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de grandeur. Enfin, quelque part que nous. jetions les yeux, nous trouvons de quoi nous humilier, et partout notre amour- propre aveugle cherche à nous exalter; ils se prévaut d'un ministère, qui est un ministère de servitude et d'humilité; il se prévaut de charges, de dignités, de rangs qui abaissent autant devant Dieu qu'on veut s'en élever devant les hommes; il se prévaut de quelques biens sur lesquels est empreint le caractère de la malédiction divine; il se prévaut d'une beauté passagère, qui sera toujours un présent fatal à l'innocence, si l'humilité ne le dérobe, loin de l'exposer aux yeux des hommes; il se prévaut, le dirai-je? il se prévaut du crime même; on dirait que nous sommes malheureusement replongés dans le paganisme audacieux, où les dicéarques élèvent hautement des autels à l'impiété et à l'injustice, pour insulter plus sûrement à Dieu et aux hommes dans le bas åge on se vante, comme le jeune Augustin, de ses vols et de ses rapines, pour s'en faire un mérite devant ses compagnons d'école aussi injustes un voluptueux se vante des désordres qu'il a commis, et souvent même des crimes qu'il n'a pas fait le militaire, s'il n'a beaucoup de religion, se fera gloire d'être toujours prêt à venger son honneur dans le sang de son ennemi on ne veut voir dans ces jactances impies rien de ce qui devrait faire rougir, ni le scandale qu'on donne au prochain, et dont on devient responsable, ni le défaut de charité, dont on est redevable à soi-même, ni le second péché qu'on commet devant Dieu, par cela seul qu'on ne désapprouve pas le premier on n'a honte que d'une chose, c'est de n'être pas aussi impudent que les impudents (S. AUG. Confess.): quelle est donc la fureur dont les hommes sont possédés pour une fumée de gloire qui fait leur confusion?

Revenez à vous, mes frères, et prenez des résolutions plus sages. Avez-vous, femmes jusqu'aujourd'hui trop peu chrétiennes, avezvous mis vos complaisances dans cette figure et cette beauté, pour laquelle vous étiez peutêtre seule prévenue? souvenez-vous de ces avis du Saint-Esprit, que Dieu ne met pas son plaisir dans le port majestueux de l'homme, que sa beauté n'est point matière à louange, et moins encore ses habits, ses parures, l'arrangement de ses cheveux, le fard qui couvre son visage, et les pierreries qui chargent sa tête, mais l'homme invisible caché dans le cœur, et la pureté incorruptible d'un esprit plein de douceur et de paix. (IÌ Petr. III, 14.) Jetez les yeux sur JésusChrist méconnaissable aux Juifs, au milieu desquels il était, sans beauté, sans autre figure que celle d'un lépreux, et détestez tous les sentiments de vanité qui pourraient naître d'un éclat passager.

Avez-vous tiré vanité de vos biens? souvenez-vous de cet avis du sage, que la crainte du Seigneur est toute la gloire du pauvre et du riche, du grand et du petit: Gloria divitum honoratorum, et pauperum timor Dei est. (Eccli. x, 25.)

Avez-vous abusé du pouvoir que Dieu vous

avait donné, en exerçant un pouvoir dur et arbitraire sur vos inférieurs? souvenez-vous que vous serez mesuré comme vous aurez mesuré les autres, et que le devoir d'un homme en place est de ne point s'élever : Rectorem te posuerunt, noli ergo extolli.

(Eccli. XXXII, 1.)

Est-ce la science et les talents de l'esprit qui font de vous un orgueilleux? considérez, pour guérir l'enflure de votre cœur, quelles sont les ténèbres de cet esprit, combien il est borné, ce que deviendra sa science dans le ciel, où saint Paul annonce qu'elle ne sera plus, scientia destruetur (1 Cor. xIII, 8); les démons en ont infiniment plus que vous qui oserait se glorifier de ce qu'il à de commun avec ces esprits de ténèbres?

