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quel côté qu'elle se presque à chaque pas nera vulnere surgit. cap. 27.)

tourne, elle tombe qu'elle fait: In vul(Carmen de ingr.,

Voilà l'écueil funeste où viennent échouer les efforts de la sagesse humaine : Pourquoi ? parce que cette vaine philosophie ne peut proposer aucuns motifs assez puissants pour contre-balancer les passions charnelles. Quels seraient-ils en effet, ces motifs? serait-ce la satisfaction intérieure qu'on goûte en pratiquant la vertu? mais je suppose un homme que le poids de ses inclinations entraîne vers les plaisirs sensuels, quelle impression pensez-vous que cette satisfaction produira sur son cœur? Serait-ce la beauté de la vertu? il est vrai, elle a quelque chose qui charme, qui enlève nécessairement notre suffrage; les plus mondains en conviennent, et sont quelquefois touchés jusqu'aux larmes des exemples de vertus qu'ils ont devant les yeux; mais, hélas! leurs louanges se terminent presque toujours à une stérile admiration, sans aller plus loin. Serait-ce la réputation d'hommes sages et modérés? que deviendra donc cette sagesse et cette modération, lorsque les yeux des hommes cesseront de les éclairer? Qu'est devenue la sagesse de ces philosophes qui n'agissaient que selon ces vues humaines? ils composaient des traités admirables sur la vanité des richesses, et des richesses immenses ne suffisaient pas pour contenter leur cupidité; ils admiraient la continence et la sobriété dans les plaisirs, et ils étaient les honteux esclaves de la volupté; ils enseignaient à mépriser les honneurs, c'était par un orgueil raffiné, et afin de paraître au-dessus des honneurs mêmes; ils affectaient en particulier de connaître la divinité, et en public ils refusaient de lui rendre le culte qui lui est dú; de sorte qu'on peut dire avec saint Augustin, qu'il n'y avait point de véritables vertus parmi eux; qu'ils faisaient très-peu de bien, et que ce peu de bien se faisait presque toujours mal. Concevez de là quelle était la faiblesse de l'homme dans l'ordre naturel.

Si de cet ordre nous passons à celui qui est élevé au-dessus de la nature, ce n'est plus faiblesse, c'est impuissance absolue de nous-mêmes nous ne pouvons prononcer le nom de Jésus-Christ: Nemo potest dicere Dominus Jesus nisi in Spiritu sancto. (I Cor. XIII, 3.) De nous-mêmes nous ne pouvons former un seul bon désir, une seule bonne pensée Non quod sufficientes sumus cogitare aliquid a nobis quasi ex nobis, sed sufficientia nostra ex Deo est (11 Cor. III, 5); de nousmêmes et sans la foi en Jésus-Christ, nous ne pouvons rien faire qui soit digne de lui; qui nous l'a appris? c'est Jésus-Christ lui-même dans son Evangile : Sine me nihil potestis facere: «Sans moi vous ne pouvez rien faire. » (Joan. xv, 5.) Non-seulement nous ne pouvons par nos forces rien faire qui soit digne de lui, mais quiconque n'est pas enté en lui par la foi, sera coupé comme un sarment inutile; il séchera et sera jeté au feu éternel: « Si quis in me non manserit, mittetur foras sicut palmes, et arescet, et colligent eum, et in

ignem mittent, et ardet.» (Ibid., 6.) voilà l'effrayante destinée de l'homme qui n'a pas la foi; fût-il d'ailleurs un homme austère à lui-même, un homme à miracles, le ciel sera éternellement fermé pour lui, parce qu'il n'y a que les bonnes œuvres accompagnées de la charité qui l'ouvrent, et que sans la foi il n'y point de cette sorte; il y en a même très-peu de bonnes dans l'ordre naturel, parce que l'homme n'est que faiblesse tandis qu'il rampe sur la terre.

