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à face; la joie dont leur cœur sera rempli sera éternelle, et rien ne pourra la troubler. Qu'elle est bien différente de celle à laquelle se livre le monde ! celle-ci est une joie insensée qui ne consiste que dans la folie des passions, une joie superficielle qui ne laisse dans le fond de l'âme que tristesse et qu'ennui, une joie si peu solide que la moindre égratignure peut l'enlever dans un instant; une joie inconstante et sans cesse contre-balancée par mille accidents divers, par les maladies, par les dissensions, par tous les maux inséparables de cette vie, une joie passagère, qui, à la mort, hélas! ne laisse que des regrets inutiles de s'y être livré; une joie enfin qui est le principe des pleurs amers que verseront les méchants pendant l'éternité voilà ce que c'est que la joie du monde. Peut-on lui en donner le nom? Celle, au contraire, que je promets à mes élus est une joie éternelle, une joie que rien ne pourra troubler, ni la douleur de la maladie, parce que dans le ciel, où ils la goûteront, les principes en sont détruits; ni la violence des hommes, parce qu'on y jouit d'une paix profonde; ni la crainte de la mort, parce qu'elle a perdu son aiguillon pour l'autre vie: Gaudium vestrum nemo tollet a vobis.

Ah! qu'il est consolant pour nous, mon cher auditeur, d'entendre ces promesses magnifiques il faudrait une éternité de douleurs pour mériter une éternité de joie, et cette éternité de joie est le prix attaché à l'affliction d'un moment; que cette pensée est douce! qu'elle est capable de nous soutenir dans les peines de la vie présente! si vous faisiez bien avec moi les réflexions suivantes, auriezVous encore pour les souffrances la même répugnance que vous avez eue jusqu'à ce jour? Si je veux souffrir toutes les peines de mon état, les souffrir en vue de Dieu et pour mon salut, le Seigneur paraîtra à la fin des siècles dans toute sa gloire, en découvrira l'éclat à mon âme, il la comblera d'un bien dont rien ne pourra diminuer le sentiment. Je serai infiniment heureux dans mon âme et dans mon corps, je ne me rappellerai mes souffrances que pour m'en réjouir et bénir le Seigneur de m'avoir donné la patience pour les supporter; je chanterai pendant tous les siècles les louanges de cet être suprême avec la milice céleste, mon corps brillera comme les étoiles du firmament, je serai exempt de ces maux infinis pour lesquels les méchants sont réservés, je posséderai des biens que l'homme ne peut comprendre, et pourquoi? pour une tribulation légère, pour la peine d'un moment. Non, il n'est pas la moindre affliction par laquelle je ne puisse mériter le ciel, si je la souffre en esprit de patience; je puis la mériter en supportant avec patience mauvaise humeur des personnes avec lesquelles je suis obligé de vivre; une indisposition passagere telle que serait une insomnie, un accès de fièvre et des maux incomparablement plus petits encore; en me privant de ce qui me ferait plaisir dans le boire et le manger, et qui ne me serait pas nécessaire, en un mot, par tout ce qui peut mortifier ou ré

