> LE BARBIER 4 OU LA PRÉCAUTION INUTILE, COMEDIE EN QUATRE ACTES; DE BEAUMARCHAIS. Représentée pour la première fois, à Paris, sur Chez FAGES, au Magasin de Pièces de Théâtre, 1809. PERSONNAGES. LE COMTE ALMAVIVA, grand d'Espagne, amant inconnu de Rosine. BARTHOLO, médecin, tuteur de Rosine. ROSINE, jeune personne d'extraction noble et pupille de Bartholo. · FIGARO, barbier de Séville. DON BAZILE, organiste, maître à chanter de Rosine. LA JEUNESSE, vieux domestique de Bartholo. L'EVEILLÉ, autre valet de Bartholo. UN NOTAIRE. UN ALCADE, homme de justice. Plusieurs algouazils et valets' avec des flambeaux. La scène est à Séville, dans la rue et sous les fenêtres de Rosine, au premier acte; et le reste de la pièce dans la maison du docteur Bartholo. LE BARBIER DE SEVILLE. ACTE PREMIER. Le théatre' représente une rue de Séville, où toutes les croisées sont grillées. SCENE PREMIERE. LE COMTE, seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre, en se promenant. Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle a coutume de se montrer derrière sa jalousie est encore éloignée. N'importe; il vaut mieux arriver trop tôt que de manquer l'instant de la voir. Si quelque aimable de la cour pouvait me deviner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les matins sous les fenêtres d'une femme à qui je n'ai jamais parlé: il me prendrait pour un espagnol du temps d'Isabelle. Pourquoi non ? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de Rosine. Mais quoi! suivre une femme à Séville, quand Madrid et la cour offrent de toutes parts des plai-sirs si faciles? Et c'est cela même que je fuis. Je suis las des conquêtes que l'intérêt, la convenance ou la vanité nous présentent sans cesse. Il est si doux d'être aimé pour soi-même! et si je pouvais m'assurer sous ce déguisement.. Au diable l'importun. SCENE II. FIGARO, LE COMTE caché. FIGARO, une guitare sur le dos attachée en bandoulière avec un large ruban; il chantonne gaiement un papier et un crayon à la main. Bannissons le chagrin, Il nous consume: Sans le feu du bon vin, Jusques-là, ceci ne va pas mal, ein, Et mourrait bientôt. Le vin et la paresse. ein. Et non! ils ne se le disputent pas, il y règnent paisiblement ensemble... Se partagent... mon cœur. Dit-on, se partagent?..Eh! mon dieu, nos faiseurs d'opéra Comiques n'y regardent pas de si près. Aujourd'hui, ce qui ne vaut pas la peine d'être dit, on le chante. Le vin et la paresse Se partagent mon cœur. Je voudrais finir par quelque chose de beau, de brillant, de scintillant, qui eût l'air d'une pensée. Il met un genou en terre et écrit en chantant. Se partagent mon cœur. Si l'une a ma tendresse... Fi donc c'est plat. Ce n'est pas çà... Il me faut une opposition, une antithèse : Si l'une..... est ma maitresse, Eh parbleu j'y suis. . L'autre est mon serviteur. Fort bien, Figaro!... Il écrit en chantant. Le vin et la paresse. Se partagent mon cœur ; Hen, hen, quand il y aura des accompagnemens là-desSous • nous verrons encore', messieurs de la cabale, si je ne sais ce que je dis. Il appercoit le comte. J'ai vu cet abbé-là quelque part. Il se relève. LE COMTE, å part. Get homme ne m'est pas inconnu. Et non, FIGARO. ce n'est pas un abbé ! Cet air altier et noble... LE COMTE. Cette tournure grotesque... FIGAR 0. Je ne me trompe point; c'est le comte Almaviva. FIGAR o. Oui, je vous reconnais; voilà les bontés familières dont vous m'avez toujours honoré. LE COMTE. Je ne te reconnaissais pas, moi. Te voilà si gros et si gras. FIGARO. Que voulez-vous, monseigneur, c'est la misèré. LE COMTE, Pauvre petit! Mais que fais-tu à Séville? Je t'avais autrefois recommandé dans les bureaux pour un emploi. |