en

Mais qu'il prenne son essor, qu'il élève son esprit vers les cieux, c'est là qu'il se revêtira de la force d'en haut, qu'il s'animera, se remplira d'un courage propre à le faire triompher des plus grands obstacles à son salut, de la crainte des hommes, de leurs caresses, de leurs menaces, de leurs promesses, de la séduction des plaisirs, du piége des richesses, de l'appât des dignités et des grandeurs. Rien n'était impossible à la foi des anciens, rien ne sera impossible à la nôtre, quand nous le voudrons. C'est par la foi que le juste Noé..... a triomphé de la critique des hommes: Fide Noe..... metuens aptavit arcam..... per quam damnavit mundum; et par elle nous triompherons de la censure de nos proches et de nos amis, lorsqu'ils s'opposeront à notre perfection. C'est par la foi qu'Abraham a habité comme un étranger dans la terre qui lui était promise: « Fide demoratus est in terra repromissionis tanquam in aliena. » Et c'est par elle que nous posséderons les biens de ce monde comme ne les possédant pas. C'est par la foi que Moïse a renoncé àla qualité de petit-fils de Pharaon: « Fide Moyses grandis factus denegavit se esse filium filiæ Pharaonis. » C'est par la foi que nous renoncerons à l'amitié des grands, lorsque nous verrons que l'intérêt de Dieu n'est pas compatible avec leurs inclinations. C'est par la foi que Moïse a préféré d'étre affligé avec le peuple de Dieu, plutôt que de goûter les plaisirs criminels d'un moment : « Magis eligens affligi cum populo Dei, quam temporalis peccati habere jucunditatem. » C'est par elle que nous nous détachons des plaisirs, des liaisons suspectes, et même des personnes dont la présence affaiblit en nous la piété, dût-il nous en coûter notre établissement et la fortune la plus éclatante. C'est par la foi qu'il a plus estimé l'opprobre de Jésus-Christ que les trésors d'Egypte: «Majores divitias æstimans thesauro Egyptiorum improperium Christi. » (Hebr. x1, 7, 9, 24, 25, 26.) C'est par elle que nous nous glorifierons de la perte de nos biens et de nos souffrances pour la foi de Jésus-Christ. C'est par la foi que les femmes de mauvaise vie ont mérité de ne point périr avec les incrédules: « Fide Rahab meretrix non periit cum incredulis. » (Ibid., 31.) C'est par une vive appréhension des vérités éternelles. que nous éviterons d'être enveloppés dans l'anathème prononcé contre les pécheurs; rien de tout cela n'est impossible à la foi: Si on en avait, dit le Sauveur, comme un grain de sénevé, on dirait aux arbres et aux montagnes de se jeter dans la mer, et ils s'y jetteraient. (Matth. xvu, 19; Luc. xvII, 6.)

Pourquoi donc, mon cher auditeur, tout devient-il facile à un homme qui croit? C'est que la foi lui propose des récompenses qui l'emportent sur les sacrifices les plus durs à la nature; par exemple, pour une censure

nous aurons méprisée, elle nous promet d'être loués de Dieu même dans l'assemblée des saints; pour un bien passager que nous aurons abandonné, elle nous montre des biens infinis dont la durée sera éternelle; pour une dignité que nous aurons refusée, elle nous propose l'auguste dignité d'enfants de Dieu sur la terre, et un poids immense de gloire dans le ciel; pour un moment d'afflictions, elle nous assure une joie que rien ne pourra altérer; pour une vie temporelle que nous n'aurons pas voulu racheter aux dépens de la vérité, elle nous en découvre une éternelle après la résurrection. Elle nous dédommage donc abondamment de toutes les pertes que la pratique de la vertu peut occasionrer; si elle exige de grands travaux, elle accorde des récompenses encore plus grandes. En comparant les uns avec les autres, on s'écriera toujours: Quelle proportion y a-t-il entre le mépris des hommes et la louange que les saints reçoivent de Dieu; entre la privation des biens présents, et la possession des biens éternels; entre une gloire qui se flétrit, et une couronne incorruptible; entre les tribulations de ce moment présent, et le bonheur ineffable dont jouissent les saints dans le ciel? Non sunt condigna passiones hujus temporis ad futuram gloriam quæ revelabitur in nobis. Voilà ce qu'on dit avec saint Paul (Rom. vIII, 18), en comparant ces récompenses de l'éternité avec les travaux et les peines de cette vie.

