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nous

HOMELIE XXVII.

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l'objet de nos envies, et que nous connions leur vie nous paraissait une folie et leur mort pour l'exemple de personnes dignes de toutes sortes d'opprobres. Insensés que nous étions, rang des enfants de Dieu, et leur partage est honteuse; et cependant les voilà élevés au avec les saints: Ecce quomodo computati sunt inter filios Dei, et inter sanctos sors illorum est. (Sap. v, 5.) Quel puissant motif pour nous soumettre et même pour aller au-devant des croix et des afflictions, pour nous résigner avec patience et dans les vues de religion! Si souffrances des desseins du salut que Dieu a au contraire vous aviez le malheur de n'écouter que la voix de la nature, et de séparer vos qui est de savoir, qu'excepté le péché, il n'y sur vous, vous vous priveriez de la plus grande consolation dans les maux de la vie présente, plus utile: vous vous exposeriez au danger en a aucuns qui ne viennent d'un Dieu qui veut votre bien, et qui sait ce qui vous est le de ne reconnaître en Dieu ni providence, ni sagesse, ni justice, ni amour pour les siens, de renoncer à votre religion et même au culte d'un seul vrai Dieu, de devenir ou déiste en ligions comme des inventions humaines; vous estimant également toutes les religions, ou athées en méprisant également toutes les repersécutent, parce que vous ne verriez plus vous exposeriez au danger de haïr ceux qui vous haissent, et de persécuter ceux qui vous en eux que la malice qui les guide, et rien de l'impatience, aux plaintes, aux murmures, ce que la religion y découvre; vous seriez exposés au danger de vous abandonner à au

HOMELIES SUR LES EVANGILES. nous fait souffrir quelques moments, et souvent de plus petits maux encore. Eh! mes frères, que penserons-nous donc de ces feux dévorants où brûleront à jamais les pécheurs impénitents? que penserons-nous de ces nuits éternelles qui ne retentissent que des mugissements et des blasphèmes des réprouvés? que penserons-nous de ces supplices que souffriront ces malheureux dans leur corps et leur âme dans la suite de tous les siècles? car ces supplices, hélas! sont ceux que nous avons mérités par nos péchés. Oui, avons mérité par nos péchés d'être éternellement séparés du souverain bien, d'être associés à une multitude affreuse d'esprits impurs et d'homme criminels, exclus de la Jérusalem céleste; d'être relégués dans cette horrible. demeure où il n'y a ni ordre, ni repos, ni paix, ni soulagement, ni espérance, où ne règne que confusion, que ténèbres épaisses, que pleurs, que grincements de dents, que blasphèmes et que malédictions. Ah! mes frères, pouvons-nous penser que nous avons mérité tout cela, et nous plaindre des maux de cette vie? pouvons-nous penser que nous n'éviterons ces malheurs effroyables que par les afflictions temporelles, et refuser de nous y soumettre? Ahl Seigneur, préservez-nous d'un tel malheur, nous vous en conjurons, ne permettez pas que les larmes que nous versons ici-bas soient infructueuses; éprouvez notre cœur, nous y consentons, sondez-nous, examinez-nous; brûlez nos reins par le feu des tribulations, nous le désirons: Proba me, Domine, et tenta me, ure renes meos et cor meum. (Psal. xxv, 2.) Mais affermissez nos pas dans vos sentiers durs et pénibles, afin que nous ne soyons point ébranlés en marchant: Perfice gressus meos in semitis tuis, ut non moveantur vestigia mea. (Psal. xvi, 5.) Soutenez-nous de votre secours; rendez-vous attentif à nos demandes en quelque jour que nous nous trouvions affligés; donnez-nous un esprit de patience et de résignation dans tous les maux qu'il vous plaira nous envoyer, et faites que nous ne le considérions jamais que sous des vues de religion.

