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suffit-il plus, joignez-y un raisonnement proportionné à la capacité des enfants, ils aiment déjà à être traités en gens raisonnables, lorsqu'ils ne le sont pas encore. Faut-il en venir à des paroles sévères, n'en faites jamais une habitude, ils en feraient une aussi de vous entendre; qu'elles soient rares et presque jamais vaines, autrement ils les regarderont comme de vains éclats qu'on peut mépriser. Etes-vous obligés d'en venir à la verge et aux châtiments corporels, il y a des occasions où le Saint-Esprit vous y exhorte, où il vous dit que c'est une marque d'amitié de l'employer, que ce serait haïr vos enfants que de ne pas vous en servir (Prov. xxш, 13, 14), et ces occasions sont surtout lorsqu'il faut rompre l'opiniâtreté d'un enfant. Usez-en donc, et s'il se peut, plutôt par la main d'un autre que par la vôtre, parce que l'aversion que l'enfant a de la peine, se tournera plutôt contre celui qui l'inflige que contre vous. Enfin évitez d'en user au moment que vous le surprenez en faute, de peur que la passion ne se joigne à la correction. C'est ce que j'avais de plus essentiel à vous dire sur les corrections : ce qui concerne le choix d'un état n'est pas moins important. La réponse de Jésus-Christ à ses parents doit nous apprendre quelle doit être cette direction.

Il leur répondit donc : Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je sois occupé à ce qui regarde le service de mon Père? comme s'il eût dit: Il est vrai, mon Pere vous a chargé du soin de ma personne; mais il ne vous a pas donné droit d'en disposer non plus que de mon état; en cela, je ne reconnais point de supérieur sur la terre. Voilà, pères et mères, ce que Jésus-Christ vous disait déjà beaucoup plus qu'à Marie, dans la personne de laquelle il a voulu vous instruire; vous avez droit d'intervenir dans le choix que vos enfants font d'un état; il est de leur devoir non-seulement de vous consulter, mais de déférer à vos remontrances, pourvu que ce soient la raison et la religion qui les dictent; ils doivent même supposer que cela est ainsi, jusqu'à ce qu'ils auront réuni les avis de personnes éclairées et pieuses qui penseront autrement. S'ils choisissent mal, et qu'ils soient mal guidés dans le choix qu'ils font, vous pouvez leur commander de se désister, et en cas de refus, user de toute l'autorité que les lois vous mettent entre les mains pour les punir. Voilà votre droit, un droit reconnu de toutes les lois divines et humaines, mais un droit, prenez-y garde, dont l'abus est aussi ordinaire que les conséquences en sont dangereuses.

Quoi de plus commun que de voir parmi nous des pères et mères qui décident avec un pouvoir absolu de l'état de leurs enfants? Chacun d'eux est destiné à un genre de vie avant qu'il soit susceptible de destinée. Un père se voit chargé d'une famille nombreuse, il veut placer ceux qui la composent selon leur condition: si tous prennent parti dans le monde, les revenus ne seront pas suffisants, on ne pourra prétendre à telle charge, à telle alliance honorable. Que fait la prudence du siècle? Elle décide que les uns seront pour