volter en nous les sentiments de la nature. L'avons-nous bien compris, mes frères? une éternité pour un moment! des torrents de délices pour des larmes que Dieu promet d'essuyer! un poids immense de gloire pour des humiliations d'une durée si courte! un repos éternel pour le travail d'un instant! le ciel conquis pour une terre méprisée ! la possession du souverain bien pour quelques années d'épreuves ou quelques mois de disgråces! les richesses de Dieu, Dieu lui-même devenu la récompense de l'homme souffrant! quel précieux avantage des souffrances; c'est cependant celui que le grand Apôtre voyait et faisait apercevoir aux fidèles, pour les encourager à souffrir. Non, leur disait-il, nous ne perdons courage ni dans la maladie, parce qu'elle nous annonce la dissolution de ce corps mortel qui nous montre un asile où on jouit d'un jour sans nuages, et un port où on ne craint rien de la tempête: ni dans les travaux de la pénitence, parce qu'elle opère un salut stable, le seul bien que nous ayons à désirer; ni dans les tourments, parce que nous sommes nourris de cette pensée, que le ciel est un édifice spirituel, que nous en sommes les pierres vivantes, que ces pierres ne sont placées dans ce sublime édifice qu'après avoir été ici-bas polies et ciselées par le marteau des souffrances et des afflictions; rien en un mot ne peut nous faire perdra courage; plus en nous l'homme extérieur se détruit, plus l'homme intérieur se renouvelle: Non deficimus, sed licet is qui foris est homo corrumpatur, tamen qui intus est, renovatur de die in diem. (II Cor. iv, 16.) Pourquoi? parce que nous savons que le moment si court et si léger de notre tribulation, produit en nous le poids éternel d'une gloire souveraine et incomparable: Id enim quod in præsenti est momentaneum et leve tribulationis nostræ supra modum in sublimitate, æternum gloriæ pondus operatur in nobis. (Ibid., 17.) Remarquez toutes ces expressions, s'il vous plaît, chacune renferme un motif de consolation qui lui est propre. Qu'est-ce que les afflictions de cette vie suivant l'Apôtre? les plus longues ne durent qu'un instant, si vous les comparez à l'éternité; momentaneum: les plus amères deviendront douces, si vous pensez à celles dont elles vous exemptent dans l'autre vie; leve: à ces afflictions légères répond une gloire d'un poids immense; gloriæ pondus operatur : cette gloire n'est point une gloire qui passe avec ce monde; elle est toute céleste et toute divine; in sublimitate: cette gloire se communique sans mesure et sans fin, supra modum: c'est au dehors que nous en serons environnés, c'est au dedans que notre âme sera remplie; operatur in nobis. Qui ne voudrait à un prix si vil acquérir un trésor si précieux ? comprenez-vous enfin, mon cher auditeur, ce que saint Paul disait ailleurs, que les souffrances de cette vie n'ont point de proportion avec cette gloire qui sera un jour découverte en nous? qu'il n'est point de chaînes assez pesantes, point de prisons assez affreuses, point de glaives assez tran

chants, point de chevalets assez gênants, point de fournaises assez ardentes pour mériter le ciel Non sunt condigna passiones hujus temporis ad futuram gloriam quæ revelabitur in nobis. (Rom. vIII, 18.) Considérez-le donc, ce jour heureux, pour vous soutenir dans les peines de votre exil; pensez bien, comme ont fait tous les saints, que dans cette patrie céleste il n'y aura plus de pleurs, plus de cris, plus de douleurs, et vous vous trouverez disposés à tout souffrir. En effet, Moïse jette-t-il les yeux sur cette récompense? il devient insensible aux rigueurs auxquelles sa désertion va l'exposer. David regarde-t-il la rétribution qui lui est promise? il est prêt à souffrir tous les châtiments que mérite son péché. La mère de ces sept enfants dont il est parlé dans le second livre des Machabées (cap. vII), élève-t-elle les yeux vers le ciel? cette pensée la touche, et elle offre à son divin maître tous ses enfants à la fois sans hésiter un moment à lui faire ce grand sacrifice du fond de ses entrailles. Lorsqu'il ne lui en restait plus qu'un, que le cruel Antiochus avait inutilement tenté de gagner par ses caresses, ce tyran l'appela, et l'exhorta à inspirer à ce fils des sentiments plus salutaires que n'en avaient eu les six premiers qu'elle venait de voir mourir à ses yeux: après donc qu'il lui eut dit beaucoup de choses pour la persuader, elle lui promit d'exhorter son fils. Qui n'eût cru, demande saint Augustin, après l'avoir entendue ainsi parler, qu'elle allait dire à son enfant : consentez, mon fils, à ce que demande Antiochus, et ne soyez pas si dur que d'abandonner votre mère? Mais qu'elle est éloignée d'un tel langage! que sa conversation est remplie de piété ! qu'elle est digne d'une vraie mère! Qualis collocutio! quam pia! quam materna! Mon fils, lui ditelle, ayez pitié de moi qui vous ai porté neuf mois dans mon sein, qui vous ai nourri de mon lait pendant trois ans, et qui vous ai élevé jusqu'à cet âge où vous êtes: ne diminuez pas, mon fils, le nombre de mes couronnes; soyez uni à vos frères dans les souffrances du martyre,comme vous l'avez été dans les entrailles qui vous ont enfanté; que la vertu ne vous rende pas moins frère que la nature; ne faites pas qu'étant mère de sept enfants, je ne la sois que de six martyrs; ah! je vous en conjure, mon fils, regardez, mon fils, regardez le ciel avec les biens immenses qui vous y attendent; regardez la terre avec toutes les misères que vous quittez : Peto, nate, ut aspicias ad cœlum et terram: vous comprendrez que ce bourreau va vous délivrer de bien des maux, pour vous rendre éternellement heureux, et que jamais personne ne pourra vous procurer un plus grand bonheur, et qu'au lieu de le craindre, il est digne de votre amour: ita fiet ut non timeas carnificem istum.

