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Louis. Du cercueil son spectre qui s'élance Peut seul m'en accuser avec impunité. Fran. C'est donc vrai?

Louis. Mais le traître, il l'avait mérité. Fran. (Se levant) Et contre ses remords ton cœur cherche un refuge! Tremble! j'étais ton frère et je deviens ton juge.

Écrasé sous ta faute au pied du tribunal,

Baisse donc maintenant, courbe ton front royal.
Rentre dans le néant, majesté périssable!
Je ne vois plus le roi, j'écoute le coupable.
Fratricide, à genoux!

Louis. (Tombant à genoux) Je frémis!
Fran. Repens-toi.

Louis. (Se traînant jusqu'à lui et s'attachant à ses habits) C'est ma faute, ma faute, ayez pitié de moi!

En frappant ma poitrine, à genoux je déplore, Sans y chercher d'excuse, un autre crime

encore.

*

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Fran. Mais tu le dois, chrétien. Louis. Je me suis repenti, c'est assez. Fran. (Se relevant) Ce n'est rien.

Louis. N'ai-je pas de mes torts fait un aveu sincère?

Fran. Ils ne s'effacent pas, tant qu'on y persévère.

Louis. L'Église a des pardons qu'un roi peut acheter.

Fran. Dieu ne vend pas les siens: il faut les mériter.

Louis. (Avec désespoir) Ils me sont dévolus, et par droit de misère !

Ah! si dans mes tourments vous descendiez, mon père,

Je vous arracherais des larmes de pitié! Les angoisses du corps n'en sont qu'une moitié,

Poignante, intolérable, et la moindre peutêtre.

Je ne me plais qu'aux lieux où je ne puis pas être.

En vain je sors de moi: fils rebelle jadis,

Je me vois dans mon père et me crains dans mon fils.

Je n'ai pas un ami: je hais ou je méprise; L'effroi me tord le coeur sans jamais lâcher prise.

Il n'est point de retraite où j'échappe aux remords;

Je veux fuir les vivants, je suis avec les morts. Ce sont des jours affreux: j'ai des nuits plus terribles;

L'ombre pour m'abuser prend des formes

visibles:

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Louis. (Avec terreur) Quoi! me con- 200 damnez-vous?

Fran. Dieu peut tout pardonner:

Lorsqu'il hésite encor, dois-je te condamner?
Mais profite, ô mon fils, du répit qu'il

t'accorde:

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TROIS JOURS DE CHRISTOPHE COLOMB

En Europe! en Europe!-Espérez !'-Plus d'espoir;

-Trois jours, leur dit Colomb, et je vous donne un monde.'

Et son doigt le montrait, et son œil, pour le voir,

Perçait de l'horizon l'immensité profonde.

Il marche, et des trois jours le premier jour a lui;

Il marche, et l'horizon recule devant lui;

Il marche, et le jour baisse. Avec l'azur de l'onde,

L'azur d'un ciel sans borne à ses yeux se con

fond.

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Il marche, il marche encore, et toujours; et la sonde

Plonge et replonge en vain dans une mer sans fond.

Le pilote, en silence, appuyé tristement
Sur la barre qui crie au milieu des ténèbres,
Écoute du roulis le sourd mugissement,
Et des mâts fatigués les craquements funèbres.
Les astres de l'Europe ont disparu des cieux;
L'ardent Croix du Sud épouvante ses yeux.
Enfin l'aube attendue, et trop lente à paraître,
Blanchit le pavillon de sa douce clarté :
'Colomb! voici le jour! le jour vient de
renaître !'-

'Le jour! et que vois-tu?'-'Je vois l'immensité.'

Le second jour a lui.-Que fait Colomb? Il dort;

La fatigue l'accable, et dans l'ombre on conspire. Périra-t-il? Aux voix ! La mort !

mort!-la mort !

la

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Soudain du haut des mâts descendit une voix : 'Terre! s'écriait-on, terre! terre !' . . Il s'éveille :

Il court: oui, la voilà, c'est elle, tu la vois.
La terre!... ô doux spectacle! 6 trans-
ports! ô merveille !