Sont-ce les qualités du cœur qui vous inspirent des sentiments de vanité? Hé ! qu'estce que toutes ces qualités sans l'humilité qui les conserve et qui les cache à nos propres yeux!

Est-ce la sainteté de votre vie? vous en êtes redevable à Dieu; vous ne l'avez pas portée au degré où un autre l'aurait portée, peut-être n'êtes-vous rien moins que Christ, qu'Elie et que prophète, c'est-à-dire rien moins que saint, que doué des qualités du cœur et qu'orné des talents de l'esprit? peut-être dans votre âme, si vous cherchiez à vous connaître, vous ne trouveriez que péché, dans votre cœur que mauvaises inclinations, dans votre esprit que ténèbres: humiliez-vous à la vue de tout cela; refusez, à l'exemple de saint Jean, les honneurs que vous n'avez point mérités; fuyez ceux que vous ne pouvez point recevoir; ne dites rien qui puisse donner de vous une bonne opinion. C'est l'exemple que nous donne saint Jean dans notre Evangile, et ce sont les résolutions que nous devons former : c'est à vous, mon Sauveur, le maître et le modèle de l'humilité la plus parfaite, c'est à vous que nous nous adressons pour exécuter ces résolutions: apprenez-nous à nous humilier à la vue de nous-mêmes et de tout ce qui nous environne, faites que nous vous suivions dans vos humiliations sur la terre, afin de vous suivre dans votre gloire éternelle

HOMÉLIE IV.

ÉVANGILE DU QUATRIÈME DIMANche de l'avent. L'an quinzième de l'empire de Tibère-César, Ponce-Pilate étant gouverneur de la Judée. Hérode tétrarque de la Galilée, Philippe son frère de l'Iturée et de la province de Trachonite, et Lisania d'Abilenne, Anne et Caiphe étant Grands-Prêtres, Dieu fit entendre sa parole à Jean, fils de Zacharie, dans le désert: et il vint dans tout le pays qui est aux environs du Jourdain, préchant le baptême de pénitence pour la rémission des péchés, ainsi qu'il est écrit au livre des paroles du prophète Isaïe: On entendra dans le désert la voix de celui qui crie Préparez la voie du Seigneur, rendez droits et unis ses sentiers. Toute vallée sera remplie, et toute montagne, et toute colline sera abaissée : les chemins tortus deviendront droits, et les raboteux unis, et tout homme

verra le Sauveur envoyé de Dieu. (Luc. III, 1-16.)

Sur la pénitence.