Si d'un autre côté on considère les biens de ce monde et les peines de l'enfer, si l'on fait attention qu'un moment de plaisir qui délecte est suivi d'une éternité qui tourmente, qu'un orgueilleux sera couvert d'une ignominie et d'un opprobre éternels, qu'un mauvais riche demandera toujours une goutte d'eau qui ne lui sera jamais accordée ; si on fait, dis-je, cette réflexion, et cent autres de la même nature, quels puissants motifs n'y trouvera-t-on pas pour suivre les lumières de la foi, pour craindre Dieu, aimer ses frères, et purifier son cœur en le détachant des objets de ce monde? C'est le troisième effet que produisit le foi dans le paralytique de notre Evangile.

Jésus dit à ce paralytique : Mon fils, ayez confiance, vos péchés vous sont remis: «Jesus dixit paralytico: Confide, fili, dimittuntur tibi peccata tua.» Voilà l'heureux terme où conduit la foi des adultes quand ils en suivent l'impression. D'abord ils se tournent vers Dieu par le libre mouvement de la volonté, dit le saint concile du Trente (sess. 6), en croyant et tenant pour véritables les choses que Dieu a révélées et promises, et celle-ci surtout, que c'est Dieu qui justifie le pécheur par sa grâce en vertu de la rédemption de Jésus-Christ; ensuite connaissant qu'ils sont pécheurs, et étant utilement ébranlés par la crainte de la justice divine, ils passent de

cette crainte à la considération de la miséricorde divine; ils s'élèvent à l'espérance, se confiant qu'ils seront traités de Dieu avec miséricorde pour l'amour de Jésus-Christ; ils commencent à l'aimer comme la source de toute justice, et par une suite de cet amour, ils haissent et détestent leurs péchés; enfin ils prennent la résolution d'observer les commandements de Dieu, cette disposition est suivie de la justification, Voilà, suivant a doctrine du saint Concile, quels sont les différents degrés qui conduisent à la justification. La foi, comme vous le voyez, est le premier de tous; elle dispose à la crainte, par la crainte à l'espérance, par l'espérance à l'amour divin, par cet amour à la haine du péché, par la haine du péché à la résolution d'observer tous les commandements, et enfin par cette résolution à la justification même; par cet enchaînement de dispositions vous voyez encore que la foi justifie à la vérité, mais qu'elle ne justifie pas seule, qu'elle ne justifie que moyennant ces vertus dont je viens de parler, et qu'autant que le pécheur en suit l'impression, qu'il craint lorsque la foi lui propose des motifs de crainte, qu'il espère lorsque la foi lui propose des motifs d'espérance, et qu'il aime lorsqu'elle lui propose des motifs d'aimer le Seigneur. C'est ainsi que la foi conduit à la justification, sans s'arrêter là néanmoins; car, après avoir donné naissance à la justice, saint Paul nous apprend qu'elle la perfectionne encore: Justitia ex fide in fidem. (Hebr. xI, 7.) Comment donc, me demandez-vous, la foi conduit-elle la justice à sa perfection? le voici, mes frères; une réflexion que l'Apôtre ajoute à celle que je viens de rapporter, peut vous le faire comprendre aisément, c'est que le juste vit de la foi Justus autem ex fide vivit (Galat. III, 11), c'est-à-dire, qu'il agit en tout selon les maximes de la foi, et dans des vues de religion; voilà pourquoi la foi perfectionne la justice. Suivant cette idée, voici donc, mes frères, quelle doit être la vie d'un Chrétien, et quelle doit être la vôtre en particulier; il faut que la foi et les motifs surnaturels que propose la foi, soient le principe et le premier mobile de toutes vos actions; votre lever, vos prières, vos travaux, vos repas, vos conversations, vos visites, votre sommeil, tout en un mot doit être animé d'un principe de foi; votre lever, en offrant à Dieu toutes les actions qui le suivront pendant le jour; votre prière, en la faisant avec une foi aussi vive que le centenier de l'Evangile; vos travaux, en y cherchant les biens éternels plutôt que ceux de la terre; vos repas, en soupirant après ce banquet sacré qui se célèbre dans les cieux avec l'Agneau; vos conversations, en les assaisonnant toutes du sel de la grâce; vos visites, en vous rappelant que vous voyagez vers l'éternité, et que tous vos pas vous conduisent à votre tombeau; votre sommeil, en vous le représentant comme une mort d'un instant qui sera sans doute suivie d'une autre qui décidera de votre sort éternel.