le monde, et les autres pour l'Eglise ou la religion : l'ordre de la naissance est celui de la vocation; et comme cet ordre n'est établi que par intérêt, il varie autant que l'intérêt pourra changer; ce cadet qu'on avait d'abord consacré au ministère des autels, sera rappelé dans le monde, parce qu'un aîné, ou n'aimera pas à s'y produire, ou ne s'y montrera pas avec avantage. Une fille aînée se trouve dépourvue de cette espèce de talents que le monde admire; elle n'a ni cette beauté qui fait des criminels, ni les agréments de la conversation sous lesquels se cache le serpent qui empoisonne le cœur, ni le faux mérite du jeu, de la danse ou du chant, elle sera condamnée à prendre la place d'une sœur moins âgée dans un monastère. Propose-t-on à un père avare un riche parti pour sa fille? il faut qu'elle donne, ou du moins qu'elle se conduise comme si elle y donnait un libre consentement. Une mère ambitieuse veut-elle voir son fils revêtu des dignités de la magistrature? elle ne s'occupe que de la dépense nécessaire pour les obtenir; le mérite que ces emplois supposent ne paraît pas un objet digne de son attention. Qu'un tel état, qu'une telle alliance plaise à des parents; il faut qu'il plaise à des enfants, qu'ils s'y déterminent contre toute inclination, ou qu'ils s'exposent à toutes sortes de mauvais traitements. Pensez-vous donc, parents inhumains, pensez-vous à toutes les injustices que vous commettez contre Dieu, contre la société, contre vos propres enfants? C'est Dieu qui, en rous créant, a assigné à chacun de nous la place qu'il occuperait, et vous vous mettez à la place de la Providence, pour marquer à vos enfants le rang qu'ils tiendront : c'est Dieu qui se déclare le maître du monde et des états qui le composent, et vous prétendez en disposer à votre gré! C'est à Dieu seul qu'il appartient de donner les grâces d'état, et vous croyez qu'elles seront, pour ainsi dire, aux ordres de votre intérêt et de votre ambition! C'est Jésus-Christ qui est le chef de tous les membres de son Eglise, et qui en distribue les différents ministères, et vous osez, téméraires, vous osez vous mettre à la place de ce Pontife éternel, et devenir les dispensateurs des honneurs ! voilà votre injustice, votre irréligion à l'égard de Dieu. Quelle est encore votre injustice envers l'Eglise et l'Etat! Le bien de l'une et de l'autre de ces sociétés dépend essentiellement de la manière dont chacun remplit les fonctions essentielles à son état; on ne peut espérer qu'elles seront dignement remplies par un homme qui n'y a point de vocation, qui n'a ni le goût ni les talents nécessaires : la société souffrira donc nécessairement d'un mariage mal assorti, parce qu'il sera la cause de bien des troubles, de divisions; elle souffrira d'un ouvrier qu'on aura forcé d'apprendre un art qu'il ne connaît pas; elle souffrira d'un marchand, d'un financier, qui feront de leur état un état de rapine et de concussion; elle souffrira d'un capitaine qui abandonnera dans l'occasion les intérêts et la gloire de la patrie; elle soufIrira d'un magistrat qui se conduira sans lu

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ans, c'est-à-dire pendant tout le temps qu'i n'est pas occupé de son ministère. Votre droit, pères et mères, est donc un droit imprescriptible; quelque âge, quelque emploi qu'aient vos enfants, ils vous seront toujours soumis en ce qui n'est point de leur état : Jésus, obéissant à ses parents dans une vie pauvre, occupé d'un métier pénible, assure autant votre autorité que leur obligation. Mais, encore une fois, quelle autorité vous assure-t-il? L'usage vous en est marqué par les dernières paroles de notre Evangile : Jésus croissait, dans le sens que je l'expliquais dimanche dernier, Jésus croissait en sagesse,en age et en grâce devant Dieu et devant les hommes. Il faut aussi que ce soit là le fruit de vos droits; vous devez avoir soin qu'à proportion que vos enfants croissent en âge, ils croissent aussi en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes qu'ils sont tenus d'édifier; pour y réussir, vous devez parlerà leurs yeux par vos actions, avant de parler à leurs oreilles par vos instructions. Vous leur devez l'exemple de toutes les vertus chrétiennes, je dirais volontiers avec un auteur profane, que votre attention sur vous-mêmes, sur vos gestes et vos discours, doit aller jusqu'au respect pour vos enfants :