Vous l'avez vu, mes frères; cette considération est le moyen sûr de vous les rendre utiles pour le passé, le présent et l'avenir; si vous souffrez sans murmures et sans chagrin les maux publics et particuliers, ceux qui sont attachés à votre état et ceux qui vous sont personnels, vous méritez la rémission de vos péchés et des peines dues à vos péchés dans l'autre vie; vous trouvez dans vos souffrances le moyen d'éviter le péché, d'affaiblir vos passions, de vous détacher des créatures pour n'être plus attachés qu'à Dieu, pour vous assurer une couronne incorruptible dans le ciel, une joie intérieure que rien ne pourra vous ravir, une gloire immortelle dont l'éclat sera proportionné à vos humiliations d'ici-bas, Vous vous élèverez au jour des vengeances avec une sainte hardiesse contre ceux qui vous auront accablés d'afflictions, et vous entendrez ces méchants qui se diront en soupirant ce sont là ceux qui ont été autrefois

découragement et au désespoir. Ne sont-ce
pas là autant de fautes dont vous vous êtes
les nôtres! les saints disaient à Dieu : « Ou
rendus coupables devant Dieu ? Hélas! quelle
souffrir, Seigneur, ou mourir: Domine, aut
différence entre les sentiments des saints et
mori (Ste THÉRÈSE): Que je meure, mon
longtemps avant que de mourir: Pati, non
Dieu, j'y consens, mais que je souffre et
mori. (Ste Marie de PAZZY.) Ce n'est pas
que je souffre beaucoup, que je souffre
encore assez de tribulations,
ajoutez-en de nouvelles, et à ces nouvelles
Seigneur,
ralement tous les maux,
d'autres encore: Amplius, Domine, amplius. »
(S. IGNAT.) Et nous, nous fuyons géné-
impatiente, la moindre langueur nous fait
nous fait jeter des cris, leur présence nous
leur approche
murmurer, et pour peu que Dieu continue à
nous frapper, nous tombons dans la tiédeur
et nous négligeons nos devoirs les plus es-
sentiels. A ces traits, Seigneur, reconnaîtrait-
on les membres d'un chef couronné d'épines?
Sied-il a des enfants de croix d'affecter
autant de délicatesse ? Inspirez-nous plus de
courage, aidez-nous à expier nos fautes; à
conduisez-nous par cette voie dans le lieu de
mortifier nos vices et à combattre pour le ciel.
rafraîchissement. Introduisez-nous dans votre
Faites-nous passer par le feu et
maison où nous continuerons à nous offrir en
par l'eau,
je vous la souhaite.
holaucauste pendant l'éternité bienheureuse

HOMELIE XXVIII.
ÉVANGILE DU JOUR DE LA PENTECÔTE.

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples: Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. Celui qui ne m'aime point ne garde point mes paroles, et la parole que vous avez entendue n'est pas de moi, mais du Père qui m'a envoyé. Je vous ai dit ces choses pendant que je demeurais avec vous. Mais le Consolateur, T'Esprit-Saint que mon Père

enverra en

mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble point et qu'il ne craigne point. Vous m'avez entendu dire: je m'en vais et je reviens à rous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je m'en vais à mon Père, car mon Père est plus grand que moi. Je vous le dis maintenant avant que la chose arrive, afin que vous croyez quand elle sera arrivée. Je ne m'entretiendrai pas plus longtemps avec vous, car voilà le Prince de ce monde qui va venir, quoiqu'il n'ait aucun droit sur moi. Mais afin que le monde connaisse que j'aime mon Père et que je fais ce que mon Père m'a ordonné. (Joan. XIV, 23-31.)

Sur la sainteté de la loi.

