Images de page
PDF
ePub

DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TROISIÈME VOLUME DES OEUVRES COMPLÈTES DE THIÉBAULT.

Homélies sur les Evangiles des dimanches et des principales fêtes de l'année.
Homélies spéciales sur les Evangiles de quelques fêtes principales de l'année.
Exhortation à le charité.

[merged small][ocr errors]

Col. 9

983

1149

hoprimerie MIGNE, au Petit-Montrouge.

[blocks in formation]

Depuis le moment où la mort vint frapper l'illustre Pasteur qui nous gouvernait, et répandre l'effroi dans le timide troupeau, nous conjurions le Souverain Pontife de nos âmes de donner à notre Eglise un époux qui essuydt les larmes de sa viduité: nos vœux ont enfin été exaucés, et méme au delà de nos espérances; le Dieu d'Israël s'est souvenu de ses miséricordes, et nous a préparé un digne chef dont la présence fera bientôt notre douce consolation, comme elle fait dès aujourd'hui l'objet de nos souhaits les plus sincères.

Nous demandions un Pasteur qui eût la justesse de l'esprit, la solidité du jugement, une profonde connaissance des choses divines; et la renommée qui vous précède, Monseigneur, nous apprend que Votre Excellence réunit en un degré éminent tous les talents qui font le philosophe chrétien; l'habile jurisconsulte, le théologien profond, le fidèle interprète, un savant de la science des saints, une lumière du monde.

Nous demandions un Pasteur qui allât répandant partout la bonne odeur de Jésus-Christ, touchant les uns par l'efficace de la parole, les autres par la force de l'exemple; et les larmes éloquentes de deux peuples qui regretteront toujours votre gouvernement, pour en avoir quelque temps éprouvé la sagesse, nous disent, Monseigneur, que, doué de tous les vertus, vous excellez dans celle qui en est la base nécessaire, le généreux mépris des vains honneurs du siècle.

Autrefois le docteur des gentils, ce modèle qui vous est toujours présent, voulant convaincre certains faux frères, disait : quel avantage ont-ils dont je ne pourrais me flatter si j'écoutais la voix de la chair? « sont-ils Hébreux? je le suis aussi; sont-ils Israëlites? je le suis aussi; sontils de la race d'Abraham? j'en suis aussi. » (II Cor. x1, 22.) Vous pourriez, Monseigneur, dire la

OKOVRES COMPL. DE THIÉBAUT. III.

1

[ocr errors]

méms chose à tant d'hommes que nous voyons encore épris des grandeurs humaines dans le sein du christianisme.

Et certes, sont-ils jaloux de l'antiquité de leur nom? le vôtre remonte jusqu'à l'établissement de la monarchie française, le titre de premier baron chrétien, qu'ont incontestablement pris vos ancêtres, en est une preuve authentique.

Se glorifient-ils de leurs alliances ? les plus illustres maisons du royaume se sont fait gloire d'en contracter avec la vôtre, et votre sang s'est souvent mêlé avec celui de la plupart des Maisons souveraines de l'Europe.

Font-ils le pompeux dénombrement des exploits de leurs aieux? nommer les vôtres, c'est nommer des connétables, des maréchaux, des amiraux, des grands-maîtres, de grands chambellans, des héros; les grands-officiers de la couronne et les grands hommes de guerre ne sont dans aucune maison en aussi grand nombre que dans la vôtre.

Cependant ce grand éclat n'a rien de grand, rien d'éblouissant pour vous. Saint Paul, après avoir dit qu'il pouvait prendre avantage de ce qui est charnel, ajoutait : Ce que je considérais comme un gain et un avantage dans le judaïsme, m'a paru depuis, regardant Jésus-Christ, un désavantage, une perte (Philipp. III, 7): héritier du même esprit, vous pensez, Monseigneur, et vous parlez comme ce grand Apôtre, vous oubliez tout ce qui vous élève aux yeux des hommes pour vous souvenir uniquement de ce qui vous abaisse aux yeux de Dieu; si quelquefois vous vous rappelez votre auguste qualité d'Evêque et de prince de l'Eglise, ce n'est que pour vous opposer au monde avec plus de fermeté, pour chercher les intérêts de Dieu et de l'Eglise avec plus de charité, pour user des biens fugitifs de ce monde avec une modération toujours plus exacte. (II Tim. 1,7 seqq.)

