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ports, au lieu d'être des causes, comme les lois, ne sont au contraire que des effets. Ce sont les lois qui forment ou qui règlent les rapports. Ces derniers sont seulement les conséquences des lois en vertu desquelles un être existe.

3. Les lois different selon l'ordre des faits auxquels elles se rapportent; mais, relativement à tous ces ordres, elles n'en sont pas moins les conditions d'existence de cet ordre. En effet, s'agit-il de l'ordre physique, les corps se forment et se développent selon certaines lois primordiales. Ces lois peuvent être contingentes, elles peuvent changer, prendre des formes diverses; mais alors les corps varieront aussi de la même manière : en effet, pour que les corps ne s'attirent plus en raison directe de leurs masses et en raison inverse de leurs distances, il faut certainement que les lois formant les conditions de leur existence soient aussi changées. S'agit-il de l'ordre moral, l'homme ne peut être libre et pensant sans les lois qui sont les conditions de sa liberté et de sa pensée. Dieu même, malgré sa perfection absolue, s'est imposé la nécessité morale de subir les lois qui sont les conditions de sa bonté et de sa grandeur. Que ces lois soient changées, et aussitôt la nature de l'homme ou de la divinité sera tout autre.

Il y a donc deux ordres de lois : l'ordre physique et l'ordre moral ou métaphysique. Ces lois sont immuables, et par cela même toute atteinte portée à leur constitution primodiale a pour conséquence rigoureuse une réaction dont le contre-coup se fait sentir presque nécessairement par exemple, une loi physique est-elle violée, on éprouve immédiatement un mal physique; une loi morale est-elle violée, le mal moral apparaît tôt ou tard sous la forme de remords, de mépris, de désapprobation, d'infamie, ou bien sous celle de peine pénale.

4. Chacun de ces ordres de lois suppose l'existence d'un ordre de choses distinct dans son essence et dans. ses qualités. Les lois physiques s'appliquent à tout ce qui est corps et matière. Tout être soumis à ces lois les exécute spontanément, instinctivement, nécessairement. Les lois de l'ordre moral s'appliquent à l'homme, et forment la condition de l'existence de l'être en général et de l'âme humaine en particulier. Ces lois se divisent donc encore en deux catégories : les lois métaphysiques et les lois purement morales.

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Les lois métaphysiques sont les conditions universelles de l'existence même de l'être. Elles règlent la cause, la forme, la distance, la force, le nombre de tout ce qui est. De là les sciences ontologiques, mathématiques et mécaniques. Un cercle cesserait d'être ce qu'il est si ses rayons n'étaient pas également éloignés du centre. Les lois de l'ordre moral sont les conditions de l'existence de la liberté et de la pensée humaine, ou autrement de l'âme humaine. Elles ont pour but d'arriver à la formation de nos idées, a priori ou a posteriori, et aux règles de nos actions ou inactions. Les premières, qu'on pourrait appeler lois morales intérieures, sont du domaine de la psychologie; les secondes, les lois naturelles proprement dites, ou lois morales extérieures (leges externæ), sont du domaine du moraliste et du législateur.

5. L'homme arrive à la connaissance de toutes ces lois soit par l'intuition a priori, soit par l'observation, l'induction et la déduction. Les lois de l'ordre physique ne lui sont découvertes qu'à la suite de longues observations et par le moyen de l'induction. Quant aux lois de l'ordre métaphysique et moral, elles sont conçues a priori par sa raison. Toutefois, il ne peut arriver à une plus ample connaissance de leur nature et de leurs

attributs que par le moyen de l'observation, de la déduction et de l'induction.

6. Une fois que l'homme a connu ou pu connaître toutes ces lois, il se demande quelle est leur fin suprême. Nous avons vu que tout être a une fin particulière, et que la somme de toutes ces fins forme le bien souverain. Or, une loi n'a pour but que de faire arriver chaque être à sa fin particulière; chaque ordre de lois n'est donc que l'instrument spirituel dont Dieu s'est servi pour conserver cette belle œuvre de la création et pour conduire tous les êtres à leur plus grand bien possible. La somme de toutes ces lois forme l'ordre universel, c'est-à-dire la parfaite harmonie entre les lois, feurs objets et leur but dernier.