Permettez, mes frères, que je vous adresse les mêmes paroles; l'exemple de Jésus-Christ et de ses saints vous invite à souffrir, il est pour nous tons d'une obligation indispensable de nous conformer à leur exemple. Les souffrances peuvent être quelquefois le sujet d'une

violente tentation de murmure et d'impatience Hél combien n'en voyons-nous pas tous les jours que la pauvreté, la maladie, un mariage mal assorti jettent dans l'abattement et le désespoir! Ah! je vous en'conjure, vous tous pour qui je crains le découragement, considérez le ciel qui va s'ouvrir à vous et qui va mettre fin à vos maux: Peto, nate, ut aspicias ad cælum. Considérez les misères de cette vie dans leur brièveté; et par rapport au bien qu'elles vous procurent, que sont-elles en comparaison de l'éternité? Peto, nate, ut aspicias ad cœlum et terram: alors rempli d'un nouveau courage, vous direz avec ce jeune martyr que sa mère exhortait:

Il est juste, Seigneur, que je souffre pour mes péchés; tous mes frères qui sont au jourd'hui les citoyens du ciel, ne sont entrés dans l'alliance d'une vie éternelle, qu'après avoir supporté les douleurs passagères de cette vie ; j'abandonne volontiers à leur exemple mon corps et mon âme pour la défense des lois de mes pères; ceux qui se réjouissent aujourd'hui, il les contraindra par des tourments éternels à confesser qu'il est le seul Dieu; mais sa colère qui est justement tombée sur moi, finira à ma mort, et ma tristesse sera changée en une joie éternelle : c'est, mes frères, la grâce que je vais demander pour vous au Seigneur, par le sacrifice de l'Agneau immolé dès le commencement du monde. HOMÉLIE XXV.

ÉVANGILE DU QUATRIÈME DIMANCHE APRÈS
PAQUES.

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples: Maintenant je m'en vais à celui quim'a envoyé, et aucun de vous ne me demande où je vais. Mais parce que je vous ai dit ces choses, votre cœur est rempli de tristesse. Cependant je vous ai dit la vérité; il vous est utile que je m'en aille; car si je ne m'en vais point, le consolateur ne viendra point à vous; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai. Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde touchant le péché, touchant la justice, touchant le jugement; touchant le péché, parce qu'ils n'ont point cru en moi; touchant la justice, parce que je m'en vais à mon Père et que vous ne me verrez plus; et touchant le jugement, parce que le prince du monde est déjà jugé. J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter présentement. Quand l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité. Car il ne parlera pas de lui-même; il vous dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. C'est lui qui me glorifiera, parce qu'il recevra de ce qui est à moi, et il vous l'annoncera. Tout ce que mon Père a est à moi; c'est pourquoi je vous ai dit qu'il recevra de ce qui est à moi,et qu'il vous l'annoncera. (Joan. xvi, 5-15.)