Les empereurs Romains sont les maîtres du monde, la Judée reçoit de leurs mains ses gouverneurs, les Hérodes, sortis de l'Idumée, sont Tétrarques en Galilée. D'autres princes également étrangers commandent dans toutes les provinces où le peuple de Dieu est répandu. Le sceptre n'est plus dans la maison de Juda, le désiré des nations n'est donc pas loin, le Messie par excellence paraîtra donc bientôt ; c'est ainsi que Jacob au lit de la mort nous apprend à raisonner, lorqu'il adresse ces paroles à ses enfants: le sceptre ne sera point ôté de Juda, et il y aura dans Israël des chefs de son sang, jusqu'au temps où viendra celui qui doit être envoyé. L'évangéliste veut nous faire faire l'application de cette célèbre prophétie; pour cela il nous apprend quels étaient les princes revêtus de la souverainé autorité : voilà la vraie raison de toutes les époques que nous lisons dans l'Evangile. Il est donc près de nous, ce Dieu Sauveur attendu depuis le commencement des siècles: tout homme verra dans peu le salut de Dieu, videbit omnis caro salutare Dei. L'heureuse nouvelle, mes frères! en fut-il jamais de plus digne de vos désirs? Ah! préparez donc et ne tardez pas davantage, préparez vos cœurs au Seigneur, expiez vos péchés par les œuvres de la pénitence, réformez votre intérieur, corrigez-en tous les défauts. Tels sont les conseils salutaires que vous donne aujourd'hui le saint Précurseur, et plût à Dieu qu'il me fût donné de vous les annoncer d'une manière aussi édifiante que ce nouvel Elie? Après avoir été comme fui un modèle de la pénitence la plus austère, qu'il me serait bien plus facile de faire entendre cette voix au fond de vos cœurs, faites pénitence, pænitentiam agite: faites pénitence, mais une pénitence prompte, une pénitence qui rachète les peines dues à vos péchés, une pénitence proportionnée à la multitude de vos péchés, une pénitence qui corrige le déréglement de vos mœurs, une pénitence assez sévère pour réprimer les saillies de la chair, et dompter vos passions. Faites pénitence, justes, pour vous préserver de la corruption du siècle, et vous, pécheurs, pour désarmer le Seigneur en vous armant contre vous-mêmes. Faites pénitence tous, parce que le royaume des cieux approche, et qu'il ne s'emporte que par la violence: Pænitentiam agite, appropinquavit regnum cœlorum. Voilà, mes freres, la matière importante que l'Eglise m'ordonne de traiter aujourd'hui, et voici l'ordre que j'observerai en la traitant : dans ma première réflexion je vous montrerai la nécessité de la pénitence, et dans la seconde, les qualités principales que doit avoir la pénitence. Demandons à Dieu de nous mettre dans les dispositions généreuses de saint Augustin, ces dispositions qui lui faisaient dire: Brûlez ici-bas, Seigneur, coupez, soumettez-moi à toutes les austérités de la pénitence, pourvu que vous me pardonniez et que vous me pardonniez pour toujours.

PREMIÈRE RÉFLEXION.

Qu'est-ce que la pénitence dont l'Eglise veut aujourd'hui nous faire sentirla nécessité? la pénitence est une vertu qui nous porte à deux choses, à satisfaire à Dieu pour nos péchés par le moyen des œuvres pénibles et laborieuses, et à mener une vie toute nouvelle, en réformant en nous le vieil homme: Panitentiam agere est commissa plangere, et plangendo non committere. (S. GRÉG.) Troisraisons tirées de notre Evangile nous font comprendre la nécessité de cette vertu. H est dit que sous les princes des prêtres Anne, et Caiphe, Dieu fit entendre sa voix à Jean, fils de Zacharie, dans le désert, et dans le pays qui s'étend le long du Jourdain, préchant le Baptême de la pénitence pour préparer à la rémis sion des péchés. « Venit in omnem regionem Jordanis, prædicans baptismum pœnitentiæ in remissionem peccatorum. C'est de là, mesfrères, que je tire trois motifs puissants pour prouver la nécessité de la pénitence. Quel est celui qui nous l'annonce? un pénitent retiré jusque-là dans le fond du désert. De la part de qui nous l'annonce-t-il? il en reçut l'ordre du ciel immédiatement. Pourquoi nous l'annoncet-il? pour nos péchés. Ainsi l'exemple de JeanBaptiste, le commandement que Dieu nous fait dans sa loi qui commence par Jean-Baptiste, et les raisons de pénitence que nous donne le saint Précurseur, sont les trois. pensées auxquelles je vous prie de donner votre attention; développons-les, et persuadons-nous de l'obligation où nous sommes de vivre en pénitents.