mières dans les plus importantes décisions;
elle souffrira d'un ecclésiastique qui scan-
dalisera autant d'âmes que cent bons prêtres
pourront en édifier : voilà, pères et mères,
les injustices que vous commettez contre la
société, en voulant disposer du sort de vos
enfants. Est-il surprenant qu'alors l'Etat vous
prive de votre autorité, et que l'Eglise vous
menace de ses anathèmes ? Si vous êtes in-
sensibles à tant de maux, le serez-vous sur
le malheur de vos propres enfants? Vos en-
trailles sont émues quand vous lisez dans l'E-
criture sainte qu'à l'imitation des gentils,
près de Jérusalem, les Juifs immolaient leurs
fils et leurs filles au dieu Moloch (Psal. cv,
37) n'est-ce pas ce que vous faites? vos en-
fants ne sont-ils pas entre vos mains les vic-
times malheureuses de votre cupidité? Ne les
sacrifiez-vous pas à l'idole de l'avarice, à l'i-
cole de la vanité ou à d'autres passions de
votre cœur? Ne leur préparez-vous pas un
feu éternel, dont celui de ces idolâtres
n'était que la figure? Hé! combien de péchés
ne leur faites-vous pas commettre! Ils omet-
tront les devoirs d'un état dans lequel Dieu
les voulait, ils rempliront mal les devoirs
d'un état dans lequel Dieu ne les veut pas ;
c'est sur vous, pères barbares, c'est sur vous,
mères cruelles, que retomberont tous ces
crimes au jugement de Dieu; tous ceux qu'au-
ra commis un enfant qui n'aura eu de vo-
cation que de vous, vous seront imputés;
Dieu vous imputera toutes les malédictions
dont vous chargez dès aujourd'hui cet enfant
que vous consacrez au célibat malgré lui;
toutes les plaintes, les murmures, les empor-
tements de cette fille unie à un époux qui
ne devait peut-être pas être le sien; tous ces
scandales que ce prêtre causera, faute de
vocation. Oh, le rigoureux jugement que vous
vous préparez! Craignez-le, mes frères, évi-
tez-le en usant de vos droits selon les inten-
tions de Jésus-Christ, voyez comme il vous
apprend aujourd'hui que les enfants reçoi-
vent de Dieu leur vocation, et non de vous;
du reste, aidez-les de vos avis, punissez-les
s'ils vous manquent; ce sont vos droits, aux-
quels j'en joins un troisième, qui est celui de
leur commander: je n'en dirai qu'un mot

Après que l'évangéliste a remarqué que
Joseph et Marie ne comprirent point ce que
Jésus leur disait, il ajoute qu'il s'en alla avec
eux à Nazareth, et qu'il leur était soumis.

Des hommes qui commandent, un Dieu qui obéit, quel spectacle, mes frères! Quelle gloire pour ceux-là ! quelle humilité dans celuici! Le ciel avait donné droit aux parents de Jésus d'exiger de lui les services qu'il pouvait leur rendre dans leur état : vous pouvez donc exiger de vos enfants qu'ils vous obéissent en tout ce qui n'est point contraire à la loi de Dieu. Marie et Joseph exercent une autorité douce, pleine de charité; il faut donc aussi que la charité, qu'une tendresse vraiment paternelle soit le principe qui vous fasse agir à l'égard de vos enfants; jamais l'humeur, jamais la colère, jamais un amour passionné: Marie et Joseph reçoivent de Jésus les marques de son obéissance jusqu'à l'âge de trente

Maxima debetur puero reverentia.

....

(JUVENAL., Satir. xiv, vers. 47.)

