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Les premiers élémens dont l'essence féconde

Du chaos ténébreux fit éclore le monde.
Des siècles infinis sondant la profondeur,
Connais de l'univers la marche et la splendeur,
Et comment dans son cours cette masse immortelle
Reçoit, quitte et reprend une forme nouvelle.

Dans le calme enchanteur d'une éternelle paix,
Les divins habitans des célestes palais,
Doués d'une sublime et vaste intelligence,
Ignorent la colère ainsi que la vengeance.
Enchaînant à leurs pieds le sort capricieux,
Ces nobles souverains de l'empire des cieux,
Sans daigner entrevoir nos vertus ou nos vices,
Reposent, abreuvés d'un torrent de délices 5.

Du hideux fanatisme esclaves consternés,
Les mortels dans ses fers gémissaient prosternés.
La tête de ce monstre aux plaines du tonnerre,
Horrible, d'un regard épouvantait la terre.
Noble enfant de la Grèce, un sage audacieux
Le premier, vers le ciel osa lever les yeux.
Le péril l'enhardit : en vain la foudre gronde ;
Il brise, impatient, les barrières du monde.

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Aux champs de l'infini, par l'obstacle irrité,
Son génie a d'un vol franchi l'immensité.
De l'espace éternel explorateur sublime,

Il montre quels objets peuplent son vaste abîme,
Et, de l'être à la mort subissant le retour,
Aux scènes de la vie assistent tour à tour.
Il écarte la nuit qui couvrait la Nature,
De son trône usurpé renverse l'imposture;
Et des tyrans sacrés l'homme victorieux
Aux célestes parvis s'assied au rang des Dieux.
Mais ne crois pas qu'armé de funestes maximes,
Je dirige tes pas vers la route des crimes.
Ah! plutôt, Memmius, noblement révolté,
Contemple les forfaits de la crédulité.

De vingt rois enchaînant la sombre frénésie,
Quand les dieux leur fermaient le chemin de l'Asie,
D'un père ambitieux l'homicide ferveur

Du sang d'Iphigénie acheta leur faveur.

La vierge, pour l'hymen en triomphe amenée,
Voit du bandeau mortel sa tête environnée;
Un peuple entier s'empresse et l'entoure éploré.
Le prêtre à ses regards cache un couteau sacré.

Du sombre Agamemnon la piété cruelle
Etouffe en frémissant sa douleur paternelle.
A ce lugubre aspect, muette de terreur,
La vierge se prosterne en palpitant d'horreur...
Fille du roi des rois, ta bouche la première
En vain charma son cœur du tendre nom de père!
A l'homicide autel le signal est donné ;

A l'autel que pour toi l'amour avait orné!

Au lieu des chants d'hymen et d'un pompeux cortége,
Du fanatique orgueil ministre sacrilége,

Un prêtre dans ton sang ose plonger ses mains...
Tant la religion égara les humains!

O Memmius! lassé des prestiges funèbres
Que les sons de la lyre ont rendus trop célèbres,
Tu crains que désormais, par le charme des vers,
J'évoque à tes regards les spectres des enfers:
Ah! redoute en effet l'erreur empoisonnée

Qui de l'homme avili trouble la destinée,

Sur ses plus doux instans lui fait verser des pleurs,
Et promet dans la mort d'éternelles douleurs.
De l'imposture, hélas! cet esclave docile

Ignore si son ame invisible et mobile,

Unie avec le corps, son guide, son appui,
Le précède, s'allume ou s'éteint avec lui;
Ou si, réfugiée au milieu des fantômes,
Elle habite à jamais leurs lugubres royaumes;
Ou si, toujours transfuge et reprenant ses fers,
Elle échappe et revient aux maux qu'elle a soufferts :
Couronné le premier des palmes du génie,
Ennius autrefois, aux champs de l'Ausonie,
De ces rêves flatteurs a bercé nos aïeux :
Mais bientôt variant tes sons mélodieux,
Immortel Ennius, toi-même nous retraces?
Du séjour de la mort les ténébreux espaces,
Où n'arrivent jamais ni l'ame ni le corps;
Ton art prodigieux fait errer sur ces bords
De simulacres vains l'assemblage éphémère,
Tel qu'en sortit pour toi le fantôme d'Homère,
Quand ce chantre divin, dans ses nobles regrets,
Du monde à ton génie ouvrit les grands secrets.
Avant que nos regards à la céleste voûte
Des astres lumineux interrogent la route,
Et qu'au sein de la terre, avides, curieux,
Ils suivent de ses lois le cours mystérieux,

Ma muse doit soumettre à ta vue attentive

De l'ame et de l'esprit l'essence fugitive.
Cherchons par quel pouvoir l'ame, souffle léger,
Saisit, garde et retrace un objet passager;

Pourquoi, dans le sommeil quand la douleur me plonge,

L'épouvante me livre au plus horrible

songe;

Pourquoi je vois les morts exhumer leurs lambeaux Dès long-tems enfermés dans la nuit des tombeaux.

Ces secrets, révélés par la docte Ionie,

De l'art pompeux des vers exigent l'harmonie.
Pourrais-je, en ce sujet et sublime et profond,
Asservir l'âpreté d'un langage infécond?

Mais l'amitié me guide, et son noble suffrage
A l'aspect du péril excite mon courage.
Lorsque roule des nuits le char silencieux,

Je sonde en frémissant les merveilles des cieux.
La vérité m'appelle, échauffe mon délire,
Et joint ses fiers accens aux doux sons de ma lyre.
Nuit propice à mes vœux, ma poétique ardeur
Préfère aux feux du jour ta lugubre splendeur !
Interrogeons, ami, la Nature elle-même ;
Elle parle en nos cœurs gravons sa loi suprême.

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