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Titre 2

DES DÉLITS

CHAPITRE Jer.

DÉFINITION ET ÉLÉMENTS DU DÉLIT.

40. L'homme, dans ses relations avec ses semblables, peut se conduire selon la raison ou selon les impulsions de ses passions. Libre dans ses mouvements et ses actions, éclairé sur la notion primitive du juste et de l'injuste, il peut choisir entre les diverses règles qui lui sont offertes. Se conforme-t-il à celles de la justice, il accomplit son devoir, c'est un homme de bien; s'il préfère les impulsions de ses passions, il commet un acte contraire à la règle du juste ou du devoir; on dit que cet homme ́est un délinquant, ayant omis son devoir, delinquere. Ces omissions peuvent donc avoir lieu soit dans les lois naturelles, soit dans les lois positives. Chacune d'elles emporte avec soi sa sanction, c'est-à dire la répáration du mal accompli par un autre mal équivalent. Chacune de ces sanctions participe aux caractères généraux de la loi qu'elle fait respecter. La sanction de la loi naturelle a la même nature, la même extension et le même mode d'application que la loi à laquelle elle est attachée: La sanction civile, contingente comme sa loi,

ne peut fonctionner que sous les mêmes conditions que la loi positive. De là il résulte que le délit pénal a un cercle plus limité que celui de la loi naturelle, tout en participant aux mêmes caractères généraux.

41. En effet, la loi pénale est une prescription de la loi naturelle, en tant qu'elle est requise par l'intérêt social. Il y a donc là un élément de justice absolue et une condition d'intérêt relatif. La violation de cette loi est donc en même temps une violation de la justice et une violation d'intérêt social. Cette violation prend le nom spécial de délit, qui dérive du latin delictum, delinquere, omettre. Il exprime toute omission, tout manquement à un devoir. Les Romains, par delictum, entendaient quod prætermissum. Saint Augustin le définissait declinatio a bono. On peut donc dire, d'une manière générale, que le délit est tout fait qui blesse la justice et l'intérêt social.

42. Il est vrai que les lois positives n'ont pas toujours attaché le même sens au mot délit. On a distingué d'abord la transgression non préméditée, la simple faule, culpa, de la transgression préméditée, c'est-àdire celle qui est accompagnée de conscience et délibé ration. Dans l'un et l'autre cas, il y a imputabilité; seulement on a nommé la première quasi-delit, qui n'entraîne qu'une responsabilité civile, et l'autre délit, qui est en outre soumis à une peine publique. Cette distinction vient du droit romain; seulement elle a changé de nature chez les modernes. Les Romains distinguaient entre les faits nuisibles et illicites, auxquels on avait attaché une action spéciale, et les autres faits de la même nature qui, n'ayant pas d'action propre, étaient régis par une action générale in factum. Les premiers étaient nés ex delicto, les seconds quasi ex de

licto. Aujourd'hui ces subtilités sont tombées; on ne tient compte que du phénomène moral. Le quasi-délit est nommé tel parceque le fait, quoique imputable, n'est pas prémédité. Mais cette distinction elle-même n'a d'intérêt que par rapport au droit civil. Le droit pénal ne connaît que des délits. Quand un fait se présente avec les caractères du quasi-délit civil, il le range parmi les contraventions.

43. Malgré cette extension, le mot délit n'embrasse pas, dans la loi écrite, toutes espèces d'infractions. En effet, le législateur a été frappé de la diversité qui se trouve entre des faits illicites au point de vue de la culpabilité et de la lésion. Il a cherché à les classer afin de mieux proportionner la peine à la violation. Chacune de ces classes forme des échelles de plus en plus graves, avec des peines de plus en plus sévères. Quand les faits illicites réunissent au plus haut degré l'immoralité de l'action et l'intention de l'agent, il y a alors crime. Quand le même phénomène se présente avec moins de gravité, la culpabilité est moins grande et le fait prend le nom de délit. Quand il s'agit de simples faits illicites, imputables en effet, mais commis par négligence, sans intention, on comprend que la responsabilité et la culpabilité de l'agent ne peuvent pas être les mêmes que s'il avait eu une volonté intentionnelle de commettre le mal; aussi a-t-on rangé ces faits dans une classe à part, on les a nommés contraventions.