Ces enfants sont les enfants de Dieu même,
de jeunes princes destinés à régner dans le
ciel; quelle vénération ne devez-vous pas
leur marquer dans votre manière de les gou-
verner! A l'exemple il faut joindre la vigi-
lance; si vous portiez le sang précieux du
Seigneur dans un vase fragile, quel soin ne
prendriez-vous pas afin de n'en rien perdre!
Si vous gouverniez une ville attaquée au de-
hors par des ennemis et au dedans par des
sujets rebelles, quelle serait votre attention
pour la garder! Hé bien! ces enfants sont le
prix du sang de Jésus-Christ, ces enfants sont
cette ville attaquée au dedans par leurs pas-
sions et au dehors par le monde et ses exem-
ples. Avez-vous donc un moment à donner
ailleurs qu'à leur défense et à leur conserva-
tion? Ces enfants, vous devez les former pour
le trône, pour posséder un royaume qui ne
s'acquiert que par la violence qu'on se fait à
soi-même il faut donc les instruire de la
nature de ce royaume et des moyens qui y
conduisent, les instruire de la religion, leur
en inspirer une haute idée, écarter les ro-
mans qui gâtent le cœur, tous les livres qui
séduisent l'esprit, ces livres faits par de pe-
tits génies, occupés à décrier une religion
qui a mille fois triomphé de leur vaines ob-
jections; voilà vos obligations, pères et mè-
res, voilà les motifs de les acquitter; mais il
en est encore un bien digne de votre atten-
tion, c'est que le salut de vos enfants dépend
du temps de leur jeunesse, la voie que vous
leur faites tenir alors est celle qu'ils tien-
dront toujours, c'est l'Esprit-Saint même qui
vous en avertit: Le jeune homme, dit-il, suit
ordinairement sa première voie, et il ne la
quitte pas même dans sa vieillesse : « Ado-

lescens juxta viam suam etiam cum senuerit non recedet ab ea. » (Prov. xxII, 6.) Si cette première voie est celle du libertinage, il sera donc un libertin, un homme sans foi, sans honneur, sans religion, l'exécration de Dieu et des hommes, et il sera tel jusqu'à la mort qui le surprendra en cet état. Quel malheur pour des pères qui en seront cause! Si, au contraire, cette première voie est celle de la vertu, on le verra tous les jours croître en sagesse et en grâce, et il moissonnera dans sa vieillesse ce que ses parents auront semé dans son cœur encore tendre. Oh! qu'il est donc utile à l'homme de porter le joug du Seigneur dès sa jeunesse ! « Bonum est viro cum portaverit jugum ab adolescentia sua.» (Thren. III, 27.) Accoutumez-y donc les chers enfants que Dieu vous a confiés; édifiez, veillez, instruisez, conseillez, commandez, corrigez, et quand les corrections de paroles sont sans effet, corrigez par des peines corporelles; l'exemple du grand prêtre Elie devrait faire trembler ceux qui n'ont pas le courage d'en venir là, ce souverain pontife de l'Ancien Testament désapprouvait les crimes de ses enfants, il les en avertissait souvent, et il leur disait que leur conduite était mauvaise; mais il ne pouvait se résoudre à les frapper. Que fait le Seigneur pour le punir de sa lâcheté? Il frappe de mort les enfants que le père avait épargnés, il permet que l'arche d'alliance soit prise par les Philistins, qu'Elie luimême tombe mort à cette nouvelle, et il veut que sa postérité périsse, une partie au milieu de ses jours, et que l'autre soit réduite à une honteuse mendicité. Apprenez de ce trait à vous animer de courage, quand il s'agit de détruire le péché dans vos enfants; corrigezles, priez comme sainte Monique, pleurez sur leur sort malheureux comme David sur celui d'Absalon; criez de toutes vos forces avec ce saint roi Mon fils Absalon, Absalon mon fils, que ne puis-je mourir pour vous, mon cher fils Absalon! (II Reg. XVIII, 33.) Ce sont là vos obligations et vos droits, demandez à Dieu d'en user chrétiennement, et dites-lui maintenant 0 Dieu, qui m'avez confié ce dépôt précieux de vos enfants, faites que je le conserve' jusqu'au moment où il sera remis entre vos mains, faites que tous ensemble nous puissions bénir notre Père commun pendant l'éternité. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE VII.

ÉVANGILE DU DEUXIÈME DIMANCHE APRÈS L'É

PIPHANIE.