Voilà, Monseigneur, les choses admirables que la renommée nous dit de votre humilité, et de ce rare mérite que tous les efforts de la modestie ne peuvent renformer sous le boisseau.

Est-il donc surprenant que ma raison et mon cœur s'accordent pour vous offrir le cours d'Homélies que je soumets à la censure publique? A qui convient-il mieux de le présenter qu l'Ange tutelaire de l'Eglise dans laquelle je travaille, et au juge-né de la doctrine qui s'y enseigne?

Recevez donc, Monseigneur, le sincère et respectueux hommage que je vous en fais.
Je suis avec un respect très-profond,

Monseigneur,

De Votre Excellence

Le très-humble et très-obéissant serviteur,

THIÉBAUT.

PREMIÈRE HOMÉLIE., ÉVANGILE DU PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT. En ce temps-là Jésus dit à ses disciples: lly aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles; et sur la terre les nations seront dans l'abattement et dans la consternation, la mer faisant un bruit effroyable par l'agitation des flots: et les hommes sécheront de frayeur dans l'attente des maux dont tout le monde sera menacé, car les vertus des cieux seront ébranlées, et alors ils verront le Fils de l'homme qui viendra sur une nuée avec une grande puissance et une grande majesté. Pour vous, lorsque toutes ces choses commenceront d'arriver, regardez en haut et levez la tête, parce que votre rédemption est proche. Il leur proposa ensuite cette comparaison: Considérez, dit-il, le figuier et les autres arbres lorsque vous voyez qu'ils commencent à pousser, vous reconnaissez que l'été est proche. Ainsi lorsque vous verrez arriver ccs choses, sachez que le royaume de Dieu est proche. Je vous dis en vérité que cette génération d'hommes ne finira point que tout cela ne soit accompli. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. (Luc. XXI, 25-35.)

Sur le jugement dernier.

La crainte, la confiance, voilà, mes Frères, les deux vertus dont l'Evangile nous inspire les sentiments les plus vifs. Toutes les nations dans l'abattement, les cieux ébranlés, les astres obscurcis, la mer élevant ses ondes irritées, le feu qui dissout les éléments, l'univers en flammes, le triste spectacle ! spectacle bien propre à jeter la terreur dans les esprits! Mais aussi un moment qui annonce à de misérables captifs leur délivrance prochaine, à de malheureux exilés leur rentrée dans l'ancienne patrie, le doux moment! le moment bien capable d'inspirer les sentiments de la joie la plus pure.

Notre Evangile nous montre tout cela et bien plus que tout cela; il vous montre, pécheurs, sous l'idée de ce bouleversement général, des créatures qui se soulèveront contre vous, une conscience qui sera tout à la fois accusatrice, témoin, juge contre vous; un Dieu qui étend son bras pour punir vos crimes sans miséricorde. Voilà ce qu'il vous montre et ce qui doit vous faire trembler bien plus que la confusion des éléments. Il vous montre, justes, la fin d'une vie qui vous afflige et le commencement d'une autre, suivie et accompagnée d'un bonheur éternel. Voilà ce qu'il vous découvre et ce qui doit répandre dans votre âme bien plus de consolation que toutes les espérances temporlles; Il nous montre à tous le moment décisif, le moment où le Seigneur prononcera sur notre

éternité bienheureuse ou malheureuse, c'est celui du jugement dernier. Que ce moment doit donc nous inspirer de crainte et de confiance ! C'est dans ce dessein que Jésus-Christ n'a cessé d'en parler, c'est dans ce dessein que l'Eglise vous en parle au commencement et à la fin de son année, c'est dans ce dessein que je vais vous en entretenir. Le jugement dernier sera un moment terrible pour; le pécheur, vous le verrez dans mon pregement consolant pour le juste, vous le verrez mier point. Le jugement dernier sera un judans mon second point. Apprenons de l'un et de l'autre à craindre Dieu, à espérer en Dieu et à perfectionner cette crainte et cette espérance par la pratique des bonnes

œuvres.

PREMIER POINT.

Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles: erunt signa in sole, etc. Premier motif de crainte pour le pécheur. Il y aura sur la terre une consternation accablante, et in terris pressura gentium. Second motif de crainte pour le pécheur. Dans les nuées paraîtra le signe du Fils de l'homme. et le Fils de l'homme avec sa toute-puissance: videbunt, etc. Troisième motif de crainte pour le pécheur; c'est-à-dire qu'il aura à craindre et terriblement à craindre de la part des créatures, de lui-même et du souverain Juge. Exposons ceci et apprenons à veiller sur nous-même, à prier et à nous préparer au grand jour de l'éternité.

Un soleil qui s'obscurcit, une lune qui refuse sa lumière, des étoiles qui semblent annoncer leur propre chute, je le répète, sont des signes et des signes bien terribles pour le pécheur. En voici la raison, pécheurs impénitents, c'est que toutes les créatures annonceront à Dieu les crimes des hommes et aux hommes les châtiments d'un Dieu alors implacable.

Oui, pécheurs insensés, vous pouvez le dire à Dieu avec Job, que tous les êtres créés sont autant de témoins qu'il prépare contre vous: Instauras testes tuos contra me. (Job x, 17.) Le soleil annoncera toutes les fautes dont vous aurez souillé ses rayons, les taches qui paraîtront (Apoc. vi) en lui découvriront toutes celles de votre vie criminelle; la lune, ce témoin fidèle, ainsi que l'appelle David (Psal.LXXXVIII, 38), découvrira les secrètes libertés que vous vous serez permises à la faveur de la nuit; le sang dont elle paraîtra teinte (Apoc. vi, 12) déposera contre promptitude avec laquelle vous couriez répandre celui de vos frères; les étoiles, cette milice céleste, docile à la voix du grand maltre, mettront au grand jour vos désobéissances à sa loi; la mer, cet élément furieux qui se calme à la voix de son Dieu (Matth. vпI,

la

24) condamnera tous les emportements de votre jeunesse; a terre vous reprochera de n'avoir pas produit de bons fruits, malgré les pluies abondantes de la grâce que vous receviez; les eaux de votre baptême, ces eaux de votre adoption divine s'élèveront contre l'indigne profanation que vous en fites dès votre bas âge; les tribunaux de la pénitence, latable sacrée, les lieux saints, ces lieux qui sont ceux de vos sacriléges journaliers, témoigneront à Dieu l'horreur qu'ils avaient de vos approches; cette chaire d'où je vous parle vous fera convenir de l'inattention, de la dureté de coeur avec laquelle vous avez entendu les vérités chrétiennes; ce temple, ces murs vous rappelleront les secours de salut que Vous y avez reçus et l'abus que vous en avez fait le prix des ouvriers que vous avez employés et dont vous avez injustement retenu le salaire, criera et pénétrera jusqu'aux oreilles du Dieu des armées. Ecce merces operariorum.... clamat, et clamor eorum in aures Domini Sabaoth introivit. (Jac. v, 4.) Cet or que vous accumulez se chargera de rouille, et cette rouille élèvera sa voix jusqu'au ciel contre vous. Erugo eorum in testimonium vobis erit, et manducabit carnes vestras sicut ignis. (Ibid., 3.) Comptez, pécheurs, comptez, si vous le pouvez, les prédicateurs que vous avez entendus, les directeurs que vous avez consultés, les maîtres qui vous ont enseignés, les supérieurs qui vous ont gouvernés; comptez, si vous le pouvez, les personnes que vous avez connues, les lieux que vous avez fréquentés, les âmes que vous avez scandalisées; comptez, si vous le pouvez, les talents de la nature, les grâces de Jésus-Christ, tous les événements que la Providence a ménagés pour votre salut, voilà le nombre innombrable de témoins qui sera reçu à déposer contre vous et à vous condamner. C'est l'univers entier qui combattra pour le Seigneur contre vous (Sap. v, 21), il lui annoncera tous vos crimes qu'il connaissait déjà, et à vous ses châtiments prochains, afin de répandre la terreur dans vos cœurs.