Sur la preparation à la fête de la Pentecôte.

Cette nouvelle intéressante du départ de Jésus-Christ, et de son retour à son père éternel, ne remplit-elle pas vos cœurs de tristesse comme celui des apôtres? c'est un bon

maître qui va quitter ses chers disciples; c'est un excellent médecin qui laisse.des malades désespérés sans son secours; c'est un puissant protecteur qui se sépare de ses pupilles encore faibles et exposés à mille dangers, où ils périront sans son assistance? c'est un Homme-Dieu qui nous aime au point de nous appeler ses frères et ses amis: ô la cruelle séparation pour ceux qui, comme les apôtres, n'en pénétreraient point le motif! mais aussi qu'elle devient consolante, lorsqu'on réfléchit aux raisons qui rappellent notre Sauveur à son Père; il ne va à son Père que pour nous y préparer une place, et pour être notre médiateur auprès de son Père; il ne soustrait à nos yeux son humanité visible, que pour nous envoyer visiblement l'Esprit-Saint; et pourquoi nousl'envoie-t-il? c'est, mes frères, pour convaincre le monde c'est pour nous convaincre nous-mêmes de la corruption générale qui règne parmi les hommes, et dans nos propres cœurs; c'est pour nous donner une idée de la vraiejustice; c'est pour nous faire connaître les jugements du Seigneur, pour dissiper nos erreurs, et manifester la gloire de JésusChrist, obscurcie jusque-là par les humiliations de sa croix. Voilà les principaux avantages qu'il veut procurer à son Eglise en retournant à son père.

Ah! si nous concevions quelle est l'excelJence de ces biens, loin de nous affliger du départ de notre divin Sauveur, nous nous en réjouirions pour lui et pour nous; nous dirions avec l'Epouse du Cantique: Retournez, mon bien-aimé, jusqu'à ce que le jour commence à paraitre, et que les ombres se dissipent; retournez et soyez semblable au chevreuil et au faon des cerfs qui courent sur les montagnes de Bether: « Donec aspiret dies et inclinentur umbræ revertere, similis esto, dilecte mi, capreæ hinnuloque cervorum super montes Bether.» (Cant. ii, 17.) Nous gémirions de rester plus longtemps dans cette vallée de larmes, nous soupirerions après le ciel, nous en concevrions les désirs les plus vifs; en un mot, nous entrerions dans les vues du Sauveur, et nous préparerions nos esprits et nos cœurs à recevoir son Esprit-Saint; car c'est à quoi il disposait déjà ses apôtres dans notre Evangile.

Que ne fit-il pas encore après sa résurrection, pour les y préparer plus prochainement? Il employa, dit saint Luc, les quarante jours qui s'écoulèrent depuis ce moment jusqu'à celui de son ascension, à leur parler du royaume des cieux; il leur inspira ensuite le dessein de se retirer dans le Cénacle, et de s'y occuper de la prière pendant l'espace de dix jours; de sorte qu'on peut dire que le temps qui se passa depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte, fut une continuelle préparation à cette dernière solennité. Ah! ils savaient ces saints, que ce n'était pas à un homme, mais à Dieu qu'ils préparaient une habitation; et pour la rendre digne de lui, ils portaient vers le ciel toutes leurs pensées et tous leurs désirs. Imitons-les donc, mon cher auditeur, et commençons au moins aujourd'hui à préparer notre âme à la réception de ce divin hôte qui

nous est promis. Apprenons dans ce discours quelles sont pour cela les dispositions nécessaires, vous le verrez dans mon premier point. Considérons ensuite les effets que produit l'Esprit-Saint dans une âme bien disposée, vous le verrez dans mon second point; et par là vous comprendrez les puissants motifs que vous avez de vous disposer sans retard à la solennité de la Pentecôte.