En ce temps-là, il se fit des noces à Cana en Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus y fut aussi convié avec ses disciples. Et comme le vin vint à manquer, la mère de Jésus lui dit: Ils n'ont point de vin. Jésus lui répondit : Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi? Mon heure n'est pas encore venue. Sa mère dit à ceux qui servaient: Faites tout ce qu'il vous dira. Or il y avait là six grandes urnes de pierre, pour servir aux purifications qui étaient en usage parmi les Juifs, dont chacune tenait deux ou trois mesures. Jésus leur dit: Emplissez les urnes d'eau; et ils les em

plirent jusqu'au haut. Alors il leur dit : Puisez maintenant, et portez-en au maître d'hôtel, et ils lui en portèrent. Le maître d'hôtel ayant goûté de cette eau qui avait été changée en vin, et ne sachant d'où venait ce vin, quoique les serviteurs qui avaient puisé l'eau le sussent bien, appela l'époux, et il lui dit: Tout homme sert d'abord le bon vin; et après qu'on a beaucoup bu, il en sert alors de moindre: mais pour vous, vous avez réservé jusqu'à cette heure le bon vin. Ce fut là le premier des miracles de Jésus, qui fut fait à Cana en Galilée, pour manifester sa gloire, et ses disciples crurent en lui. (Joan. 1, 1-13.)

Sur le mariage.

La fin que se propose l'Eglise en lisant aujourd'hui cette partie de l'Evangile à ses enfants, est de les instruire sur le sacrement de mariage. Depuis le premier dimanche de l'Avent jusqu'au lendemain de l'Epiphanie, elle leur avait interdit les noces corporelles, elle avait même désiré qu'ils s'en interdissent l'usage légitime, afin de pouvoir s'occuper uniquement des noces spirituelles que le Verbe éternel venait célébrer avec l'Eglise et avec la nature humaine par le mystère de l'Incarnation; aujourd'hui que la défense est levée, elle veut leur apprendre comment ils doivent user de sa permission; et pour cela que faitelle? Elle leur propose l'exemple d'un saint mariage, qui puisse tracer un plan de conduite à ceux qui se proposent à cet état, et qui fasse voir à tous les chrétiens les grâces abondantes dont Dieu bénit ceux qui ne se marient qu'en lui, que pour sa plus grande gloire et pour leur salut. Voyons-le donc cet exemple, considérez-le attentivement, vous qui êtes déjà, ou qui serez un jour engagés dans cet état si périlleux : considérez ce que les époux de Cana font pour le Seigneur, et ce que le Seigneur fait pour eux : ils l'appellent à leurs noces, ils désirent qu'il soit à la tête de leurs conseils, qu'il entré dans toutes leurs délibérations, qu'il conduise toutes leurs démarches: ils s'assurent de sa protection, en s'appuyant du crédit de Marie et de ses disciples. Voilà l'attention avec laquelle ils traitent l'affaire importante de leur mariage. Ce respect profond, cette juste déférence qu'ils ont pour Jésus, attire sur eux les bénédictions les plus précieuses. Marie emploie sa médiation en leur faveur, lorsque tout semble désespéré pour la grâce qu'ils attendent; elle les soutient de ses avis pleins de lumières, et bientôt ils éprouvent ce qu'a dit saint Bernard depuis, que jamais on n'a invoqué Marie, sans obtenir d'elle ce qu'on demandait dans sa nécessité. Non-seulement Jésus-Christ consent à sa prière de changer l'eau en vin; mais, parce qu'il doit bientôt rétablir le mariage dans son premier état, défendre la polygamie permise aux Juifs, déclarer que le libelle de divorce accordé à la dureté des Juifs n'aura plus lieu, pas même en cas d'adultère, décider que quiconque alors passerait à un nouvel établissement, deviendrait lui-même adultère; parce qu'il connaît le poids de toutes ces charges, avant de les.