Une voix aujourd'hui part du fond des déserts de la Judée, se fait entendre à tous les enfants d'Israël, attire le long du Jourdain les troupes nombreuses d'un peuple depuis longtemps sans prophète, d'un peuple curieux par conséquent et frappé par la nouveauté du spectacle. Tous les rivages du fleuve retentissent du bruit de ces paroles: Pœnitentiam agite: « Faites pénitence. » Chacun s'empresse d'écouter la morale toute divine que ce nouveau prophète annonce, de prendre les avis et suivre les décisions du docteur angélique qui paraît, de pratiquer les sublimes vertus dont ce sage directeur vient tracer le plan; les pharisiens mêmes, soit pour éviter le scandale, soit par ostentation de piété, viennent se soumettre à son baptême. Que ferez-vous, mes frères? Comme ce peuple, vous écouterez peut-être avec attention, avec plaisir, les instructions du saint Précurseur. Malgré votre délicatesse, vous aimez encore les prédicateurs qui portent en chaire la pénitence à son plus haut degré de perfection vous lisez volontiers la vie de ces saints solitaires qui se sont distingués dans le désert par leur pénitence miraculeuse; vous faites même des éloges magnifiques de ces personnes consacrées à Dieu, qui habitent au milieu de nous, et qui font de leur chair une hostie vivante au Seigneur par leurs mortifications continuelles : vous aimez donc encore à entendre parler de pénitence; mais ce qui serait plus important, c'est que vous en entendissiez parler avec fruit,

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Que feriez-vous, mes chers auditeurs, si un ange envoyé du ciel, si un prophète revêtu de l'autorité du Seigneur, si un ministre du Tout-Puissant venait de sa part vous dire que vous êtes des coupables qui méritez ses vengeances, qu'il est temps de faire pénitence, que tout délai est pernicieux et damnable? Que feriez-vous si lui-même se mettait à la tête de ceux qu'il invite à ce genre de combat, s'il les prenait comme par la main pour les faire passer à travers les eaux des tribulations? Sans doute que cet autre Jonas jetterait l'alarme dans vos consciences, sans doute que l'exemple des Ninivites revêtus de cilices et couchés sur la cendre vous rappellerait d'une manière efficace les devoirs de reconnaissance, de respect, d'amour et de justice que vous auriez à remplir envers Dieu et son envoyé : or, vous ne pouvez en douter, saint Jean remplit encore aujourd'hui toutes ces fonctions à votre égard; c'est un ange envoyé de Dieu pour vous préparer les voies du Seigneur; c'est le nom auguste que lui a donné Je prophète c'est un prophète qui a été annoncé par les autres prophètes, un prophète que le ciel a honoré de prodiges surprenants avant et après sa naissance, qui a été sanctifié dans le sein de sa mère: cet ange et ce prophète vous fait encore entendre cette voix dont parle l'Evangile: Vox clamantis. Il vous prêche encore comme aux Juifs le baptême de la pénitence, et malgré sa sainteté éminente, quel exemple de pénitence ne vous donne-t-il pas? Dès ses plus tendres années, il se sépare du monde, il vit dans la solitude et le fond des déserts, et comment? J'en disais déjà quelque chose dimanche dernier : une haire tissue de poil de chameau qui lui couvre tout le corps, une ceinture de peau qui serre son cilice sur ses reins; voilà son ha billement, voilà tout ce qui lui tient lieu de ces habits somptueux dont on se pare plus qu'on ne s'en couvre dans les maisons des grands: un peu de chair des sauterelles, de ce miel sauvage qu'on trouve dans le tronc des arbre et dans le creux des rochers de la Palestine, aliments aussi communs que vils et insipides voilà toute sa nourriture, encore la quantité en est si modique que la malignité des Juifs les porte à dire que, pour soutenir un jeûne de cette austérité, il faut avoir un démon la mortification de la chair et du goût, les jeûnes fréquents, c'est surtout ce que ses disciples apprennent et pratiquent à son école Jejunamus frequenter. Cet ange et ce prophète ne se contente pas de nous dire que la cognée est déjà appliquée à la racine de l'arbre, que le coup qui doit l'abattre doit bientôt partir et le renverser; mais il s'oc

