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de son étendue, de sa population, de ses alliances, des ennemis qu'il peut avoir, des forces qu'ils peuvent employer, que se compose le système de la défense d'un Etat.

Telles sont les importantes considérations d'après lesquelles vous avez à fixer quelle armée peut être nécessaire à la France pour la guerre : il s'agira d'examiner ensuite jusqu'à quel point cette armée peut, sans inconvénient, être réduite à la paix.

» Sans doute il appartenait aux représentans de la nation française de consacrer les premiers ce grand principe de justice, que la force militaire n'est créée que pour la conservation de l'Etat, et non pour son agrandissement: mais ce système juste et modéré n'en nécessite pas moins de grandes armées : s'il faut ne pas vouloir la guerre il faut pouvoir la repousser avec vigueur; il faut surtout autant qu'il est possible chercher à en porter le théâtre chez nos ennemis.

. Défions-nous, Messieurs, de cette politique timide et trompeuse qui dirait qu'il suffit de bien garnir nos frontières; nous avons besoin au contraire d'armées fortes et manoeuvrières qui, agissant avantageusement au-dehors, éloigne de notre pays les maux de tout genre qu'entraîne la guerre avec elle; nous devons chercher à faire vivre nos troupes aux dépens des états qui nous l'auront déclarée; alors nous obtiendrons à la fois repos pour le peuple et soulagement pour le trésor public.

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Si vous considérez la force des armées qui peuvent nous être opposées, vous verrez que l'état de paix du roi de Hongrie est de deux cent trente mille hommes, et que la conscription établie dans ses états peut les portér facilement au-delà de trois cent mille.

» L'état de paix du roi de Prusse est de deux cent mille hommes, et une conscription d'un genre plus rigoureux encore peut les porter également à près de trois cent mille.

Le contingent de l'empire est de trente mille hommes, et doit selon les circonstances pouvoir se porter au triple de cette force.

C'est contre une ou plusieurs de ces forces, auxquelles peuvent se joindre des puissances du nord, que nous devons songer à nous défendre.

» Mais il faut ajouter à la liste de nos besoins la conservation de nos colonies dans les deux Indes et la garnison de nos vaisseaux : les puissances maritimes nous obligent à de grands efforts, non-seulement pour garantir ces importantes possessions, mais pour la protection que nous devons à notre commerce. C'est donc à une guerre de terre et de mer tout à la fois qu'il faut que nous songions à faire face; et je pense, Messieurs, que vous en conclucrez que dans une telle position ce n'est pas trop d'avoir un état militaire constitué sur le pied de deux cent cinquante mille hommes, c'est-à-dire sur un pied plus faible que celui de chacune des puissances avec lesquelles nous pourrions avoir la guerre, quoique nous soyons presque toujours assurés d'avoir à la faire et sur terre et sur

mer.

» Aussi, Messieurs, est-ce à l'heureuse position géographique de la France, au nombre et à la liaison de ses forteresses, à la nature de ses alliances, que nous devons de n'avoir pas besoin de plus nombreuses armées pour défendre d'aussi vastes possessions, une aussi grande étendue de côtes et de frontières.

» Je vais indiquer maintenant l'emploi des deux cent cinquante mille hommes que je crois nécessaires à la défense de l'Etat.

On ne peut pas couvrir nos frontières depuis Bâle jusqu'à la Meuse avec une armée moindre de quatre-vingt mille hommes; on ne peut pas en avoir moins de soixante mille pour pénétrer dans les Pays-Bas et s'y maintenir; la frontière des Alpes demande trente à quarante mille hommes, parce que la nature du pays donne aux ennemis que nous pourrions avoir dans cette partie plus de facilité qu'à la France pour surprendre le passage des montagnes; la garnison de nos vaisseaux exige au moins dix-huit mille hommes; celle de nos colonies en demande à peu près

autant.

> En récapitulant ces différentes forces vous trouverez deux cent seize mille combattans, et cependant il n'en est pas encore un seul employé à la garde des places et de nos côtés.

J'ajouterai donc, Messieurs, au nombre ci-dessus de deux cent seize mille combattans une réserve d'environ trente-quatre mille hommes, for mant à peu près le sixième de l'armée, tant pour réparer ses pertes que pour la garde de nos forteresses.

» L'histoire des guerres passées devient ici un témoin précieux et irrécusable de la nécessité de cette force militaire; consultez-là; vous nous verrez sous les règnes précédens avoir constamment en armes un bien plus grand nombre de troupes.

En bornant donc à deux cent cinquante mille hommes les armées françaises, je n'ai point fait la supposition de la réunion de toutes les puissances contre la France; je n'ai fait que prévoir des événemens ordinaires et dans l'ordre de la vraisemblance; et j'ai cru qu'il fallait abandonner aux efforts du patriotisme le soin de surmonter les obstacles extraordinaires.

Maintenant, Messieurs, s'il vous est prouvé qu'une armée de deux cent cinquante mille hommes est absolument indispensable pour faire face aux besoins de la guerre, je vais indiquer jusqu'à quel point cette armée peut être réduite pendant la paix.