Ce n'est pas assez encore que vous fassiez

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ainsi vos actions par des motifs surnaturels, il faut qu'elles soient toutes selon la plus exacte analogie de la foi, qu'avant d'en commencer aucune importante vous vous disiez à vous-même: Que me dit la foi de cette action que je vais faire? Il faut, par exemple, qu'un jeune homme qui se dispose à un état, se dise Que m'enseigne la foi touchant les dispositions nécessaires à cet état ? consentelle que j'y entre dans des vues purement humaines? Il faut qu'un époux et une épouse se disent: Que m'enseigne la foi touchant la sainteté avec laquelle je dois vivre dans le mariage? permet-elle que je viole les lois de la pudeur et de la modestie? Il faut qu'un père idolâtre de ses enfants se dise Que m'enseigne la foi touchant l'amour que je dois avoir pour un enfant? m'enseigne-t-elle de rapporter tous mes soins et mes travaux à son établissement temporel? Il faut qu'une mère trop esclave du goût dépravé du siècle se dise Que m'enseigne la foi touchant l'éducation que doit une mère chrétienne à sa fille lui dit-elle de faire paraître une vierge innocente dans cet état immodeste qui alarme la délicate chasteté ? Il faut qu'un enfant dur et indocile à l'égard de ses parents se dise: Que m'enseigne la foi touchant les devoirs que j'ai à remplir envers mes parents? permet-elle que je leur parle avec dureté, et que je les abandonne dans la nécessité? Il faut qu'un magistrat qui n'apporte à l'étude de la loi qu'un souverain dégoût, se dise: Que m'enseigne la foi touchant les obligations d'un juge? permet-elle qu'il ignore la Jurisprudence, et qu'il laisse par sa négligence les parties se consumer en frais? Il faut qu'un grand du siècle dont la passion est de paraître magnifique en tout, se dise: Que m'enseigne la foi touchant le luxe de la table, le luxe des équipages, le luxe des domestiques, le luxe des meubles, le luxe du jeu? le regarde-t-elle comme une chose indifférente par rapport au salut? ne prononcet-elle pas des malédictions contre les maisons où il règne? Il faut qu'un mauvais riche se demande Que m'enseigne la foi touchant l'usage légitime de mes biens? me permet-elle indifféremment d'en distribuer le superflu aux pauvres, ou que je le fasse servir à mes plaisirs? Il faut qu'un homme engagé dans les affaires du monde se demande : Que m'enseigne la foi touchant la fidélité nécessaire à mon état? me laisse-t-elle la liberté de me contenter d'un gain honnête, ou de recevoir de toute main, et de m'enrichir aux dépens du public et du prince? Il faut qu'un négociant se demande : Que m'enseigne la foi touchant mon commerce et la manière dont je dois le conduire? m'apprend-elle à employer le mensonge et le jurement, à avoir poids et poids, à vendre au delà du juste prix? Il faut qu'un cœur possédé par la passion du plaisir se demande: Que m'apprend la foi touchant cette inclination et les moyens dont j'use pour la nourrir? au jour du juge ment ne maudirai-je pas le moment qui l'a vue naître? Voilà un modèle abrégé des interrogations que nous devons nous faire tou

