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Par ce sage pourquoi le vide est-il banni? Il divise les corps jusques à l'infini...

Déjà tu vis tomber ces deux erreurs futiles.

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Ses premiers élémens sont trop vains, trop fragiles:
Qui d'entr'eux de la mort repousse les assauts?
Est-ce l'onde, le feu, l'air, le sang ou les os?

Non, non, de ces objets la substance légère,
Source de tous les corps, est comme eux passagère.
Aux lois de la raison enfin tu te soumets;

Rien ne sort du néant, rien n'y tombe jamais.
Si les sucs du breuvage et de la nourriture
Augmentent de nos corps la vigueur, la stature,
Les membres sont formés de divers élémens:
Ou bien, veux-tu qu'innée au sein des alimens,
Une essence vitale en tous les tems renferme

Des

organes nombreux et la forme et le germe?
Alors, si chaque objet par la terre enfanté,
En petit, dans ses flancs a toujours habité,
Il faut qu'à l'infini la terre se compose
Des produits variés que sa surface expose.
Pour tous les autres corps suivons les mêmes lois ;
Si les cendres, les feux résidaient dans le bois,

L'humide végétal aurait nourri sa force

D'élémens ennemis cachés sous son écorce.

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Anaxagore essaie un détour captieux :
Tout s'unit, se confond; et cependant nos yeux
Ne peuvent discerner, dans une même masse
Que les seuls élémens offerts à sa surface.
Vaine et subtile erreur! Sous la meule écrasé,
Le blé rendrait le sang dont il est composé,
Des organes divers montrerait les vestiges:
On verrait d'un lait pur l'herbe gonfler ses tiges;
La glèbe divisée offrirait des ormeaux,

Des arbustes, des grains, de verdoyans rameaux;
Du bois, mis en éclats, sortirait la fumée,

Le fruit délicieux et la fleur embaumée.

Mais renversons d'un mot ces honteux argumens.
Fragiles embryons, eh quoi! les élémens,

Préparant en secret leur future énergie,

Sommeillent jusqu'au jour qui les livre à la vie?
Non, leurs flots créateurs, sous mille aspects divers,
Par leurs combinaisons fécondent l'univers.

Sur le faîte des monts battus

par la tempête,

Quand les arbres épais entrechoquent leur tête,

Tout à coup les rameaux arides, compriraés
S'échauffent, et dans l'air pétillent enflammés.
Le feu ne dormait pas dans leurs veines humides;
Mais, par le choc fougueux des tourbillons rapides,
La semence des feux amassée à grands flots
Etincelle, s'embrase et s'attache aux rameaux.
Dans le bois si la flamme était emprisonnée,
Son ardeur un moment serait-elle enchaînée?
Jamais les tendres fleurs ni les ombrages frais
N'orneraient la prairie ou le front des forêts.

Ainsi des élémens observons le mélange :
Un instant les unit, les divise ou les change;
Et, dans leurs éternels et mobiles travaux,

Un choc les reproduit sous mille aspects nouveaux :
Telle, sur ce papier où ma phrase est tracée,
Une lettre suffit pour changer ma pensée.

Ne crois pas que, sensible à la joie, aux douleurs,
Tout élément connaisse ou le rire ou les pleurs ;
Mais, en se combinant, leur force réunie
Procure à l'univers l'éternelle harmonie.

Vers d'autres vérités je dirige mes pas.
Les périls sont nombreux, je ne m'aveugle pas ;

MIA

Mais la gloire m'appelle; un feu divin m’anime :
De l'antique Hélicon je franchirai la cime.

Sur des bords inconnus je porte mon essor;
J'aime à cueillir des fleurs sur un sol vierge encor
Il m'est doux de puiser à des sources fécondes,
Qui me conservent pur le cristal de leurs ondes.
J'aspire à des lauriers dont les brillans rameaux
N'ont jamais couronné le front de mes rivaux.
Oui, mon sujet est grand : aux pieds de la Nature
De cent chaînes d'airain j'accable l'Imposture;
J'affranchis les mortels d'un tyran odieux,
Élevé par la crainte au rang sacré des dieux.
Mais l'austère sagesse, en mon noble délire,
Unit ses fiers accens aux doux sons de ma lyre;
Elle enchaîne les cœurs et flatte en triomphant.
Pour présenter l'absinthe à ce débile enfant,
Sur les bords de la coupe, ainsi ta main savante
Verse d'un miel doré la liqueur décevante,
Et du puissant breuvage ignorant l'âpreté,
Heureux dans son erreur, l'enfant boit la santé.
Ainsi de la raison l'éloquence hardie
Empruute des beaux vers la douce mélodie.

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:

Je veux,
Comme un miel savoureux verser la vérité.

ô Memmius, au vulgaire enchanté

Puisse son imposante et suave harmonie
A sa hauteur divine élever ton génie !
Viens, et de la Nature embrassant la grandeur,
Interroge ses lois, sa force et sa splendeur.

Il est un vaste amas de substances fécondes,
Qui dans le sein du vide a propagé les mondes.
Tu le sais ; mais apprends si, toujours agité,
Des nombreux élémens l'ensemble est limité;
Si ce vide éternel, cette orageuse plaine,
Où des mondes errans la foule se promène
Borne son étendue ; ou si de l'univers

Les gouffres infinis pour elle sont ouverts.

Sans doute du Grand-Tout l'indépendante masse Seule, tout à la fois forme et remplit l'espace. Ne cherchons point de terme à sa vaste unité; Qui n'a rien hors de soi n'a point d'extrémité. En lui tout se rassemble, et son empire immense Nulle part ne finit, nulle part ne commence. Demeure en ta patrie ou vole en cent climats, L'espace interminable est ouvert à tes pas.

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