avoir imposées, il les allége par sa grâce, en élevant le mariage à la dignité de sacrement; c'est pour cela (S. CYRILL. Alex., Epist. ad Nestorium), qu'il assiste aujourd'hui aux noces, afin de bénir notre naissance jusque dans son principe, en perfectionnant de sa grâce, dit le concile de Trente (sess. 24), l'amour naturel des époux, en affermissant de sa grâce leur union indissoluble en sanctifiant les époux de la grâce qu'il leur a méritée par la Passion. Voilà en peu de mots ce que les époux de Cana ont fait pour assurer à leur mariage la grâce de Jésus, et ce que Jésus a fait pour eux: voilà ce que l'Eglise veut que vous considériez, afin de vous bien préparer, afin de vous conduire saintement dans l'état du mariage; et voilà, mes frères, ce que je vous demande avec toutes les instances, le zèle et l'ardeur que peut me suggérer mon ministère. De quelle importance n'est-il point que vous pensiez murement à un état qui intéresse votre salut et la gloire de Dieu, l'Etat et l'Eglise, le ciel et la terre! Or tel est le mariage. Il intéresse votre salut éternel: un mauvais mariage entraîne après soi la mauvaise éducation des enfants, les froideurs, les aversions, le dégoût de la piété, l'oubli de Dieu; il intéresse la gloire de Dieu, puisque les seules vues qu'on doit s'y proposer, c'est de le servir, et de lui procurer des saints; il intéresse l'Etat, à qui il doit donner des sujets fidèles; l'Eglise, à qui il doit élever de saints ministres; la terre, à qui il doit laisser des exemples d'édification; le ciel, qu'il doit peupler de citoyens. Pensez-y donc, mes frères, et voyez avec moi, 1° les dispositions nécessaires à un saint mariage, ce sera le sujet de mon premier point; 2° les grâces que Dieu verse sur un saint mariage, ce sera le sujet du second: l'un et l'autre serviront à vous faire connaître, et je l'espère, à vous faire remplir vos obligations. Elevez votre cœur à Dieu pour lui en demander la grâce.

PREMIER POINT.

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gnes de choses saintes et sacrées, et le mariage est un signe de cette grâce dont les époux ont besoin pour se sanctifier en leur état; les sacrements sont des signes établis par Jésus-Christ, et le mariage est un signe institué par Jésus-Christ; comment cela, mes frères pour le comprendre, il faut considérer le mariage sous trois rapports différents, comme contrat naturel, civil et ecclésiastique: comme contrat naturel, il a été établi de Dieu même dans le paradis terrestre Dès lors il répandit un profond sommeil dans Adam, il lui ota une de ses côtes, mit de la chair en sa place et il forma la femme de cette côte qu'il avait ôtée à Adam; il l'amena ensuite à Adam, et il la lui donna pour femme (Gen. 11, 21, 22); pourquoi? pour lui servir d'aide, et pour peupler la terre (Ibid., 18, et 1, 28); voilà l'essence du mariage, comme contrat naturel. Ce contrat naturel est encore appelé contrat civil, quand il est revêtu des formalités requises par les lois et les ordonnances des princes: et contrat ecclésiastique, quand il se fait selon les rites de l'Eglise, lorsque le ministre prononce la forme de ce sacrement avec l'intention de faire ce que fait l'Eglise. En tout cela qu'y at-il donc qui soit de l'institution de JésusChrist? c'est la grâce qu'il a attachée à ce contrat ecclésiastique; cela seul suffit pour dire que le mariage est un signe institué de JésusChrist. Enfin les sacrements sont institués pour la sanctification de nos âmes, et le mariage est encore élevé à la dignité de sacrement pour la sanctification des époux comme je le dirai bientôt ainsi le mariage est un vrai sacrement, un grand sacrement, dit saint Paul: Sacramentum magnum (Ephes. v, 32); un sacrement véritablement grand par le rapport qu'il a avec Jésus-Christ et avec l'Eglise qui est l'épouse de Jésus-Christ, et surtout par la grace qu'il produit dans les cœurs bien disposés.