chant nos habitudes, nos fonctions, notre état, et toutes les actions de notre vie. Il faut ensuite, et avant de rien entreprendre, bien savoir ce que nous répond la foi, et sur sa réponse retrancher de notre conduite tout ce qu'elle y trouve de condamnable, et ne nous rien permettre qu'elle n'autorise de son suffrage.

Ce n'est pas encore assez; pour vivre de la foi, il faut en faire souvent des actes exprès, le matin, à midi, le soir, et plusieurs fois dans le jour, par exemple, lorsqu'on a quelque tentation qui l'attaque directement; voilà ce que vous devez faire pour vivre dé la foi. Vous le comprendrez mieux encore si vous considérez la conduite d'un homme qui vit des sens; par exemple, d'un ambitieux; que fait cet homme qui est dévoré par son ambition? s'il a en vue quelque poste et quelque dignité, le désir d'y parvenir devient le motif de la plupart de ses actions; s'il en accepte un emploi, s'il forme une alliance, s'il se fait de nouveaux amis, il a vu auparavant comme cet emploi, cette alliance, ces amis pourraient faciliter l'exécution de ses projets la pensée de ce rang auquel il aspire est la dernière qu'il quitte, et la première qu'il reprend; voilà quelle est la vie de l'ambitieux, quelle est à proportion la vie d'un avare, d'un voluptueux. Que fera donc un fidèle? que ferez-vous, mon frère, pour vivre de la foi? les grands objets qu'elle nous propose seront l'unique motif de vos actions, vous jugerez 'du monde, de ses honneurs et de son mépris, de ses plaisirs et de ses persécutions, de tout en un mot selon les pures lumières de la foi. Qu'est-ce que cela, direz-vous avec un grand saint des derniers temps, qu'est-ce que cela par rapport à l'éternité? s'il en éloigne, ah! il faut donc y renoncer sans délai; s'il n'y conduit pas, ah! il ne mérite que de l'indifférence; s'il y est utile, ah! il faut m'y livrer de tout mon cœur. Enfin vous ferez souvent des actes de foi pendant le jour, puisque c'est par elle qu'on devient fort contre l'esprit tentateur; c'est ainsi que la foi vous justifiera de plus en plus, qu'elle vous purifiera, vous fortifiera, et vous éclairera; vous l'avez vu, ce sont là les trois effets de la foi; voyons-en les principes, c'est le sujet de mon second point.

SECOND POINT.

Les principes de la foi sont-ils bien certains? les motifs sur lesquels elle est appuyée sont-ils bien solides? les preuves qui vous déterminent à croire sont-elles bien évidentes? voilà, mes frères, l'objet principal que j'ai à traiter dans cette seconde partie. Je ne fatiguerai pas aujourd'hui votre attention à vous rapporter en particulier les miracles qui se sont autrefois opérés en faveur de la foi, leur nombre, leur supériorité, leur certitude; je suivrai la méthode que Jésus-Christ même semble me tracer dans notre Evangile; je n'emploierai pour vous convaincre des miracles passés que ceux qui subsistent actuelle ment, encore le ferai-je très-succinctement,

ain de ne point laisser échapper les réflexions morales que nous présente la suite de notre Evangile.

Jésus dit au paralytique: Mon fils, ayez confiance, vos péchés vous sont remis : « Confide, fili, remittuntur tibi peccata tua. » Combien d'instructions intéressantes sont renfermées dans ces seules paroles! O humilité surprenante, s'écrie saint Jérôme! le Seigneur appelle son fils un homme faible et méprisé, que les prêtres de la loi auraient dédaigné de toucher; charité plus grande encore! il nous témoigne ici qu'il aime les hommes de toutes les conditions et dans tous les états, qu'il n'y a qu'une seule chose dont il ait horreur, c'est le péché.