Le jugement admirable que notre divin Sauveur se propose d'opérer dans le monde, l'avez-vous bien compris, mes frères ? Avezvous remarqué la grandeur et la sainteté du projet? Le fort armé règne paisiblement dans les cœurs qui sont presque tous soumis à son empire, et ces cœurs doivent devenir autant 'de temples consacrés aux trois personnes de la Trinité qui en feront le lieu de leur habitation Mansionem faciemus. L'univers est environné des ténèbres épaisses de l'ignorance et de l'erreur, il faut que ces ténèbres soient dissipées, que le monde soit éclairé et que la vérité, captive jusqu'alors, triomphe de toutes les difficultés que lui présentent la dureté, la prévention l'incrédulité, l'opiniâtreté des esprits: Spiritus sanctus docebit vos omnia. Toute la terre, comme du temps de Noé, est souillée du crime de ses habitants et il faut que les prévarications soient abolies comme l'a prédit Daniel, que l'iniquité soit effacée, que la justice éternelle vienne sur la terre en prendre la place, que le cœur de l'homme goûte une paix qui lui était inconnue jusque-là: Pacem relinquo vobis. Ces merveilles que doit opérer l'EspritSaint verront l'application des mérites d'un Homme-Dieu et cet Homme-Dieu nous acquerra ces mérites en s'immolant pour l'amour de son Père et le salut des hommes: Ut cognoscat mundus quia diligo Patrem. Voilà une partie des choses que le Sauveur prédisait alors dans notre Evangile et dont nous célébrons aujourd'hui la mémoire. Oui, mes frères, c'est aujourd'hui que cessent les

opprobres du Fils de l'homme, que l'innocence de Jésus-Christ est hautement manifestée, que les mystères de ses grandeurs et ses humiliations sont développés, que l'étendard de sa croix est élevé, que sa sagesse et sa vertu se font sentir, que la divinité du Fils de Marie est annoncée et que le Père éternel fait sortir de Sion le sceptre de la puissance de notre Rédempteur pour lui soumettre ses ennemis, pour lui élever des autels au milieu des Juifs et des gentils, ses adversaires. C'est aujourd'hui que l'homme recueille les fruits précieux de la naissance, de la vie, de la mort, de la résurrection et de l'ascension du Sauveur. C'est à ce grand jour que toutes les figures disparaissent, que toutes les ombres passent, que les visions des prophètes s'accomplissent, que la loi ancienne prend fin, que la nouvelle, confirmée par le sang de notre médiateur, est enfin promulguée et que la loi des esclaves fait place à la loi sainte des enfants. Quelle heureuse nouvelle pour nous! Nous sommes invités à être des saints sur la terre pour vivre ensuite avec les saints dans le ciel, ne nous efforcerons-nous pas de le devenir'? C'est à quoi je me propose de vous exhorter dans ce discours. La religion que l'Esprit-Saint établit est une religion sainte dans les idées qu'elle nous donne de Dieu, sainte dans les principes qu'elle nous enseigne touchant la conduite que nous devons tenir à l'égard du prochain, sainte dans les maximes qu'elle nous prescrit pour nous-mêmes, sainte dans son auteur, ses premiers apôtres, ses premiers disciples. Vous devez donc tous être des saints, ce n'est pas une chose de conseil, c'est une nécessité indispensable: Sancti eritis. (1 Petr. 1, 16; Levit. XI, 44.) Voilà la proposition principale dont je demande au Seigneur de vous bien persuader, et pour réussir, voici l'ordre des réflexions que je vous proposerai. Dans une religion sainte à tous égards, on doit être saint sous peine de se rendre infiniment plus coupable devant le Seigneur dont on méprise les grâces. Or, la religion chrétienne est véritablement sainte et sainte de toute sainteté. Premièrement elle est sainte dans les règles qu'elle prescrit aux hommes, ce sera le sujet de mon premier point. Elle est sainte dans la société qui la compose, ce sera le sujet de mon second point. Venez en moi, Esprit-Saint et sanctifiant, purifiez mon cœur et mes lèvres, de peur que ma langue profane ne souille la sainteté de cette loi que vous donnez dans ce jour de bénédiction.

PREMIER POINT.

Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure: « Si quis diligit me, sermonem meum servabit, et Pater meus diliget eum, et mansionem apud eum faciemus. »

Cette parole dont parle ici Jesus-Christ et à l'observation de laquelle il attache des récompenses si abondantes, ce sont tous les Livres de l'Ancien Testament, c'est son Evan

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gile, ce sont ces règles admirables de conduite qu'il nous a tracées par le ministère de ses apôtres. Telle est la parole dont j'entreprends de vous montrer la pureté et la sainteté; mais auparavant je vous prie, mes frères, de vouloir bien entrer dans mon dessein et de penser que mon intention n'est pas seulement de porter la conviction dans l'esprit, mais surtout d'inspirer à vos cœurs une intime persuasion de la sainteté de la loi que vous professez, un goût décidé pour pratiquer cette sainteté dans toute son étendue, un vif regret d'en avoir jamais violé le moindre commandement. Tout mon désir est de faire de chacun de vous ce que vous devez être sous peine de damnation éternelle, des justes, des vrais Chrétiens, des saints, des prédestinés, des citoyens du ciel. Tel est, mes frères, le dessein que je me propose et que je vous prie de seconder par une attention sérieuse à ce que je vais vous dire et par un désir sincère de la pratiquer. Votre prophète nous l'apprend, mon Dieu, que votre loi est une loi sainte et qu'elle convertit les âmes; faites par votre grâce qu'il n'y en ait ici aucune qui ne se convertisse en en voyant la sainteté.

A la vue seule des Livres divins qui renferment les règles de la morale chrétienne, qui pourrait y méconnaître l'auteur qui les a dictés? des règles qui nous dirigent parfaitement par rapport à Dieu, par rapport à notre prochain et par rapport à nous-mêmes, sont des règles saintes et véritablement divines, et il n'appartient qu'à l'auteur de toute sainteté d'en prescrire de semblables; or ces trois caractères sont ceux de la religion chrétienne que l'Esprit-Saint promulgue aujourd'hui à Jérusalem..

Et d'abord, quelles sublimes idées la religion chrétienne ne nous donne-t-elle pas de l'Etre suprême! Apprenons, mes frères, apprenons ici à nous abîmer dans la profondeur de notre respect à la vue d'une majesté si grande. Quel est le Dieu que nous adorons? Quand Moïse nous parle de sa nature, et qu'il nous répète ce qu'il en avait appris dans le buisson ardent, il nous dit, que c'est lui qui est; d'un seul trait il nous le représente comme un Etre qui renferme la plénitude de tous les êtres même possibles; comme un être qui ne reçoit l'existence d'aucun principe étranger, et qui seul peut la donner à tout ce qui existe; comme un état nécessaire, éternel, souverain, de qui tout dépend dans le ciel, sur la terre et dans les enfers; comme un être par conséquent devant qui nous devons nous humilier, et ne paraître jamais que dans des sentiments d'une parfaite adoration. Quand le Prophète-Roi nous parle de l'immensité de notre Dieu, il nous le représente comme remplissant de sa présence l'univers entier, sans y être renfermé: Où irai-je, ô mon Dieu, s'écrie-t-il dans un des Psaumes, où pourrais-je aller pour me soustraire à vos yeux? que je prenne mon essor vers les cieux et que je m'élève au-dessus des nues, vous y habitez: Si ascendero in cœlum, tu illic es. Que je pénètre dans le sein de la terre, vous