Les codes reconnaissent donc trois sortes d'infractions les crimes, les délits et les contraventions. Ils appellent crimes les actions et omissions punissables d'une peine afilictive et infamante; délits, les faits illicites punis de peines correctionnelles; et contraventions, les actions et omissions punissables des peines de police. Ces

définitions se trouvent dans presque tous les codes1. Mais sont-elles fondées sur la nature des choses? Nous ne le croyons pas. La gravité d'une infraction ne peut pas se mesurer d'après le degré de la peine; c'est au contraire celle-ci qui se mesure d'après l'importance de l'infraction. Toute infraction est une atteinte à la morale et à l'intérêt social; c'est donc dans ces deux sources que le législateur doit puiser les éléments d'après lesquels il doit décider de la gravité de chaque fait illicite. On comprend bien que deux faits, également immoraux par rapport à la justice, soient punis différemment, parce qu'ils troublent d'une manière inégale l'ordre social. Cela ne prouve rien autre chose sinon que l'intérêt social l'emporte sur la justice quant à l'application des peines. Mais, en tout cas, c'est toujours l'immoralité de l'acte, unie au danger social, qui indique la véritable valeur d'un fait.

Je sais bien que les codes qui ont traité cette question ne se sont point occupés de la définition des infractions, qu'ils n'ont pas voulu faire des théories, et que leur but a été simplement d'indiquer la compétence des juges d'après la nature des peines encourues. Cela est vrai, et cette indication est utile ; mais il n'en est pas moins vrai que par la manière dont procèdent les codes on croit avoir une définition, une théorie, et non une simple règle d'ordre de compétence. N'aurait-il pas mieux valu s'abstenir de toute division, comme l'ont fait plusieurs codes de l'Allemagne ?? De cette manière on aurait évité

1. Code franç. pénal, art. 1; belge, art. 1; de Bavière, art. 2; de Hollande, art. 1; de Sardaigne, art. 2; des Deux-Siciles, art. 1 ; de Valaquie, art. 1, de Prusse, § 1, etc.

2. Codes de Saxe, Wurtemberg, Brunswick, Hanovre, HesseDarmstadt, Bade, Autriche.

cette fâcheuse division, qui mesure l'immoralité de l'acte à la gravité des peines. Y a-t-il en effet rien de plus choquant, de plus scandaleux, qu'une pareille appréciation ? Un meurtrier ne sera-t-il criminel que parceque la loi le frappe d'une peine criminelle? Nous tomberions alors sous le coup des critiques mordantes de Pascal et de Montaigne. Je sais bien qu'il est difficile de trouver le principe moral d'après lequel on indiquera le point où commence le crime et où finit le délit : car souvent le même fait est tantôt crime, tantôt délit, selon les circonstances extrinsèques. Cependant les uns et les autres prennent leur criminalité dans la moralité du fait et l'intention de l'agent; c'est par là aussi qu'ils se distinguent des contraventions, qui ne sont que de simples infractions volontaires, mais sans intention de la part de l'agent. Les codes doivent ou renoncer à leur définition, ou en chercher d'autres meilleures.

44. Quoi qu'il en soit, on voit que par le mot délit les codes entendent ordinairement une certaine classe de faits illicites qui sont punis de peines correctionnelles. Nous continuerons cependant à entendre par délit toute action ou toute omission illicite. C'est dans ce sens que ce mot est employé en théorie. C'est ce qu'entendait aussi l'ancienne jurisprudence française quand elle définissait le délit « tout fait illicite, commis volontairement, qui oblige à une réparation si elle est possible, et qui, d'après les lois humaines, mérite une peine. » Le code du 3 brumaire an IV lui donnait la même signification: « Faire ce que défendent, et ne pas faire ce qu'ordonnent les lois, qui ont pour objet le maintien social et la tranquillité publique, est un délit» (art. 1er). Les codes actuels conservent le même sens au mot délit quand ils se servent des mots flagrant délit, délits complexes, corps du délit.

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