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RÉFLEXIONS SUR LE POÈME, ETC.

y trouve un noble sujet d'enthousiasme, et la raison éclairée n'y reconnaît que la puissance du talent; sans doute il n'est pas plus dangereux de faire connaître aujourd'hui un tel monument littéraire, que d'offrir à l'admiration publique les statues des faux dieux; ce sont des trésors trouvés dans les ruines de l'ingénieuse antiquité; la différence des tems et des lieux ne leur permet d'exercer d'autre empire que celui du génie sur le développement des beaux-arts.

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LES commentateurs n'ont jamais été d'accord sur la date précise de la naissance de Lucrèce; chacun d'eux a avancé son opinion sans fournir de preuves. D'après toutes les inductions les plus vraisemblables, Lucrèce naquit vers la fin de la 171° olympiade; il vécut donc dans les tems les plus orageux de la république, à cette époque où les Romains commençaient à acquérir

des lumières et à perdre la liberté. Lucrèce fut le contemporain et l'ami des Cicéron des Atticus, des Catulle et des Memmius,

par

citoyens illustres leurs talens ou par leur dévouement à la cause publique : il ne prit aucune part aux affaires du gouvernement; poète et philosophe, ami de la modération et d'une sage indépendance, il refusa sans doute de partager les grandeurs où l'appelait l'illustration de sa naissance. Le chef reconnu de la famille de Lucrèce, est ce célèbre Spurius Lucretius Tricipitinus, qui fut créé interrex après la funeste aventure de sa fille, la belle et malheureuse Lucrèce. Les fastes de Rome offrent un grand nombre de consuls et de sénateurs de ce nom; cependant, selon les recherches des savans, avides de détails minutieux, l'illustre famille de Lucrèce devint

plébeïenne; que ce fait soit plus ou moins fondé, il ne peut inspirer aucun intérêt, lorsqu'il s'agit d'en faire l'application à un philosophe qui montra le mépris le plus absolu pour le préjugé de la naissance.

L'histoire ne daigne guère recueillir les faits particuliers qu'en faveur d'hommes revêtus de hautes dignités; ainsi, l'éloignement de Lucrèce pour les affaires de l'état nous a privés de détails sur sa vie intérieure, ses inclinations et ses qualités personnelles. Mais l'homme de génie laisse dans ses ouvrages l'empreinte de ses goûts et de son caractère; la pureté, la noblesse des maximes répandues dans le poème de Lucrèce, lui tiennent lieu de l'apologie la plus flatteuse observons d'ailleurs : que le surnom de CARUS, que lui donnèrent ses contemporains, dépose en sa faveur aux yeux de la

postérité. Ces considérations personnelles, quoiqu'étrangères aux talens d'un écrivain, ne sont pas sans intérêt pour le public; on admire avec d'autant plus d'enthousiasme les productions des arts, quand on a des motifs pour estimer leur auteur.

Les jeunes Romains, destinés à s'instruire, voyageaient dans la Grèce : les cruels vainqueurs de cette patrie de tous les arts allaient avidement interroger les débris dont ils l'avaient couverte, et recueillir des leçons utiles à la véritable grandeur. Lucrèce se rendit à Athènes; le philosophe Zénon l'initia bientôt à l'art de penser et d'écrire; il le guida, sur les pas d'Épicure, vers cette vaste et haute sphère, où son génie ardent se fraya des routes inconnues. Les poètes, avant lui, avaient chanté les vices des dieux et des hommes,

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