êtes jusque dans les enfers par la nécessité de votre être et par les effets de votre justice: Si descendero in infernum, ades. Que je quitte ce continent et que j'aille au delà des mers pour y fixer mon habitation, c'est votre main qui m'y conduira, c'est votre droite qui me protégera contre tous les dangers Illuc manus tua deducet me, et tenebit me dextera tua. Non-seulement votre immensité remplit tous les espaces, mais vous y connaissez ce qu'ils renferment de plus secret, de toute éternité vous connaissez mes pensées et celles de tous les hommes: Intellexisti cogitationes meas de longe. Vous avez prévu toutes nos voies, et l'avenir vous est aussi connu que le passé: Ecce, Domine tu cognovisti omnia novissima et antiqua. Point de ténèbres que votre lumière ne dissipe, point de nuit qu'elle ne change en un jour le plus clair et le plus beau Tenebræ non obscurabunt a te, et nox sicut dies illuminabitur. (Psal. cxxxvIII, 7-10, 3, 5, 12.) Telle est l'idée que David nous donne de la connaissance infinie de notre Dieu, et pourquoi? C'est, mes chers frères, afin que jamais nous ne commettions le mal ni dans l'obscurité de la nuit, ni dans le secret de notre cœur, dans cette pensée que Dieu y voit ce qu'il y a de plus caché. Quand ce saint roi nous parle de la sagesse de l'Etre suprême, ah! c'est alors qu'il est ravi, transporté hors de lui-même par les sentiments de son admiration. Voici ce qu'il nous en découvre dans un psaume que l'Eglise fait réciter dans cette octave à ses ministres, sans doute, mes chers auditeurs, afin que nous vous en instruisions après nous en être édifiés nousmêmes. A la vue du ciel et de la terre et des mers qu'il examine, Ah! mon âme, s'écrie-t-il aussitôt, bénissez le Seigneur; mon Seigneur et mon Dieu, que votre grandeur paraît aujourd'hui d'une manière éclatante! vous êtes tout environné de majesté et de gloire, vou êtes revêtu de lumière comme d'un vêtement. Passant ensuite au détail des objets qui l'ont agréablement touché, il élève d'abord les yeux vers le ciel, il y contemple ces cieux en forme de tente richement émaillée, ces voûtes, d'un ornement si superbe, qui couvrent nos têtes, ces eaux suspendues pour briser les rayons trop vifs des étoiles, les nuées sur lesquelles l'Eternel s'assied comme sur son char de guerre, les vents sur lesquels il est porté, les anges dont la promptitude à obéir ressemble à celle de l'éclair, et chacun de ces objets lui manifestant la gloire de celui qui l'a formé, produit dans son cœur cette louange du Créateur: Domine Deus meus, magnificatus es vehementer!« Mon Dieu, que votre grandeur parait d'une manière éclatante! » Après avoir admiré la sagesse divine dans le il considère ce qu'elle a d'admirable sur la terre le moment de la création est le point ciel, de vue où il se place pour voir sortir de la main du Créateur les beautés qui ornent la nature. Après avoir examiné la inanière admirable dont la terre sans appui et sans soutien, tourne sur son axe toujours parallèle à lui-même, il s'arrête à ce qui est dit dans la Genèse (1,9) que les eaux couvraient la face