O généreux sanglots qu'il ne peut retenir !
Que dira Ferdinand, l'Europe, l'avenir ?
Il la donne à son roi, cette terre féconde ;
Son roi va le payer des maux qu'il a soufferts:
Des trésors, des honneurs en échange d'un
monde,

Un trône, ah! c'était peu !

des fers.

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que reçut-il?

LA FONTAINE

(1621-1695)

LE MEUNIER, SON FILS ET L'ÀNE

J'ai lu dans quelque endroit qu'un meunier et son fils,

L'un vieillard, l'autre enfant, non pas des plus petits,

Mais garçon de quinze ans, si j'ai bonne mémoire,

Allaient vendre leur âne un certain jour de foire.

Afin qu'il fût plus frais et de meilleur débit,
On lui lia les pieds, on vous le suspendit;
Puis cet homme et son fils le portent comme
un lustre.

Pauvres gens! idiots! couple ignorant et rustre !

Le premier qui les vit de rire s'éclata; 'Quelle farce, dit-il, vont jouer ces gens-là ? Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense!'

Le meunier, à ces mots, connaît son ignorance; Il met sur pied sa bête, et la fait détaler.

L'âne, qui goûtait fort l'autre façon d'aller,
Se plaint en son patois. Le meunier n'en a

cure;

Il fait monter son fils, il suit ; et d'aventure Passent trois bons marchands. Cet objet lear

déplut.

Le plus vieux au garçon s'écria tant qu'il put:
'Oh là! oh! descendez, que l'on ne vous le dise,
Jeune homme, qui menez laquais à barbe grise!
C'était à vous de suivre, au vieillard de monter.'
-'Messieurs, dit le meunier, il vous faut con-

tenter.'

L'enfant met pied à terre, et puis le vieillard

monte;

Quand trois filles passant, l'une dit: 'C'est grand'honte

Qu'il faille voir ainsi clocher ce jeune fils, Tandis que ce nigaud, comme un évêque assis, Fait le veau sur son âne, et pense être bien

sage.'

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Jeanne,

Il monte sur sa bête; et la chanson le dit. Beau trio de baudets!' Le meunier repartit: 'Je suis âne, il est vrai, j'en conviens, je l'avoue,

Mais que dorénavant on me blâme, on me loue,

Qu'on dise quelque chose, ou qu'on ne dise rien,

J'en veux faire à ma tête.' Il le fit, et fit bien.

Quant à vous, suivez Mars, ou Thémis, ou le prince;

Allez, venez, courez, demeurez en province; Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement: Les gens en parleront, n'en doutez nullement.

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ΙΟ

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LE SAVETIER ET LE FINANCIER

Un savetier chantait du matin jusqu'au soir; C'était merveilles de le voir,

Merveilles de l'ouïr; il faisait des passages,

Plus content qu'aucun des sept sages.
Son voisin, au contraire, étant tout cousu d'or,
Chantait peu, dormait moins encor;
C'était un homme de finance.

Si, sur le point du jour, parfois il sommeillait,
Le savetier alors en chantant l'éveillait ;
Et le financier se plaignait
Que les soins de la Providence
N'eussent pas au marché fait vendre le dormir
Comme le manger et le boire.

En son hôtel il fait venir

Le chanteur, et lui dit: Or çà, sire Grégoire, Que gagnez-vous par an?'-"Par an? ma foi, monsieur,

Dit avec un ton de rieur

Le gaillard savetier, ce n'est point ma manière
De compter de la sorte, et je n'entasse guère
Un jour sur l'autre : il suffit qu'à-la fin
J'attrappe le bout de l'année.
Chaque jour amène son pain.'

-Eh bien! que gagnez-vous, dites-moi, par journée?

-Tantôt plus, tantôt moins: le mal est que

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Qu'il faut chômer: on nous ruine en fêtes. L'une fait tort à l'autre, et monsieur le curé De quelque nouveau saint charge toujours son prône.'

Le financier, riant de sa naïveté,

Lui dit: 'Je veux vous mettre aujourd'hui sur

le trône.

Prenez ces cent écus; gardez-les avec soin,

Pour vous en servir au besoin.'

Le savetier crut voir tout l'argent que la terre
Avait depuis plus de cent ans
Produit pour l'usage des gens.

Il retourne chez lui: dans sa cave il enserre
L'argent et sa joie à la fois.

Plus de chant; il perdit la voix,

Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines.