cune lui-même de la pensée de l'avénement du juge souverain; il déclare que le royaume de Dieu approche, appropinquavit regnum cælorum et en même temps il cherche à s'en rendre digne, il demande des fruits de pénitence, et en même temps il paraît aux habitants de Jérusalem et à nos yeux comme un modèle presque inimitable de pénitence; il nous interdit tout ménagement sensuel envers ce corps de péché, et en même temps il fait lui-même une pénitence austère et sans ménagement. Grand Dieu, l'exemple de vos saints nous inspire une secrète horreur de nous-mêmes! des hommes qui peut-être ne commirent jamais une faute vénielle, vécurent toujours dans le dur exercice de la pénitence, et nous qui tous les jours en commettons même de griefs, nous en fuyons tous les exercices des hommes riches de tous les dons spirituels, maîtres de leurs passions, éloignés des occasions, préviennent les chutes en détruisant les forces de leur ennemi; et nous dont la vertu est faible et chancelante, et nous dont les vents des passions se jouent, et nous qui sommes au milieu des occasions les plus critiques et les plus prochaines, nous augmentons les forces de nos ennemis par les complaisances que nous avons pour cette chair indocile un Jean-Baptiste fait pénitence parce qu'il doit donner l'exemple, et nos yeux refusent de verser des torrents de larmes quoiqu'ils n'aient point gardé votre loi. Mon Dieu, je suis certain que vos saints ne se trompaient pas! c'est donc moi qui me trompe en refusant de me soumettre aux austérités de la pénitence, et en me trompant dans cette matière, ou plutôt en refusant de suivre les lumières que j'ai surce point, de quelles fautes ne devins-je pas coupable? je méprise l'exemple de celui que Dieu me donne pour m'instruire, et je viole en même temps le précepte le plus formel du Seigneur même.

Saint Jean dans le désert annonce la pénitence, il ordonne qu'elle soit comme un baptême, où nous lavions les souillures de nos cœurs; qu'elle soit comme un bain, une ablution qui purifie nos consciences des tâches du péché, prædicans baptismum pœnitentiæ ; et en cela il ne fait qu'exécuter l'ordre que le Seigneur lui en a donné dans le désert, fuctum est verbum Domini super Joannem in deserto; en cela il ne fait que dire ce que mille fois Dieu a déclaré dans ses Ecritures: je ne parlerai pas de ce qui en est rapporté dans les livres de l'Ancien Testament; je ne parlerai point de cette longue et terrible pénitence que fit sur la cendre et le cilice le bienheureux Job, ce prince de l'antiquité, si fameux par ses souffrances et sa patience dans les souffrances, je ne vous représenterai pas le saint roi David déshonoré publiquement, persécuté par son fils Absalon, trahi de ses sujets les plus nécessaires, parce qu'il avait commis un péché dont cependant le pardon lui avait été assuré; je ne toucheraí point l'histoire d'un prophète, à qui d'abord une baleine avait donné des leçons de docilité, et qui ensuite fit entendre au milieu de l'infidèle Ninive les anathèmes d'un Dieu qui l'attendait

à pénitence; je ne me servirai que de quelques autorités du Nouveau Testament, mais qui toutes doivent être pour vous décisives et convaincantes.