Sans votre assistance, Esprit-Saint, nous ne pourrions pas même prononcer le nom de Jésus, et bien moins instruire les esprits et toucher les cœurs daignez donc purifier mes lèvres, et joindre l'onction de votre grâce à la force des paroles que vous me suggérerez, nous vous le demandons par les mérites de celui par qui vous nous sanctifiez.

PREMIER POINT.

Le Consolateur que nous attendons est Esprit, et il mérite d'être adoré en esprit et en vérité; il est le Seigneur souverain de toutes choses, et son droit est que nous lui fassions hommage de tout ce que nous sommes, de notre être, de notre vie, et de tous les mouvements de notre cœur. Il est vrai Dieu avec le Père et le Fils, et tous les sentiments d'amour, de respect, de désir, de crainte et de confiance que nous témoignons aux deux premières personnes, sont également dus à la troisième, et nous disposent à la recevoir en nous. Cependant il en est deux qui sont plus nécessaires et que nous marque notre Evangile; c'est la sainteté de nos pensées et la pureté de nos affections; c'est donc sur ces deux dispositions que nous devons insister spécialement dans la première partie de ce discours; n'en échappez rien, s'il vous plaît, parce qu'il peut vous donner une haute idée de vos devoirs et de la perfection chrétienne.

Maintenant je m'en vais à celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne me demande où je vais « Vado ad eum qui misit me, et nemo ex vobis interrogat me quo vadis. »

Que signifie ce reproche que Jésus-Christ fait aujourd'hui à ses apôtres, qu'ils ne lui demandent pas où il va? il signifie que la curiosité qui concerne le ciel et les choses du ciel, est non-seulement permise, mais même d'o bligation, que notre divin Maître désire nous en entretenir, et veut que nous nous en entretenions avec lui: ce reproche, pourquoi le fait-il dans le temps même qu'il prépare le cœur de ses disciples à recevoir l'Esprit-Saint? c'est pour nous faire comprendre que l'oubli de la terre, l'étude de la religion, l'attention à ses mystères, en un mot, la sainteté de nos pensées est la première disposition nécessaire à la réception de ce divin hôte qui vient habiter dans nos cœurs; c'est ce que nous marque le Livre de la sagesse (1, 1-5) d'une manière plus claire et plus précise encore: Juges de la terre, y est-il dit; aimez la justice, ayez des sentiments dignes du Seigneur; et prenez garde surtout de le chercher avec un cœur droit, avec un esprit pur et sans tache. Malheur à vous si vous le cherchiez avec d'autres dispositions! vous ne pourriez jamais le trouver, pourquoi? parce que les pensées corrom

pues séparent de Dieu, ceux mêmes .qui lui étaient unis auparavant : Perversæ cogitationes separant a Deo. Comment donc l'EspritSaint qui est Dieu, viendrait-il faire sa demeure dans votre cœur qui en est séparé, s'il ne voit en vous que pensées mauvaises? il est la sagesse par essence, et la sagesse, parce qu'elle est la bonté même, et qu'elle hait tout ce qui lui est contraire, ne peut entrer dans une âme maligne; et la sagesse, parce qu'elle est la sainteté même, parce qu'elle déteste autant le péché qu'elle aime la justice, parce qu'il est impossible que la souveraine pureté et la souveraine impureté demeurent ensemble, ne peut habiter dans un corps assujetti au péché: In malevolam animam non introibit sapientia, nec habitabit in corpore subdito peccatis. Enfin il est le principe de toute lumière et de toute connaissance, et par conséquent il fuit le déguisement, il se retire des pensées qui sont sans intelligence, qui n'ont pas pour règle la lumière de la raison et de la foi: Spiritus sanctus disciplinæ effugit fictum, et aufret se a cogitationibus quæ sunt sine intellectu. Il faut donc, pour mériter que ce divin Paraclet vienne habiter en nous, n'avoir de pensées que celles qu'autorise sa raison éclairée de la foi, c'est-à-dire, mes chers frères, que notre conversation doit être dans le ciel, que nous devons y habiter d'esprit et de cœur en attendant l'heureux moment où nous pourrons y habiter de corps et d'âme, c'està-dire, que le ciel doit être le principe de tous nos desseins, la règle de nos délibérations, la fin de nos projets; et que la connaissance de Dieu et de notre sainte religion doit faire le principal objet de notre étude; que nous devrions être continuellement occupés de cette pensée, que Jésus-Christ notre chef est allé vers son Père, qu'il y est allé pour nous préparer une place, qu'il fait à la droite de son Père la fonction d'avocat et de médiateur pour nous; que nous sommes étrangers dans ce monde, que nous n'avons point de patrie ici-bas, que le ciel est l'unique demeure. que nous puissions rechercher; voilà quelle devrait être la première occupation de notre esprit.