Il dit à cet homme d'avoir une ferme con

fiance d'obtenir ce qu'il demande, et aussitôt il ajoute que ses péchés lui sont remis; pour quoi? pour faire connaître aux assistants que ce paralytique cherchait moins la guérison de son corps que celle de son âme, ou plutôt qu'il cherchait celle de son âme, afin d'obtenir ensuite celle de son corps, pour apprendre, mes frères, que la plupart de nos maladies sont causées par nos péchés : Ubi datur nobis intelligentia propter peccata plerasque evenire corporum debilitates (S. HIERON., in Catena div. Thoma): et que notre premier soin doit être de recourir à la pénitence, et de rentreren grâces avec le Seigneur, afin que la cause du mal étant ôtée il soit plus aisé de le guérir.

Le Sauveur en proférant ces paroles: Vos péchés vous sont remis, opère lui-même cette rémission. Il fait donc le plus grand des prodiges, il fait un miracle plus difficile que ne serait la résurrection d'un mort, s'il y avait, par rapport à Dieu, quelque chose de plus ou de moins difficile. En effet, pour ressusciter un mort et pour faire de semblables miracles, Dieu n'a besoin que de sa parole; il parle, et tout est fait, rien ne résiste à sa volonté; mais s'agit-il de convertir un pécheur? alors, pour ménager sa liberté, il faut qu'il prie, qu'il menace, qu'il tonne, qu'il effraye, et souvent sans aucun succès, parce que les passions s'y opposent. Nous en avons un exemple bien mémorable dans la personne de Pharaon Dieu, pour toucher son cœur, remplit le ciel et la terre de prodiges, il change une baguette en serpent, l'eau en sang, le jour en ténèbres palpables; cependant ces changements ne sont pas capables d'opérer celui de Pharaon, la parole divine, qui triomphe de la nature et des éléments, ne peut triompher de son cœur. Il est donc vrai que Jésus-Christ, en remettant les péchés, opère un prodige qui ne peut venir que de la droite du Très-Haut.

Les Scribes convenaient; et parce qu'ils ne regardaient Jésus-Christ que comme un pur homme, quelques-uns d'eux dirent, non pas tout haut, mais en eux-mêmes: Cet homme blasphème : « Et quidam de Scribis dixerunt intra se: Hic blasphemat. » Quel étrange aveuglement de ces hommes ! ils accusent le Sauveur de blasphème, et ils ne voient pas que leur pensée seule est un blasphème horrible devant Dieu. Il est vrai qu'un pur homme

qui aurait prononcé ces paroles de JésusChrist, comme ayant de lui-même le pouvoir de remettre les péchés, aurait blasphémé; mais combien n'avaient-ils pas de preuves qui pouvaient les convaincre de la divinité de Jésus-Christ! Ah! ils méritaient donc d'être livrés à leur aveuglement volontaire; cependant c'est de cette disposition même que se sert Jésus-Christ, pour leur donner une nouvelle preuve de son pouvoir.

Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans Ayant connu ce qu'ils pensaient, il leur dit: vos cœurs?« Et cum vidisset Jesus cogitacordibus vestris ?» comme s'il leur eût dit : tiones eorum, dixit: Ut quid cogitatis male in Je puis sans doute, et vous ne pouvez en disparalytique par la même puissance par laconvenir,« je puis remettre les péchés de ce quelle je pénètre le fond de vos pensées : a Eadem potentia qua cogitationes vestras intueor, possum et hominibus delicta remittere. » Or vous ne pouvez nier que je ne connaisse distinctement les réflexions méchantes qui sont au fond de votre cœur, et que je découvre. Avouez donc aussi que j'ai pu rebis intelligite quid paralyticus consequatur. mettre les péchés de ce paralytique : Er voC'est le raisonnement que saint Jérôme a trouvé dans les paroles de Jésus-Christ; les suivantes en renferment un second qui n'est pas moins solide.