7. Si l'homme est seul à pouvoir connaître les lois de la nature, il est seul aussi à pouvoir les violer. Il est le seul des êtres créés qui ait conscience du but en vue duquel il existe; il est seul aussi à pouvoir choisir entre les divers moyens propres à l'y conduire. Or, quel est le but final où doivent tendre ses efforts dans l'ordre universel des choses? C'est d'arriver au plus grand bonheur possible par l'accomplissement du bien. Ceci posé, voyons en quoi l'homme peut enfreindre les lois de la nature et quelles sont les conséquences de cette infraction.

Constatons d'abord ce point important, que les lois naturelles, malgré les violations de l'homme, n'en restent pas moins ce qu'elles sont. L'homme, en se sous-trayant à leur empire et à leurs préceptes, ne peut point porter atteinte à leur essence, ne peut point entraver leur marche. Créature faible et finie, comment pourraitil altérer la nature de ces lois immuables, éternelles et parfaites, comme l'auteur dont elles émanent? En leur désobéissant, il ne porte préjudice qu'à soi-même. La loi,

toujours supérieure et toujours victorieuse, demeure intacte en principe. Son infraction constate seulement la liberté humaine : car Dieu, dans sa bonté infinie, a voulu que l'homme n'arrivât au bonheur que par un mouvement propre et réfléchi, en suivant la loi de la justice et de la vertu.

Les lois physiques ne peuvent pas être violées, à proprement parler; elles ont, à l'insu même de l'homme, un cours nécessaire, que celui-ci peut bien suspendre, contrarier, mais arrêter... jamais. Comment en effet pourrait-il arrêter la circulation du sang, le battement du cœur? Tout ce qu'il peut faire, c'est d'interrompre, par des moyens factices, le cours de ces lois. Le suicide en est la preuve. Malgré l'affirmation de quelques voyageurs, nous ne croyons pas qu'il y ait en Asie et en Afrique des animaux qui se donnent la mort. L'homme seul peut se soustraire à l'empire des lois physiques. Aussi s'en ressent-il presque immédiatement. La maladie ou la mort est la réparation de cette infraction.

Quant aux lois métaphysiques et aux lois morales intérieures, ou psychologiques, l'homme ne peut que les ignorer; il ne peut ni les violer, ni en suspendre le cours. En effet, les premières, indépendantes de l'homme, sont les conditions nécessaires de l'être; l'homme ne peut que les concevoir a priori. Mais quand même il ne les concevrait pas, elles n'en existeraient pas moins. Un effet aura toujours une cause, le tout sera plus grand que la partie, un triangle aura toujours deux angles droits, indépendamment de la pensée et de la volonté humaine. Quant aux lois psychologiques, leur empire est tout aussi nécessaire, car elles sont les conditions essentielles de l'âme. Or, comment l'homme pourrait-il s'en écarter? Supposons qu'un jour il veuille ne plus avoir de volonté ou ne plus penser. Que se passera-t-il ? A chaque instant il voudra ne plus vouloir, et il pensera

à ne plus penser. On comprend parfaitement la folie de pareils actes, qui le portent à faire précisément le contraire de son intention à vouloir et à penser toujours.

Il est donc certain que la liberté de l'homme, dans l'exercice de ses facultés morales, peut bien aller jusqu'à méconnaître ces lois; mais là s'arrête son pouvoir. Bien plus, la réparation, la conséquence de cette infraction, sera l'ignorance.

Ainsi, quand nous disons que l'homme peut violer les lois de la nature, c'est plutôt des lois morales extérieures, ou lois naturelles proprement dites, que nous voulons parler. En effet, ces lois, malgré leur nature inaltérable et immuable, peuvent être suivies ou non. Aussi n'y a-t-il que dans cet ordre de lois que l'homme peut mériter et démériter. Leur violation peut quelquefois être commise par ignorance; mais le plus souvent elle se fait en connaissance de cause et de propos délibéré, car la notion du bien et du juste est innée et se trouve gravée dans le cœur de tous les hommes. Socrate a dit que, si tous les hommes connaissaient le prix de la vertu, tous seraient vertueux. Nous répondons que, si tous les hommes ne sont pas vertueux, ils ont cependant le pouvoir de l'être, et qu'ils le seraient s'ils en avaient la volonté. Autrement, quand y aurait-il lieu à la culpabilité morale, et même à la culpabilité légale ?

Toute infraction à une loi morale implique en soi une faute, un démérite, et la réparation de cette faute est un mal. Afin d'apprécier convenablement la valeur de ces infractions et de ces réparations, faisons encore ici une autre distinction.

8. Les lois morales externes, conçues a priori par la raison humaine, se divisent en lois morales proprement dites, et en lois naturelles ou droit naturel. Les pre

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