Mais, hélas! combien n'y en a-t-il pas parmi nous qui méritent bien plus que les apôtres ce reproche que Jésus-Christ leur faisait! Nemo ex vobis interrogat me quo vadis. Le défaut général de notre siècle est d'être trop curieux de savoir ce qu'on peut et ce qu'on doit ignorer, et trop peu curieux de connaître ce qu'on devrait savoir, d'avoir du temps à donner aux sciences profanes, et de n'en trouver jamais lorsqu'il s'agit d'étudier la science des saints. Vous avez le temps, hommes de lettres, de vaquer aux recherches stériles d'une vaine philosophie, de lire et de critiquer les autres; de vous perfectionner dans les connaissances humaines, et d'approfondir les langues, de charger votre mémoire de faits anciens, et de fixer les époques des temps, de débrouiller le chaos de l'histoire des siècles, et de rechercher des anecdotes inconnues jusqu'à vous; et vous n'avez pas le temps de vaquer à la philoso

phie chrétienne, et de vous nourrir de la et des de croitre dans la

science du salut, et de vous pénétrer de ses principes, d'étudier la vie des saints, et de vous en rappeler la mémoire dans le temps de la tentation, et lorsqu'elle serait plus nécessaire pour vous exciter à la vertu Vacat tibi ut philosophus sis, non vacat ut sis Christianus. (S. PAULINUS.) Vous avez le temps, hommes superstitieux, de chercher à connaître l'avenir, de vous enfoncer dans ses obscurités par le moyen du sort, de la magie et d'un commerce sacrilége avec le prince des ténèbres; et vous n'en avez pas pour vous occuper de vos fins dernières, de la mort qui s'avance vers vous, du jugement terrible où il vous faudra rendre compte de l'emploi que vous faites de tous vos moments, et de l'éternité bienheureuse ou malheureuse qui suivra ce jugement: Vacat tibi ut philosophus sis, non vacat ut sis Christianus. Vous avez le temps, hommes sans charité, d'examiner la conduite de votre prochain, de découvrir ce qu'il y a dans sa vie de plus intérieur et de plus caché, d'apprendre des secrets qui ne vous concernent point et qu'on n'a pu vous communiquer sans crime; et vous n'avez pas le temps de vous examiner vous-mêmes, de rentrer dans votre cœur pour en connaître les inclinations, et d'apprendre vos devoirs les plus essentiels: Vacat tibi ut philosophus sis, non vacat ut sis Christianus. Vous avez le temps, hommes inutiles à l'Etat et à l'Eglise, de courir le matin dans un quartier de la ville pour y apprendre des nouvelles que vous irez raconter le soir dans un autre, de disputer des intérêts des princes, du mérite de leurs ministres, de la valeur de leurs troupes, des intrigues de leur cabinet; et vous n'avez pas le temps d'assister au sacrifice de nos autels, d'entendre un sermon où on vous annonce l'heureuse nouvelle du royaume des cieux, de contempler les perfections de votre Dieu, et la gloire des ministres qui l'environnent: Vacat tibi ut philosophus sis, non vacat ut sis Christianus. Vous avez le temps, filles du siècle, de penser à une beauté passagère qui n'est aperçue que de vous seules, de parer une frêle statue dont vous êtes les premières idolâtres; de travailler à orner un corps qui se dissout et qui retourne dans le néant d'où il a été tiré; et vous n'avez pas le temps d'orner votre âme qui est immortelle, de l'enrichir des dons précieux de la grâce, de vous former à la pudeur, à la modestie, et aux autres vertus de votre sexe: Vacat tibi ut philosophus sis, non vacat ut sis Christianus. Vous avez le temps, jeunesse dissipée, de penser à l'objet qui vous enchante, au jeu qui vous dissipe, aux compagnies qui vous amusent, à une vile créature qui séduit votre cœur; et vous n'avez pas le temps de penser à la folie de ce jeu pour vous en-détacher, au danger de ces compagnies pour les éviter, à la honte de votre servitude pour en rompre les liens, et pour rendre à votre âme la liberté que lui ôte la passion Vacat tibi ut philosophus sis, non vacat ut sis Christianus.