Il se fit des noces à Cana en Galilée, et tous les jours il s'en fait parmi nous, c'est l'état auquel le plus grand nombre semble être appelé, ou du moins celui qu'embrasse le plus grand nombre. Qu'est-ce donc que les noces? qu'estce que le mariage? Avant de vous parler des dispositions qui y sont nécessaires, il ne sera peut-être pas hors de propos de vous rappeler la notion qu'on vous en a donnée dès vos plus tendres années : le mariage, vous a-t-on dit alors, c'est un sacrement qui unit l'homme et la femme pour vivre ensemble chrétiennement, et élever des enfants selon Dieu. Je vous expliquerai ceci en peu de mots. 1o Le mariage est un sacrement, il en a la nature et les qualités; les sacrements, selon la doctrine reçue dans l'Eglise, sont des signes et le mariage signifie l'union ineffable du Verbe éternel avec la nature humaine, et l'union mystique de Jésus-Christ avec son Eglise; les sacrements sont des signes sensibles, et le mariage est un signe qui le devient par les paroles ou les gestes qui expriment le consentement mutuel des futurs époux : les sacrements sont des si

2o Ce sacrement unit l'homme et la femme, c'est-à-dire, qu'il unit leur esprit et leur cœur en leur donnant un esprit de paix et de concorde, de continence et de chasteté conjugale.

3° Ce sacrement les unit pour vivre ensemble et élever des enfants selon Dieu; ce sont les deux fins pour lesquelles le mariage a été établi il l'a été afin que deux époux vivant ensemble sa prêtassent un secours mutuel dans leurs nécessités, et encore afin qu'ils élevasbénissent le Seigneur :

sent des enfants es réflexions que j'avais à

faire d'abord sur la nature du sacrement de mariage; elles m'ont paru essentielles, parce qu'elles renferment en un sens toutes celles que nous ferons et qu'on peut faire sur cette matière; en effet, vous y avez pu remarquer ce que saint Augustin a observé dans plusieurs endroits de ses ouvrages (lib. 1 De nupt. et concupiscent.; lib. III contra Julian., De bono conjug.), que dans le mariage des Chrétiens il se trouve trois biens qui méritent toute leur attention le sacrement, la foi mutuelle, et la naissance des enfants; or c'est sur ces trois biens que j'établis la nécessité de n'entrer dans l'état du mariage qu'après s'y être bien dis

posé. Notre Evangile dit que Murie était aux noces de Cana, que Jésus y fut aussi convié avec ses disciples; c'est ce qui doit s'observer spirituellement dans toutes les noces des Chrétiens. Il faut que le premier soin des époux soit d'y inviter Jésus-Christ, c'est-à-dire de purifier leur âme, de penser mûrement à la grandeur de leur action, et de diriger leur intention. Voilà les trois principales dispositions à un saint mariage. Pureté de cœur, première disposition au mariage.

Je l'ai dit, et vous ne pouvez le nier sans attirer sur vous les anathèmes que l'Eglise a prononcés contre les hérétiques, le mariage est un des sept sacrements de notre religion, un sacrement que l'Eglise confere, que l'oblation du corps et du sang de Jésus-Christ confirme, que la bénédiction du prêtre ratifie, que les anges annoncent, et que le Père éternel accepte (TERTULL.); de là que s'ensuit-il? le voici, mes frères, et vous allez comprendre que l'état de grâce est une disposition très-essentielle. Le respect dû aux sacrements de Jésus-Christ demande que jamais vous ne les receviez qu'après vous y être bien préparés; si jamais vous vous étiez approchés des tribunaux de la pénitence sans avoir fait un retour sincère sur vous-mêmes, si (ce qui est encore pire) vous aviez osé recevoir votre Sauveur dans un cœur souillé, sans doute vous auriez horreur de vous-mêmes; pourquoi donc négligeriez-vous la préparation de ce cœur quand il sagira d'un sacrement duquel dépend votre sort éternel? êtes-vous moins coupables de sacrilége? ce sacrilége est-il moins à craindre ? les grâces dont il vous prive sont-elles moins précieuses? les châ: timents dont Dieu le punit vous paraissent-ils à mépriser ? qu'on les connaîtrait peu, si on pensait de la sorte! en voici un, mes frères, qui pourra vous faire comprendre les autres. Est-il un époux ou une épouse qui puisse l'entendre sans frémir? Un pieux Israélite de la tribu de Nephthali a une fille unique qu'il désire rendre héritière de ses vertus: il l'élève dans une rare piété, il l'éloigne de toutes les compagnies dangereuses à son innocence, il lui apprend à préserver son âme de toute impression criminelle, il pense à lui donner un époux lorsque le temps en est arrivé, et quel calice d'amertume ne se prépare-t-il point? sept jeunes hommes successivement remplissent sa maison d'un deuil unique dans son espèce. A peine ces malheureux ont-ils mis fe pied dans la chambre nuptiale qu ils périssent tous, et comment? Par un démon qui se saisit d'eux, et les laisse morts en punition de leur attentat sacrilége. Quel supplice épouvantable pour l'époux coupable! Quelle douleur pour la jeune Sara, pour son père et sa mèrel cependant le mariage alors n'était pas encore un vrai sacrement, il ne l'était que dans ce sens, qu'il représentait l'alliance spirituelle de Jésus-Christ et de l'Eglise. De quels châtiments donc Dieu punira-t-il ceux qui le contractent aujourd'hui avec un cœur impur? d'abord il les privera des grâces qu'ils avaient droit d'espérer avec de meilleures dispositions; avec la