de la terre, et que Dieu les rassembla dans un même lieu : d'abord il entend une menace terrible que Dieu fait à ces eaux, et à l'instant il les voit, au bruit du tonnerre, s'entasser les unes sur les autres, se rouler sur ellesmêmes à grands flots, prendre la fuite avec une espèce de frayeur, et se rendre dans les lieux qui leur sont destinés. Spectacle surprenant pour quiconque le considère avec la même foi que le saint roi! qu'il est propre à inspirer les sentiments de la plus tendre piété Cet objet tout étonnant qu'il est, n'est pas le seul qui l'occupe. Les montagnes qui s'élèvent, les collines qui s'abaissent, les rivages élevés au-dessus des eaux, les bassins immenses de l'Océan, les seuls dont les eaux de ces vastes réservoirs sont pénétrés, le mouvement périodique des vents qui garantissent ces eaux de la corruption en les agitant continuellement, le respect que les flots d'une mer en furie portent à cet ordre gravé sur le sable Vous viendrez jusqu'ici et vous y briserez vos vagues orgueilleuses : « Usque huc venies et hic constringes tumentes fluctus tuos; » la pente des ruisseaux qui arrosent la racine des montagnes, les pluies du ciel qui en baignent la cime, les différentes demeures que Dieu y a préparées au cerf, au hérisson et aux autres animaux; la nuit qui fait retirer l'homme et donne au lion la liberté de chercher sa proie, le jour qui le fait rentrer dans son fort, et qui rend à l'homme l'assurance que lui ôtait la nuit, tout élève à Dieu l'esprit et le cœur du spectateur; il n'y a pas jusqu'aux serpents qui ne soient pour lui un motif de louer le Seigneur, et de dire: Que vos œuvres sont grandes et excellentes, Seigneur ! « Quam magnificata sunt opera tua, Domine!» Vous avez fait toutes choses avec une sagesse souveraine : « Omnia in sapientia fecisti.» Mais que deviendraient tous ces beaux ouvrages? que deviendrait l'homme, le chef-d'œuvre de toutes ces merveilles, s'il était privé de votre Esprit-Saint? Envoyez-le donc, et nous serons créés dans une justice et une sainteté véritable; envoyez-le, et vous renouvellerez toute la face de la terre. C'est la prière que fait le Prophète en finissant son psaume, et qui nous fait comprendre que c'est du mystère auguste que nous célébrons qu'il faut l'entendre; que c'est aujourd'hui que Dieu paraît véritablement grand dans le ciel, sur la terre et dans les fles de la mer; dans le ciel d'où il manifestera sa gloire en envoyant son Saint-Esprit ; grand sur la terre, où il opère les prodiges les plus dignes de la divinité; grand jusqu'aux iles les plus reculées, où les apôtres, comme des vents et des nuées, vont porter les eaux d'une heureuse fécondité. C'est donc aujourd'hui que Dieu crée de nouveaux cieux et une nouvelle terre où puisse désormais habiter la justice; c'est dans la création qui s'opère à ce jour que paraît la sagesse, la puissance, l'amour infini de Dieu pour les hommes encore plus que dans la première création. En effet, que lui en coûta-t-il pour créer le monde la première fois! Alors ila parlé et tout a été fait, il a commandé et tout à été créé. (Psal. cm, 1 seqq.)

Sa scule parole a suffi pour donner à toutes les créatures l'être qu'elles ont reçu; mais aujourd'hui il a besoin de la force de son bras pour vaincre une infinité d'obstacles qu'il ne rencontrait pas dans la première création, pour triompher du prince des ténèbres, et dé nos propres volontés que ce tyran retenait captives. Il faut que la troisième personne de la sainte Trinité descende du ciel; il faut que ces merveilleux changements s'opèrent par les mérites de la personne du Fils; il faut que le sang précieux d'un Homme-Dieu soit comme le bain sacré dans lequel le nouvel homme soit créé; il faut que la première personne de la sainte Trinité nous ait donné auparavant un Verbe rédempteur. Est-il rien qui puisse nous donner une idée plus noble de la grandeur, de l'amour et de la sagesse de Dieu que ce mystère? J'ose le dire, et je le dirai avec le maître des nations: ni les principautés, ni les puissances qui sont dans les cieux n'ont jamais bien connu la sagesse merveilleuse de Dieu que par la conduite admirable qu'il tient aujourd'hui à l'égard de son Eglise Ut innotescat principatibus et potestatibus in cœlestibus per Ecclesiam multiformis sapientia Dei. (Ephes. m, 10.)