qui

:

si je ne m'en vais point, le Consolateur ne viendra point à vous; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai: « Sed ego veritatem dico vobis: expedit vobis ut ego vadam, si enim non abiero, Paracletus non veniet ad vos; si autem abiero, mittam eum ad vos.»· Comme si Jésus-Christ disait,» reprend saint Augustin : « Il faut que cette forme de serviteur dont je me suis revêtu soit ôtée de devant vos yeux, quoique je me sois fait chair, étant le Verbe de Dieu, pour demeurer parmi vous; je ne veux pas que vous continuiez à m'aimer d'une manière charnelle, et que, vous contentant de la nourriture de ce premier lait, vous soyez toujours comme des enfants; si je ne vous ôte cet aliment dont je vous ai nourris dans votre faiblesse, vous ne désirerez point une nourriture plus solide; si vous demeurez attachés charnellement à la chair, vous ne serez point susceptibles de l'Esprit: Nolo me carnaliter adhuc diligatis... si carni carnaliter hæseritis, capaces Spiritus non eritis. » Voilà le commentaire qu'a fait saint Augustin sur cet endroit de l'évangéliste, et qui va nous faire comprendre combien pur doit être notre amour pour recevoir le Saint-Esprit.

Nous trouvons tout le temps de vaquer à nos intérêts temporels, de former des projets de fortune, d'inventer des moyens d'agrandir l'héritage de nos pères, et de nous élever à un rang supérieur à celui de notre naissance; et nous en manquons lorsqu'il s'agit des intérêts de notre conscience, d'en connaître l'état, d'en purifier les taches par une bonne confession, de former de saintes résolutions pour l'avenir, de thésauriser pour l'éternité Vacat tibi ut philosophus sis, non vacat ut sis Christianus. O aveuglement! ô stupidité de l'homme! la nature ne lui a donné des yeux que pour les élever vers le ciel, et il ne veut voir que la terre vers laquelle il se tient courbé; elle lui a donné un cœur dont les vastes désirs ne peuvent être satisfaits que dans le ciel, et il ne conçoit de désirs sincères que pour les biens de ce monde, il ne s'occupe de rien moins que de ce qui concerne son salut et sa religion. Le juste meurt sur une croix pour nos péchés; et nous n'y réfléchissons pas; il ressuscite glorieux pour opérer notre justification en affermissant notre foi, et nous n'y faisons pas attention; il monte ensuite vers son Père; et personne de nous ne lui demande où il va. L'esprit des apôtres dans notre Evangile n'était occupé que de la perte temporelle qu'ils allaient faire, parce que Jésus-Christ leur avait prédit les choses fâcheuses qu'ils auraient à souffrir de la part des hommes, leur cœur était rempli de tristesse: Quia hæc locutus sum vobis, tristitia implevit cor vestrum: c'est ce qui nous arrive aussi : Un esprit timide ne voit que les maux dont il est menacé, celui d'un homme attaché aux biens du siècle n'est rempli que d'idées de fortune et de gain; celui d'un voluptueux a toujours présent l'objet qui le captive; l'imagination d'un ambitieux n'est frappée que de l'éclat des grandeurs humaines; chacun de nous a sa passion dominante, et cette passion est comme le centre où viennent aboutir nos pensées, et sembla

