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Le 9 avril, le comité des finances fit son rapport par l'organe d'Anson, qui proposa de créer pour quatre cents millions d'assignats, ayant cours de monnaie et portant intérêt. « Il en est du numéraire comme des contributions; elles sont volontaires au moment de leur création, parce que, consenties par les représentants du peuple, elles sont obligatoires pour chaque citoyen. Le nouveau numéraire aura la même origine, c'est-à-dire la même autorité. Il ramènera dans la circulation une quantité de numéraire réel, proportionnée à la quotité des assignats qui, au moyen des intérêts, pourront être conservés en portefeuille. >>

Le duc d'Aiguillon appuya le projet du comité, comme le meilleur moyen de ranimer la circulation du numéraire, et définit l'assignat : une lettre de change dont la valeur numérique est garantie par la

nation.

Les nobles et les prélats, voyant dans cette mesure le salut de la révolution et un moyen de faciliter la vente des biens ecclésiastiques, entassèrent sophismes sur sophismes, déclamations sur déclamations, pour empêcher que le projet ne fût adopté. L'abbé Maury et l'archevêque d'Aix prétendirent que, si l'hypothèque était suffisante, la confiance renaîtrait, et qu'alors les assignats seraient inutiles; que, si elle était insuffisante, la défiance était inévitable, et qu'il était déloyal d'assigner une hypothèque que l'on savait insuffisante; que ce serait, en un mot, la plus odieuse

manière de faire banqueroute. Ils essayèrent de prouver qu'il n'y avait point de différence entre les assignats proposés et le papier-monnaie de Law, de sinistre mémoire.

Pétion leur répondit qu'en Espagne, à Venise, aux États-Unis d'Amérique, une longue expérience avait prouvé l'utilité des assignats, et que les billets de Law, quoique loin de les valoir, puisqu'ils n'avaient qu'une hypothèque générale et vague sur des bénéfices incertains et des trésors imaginaires, eussent sauvé l'État, si l'émission n'en eût été excessive. Le côté droit, confondu par tous ces arguments, protesta et se retrancha derrière l'honneur, la loyauté publique. Mais l'Assemblée n'ayant plus à balancer entre les assignats et la banqueroute, décréta, le 17 avril, que les anticipations cesseraient, que les dettes du clergé seraient réputées dettes nationales, et qu'il serait créé pour quatre cents millions d'assignats de mille à deux cents livres, ayant cours de monnaie, avec intérêts à 3 p. 100.

C'était une bonne mesure financière; c'était donc une bonne mesure politique. Elle devait avoir pour effet certain de payer les dettes urgentes, sans préjudice pour personne; de faciliter la vente en détail d'immenses domaines mal exploités jusqu'alors, et qui allaient se trouver bien cultivés; enfin elle prévenait une banqueroute qui eût été sans cela le seul moyen d'en finir avec les créanciers de l'État. Cette

fois l'opération trouva faveur, et l'État subvint à ses dépenses courantes, malgré les efforts de Necker pour empêcher la création des assignats'. Ce ministre, aussitôt le décret rendu, avait envoyé dans toutes les villes et dans les hameaux un mémoire contre cette innovation, afin de la discréditer d'avance. Comme un assignat représentait, pour tout homme de bonne foi, un hectare de bois ou de terre, le discréditer c'était discréditer le territoire même 2.

Le 25 juin, l'Assemblée décréta, pour dégrever l'État de sa dette, dont un milliard trois cent quarante millions étaient exigibles, l'aliénation de tous les domaines nationaux, autres que ceux réservés par le roi. A cette occasion, Maury s'était élevé contre le décret, disant que c'était une invention de l'agiotage, que le comité qui l'avait proposé n'avait pas le chiffre de la dette, et qu'il tenait, lui, de plusieurs membres, qu'elle s'élevait à sept milliards. C'était là une fausseté imaginée pour détruire la confiarfce; aussi, fut-elle démentie par tous les membres 3.

XIII. La discussion sur les finances fut encore interrompue par un incident grave. Le chartreux dom

1 Deux Amis, t. V. Moniteur. Courrier de Provence. 2 Deux Amis. - Point du Jour.

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3 Maury excitait souvent le scandale par d'étranges maximes. Un jour, il s'indignait à la tribune qu'une municipalité eût arrêté deux voyageurs qui n'avaient point de passe-port. Il est de droit naturel, dit-il, de brûler la cervelle à celui qui demande un passe-port à un voyageur.

Gerle, siégeant au côté gauche, proposa, dans l'espoir de calmer l'irritation toujours croissante du côté droit, de décréter que la religion catholique, apostolique et romaine, était la religion nationale et la seule dont le culte public serait autorisé dans le royaume. Maury, Cazalès, Foucault, applaudissent et demandent que l'on fasse incontinent ce serment catholique comme on a fait le serment civique. Mais la séance devient si tumultueuse qu'on est obligé de la remettre au lendemain. « Enfin nous les tenons, dit l'abbé Maury, ils >> ne peuvent nous échapper. Cette question sur la >> religion est une mèche allumée sur un baril de >> poudre 1. >>

Pendant la nuit, il tient aux Capucins, avec quelques-uns de ses collègues, un conciliabule, où ils signent une protestation pour le cas où la motion serait rejetée. Ils décident en outre que cette protestation sera portée au roi pour avoir sa sanction; et que, dans le cas d'un refus, ils y ajouteront un écrit pour apprendre aux Français qu'ils sont gouvernés par un monarque imbécile, et que la religion est en danger.

Ces résolutions, connues et dénoncées bien avant la séance, furent colportées dans tout Paris. Le peuple se rendit en foule autour de l'Assemblée nationale et manifesta une extrême colère contre les noirs. Dès la séance fut ouverte, dom Gerle, voyant que sa

que

1 Deux Amis. - Desmoulins. · Beaulieu.

motion produisait un effet contraire à ses intentions, la retira. La droite, furieuse, essaya de rouvrir la discussion, en vomissant un torrent d'injures. Enfin, un de ses membres, député du Cambrésis, ayant demandé le maintien des constitutions de sa province, à qui Louis XIV avait juré de ne jamais souffrir qu'elle reçût dans son sein d'autre religion que la religion catholique, apostolique et romaine, Mirabeau s'écria:

<< Je ferai observer au préopinant que le souvenir de tout ce que les despotes ont fait, ne peut servir de modèle à ce que doivent faire les représentants d'un peuple qui veut être libre; mais puisqu'on se permet des citations historiques sur cette matière, je supplierai de ne pas oublier que d'ici, de cette tribune où je vous parle, on aperçoit la fenêtre d'où la main d'un monarque français, armé contre ses sujets par d'exécrables factieux qui couvraient leurs intérêts personnels des intérêts sacrés de la religion, tira l'arquebuse qui donna le signal de la Saint-Barthélemy. >>

La voix de l'orateur, terrible et retentissante, ses yeux qui lançaient des éclairs, et son geste superbe, dirigés vers le Louvre, frappèrent de stupeur l'Assemblée qui rendit le décret suivant (13 avril) :

<«< L'Assemblée nationale, considérant qu'elle n'a et ne peut avoir aucun pouvoir à exercer sur les con-sciences et sur les opinions religieuses; que la majesté de la religion et le respect qui lui est dû, ne permettent pas qu'elle devienne le sujet d'une délibé

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