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être juste. Mais cette justice où la trouvez-vous? D'après quel modèle la formulez-vous? Est-ce d'après la loi écrite? Ce serait une absurdité, et nous répéterions avec Cicéron: . Illud stultissimum, existimare omnia justa esse quæ scita sint in populorum institutis aut legibus 1. » Il faut donc remonter plus haut pour chercher la justice des lois sociales; car autrement nous prendrions nos erreurs et nos passions pour la justice. Le droit social ou le droit public se trouve ainsi avoir pour base les lois naturelles; mais comme on veut faire dériver le droit pénal du droit public, il dérive aussi indirectement de la loi naturelle; s'il en dérive indirectement, pourquoi n'en dériveraitdirectement?

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25. On voit, en un mot, que l'école formuliste n'a fait que poser des formules sans les résoudre. Elle a agité la question de l'origine du droit pénal sans la comprendre et sans arriver à une solution quelconque. Heureusement les adeptes de cette école sont peu nombreux; son influence en Allemagne est nulle, et en France presque insignifiante.

26. Avec la majorité des légistes nous maintenons donc notre opinion, que la loi pénale a pour origine la justice naturelle. L'intérêt pratique de cette question est immense, et, sans cette origine, la loi pénale ne peut être que l'expression des passions ou l'instrument de la politique. Il n'y a que l'étude de l'origine même du droit positif qui puisse former en même temps des jurisconsultes éclairés et des magistrats capables. Le dé

1. De legibus, lib. 1, § 15.

2. Nous sommes étonné de voir M. Faustin Hélie citer parmi ses partisans l'éminent professeur M. Ortolan. C'est probablement une méprise, car on n'a qu'à lire ses Eléments de droit pénal pour voir, à chaque page, le contraire de cette assertion.

faut de cette branche de science dans quelques Facultés de l'Europe, et surtout dans celle de Paris, est une lacune fâcheuse. Les rédacteurs de la loi du 22 ventôse an XII avaient compris l'utilité de l'étude du droit naturel aussi avaient-ils placé parmi les matières de l'enseignement dans les Facultés de droit, à la suite du droit civil français, les éléments du droit naturel (art. 2). Je ne puis mieux finir qu'en citant les propres paroles d'un des orateurs du Tribunat : « Les élèves trouveront dans ces éléments ceux d'un grand nombre de dispositions de notre Code, et verront ainsi plus clairement dans quelle intention celles-ci ont été rédigées, dans quel sens elles doivent être prises; ils remarqueront aussi les différences qui existent entre les principes gravés par la nature dans le cœur de tous les hommes ou avoués par les nations et ceux consignés dans le droit français, ou plutôt ils apprendront comment ét pourquoi les premiers ont été modifiés par les seconds, et se pénétreront, dans tous les cas, de l'esprit du législateur, unique mais infaillible moyen de faire une juste application des lois. »

CHAPITRE IV.

DE L'EXERCICE DE LA LOI PÉNALE.

27. J'appelle exercice de la loi pénale la mise à exécution de cette loi, ou, comme on dit ordinairement, le droit de punir. J'ai évité ce dernier terme pour trois raisons: 1° parceque ce droit n'est pas moins un devoir

que le devoir de récompenser n'est lui-même un droit ; 2o parceque, en l'absence surtout d'une loi rémunératrice, la loi pénale doit être moins sévère; 3° parceque ce mot punir rappelle trop les idées de vengeance, de vindicte publique, termes très dangereux en théorie et 'en pratique. Nous croyons donc que le terme d'exercice répond mieux à la nature des choses.