Le sommeil quitta son logis;

Il eut pour hôtes les soucis,

Les soupçons, les alarmes vaines.

Tout le jour il avait l'œil au guet; et la nuit, Si quelque chat faisait du bruit,

Le chat prenait l'argent. À la fin le pauvre

homme

S'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus : 'Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mo

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ACT III.-Scene 6.

VICTOR HUGO

(1802-1885)

HERNANI

DON RUY GOMEZ, DOÑA SOL voilée, DON CARLOS, SUITE; à la fin, HERNANI.

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(Le Roi, Don Carlos, s'avance à pas lents, la main gauche sur le pommeau de son épée, la droite dans sa poitrine, et fixe sur le vieux duc un œil de défiance et de colère. Le duc va au devant du roi et le salue profondément. Silence. Attente et terreur alentour. Enfin, le roi, arrivé en face du duc, lève brusquement la tête.) Don Car. D'où vient donc aujourd'hui, Mon cousin, que ta porte est si bien verrouillée? Par les saints! je croyais ta dague plus rouillée, Et je ne savais pas qu'elle eût hâte à ce point, Quand nous te venons voir, de reluire à ton poing!

(Don Ruy Gomez veut parler, le roi poursuit avec un geste impérieux.) C'est s'y prendre un peu tard pour faire le jeune homme!

Avons-nous des turbans? serait-ce qu'on me

nomme

Boabdil ou Mahom, et non Carlos, répond!
Pour nous baisser la herse et nous lever le pont?
Don Ruy. (S'inclinant) Seigneur. . .
Don Car. (A ses gentilshommes) Prenez les
clefs, saisissez-vous des portes!

(Deux officiers sortent. Plusieurs

autres

rangent les soldats en triple haie dans la salle, du roi à la grande porte. Don Carlos se retourne vers le duc.) Ah! vous réveillez donc les rebellions mortes? Pardieu! si vous prenez de ces airs avec moi, Messieurs les ducs, le roi prendra des airs de roi,

Et j'irai par les monts, de mes mains aguerries, Dans leurs nids crénelés tuer les seigneuries! Don Ruy. (Se redressant) Altesse, les Silva sont loyaux...

Don Car. (L'interrompant) Sans détours Réponds, duc, ou je fais raser tes onze tours! De l'incendie éteint il reste une étincelle, Des bandits morts il reste un chef.-Qui le

recèle?

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Don Ruy. (S'inclinant) Mais qu'à cela ne tienne!

Vous serez satisfait.

(Doña Sol cache sa tête dans ses mains d tombe sur le fauteuil.)

Don Car. (Radouci) Ah! tu t'amendes.-Va! Chercher mon prisonnier.

(Le duc croise les bras, baisse la tête et reste quelques moments rêveur. Le roi et Doña Sol l'observent en silence et agités d'émotions contraires. Enfin le duc relève son front, va au roi, lui prend. la main, et le mène à pas lents devant le plus ancien des portraits, celui qui commence la galerie à droite du spectateur.)

Don Ruy. (Montrant au roi le vieux por trait) Celui-ci, des Silva C'est l'aînê, c'est l'aïeul, l'ancêtre, le grand homme;

Don Silvius, qui fut trois fois consul de Rome. (Passant au portrait suivant) Voici don Galceran de Silva, l'autre Cid!

On lui garde à Toro, près de Valladolid, Une chasse dorée où brûlent mille cierges. Il affranchit Léon du tribut des cent vierges. (Passant à un autre)-Don Blas, qui, de lui même et dans sa bonne foi, S'exila pour avoir mal conseillé le roi. (A un autre) Cristoval.

d'Escalona, don Sanche,

Au combat

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Don Ruy. (Passant à un autre) Voici Ruy
Gomez de Silva,

Grand-maître de Saint-Jacque et de Calatrava.
Son armure géante irait mal à nos tailles.
Il prit trois cents drapeaux, gagna trente
batailles,

Conquit au roi Motril, Antequera, Suez,
Nijar, et mourut pauvre.—Altesse, saluez.
(Il s'incline, se découvre et passe à un autre.
Le roi l'écoute avec une impatience et
une colère toujours croissantes.)
Près de lui, Gil son fils, cher aux âmes
loyales.

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