C'est le dessein de Dieu qui ordonne ces signes de la nature, c'est celui que la religion nous fait apercevoir. Grand Dieu! s'écriait autrefois un Prophète en se rappelant les phénomènes arrivés à Moïse, est-ce donc contre les fleuves qu'éclate votre colère? est-ce la mer qui a mérité votre indignation? Nunquid fluminibus iratus es, Domine, vel in mari indignatio tua? (Habac. II, 8,) Les montagnes souffrent les douleurs de l'enfantement, l'ahime fait retentir sa voix mugissante, le soleil s'arrête, pourquoi ce renversement de l'ordre naturel? Le péché d'un peuple que vous avez dessein de punir, la terreur dont vous voulez le frapper; voilà l'origine de ces catastrophes effrayantes: In furore tuo obstupefacies gentes. (Ibid., 12.) Voilà le dessein de Dieu, apprenez l'efficacité de ces moyens qu'il emploie. Une frayeur subite suit de près ces phénomènes, les princes d'Edom en sont troublés, les plus assurés de Moab sont effrayés jusqu'au tremblement. Les habitants de la terre de Chanaan restent glacés, immobiles

comme le rocher: Obriguerunt omnes habitatores Chanaan. (Exod. xv, 15.) Voilà l'épouvante qui saisit les cœurs; mais à la fin des siècles les phénomènes seront infiniment plus redoutables, ce ne sera plus la seule mer Rouge, ce sera la vaste étendue des mers qui sera dans une agitation horrible; toutes les montagnes seront en feu, les éclairs brilleront de toutes parts, les tonnerres gronderont sur la tête de tous les mortèls, les rochers se fendront, les astres s'entre-choqueront, tous les éléments seront dans la confusion; jugez done de l'excessive frayeur qui saisira les coupables, jugez-en, je ne dis plus par les feux du mont Sinaï, mais par les calamités publiques et par l'impression qu'elles font sur vous; des tremblements de terre, des villes ébranlées, des milliers d'habitants ensevelis sous leurs ruines, des guerres, des maladies contagieuses, une indigence universelle voilà ce dont on vous entretient tous les jours, ce qui vous effraye tous les jours à proportion que vous êtés coupabies, et que le danger vous menace de plus près. Si le seul bruit de ces maux temporels peut, s'il doit, selon les vues de la religion, vous inspirer ces sentiments de crainte dont nous sommes témoins, ah! que deviendrez-vous donc lorsque toutes les créatures s'élèveront contre vous, lorsqu'elles vous accuseront auprès de Dieu, et qu'elles vous l'annonceront comme juge inexorable? Aujourd'hui un seul ennemi peut troubler la paix de notre cœur, quelle paix l'impie oserat-il espérer lorsqu'il verra que tout est pour Jui un ennemi, un accusateur, un témoin ? quelle paix espérera-t-il, quand sa conscience avec l'univers s'élèvera pour le juger et le condamner?

Cependant c'est ce qui arrivera, et c'est co qui causera cette consternation générale dont parle l'Evangile erit in terris pressura gentium. Alors, dit saint Ambroise, en expliquant ce passage, l'agitation des esprits ressemblera aux flots de la mer. La crainte du jugement sera extrême, les âmes chargées de crimes se livreront au désespoir: Varii animorum metus ita graves erunt, ut delictorum multitudine male conscientiis sacri fons roris arescat. Ne perdez rien, s'il vous plaît, des paroles de ce grand saint; les hommes seront dans une agitation inouïe, c'est la multitude de leurs péchés, c'est la source des grâces tarie qui les accablera.

Que nous nous connaissons peu aujourd'hui nous nous fuyons, nous cherchons à nous distraire, à éloigner de nos yeux nos imperfections, nous travaillons, nous lisons, à l'extérieur nous remplissons chacun les devoirs de notre état, nous rendons, nous recevons des visites, nous faisons tout cela; ah! c'est que nous avons peur de ! nous-mêmes, nous n'osons nous tenir vis-à-vis de nous-mêmes, nous craignons de rentrer en notre cœur, et d'y trouver ce qui révolterait notre amour-propre, des péchés à expier, des penchants à dompter, des sacrifices à faire; aujourd'hui notre amour-propre, autant que la lâcheté des casuistes, justifie des liaisons, des délicatesses que réprouve la sé

« PrécédentContinuer »