les aux inclinations de notre cœur, elles sont presque toutes impures, ambitieuses, vaines et intéressées, basses, indignes de l'humilité, incompatibles par conséquent avec la présence de l'Esprit-Saint. De quel droit oserions-nous donc prétendre à sa réception, nous, mes frères, qui rampons sur la terre; nous qui refusons de nous élever au-dessus de nous-mêmes et de tout ce qui nous environne? Ah! mes frères, je vous en conjure, cessons enfin de nous inquiéter de ce qui ne passe point ce siècle, portons nos pensées et nos esprits jusque dans l'éternité : considérons Jésus-Christ assis à la droite de son Père, occupons-nous de la place qu'il est allé nous y préparer et de tout ce qui nous y conduit; vívons, comme les justes, de la vie de la foi, en rapportant tout à notre fin dernière; voilà, mes frères, la première disposition pour recevoir le Saint-Esprit, la sainteté des pensées.

La seconde, qui est la pureté des affections, nous est marquée par les paroles suivantes de notre Evangile Cependant je vous dis la vérité : il vous est utile que je m'en aille, car

Pourquoi, selon la pensée de ce saint Docteur, était-il utile que Jésus-Christ s'en allat? est-ce peut-être parce qu'ils étaient trop attachés à eux-mêmes? est-ce qu'ils conservaient quelques liaisons criminelles dans leurs cœurs? Non, mes frères, ce n'est pas là le défaut de leur amour nous savons par l'Evangile qu'ils étaient dès lors assez détachés du monde et d'eux-mêmes, pour vouloir aller avec Jésus-Christ à la vie ou à la mort. Quel pouvait donc être ce défaut? Le voici : Ils voyaient en Jésus-Christ un bon père qui les chérissait, un maître profond qui éclairait leurs ténèbres, un protecteur puissant qui pourvoyait à leurs besoins, un descendant de David, dont la modestie, la douceur, l'humilité, la simplicité, la bonté les édifiaient, et ces vertus humaines étaient presque tout ce qu'ils aimaient en Jésus-Christ; ils le considéraient souvent comme homme, rarement comme leur Dieu et l'objet de leurs adorations, au lieu qu'il fallait moins considérer ce divin Sauveur selon la chair et son humanité, que selon l'esprit et sa divinité. Oui, quelque vif et quelque ardent que fût leur amour pour leur aimable Maître, il avait deux défauts, l'un de lui être trop attachés comme homme, et l'autre de ne lui être pas assez attachés comme Dieu; et c'est pour les corriger que Jésus-Christ monte au ciel, c'est afin qu'ils s'accoutument à ne le voir que des yeux de la foi, et qu'ils se disposent à recevoir le Saint-Esprit par la délicatesse de l'amour; voilà pourquoi il était expédient que Jésus-Christ montât au ciel.

Faisons-nous l'application de ces remarques, mon cher auditeur, l'amour trop humain qu'ont les apôtres pour Jésus-Christ est un obstacle à la descente de l'Esprit-Saint sur eux. Que penserons-nous donc des amitiés qui règnent parmi nous? où en trouveronsnous d'assez pures pour être compatibles avec la présence de l'Esprit sanctificateur? L'amour mutuel qu'ont, par exemple, deux

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