Non-seulement nous pensons de l'Etre suprême qu'il est sage, immense et tout-puissant, mais nous croyons qu'il réunit dans sa nature toutes les perfections possibles, qu'il est bon, juste, miséricordieux, saint, infini dans ses perfections. Nous croyons qu'il est esprit et vérité, et nous apprenons à l'adorer en esprit et en vérité, à soumettre notre esprit à son autorité, à lui donner notre cœur en l'aimant plus que nous-mêmes. Quelle autre religion que la religion catholique et romaine en donne une pareille idée? Le paganisme était impur, insensé dans le choix qu'il faisait de ses idoles, abominable dans le culte qu'il leur rendait, impur dans sa morale; la religion de Mahomet, outre les basses idées qu'elle donne de la divinité et de ses charnelles récompenses, enseigne que l'homme peut s'aimer plus que Dieu; la religion de Luther, et toutes celles qui sont nées depuis Luther, ont fait de Dieu, ou un Dieu injuste qui commandait des choses impossibles, ou un Dieu cruel qui réprouvait les hommes selon son bon plaisir uniquement, ou un Dieu pécheur qui était autant l'auteur du reniement que de la conversion de saint Pierre. Notre religion nous dirige donc, et elle est la seule qui nous dirige saintement par rapport à Dieu, et le fruit que vous devez tirer de cette réflexion, c'est de lui faire le sacrifice de tout ce que vous êtes, d'exciter souvent dans votre âme les sentiments qui répondent à ses divines perfections, de vous pénétrer de crainte à la vue de sa justice, de reconnaissance pour ses bienfaits, d'amour pour ses amabilités infinies, ainsi des autres perfections.

Secondement, elle nous règle parfaitement à l'égard de notre prochain, et voici les trois principes féconds en conséquences qu'elle nous donne pour nous guider dans tous les devoirs que nous avons à remplir envers lui,

scrupule, les serments passaient pour des engagements qui ne devaient durer qu'autant que les intérêts; à peine une longue suite de siècles nous fournit-elle un Régulus qui pense autrement; la piété des parents souffrait qu'ils offrissent en sacrifice leurs propres enfants; la pudeur ne rougissait plus des dernières indécences, les lois les plus sacrées de la nature étaient oubliées, et une femme était autorisée à ressembler à celle dont parle l'Evangile, qui n'avait aucun mari, parce qu'elle en avait sept. Quelle inhumanité! quelle impureté quel renversement de raison! Dès lois qui permettent tout cela, qui font de tout cela des maximes de conduité, en méritentelles le nom? Telles étaient cependant les lois des Platons, des Lycurgues et des plus sages du paganisme. N'est-ce point à ces désordres que conduisent les principes des novateurs? Dès qu'ils enseignent que je ne suis point libre, n'excusent-ils pas tous les crimes que je commets? Et si je suis excusable en les commettant, n'ai-je pas une entière liberté de tout faire ? Cela seul n'inspire-t-il pas pour toutes les sectes étrangères l'horreur qu'elles méritent? Ne justifie-t-il pas ce que je disais, que les règles de la seule religion chrétienne nous dirigent saintement à l'égard du prochain?