Lequel, demande Jésus-Christ, est le plus aisé de dire: Vos péchés vous sont remis, ou de dire: Levez-vous et marchez: « Quid est facilius dicere: Dimittuntur tibi peccata tua, aut dicere: Surge et ambula? » Le plus facile est sans doute de faire marcher un paralytique, et le plus difficile est de remettre les péchés; mais comment prouver que je les remets véritablement, puisque cette rémission est une chose cachée ? un tel miracle ne peut être connu aux hommes par lui-même, et il en faut faire un autre visible, pour faire connaître celui-là qui est invisible. Afin donc que vous sachiez que le Fils de l'homme sur ta terre a le pouvoir de remettre les péchés, Levezvous, dit alors Jésus au paralytique, emportez votre lit et vous en allez en votre maison: « Ut autem sciatis quia Filius hominis habet potestatem in terra dimittendi peccata, tunc ait paralytico: Surge, tolle lectum tuum, et vade in domum tuam. » La guérison corporelle de ce paralytique est, comme vous le voyez, le moyen dont se sert Jésus-Christ, pour montrer la vérité d'une autre guérison. plus importante. Il fait un miracle moins difficile, mais bien plus connu, pour en manifester un autre plus difficile, mais moins connu; Facit minus quod est manifestius, ut demonstret majus et non manifestum. (S. CHRYSOST.) C'est cette méthode que je me suis proposé de suivre, pour vous convaincre des miracles de la primitive Eglise que vous ne voyez pas; vous en avez de sensibles sous vos yeux; étudiez-les, et vous connaîtrez comme votre foi est certaine dans ses principes. Je m'arrête à trois seulement dont l'existence est manifeste et dont l'existence

est liée essentiellement avec la vérité de la foi.

Le premier est la disposition du peuple Jaif. Je commanderai, avait dit le Seigneur par le prophète Amos (1x, 9), que la maison d'Israël soit jetée confusément par la terre, par une agitation semblable à celle que l'on donne au blé quand on le secoue dans un crible, et un seul grain ne tombera pas: « Et non cadet lapillus super terram. » Nous voyons de nos yeux le parfait accomplissement de cette prophétie : la maison juive est comme semée au milieu des autres peuples, suivant la prédiction d'un autre prophète (Osee 11, 1 seqq.), sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel et sans éphod. Cette dispersion, on ne peut en douter, est un châtiment de ce peuple, également terrible et miraculeux. Quel sujet de douleur pour tous les enfants de Jacob, de se voir partout méprisés, proscrits et détestés, partout misérables, et partout traités comme dignes d'être plus misérables encore! Quel miracle en même temps qu'un peuple, ainsi répandu jusqu'aux extrémités de la terre depuis dix-sept siècles, subsiste séparément, sans faire néanmoins un corps qui se gouverne suivant ses lois! ce prodige est unique. Rappelez-vous l'histoire des grands empires du monde, que sont-ils devenus? les Chaldéens ne sont plus, les Mèdes et les Perses ont disparu, les Grecs ont fait place aux Romains; et ceux-ci, vainqueurs pendant un grand nombre de siècles, ⚫nt enfin été vaincus et tellement confondus avec leurs maîtres, qu'aujourd'hui il est impossible de discerner aucun des descendants des anciens Romains. La nation juive est la seule qui puisse remonter à sa première origine par une tradition constante, qui soit dispersée parmi tous les autres peuples, sans s'incorporer à aucun, malgré l'intérêt qu'elle semblait avoir à le faire. Voilà un de ces miracles qu'on ne peut nier, sans renoncer à la lumière de ses propres yeux.