par

pureté de cœur ils auraient non-seulement reçu une augmentation de la grâce sanctifiante, mais encore un droit aux grâces actuelles, nécessaires pour supporter les charges, surmonter les difficultés, vaincre les tentations, éviter les dangers du mariage; ils auraient acquis un droit aux grâces nécessaires pour élever des enfants selon Dieu, pour conserver la paix avec un époux violent, pour ne la point acheter au prix de son ame, en consentant à ses désirs criminels, et ce droit ils en sont privés, ils sont réduits à n'avoir que des grâces faibles et communes qu'ils ne méritent pas encore, des grâces avec lesquelles ils pourraient devenir des saints, avec lesquelles ils seront trop probablement des parents scandaleux, des époux emportés, jaloux, intéressés, incontinents, et bientôt des victimes de la colère du Seigneur; voilà la peine de ceux qui osent s'approcher de ce signe de salut avec un cœur impur.

Ici, mes frères, quels sujets de gémissement pour les âmes justes! presque tous ceux qui se marient en état de péché persévèrent dans cet état malheureux, ne font qu'augmenter tous les jours le nombre de leurs péchés; cependant presque tous se marient en état de péché, presque tous en so mariant sont possédés d'une passion animale qui leur fait oublier Dieu. Que de pensées obscènes qui s'élèvent dans leur esprit ! que de désirs charnels qui souillent leur cœur! que de regards, que de paroles libres, que d'actions opposées à la sainteté de l'état auquel ils pensent ! que d'impuretés précèdent la réception d'un sacrement établí pour en préserver! On se confesse de tout cela, je le veux croire, mais comment? après avoir fait un examen superficiel de sa vie, avec un esprit tout occupé d'objets étrangers à la confession, avec un cœur qui désire ce que la bouche déteste, avec toute la force d'une habitude qu'on cherche moins à détruire qu'à contenter dans le mariage. Ainsi on se prépare au sacrement de mariage par la réception indigne des sacrements de pénitence et d'Eucharistie, par des sacriléges qui attirent sur des époux la malédiction du ciel au lieu de la bénédiction qu'ils devaient recevoir. Voilà ce qui me fait concevoir pourquoi il y a tant d'alliances malheureuses, c'est qu'on n'y apporte pas la pureté du cœur, c'est qu'on ne les fait pas avec toute l'attention qu'elles méritent, c'est qu'on les fait sans délibération, sans conseils, sans lumières; c'est que, ce qui les fait, est souvent une ivresse passagère, une danse, un présent, un clin d'œil, une passion excitée par l'immodestie de l'un ou de l'autre, c'est qu'on les fait sans connaître ni le mérite des personnes, ni leur caractère, ni leurs inclinations.

Cependant est-il état au monde qui mérite plus de réflexion que celui du mariage? C'est un sacrement qui unit l'homme et la femme pour vivre ensemble, et pour y vivre jusqu'à la mort. Or cette union que saint Augustin appelle le second bien du mariage, peut-on la contracter sans avoir prié, sans avoir consulté, sans y avoir beaucoup pensé? Cette

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