Saint Paul écrivait ces paroles aux Romains: Vous êtes inexcusables, 6 hommes, qui jugez les autres par ce que vous condamnez dans les autres (Rom. 11, 1): c'est ce qu'on peut vous dire, mes chers auditeurs, vous vous êtes rendus coupables des mêmes désordres que vous repreniez dans les autres; depuis vos chutes, il s'est écoulé des semaines, des mois, des années pourquoi Dieu vous les avait-il accordés? pour vous inviter à la pénitence. Il vous ouvrait les trésors de ses miséricordes, il étalait à vos yeux les richesses de sa patience et de sa longanimité: pouviezvous l'ignorer? ignoras quoniam benignitas Dei ad pœnitentiam te adducit. (Ibid., 4.) Or comment avez-vous secondé les desseins du Seigneur? A quoi vous a servi sa longue patience? à vous tranquilliser dans votre péché, à y en ajouter tous les jours de nouveaux, à vous rassurer contre les remords de votre conscience, c'est-à-dire, que vous avez fait servir les miséricordes du Seigneur à vos iniquités, que vous avez été méchants parce que Dieu a été bon, que vous l'avez haï parce qu'il vous aimait, que les effets de son amour ont été comme les instruments de vos injustices; que vous avez été impénitents, parce que vous étiez invités à être pénitents; c'està-dire, et voilà, non plus pour l'intérêt du Seigneur, mais pour le vôtre, le point capital; c'est-à-dire, que vous avez tari les sources de sa grâce, que vous avez obligé le Seigneur d'aiguiser le glaive de ses vengeances, et que dans peu (et peut-être le moment fatal n'est pas éloigné) il désaltérera ses flèches de votre sang, il rassasiera son épée de cette chair mise en lambeaux; la fureur du Seigneur éclatera contre vous, il entassera sur votre tête tous les malheurs que Moïse prédit avant sa mort au peuple impénitent qu'il conduisait. Voilà, 6 pécheurs qui m'entendez! voilà le trésor que vous amassez, que vous augmentez à proportion des moments qui vous sont donnés et de la dureté de votre cœur: c'est un trésor de colère, réservé au jour de la colère et des vengeances du Seigneur; secundùm autem duritiam tuam et impænitens cor tuum, thesaurizus tibi iram in die iræ et revelationis justi judicii Dei. (Ibid., 5.) Voilà comme le disciple s'expliquait sur l'obligation de la pénitence; voici ce qu'en a pensé le maître; c'est saint Luc (Cap. xii) qui nous l'apprendra; son récit est historique, il servira à soutenir votre attention.

Du temps que Jésus prêchait dans la Judée, Pilate qui gouvernait dans ce pays pour les Romains, irrité de la conduite de quelques Galiléens, les avait fait massacrer et mêler leur sang avec celui des victimes qu'ils immolaient. (Les uns pensent que ces Galiléens étaient des disciples de Juda ie Ca.omte, qui par sa doctrine disposait les Juifs à la révolte, en enseignant que c'était une impiété de payer des tributs à des idolâtres, et c'est le

eux :

sentiment le plus commun; d'autres en font des coupables d'une autre espèce, cela ne touche point à mon dessein.) Cette mort tragique fit pendant quelque temps la nouvelie du pays; on en parla au Sauveur, comme tous indifférente des choses qui ne sont rien moins les jours on nous rapporte d'une manière qu'indifférentes pour les mœurs. Jésus-Christ qui prenait occasion de tout pour rappeler ceux qui le suivaient à la grande affaire du salut, répondit: Pensez-vous que ces Galiléens fussent les plus grands pécheurs de toute la Galilée, parce qu'ils ont été traités de la sorte? Non, je vous en assure; mais si vous ne faites pénitence, vous périrez tous comme «Nisi pænitentiam habueritis, omnes similiter peribitis. » Croyez-vous aussi, ajoute Jésus salem, près de la fontaine de Siloé, qui sor(en parlant d'un autre malheur arrivé à Jérutait du pied de la montagne de Sion, croyezvous que ces dix-huit hommes sur lesquels la tour de Siloë cst tombée fussent plus redevables à la justice du Seigneur que tous les habitants de Jérusalem? Non, je vous l'assure; mais si vous ne faites pénitence, vous périrez tous de même: « seď si pœnitentiam non egeritis, omnes similiter peribitis. » Ne passons pas légèrement sur ces dernières. paroles, qui nous déclarent que nous périrons tous de même que ces hommes, si nous ne faisons pénitence.