Le premier, c est de faire aux autres tout ce que nous voudrions qu'ils fissent pour nous, par conséquent de donner à celui qui voudrait emprunter, d'instruire les ignorants, de visiter les malades, de pardonner à nos ennemis du fond de notre cœur, en les aimant de nos lèvres, en disant d'eux le bien que nous devons en dire; de nos mains, en leur donnant les secours qui dépendent de nous, en priant pour eux, en leur souhaitant tout ce que nous nous souhaiterions à nous-mêmes. Le second principe est de ne pas faire à autrui ce que nous serions fâchés qu'il nous fit donc vous ne devez (ce sont encore les conséquences que la religion tire de ce principe), donc vous ne devez pas juger témérairement votre prochain, et le condamner dans les choses secrètes et douteuses; donc vous ne poursuivrez pas à outrance la réparation d'une injure, et vous ne souillerez pas vos mains dans le sang de votre frère; donc vous ne tiendrez pas de discours contraires à la charité, et Vous ne vous laisserez aller à aucun sentiment de colère; donc vous vous en interdirez jusqu'aux mouvements intérieurs, et fussiez-vous au pied de l'autel pour y offrir votre sacrifice, vous y laisserez votre offrande pour aller vous réconcilier; donc vous vous abstiendrez non-seulement de l'adultère, mais vous ne jetterez jamais vos yeux, de propos délibéré et dans un dessein criminel, sur une femme qui ne soit pas votre épouse. Le troisième principe est de rendre à César ce qui appartient à César; et de là cette merveilleuse subordination qui règne dans les familles, dans les Etats, dans les royaumes, quand on y observe exactement l'Evangile; de là cette obéissance que les bons domestiques rendent à leurs maîtres, comme s'ils servaient Dieu même; de là cette bonté avec laquelle des maîtres pieux en usent à l'égard de leurs serviteurs qu'ils regardent comme leurs frères en Jésus-Christ, qui s'est rendu le serviteur de tous; de là cet amour respectueux et filial des enfants envers leurs parents, et cette tendresse chrétienne des pères et mères envers des enfants qu'ils élèvent selon Dieu; de là cette humble déférence d'une épouse pour son mari, et cette pure amitié du mari pour son épouse; de là ce soin du prince à procurer le bonheur de ses sujets, cette fidélité du magistrat à administrer la justice suivant les ordonnances, ce zèle avec lequel le militaire expose son repos, sa liberté, sa vie, pour le salut de l'Etat, cette profonde vénération qu'ont les sujets pour tout ce qui participe à l'autorité du prince. Pour mieux juger de la sainteté de l'Evangile par ces principes et par les effets admirables qu'ils ont produits, il faudrait que vous eussiez vu ce monde avant qu'ils n'y fussent adoptés. Q'était-ce alors que Jarcin, que fourbe, que trahison, que cruauté, que barbarie, qu'impureté, que désordres les plus affreux? Le roi, tremblant au milieu de ses sujets, était presque sûr de périr entre des mains meurtrières, un vif intérêt causait des inimitiés éternelles, l'ambition n'avait pas horreur de sacrifier à ses vues ses meilleurs amis, la foi dans les traités se violait sans

Enfin quelle sainteté ne demande-t-elle pas de tous ses disciples? Pour vous la faire comprendre, je ne vous rappellerai pas ce que Vous avez cent fois entendu citer de l'Evangile, que nous devions être saints et parfaits comme est saint et parfait notre Père céleste; que nous devions renoncer à nous-mêmes, porter notre croix et suivre Jésus-Christ; que si nous voulions tendre à la haute perfection, il fallait vendre ce que nous avions et le donner aux pauvres, et vivre dans une parfaite continence; je me bornerai à ces réflexions que l'Apôtre proposait à tous les fidèles de Corinthe Voici, mes frères, leur disait-il, ce que j'ai à vous observer le temps est court, et ainsi, que ceux qui ont des femmes soient comme n'en ayant point : « Tempus breve est, reliquum est ut qui uxores habent, tanquam non habentes sint; » et ceux qui pleurent, comme ne pleurant point; « et qui flent, tanquam non flentes, » et ceux qui se réjouissent, comme ne se réjouissant point, et ceux qui achètent, comme ne possédant point; « et qui gaudent, tanquam non gaudentes; et qui emunt, tanquam non possidentes; » enfin ceux qui usent de ce monde, comme n'en usant point, parce que ce monde n'est qu'une figure, qu'un fantôme qui disparaît d'abord; « el qui utuntur hoc modo, tanquam non utantur, præterit enim figura hujus mundi. » (I Cor. VII, 29-31.) Voilà une idée abrégée de la sublime sainteté dont saint Paul faisait une étroite obligation à tous les fidèles. Que ne pourrais-je pas ajouter à tout ce que je viens de dire, s'il m'était permis de pousser plus loin mes réflexions sur cette matière importante? Je vous dirais que la religion chrétienne est sainte dans les pensées qu'elle nous suggère, puisqu'elle ne permet que celles qui se rapportent à Dieu; qu'elle est sainte dans

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