Je le demande à présent, pourquoi le Seigneur punit-il les enfants d'Israël d'une manière si terrible? Quel est le crime par lequel ils ont pu mériter un châtiment si sévère? Ce ne peut être leur idolâtrie, puisque derais leur retour de la captivité ils n'ont point abandonné le culte du Dieu véritable; ce n'est pas la corruption de leurs mœurs, puisqu'elle n'est pas portée aujourd'hui à l'excès où elle était parvenue avant la ruine de Jérusalem par Nabuchodonosor, et que cependant leur servitude ne dura que soixante et dix ans. Disons-le donc, ce crime est l'impiété qui leur fait mettre à mort le Saint des saints. En effet, c'est l'unique raison qu'en donna le prophète Daniel, du temps même de la première captivité : Le Christ sera mis à mort, et la nation qui l'aura rejeté cessera d'être son peuple. (Dan. Ix, 26.) Le ciel se déclare donc visiblement contre les Juifs pour la cause de Jésus-Christ: il n'était donc ni un séducteur, ni un imposteur comme ils l'en accusaient; mais la foi qu'il annonçait était véritable. Voilà la conséquence qui suit nécessairement de ce que vous voyez

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Le second miracle subsistant est l'existence du christianisme. Vous, ne doutez pas qu'il ne subsiste ici, qu'il ne subsiste dans cette province, dans ce royaume; et vous ne pouvez douter que dans toutes les parties connues du monde il n'y ait des Chrétiens. Vous êtes également sûrs qu'il y a moins de dixhuit siècles que l'univers (si l'on en excepte un petit coin du monde occupé par les Juifs) était comme un vaste temple où l'on encensait des dieux d'argile et de fonte. Dites-moi, je vous prie, comment la face de cet univers a-t-elle pu être renouvelée dans moins d'un demi-siècle? Ou ce changement s'est fait sans miracle, et alors ce miracle surpassera tous ceux que nous prétendons avoir été faits. Quel prodige en effet ne serait-ce pas, que douze pauvres pêcheurs, sans talents, sans éloquence, sans science, sans biens, sans crédit, eussent soumis à la foi les poëtes, les philosophes, les prêtres, les princes et les peuples? qu'ils les eussent soumis par la seule force de leurs paroles, et en leur annonçant sans éloquence des maximes qui révoltaient leurs passions, et des mystères qu'ils ne pouvaient comprendre? Si cela vous paraît impossible, comme il l'est effectivement, concluez donc avec le grand Apôtre, que Dieu même a rendu témoignage à votre foi par les miracles, par les prodiges, par les différents effets de sa puissance et par la distribution des grâces du Saint-Esprit, qu'il a partagées comme il lui a plu Contestante Deo signis et portentis, et variis virtutibus, et Spiritus sancti distributionibus. (Hebr. II, 4.) Ajoutez encore avec le même Docteur des nations, que si la loi qui a été annoncée par les anges est demeurée ferme, si tous les violements de ces préceptes ont reçu la punition qui leur était due, comment pourrions-nous éviter le châtiment que mériteraient nos désobéissances, si nous négligions l'Evangile du salut? Il faut donc nous attacher aux choses que nous avons entendues, et nous y attacher avec un grand soin, pour n'être pas comme l'eau qui s'écoule et qui se perd: telles sont les solides pensées que la seule vue d'un Chrétien exciterait en nous, si nous remontions en le voyant jusqu'à l'origine du christianisme. Son existence rappelle d'abord tous les miracles qui ont fait connaître sa divinité.

Le troisième miracle subsistant est la perpétuité de l'Eglise. Cette barque, depuis dixsept siècles, a été accueillie par les plus violentes tempêtes. Pendant l'espace de trois siècles, les empereurs païens ont employe, pour la submerger, toutes les forces de l'empire; il y a eu pendant cet intervalle quatorze édits de persécutions contre les enfants de la foi, qui ont tous été exécutés avec une rigueur extrême. En voyant si longtemps, si

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