Comment sont-ils morts ? les premiers, c'està-dire, les Galiléens, pleins de vie et de santé, innocentes que la loi permettait à ceux qui sont occupés à sacrifier et à prendre les joies

offraient une victime: Pilate donne des ordres, et dans l'instant, ils sont du nombre de ces hommes blessés à mort, qui dorment dans les sépulcres, dont le Seigneur ne se souvient plus et qu'il a rejetés de sa main: Sicut vulnerati dormientes in sepulcris, quorum non est memor amplius. (Psal. LXXXVII, 6.) Les autres, c'est-à-dire les malades assis près de la piscine salutaire, y sont venus chercher quelque soulagement, ils y trouvent un tombeau que le ciel leur avait creusé tout auprès. Il est donc à craindre, si nous ne faisons pénitence, qu'une mort subite ne nous surprenne dans le péché, sans nous donner le moment de nous reconnaître, et de remettre notre âme entre les mains du Seigneur. C'est ainsi que raisonnait saint Cyprien sur ces faits: Nisi pænitentiam, etc.

Ces hommes périssent, les uns par le glaive du prince, les autres sont accablés par la croient en sûreté. Il est donc à craindre, si chute d'un bâtiment auprès duquel ils se nous ne faisons pénitence, que nous ne trouvions la mort dans notre maison, dans notre lit, dans notre nourriture: il n'y a donc point de créature qui ne puisse, comme cette tour de Siloë, devenir pour nous entre les mains de Dieu un instrument de mort: Nisi pœnitentiam habueritis, omnes simul peribitis.

Ces hommes perdent la vie du corps; sans perdre peut-être celle de l'âme; et nous, si nous différons notre pénitence, hélas! c'est une mort éternelle, qui nous tiendra licu de pénitence c'est ainsi que s'explique saint

Bonaventure sur ces paroles: Nisi pœnitentiam habueritis, omnes similiter peribitis; « à moins que vous ne fassiez pénitence, vous périrez tous de même. » Il faut donc, Seigneur, que nous portions des fruits dignes de pénitence, que nous nous fassions violence à nous-mêmes; vous nous en donnez des exemples dans vos saints, vous en faites un cominandement des plus rigoureux à tous les hommes, une obligation fondée sur les raisons les plus solides.

Saint Luc les comprend presque toutes, en disant que saint Jean prêche la pénitence pour la rémission des péchés. Dans le péché il y a deux choses à considérer, la coulpe et la peine; la coulpe est cette tache que le péché imprime à notre âme, et qui subsiste jusqu'à ce que la grâce sanctifiante l'ait effacée. La peine est l'obligation qui nous reste de satisfaire à la justice de Dieu, lors même que la faute est pardonnée: cette coulpe et cette peine (je parle des personnes baptisées, parce que dans le baptême toutes les peines du péché sont remises avec le péché même; cette coulpe et cette peine ne peuvent se remettre que par la pénitence: la coulpe, par la pénitence intérieure; la peine, par la mortification extérieure encore: c'est-à-dire, mes frères, que quiconque est coupable d'un péché mortel doit le détester sincèrement, en gémir dans le fond de son âme, se convertir à Dieu du fond de son cœur, s'exciter à la douleur la plus vive par les jeunes et les larmes, former de généreuses résolutions pour l'avenir, porter le glaive spirituel de l'Evangile sur toutes les passions dont il était esclave, faire l'aumône, s'il est riche (car c'est là e détail dans lequel entre saint Jean-Baptiste à l'égard des personnes qui venaient le trouver), faire l'aumône de ses habits superflus dont le pauvre a besoin; donner cet argent que l'âpre avarice retenait dans ses coffres, s'interdire toute exaction, s'il manie les deniers publics, n'user de fraude ni de violence envers personne, se contenter de son salaire, s'il est au service de quelqu'un, renoncer à ses mauvaises habitudes, s'il est engagé dans quelques-unes, prendre les moyens de les déraciher, et produire de fréquents actes d'amour de Dieu. Voilà une idée de la pénitence intérieure qu'exige la justice divine pour obtenir la rémission de la coulpe: cette tache effacée, il est de foi qu'il reste encore des peines temporelles à subir, et que ce n'est qu'à cette condition que les peines de l'autre vie ont été remises, et quelles sont-elles, ces peines? je me tais ici, Seigneur, vos vengeances parleront pour moi; c'est le ciel, c'est le paradis terrestre qui vont nous instruire; ce seraient, si nous en avions le temps, les eaux d'un déluge universel, les pluies de souffre et de feu, les fléaux de la guerre et de la peste, les misères de la captivité.

