parler de tous les pays, dévoiler l'histoire et les mœurs de tous les peuples, et l'Egypte n'occupe pas dans dans leurs livres une place hors de proportion avec son importance. Nous sommes donc obligé de convenir que les recherches de ces savans ne nous ont pas encore mis sur la trace de la véritable patrie des sibylles, et nous demeurons d'ailleurs convaincu que l'on aurait également tort de vou

loir leur en reconnaître une seule, et de croire que tout cet ouvrage est dû à une seule main et à une mème époque.

Editions. La première édition des livres sibyllins fut publiée par Xyste Betulejus, d'après un manuscrit d'Augsbourg, à Bâle en 1545, in-4o, chez Oporinus, et une seconde, en 1555, in-8°, dans la même ville, chez Castaglio, avec sa version latine assez faible et quelques corrections critiques; puis le texte dans l'Orthodoxographis, Bâle 1555, 1569. L'édition de Paris, 1566, ne contient que le texte grec que d'après Betulejus. Jean Opsopée, muni de sources plus riches (trois nouveaux manuscrits), disposa une nouvelle édition, Paris 1589, 1599, 1607, in-8°, grec et latin, avec beaucoup de notes très bien faites et d'éclaircissemens historiques du texte. On en trouve une réimpression dans la Biblioth. vett. PP. de la Bigne, t. VIII. L'éditeur suivant, Servat. Gallæus, Amsterdam 1689, in-4°, collationna, à la vérité, le texte avec un nouveau manuscrit, et essaya d'expliquer différens passages; mais son travail ne vaut pourtant pas beaucoup mieux que celui d'Opsopée, dont il inséra les commentaires dans son édition. Galland adopta aussi l'édition de ce dernier dans sa Biblioth., t. I, p. 335. Dans ces derniers temps, Birger Thorlacius a donné une dissertation à ce sujet dans ses Libri Sibyllist. vet. eccles., etc., Havnice 1815, et Conspectus doctrin. christ. qualis in Sibyllist. libris contin., ibid. 1816, ainsi que Bleek dans le Journal théologique de Schleiermacher, etc., cahier 1, Berlin 1819.

Hydaspes.

Parmi les prophètes païens que citent souvent les premiers apologistes chrétiens se trouve un certain Hydaspes, qui, de même que les sibylles, aurait, dit-on, prédit la venue de

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