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28. En effet, tout droit, comme toute loi, existe sous deux formes comme capacité ou incapacité, c'està-dire comme un ordre impératif ou prohibitif, et comme action, c'est-à-dire comme pouvoir d'exiger l'accomplissement de cet ordre. Dans le premier cas, la loi se contente de poser des maximes obligatoires; dans le second, elle y ajoute une sanction qui assure l'exécution de ses commandements. La première fois, elle joue un rôle passif; la seconde fois, son rôle est actif. Il y a donc un double droit droit passif et droit actif. Ces droits appartiennent aux individus ou à la société. Quand un individu possède un droit, il n'a qu'une capacité, une aptitude d'exiger tel devoir; se met-il à demander l'accomplissement de ce devoir, il exerce alors son droit, prend un rôle actif. Il en est de même de la société: quand elle ne fait qu'exprimer ses commandements, elle est en possession d'une aptitude pour demander telle action ou inaction; en vient-elle à la demander, à mettre à exécution son droit, elle l'exerce alors, et son rôle est actif. Il y a tels droits actifs qui ne peuvent appartenir qu'à la société, au pouvoir public: tel est le droit d'infliger une peine à celui qui se rend coupable d'un délit. Tous les citoyens ont les droits passifs de la loi pénale, ear tous possèdent la capacité ou l'aptitude d'exiger qu'on se conforme aux préceptes de cette loi; mais aucun ne peut infliger une peine publique au délinquant. Il n'y a donc que la société seule qui a l'exercice de la

loi pénale; c'est elle seule qui poursuit le coupable et qui lui inflige une peine, indépendamment de la partie civile. Or, cette double action de poursuivre et de punir forme l'exercice de la loi pénale.

29. Mais en vertu de quel droit la société s'est-elle arrogé cet exercice ? Quel est son fondement, ou, autrement, quelle est la légitimité de ce droit actif que possède la société? De même que nous avons vu le principe d'où dérive la loi pénale, en tant qu'elle ordonne et commande, de même il faut chercher quelle est l'origine du droit qu'a la société de poursuivre l'exécution de ce commandement. Dans le premier cas, nous avons vu l'origine de l'élément passif; dans le second, nous verrons celle de l'élément actif. Ces deux questions sont essentiellement différentes; les confondre, comme on l'a fait généralement, c'est tomber dans de graves erreurs.

Avant de montrer quelle est notre opinion sur cet objet, parcourons rapidement une foule de systèmes relatifs à ce sujet; observons que tous ces systèmes, qui ont posé le principe de punir ailleurs que dans le pouvoir social, ont conclu en même temps à l'origine du droit pénal confusion regrettable sous plus d'un point.

30. Le système qui s'est présenté plus naturellement à l'esprit des peuples primitifs, c'est celui de la vengeance: vengeance privée ou vengeance publique, voilà la base du droit qu'a la société de punir. Quand le pouvoir social n'était pas encore bien établi, quand la sécurité générale était presque nulle, chaque homme avait bien le droit de punir par lui-même ses injures ou celles de ses ancêtres. La mesure de la peine ne pouvait être qu'une égalité parfaite oeil pour œil, bras pour bras, voilà la loi du talion. La composition, le weregeldum apparut plus tard : c'était le rachat de la peine par une somme

déterminée. C'est ainsi que chaque homme pouvait se venger, ou d'une manière réelle, ou d'une manière fictive. La société intervint; elle se mit entre le coupable et la victime, et voulut exercer le droit de celle-ci. Le sentiment qui la guida dans cette action ne fut pareille-` ment que la vengeance, car où puisait-elle son droit, sinon dans la vengeance privée? Aussi les peines, à cette époque, se font-elles remarquer par une atrocité barbare. Ce droit de la société, dit-on, n'est pas une usurpation. Comme les délits intéressent tout le corps social, comme l'individu n'est pas un juge assez impartial pour mesurer sa vengeance sur le vrai préjudice commis, la société s'en est chargée; elle a pris la défense commune, en s'obligeant à venger chaque individu dans la juste proportion du mal qu'on lui a fait. Ainsi de violente, d'injuste même, que cette passion aurait pu être dans les mains des individus, elle est devenue équitable et légitime entre les mains de la société. Voilà l'origine ou la légitimité du droit de punir 1.

Cette croyance régna et règne encore, malheureusement, parmi tous les peuples primitifs. Chaque nation chercha à punir le plus sévèrement possible, afin de mieux répondre à ce sentiment de vengeance. On la · voit même en vigueur jusque vers la fin du XVIIIe siècle. Aujourd'hui elle a disparu dans presque toutes les lois pénales; seulement, par une habitude invétérée, on entend encore souvent prononcer le mot de vindicte publique.

Il n'est pas besoin de combattre cette théorie, tant elle est contraire à la vérité. La vengeance peut bien se trouver dans l'individu comme passion isolée, déterminée, ayant un but égoïste. La société, l'être abstrait,

1. Théorie de lord Kaimes et de Luden.

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