Le premier des anges a une pensée de vanité, il se dit follement qu'il sera semblable au Très-Haut; cette pensée, il la communique à une partie de la milice céleste, et dans un instant il est précipité pour jamais dans l'abime: Rudentibus inferni detractos in Tarta

rum tradidit cruciandos. Si la justice du Seigneur usait de tous ses droits, elle pourrait encore exercer le même jugement sur tous les péchés d'orgueil et de vanité que nous avons commis; et combien n'en commettez-vous pas tous les jours, vous surtout jeunes personnes du sexe? Je sais que Dieu vous offre votre pardon dans le tribunal de la pénitence, mais ce pardon n'est accordé qu'à condition que la peine éternelle sera changée en une peine temporelle et si cela est, comme la foi nous l'enseigne, quelle satisfaction servira jamais à cet échange: Quam dabit homo commutationem pro anima sua? (Matth. xvI, 26.) Adam sollicité par sa femme porte-t-il la main au fruit défendu? sur-le-champ il est chassé du paradis terrestre, accablé de tous les anathèmes dont il avait été menacé en cas de désobéissance. Il est vrai, les maux dont il est environné le font rentrer en lui-même, et bientôt en la grâce du Seigneur; mais à quelles conditions? qu'il fera le reste de ses jours une pénitence rigoureuse et qu'il ne cessera de s'affliger de son péché. Comme Adam, vous avez été sollicité au mal, peut-être même avezvous eu assez d'imprudence pour en solliciter d'autres; comme lui vous avez donc aussi mérité d'être ignominieusement chassé de la présence de Dieu; vous vous êtes confessé, je le veux, mais en supposant vos confessions légitimes, votre peine éternelle n'a été que commué en une peine temporelle. Quelle sera donc cette peine, cette pénitence, ces jeunes, ces macérations de la chair qui seront équivalentes à cette peine échangée: Quam dabit homo commutationem pro anima sua ? A quelles austérités se condamneront ceux qui ont pé• ché mortellement? quelle pénitence feront même les saints pour les péchés moins griefs qu'ils commettent tous les jours? Moïse, l'ami de Dieu, en frappant le rocher commet une faute qui nous paraît légère, nous ne la verrions même point, si l'Esprit saint ne nous la faisait connaître; David, soit mouvement d'amour-propre, soit confiance dans les forces de ses sujets, ordonne le dénombrement de son peuple, il ne fait là qu'imiter la conduite que Dieu lui-même avait tenue quelques siècles auparavant; cependant quels sont les châtiments par lesquels Dieu lui fait expier son péché? la mort du premier, c'est la punition de son infidélité; soixante et dix mille sujets du second, moissonnés par le glaive d'un ange exterminateur, lui font comprendre qu'il y a un souverain maître en qui seul on doit mettre ses complaisances. Or nous commettons tous les jours des fautes semblables, elles échappent aux plus justes sans qu'ils s'en aperçoivent : quelle crainte les châtiments de ces saints ne doivent-ils pas nous inspirer, puisqu'ils sont la figure de ceux qui nous sont réservés? et si Dieu ne fait que les échanger en nous appliquant les mérites de son Fils, quelles peines, quelles prières, quels travaux, quelles aumônes pourront entrer en comparaison avec eux: Quam dabit homo commutationem pro anima sua? Oui, Seigneur, je le comprends enfin, je mérite que vous appesantissiez votre main sur moi, et

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