Les deux cent cinquante mille hommes me paraissent devoir être composés de:

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» Il est reconnu que l'instruction des troupes à cheval et celle de l'ar .tillerie demandent une longue éducation et une constante habitudę : on ne peut pas indifféremment diminuer la force de ces corps; on ne peut pas se flatter de trouver au moment d'entrer en campagne beaucoup d'hommes formés pour ces deux services; il faut donc en réduire le nombre avec mesure, et je ne pense pas qu'il puisse l'être au-delà du quart pour ces deux armes.

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» Quant à l'infanterie, lorsqu'elle est bien constituée; lorsque, le nombre des officiers et des sous-officiers restant le même, la diminution ne porte que sur les soldats; lorsqu'il existe dans chaque compagnie un fonds suffisant d'hommes bien instruits, cette arme peut être réduite dans une proportion double de celle de la cavalerie.

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» D'après ces principes, Messieurs, une armée de deux cent cinquante mille hommes pourra supporter une réduction de :

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Ce qui laissera l'armée à cent cinquante mille hommes; mais aussi cette réduction, déjà forcée, est la seule praticable : au-delà de cette mesure la sûreté de l'Etat et l'honneur de nos armes se trouveraient com. promis; et la nation entretiendrait toujours à grands frais une armée insuffisante.

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Je vous prie, Messieurs, d'observer qu'en établissant l'état de paix de la France à cent cinquante mille hommes, lorsque celui de l'Autriche est à deux cent trente mille et celui de la Prusse à deux cent mille, j'ai calculé surtout les moyens militaires de porter à la perfection l'instruction de ces cent cinquante mille hommes; je ne parle point de cette perfection minutieuse qui fatigue les troupes, et qui ne peut jamais avoir d'ap. plication à la guerre, mais de celle vraiment nécessaire et qui ne s'ac quiert que par une longue présence sous les drapeaux.

» On s'égare, Messieurs, lorsqu'on vous parle d'une instruction d'un mois par an comme pouvant être suffisante. Sans compter tous les autres inconvéniens de ce régime, sans attaquer l'économie qu'on s'en promet, sans calculer que l'exécution en serait ordonnée et peut-être difficilement suivie, je puis vous assurer que les individus soumis à ce service en feront toujours trop pour leur liberté et trop peu pour leur instruction.' Ce système est incomplet, et si une puissance étrangère le pratique avec succès d'abord, c'est avec un service plus long que celui qu'on vous propose, et c'est parce qu'elle y joint des moyens qu'assurément vous êtes loin de vouloir qu'on emploie dans nos armées.

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Je termine donc mon opinion, Messieurs, par établir qu'il ne faut pas moins qu'une armée de cent cinquante mille hommes en activité

pendant la paix, et qu'il faut que cent mille auxiliaires soient tenus prêts à y être incorporés au moment de la guerre.

Signé, LATOUR-Dupin.

» Vous venez d'entendre, messieurs, la lecture du mémoire du ministre de la guerre.

» Il vous a présenté diverses combinaisons politiques qui vous obligeraient à employer des systèmes différens de défense et à mettre sur pied une plus ou moins grande quantité de forces; ces suppositions l'ont conduit à la nécessité d'une armée de deux cent cinquante mille hommes pour défense de l'Etat.

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» Le ministre s'assure cette masse de forces par l'entretien pendant la paix d'une armée active de cent cinquanteun mille huit cent quatre-vingt-dix-neuf hommes et de cent mille auxiliaires toujours prêts à être incorporés dans l'armée active.

» Ces deux choses sont absolument distinctes.

» Nous n'avons point pensé comme le ministre qu'il fût nécessaire d'avoir en temps de paix cent mille hommes en réserve pour augmenter en cas de guerre l'armée active : ce nombre, qu'il demande d'après une des suppositions qui entraîneraient l'emploi le plus considérable de forces, nous a paru pouvoir être réduit à cinquante mille hommes. M. Emmery vous a développé, messieurs, ses idées à cet égard: les frais qu'entraîneraient les auxiliaires pourront se trouver en partie, sans être obligé d'augmenter la somme demandée par le ministre, dans les économies qui doivent résulter de ce qu'un tiers environ des soldats dans l'infanterie et un quart dans la cavalerie seraient en congé pendant neuf mois de l'année avec une demi-solde.

>> Sur le nombre d'hommes qui doit composer l'armée active, votre comité a adopté à très-peu de chose près la proposition du ministre de la guerre. Pour appuyer cette proposition, le ministre vous présente dans son mémoire un aperçu des principes généraux qui doivent déterminer les forces militaires de la France; il aurait pu, si le temps et les circonstances le lui eussent permis, l'appuyer de plu

VII.

sieurs autres raisons, et de l'autorité d'un grand nombre de militaires fameux.

»Je me bornerai à joindre aux motifs qu'il vous a présentés, la considération de notre position actuelle, de l'état présent de l'Europe et des circonstances politiques qui nous environnen! ce n'est pas lorsque tout nous prescrit la nécessité d'imposer aux ennemis de notre révolution; lorsque le triomphe qu'obtient parmi nous la cause de la liberté inquiète et agite chez les autres peuples tous les dépositaires de l'autorité; lorsqu'il est facile de présumer que les efforts et les complots de nos mécontens trouveraient chez quelques-uns d'eux de puissans secours, qu'il peut être question de régler l'état de nos forces militaires au-dessous des moyens de défense que nous prescrit, au sein de la plus profonde paix, l'état militaire de l'Europe. Le temps, et surtout les progrès des principes d'équité politique dont nous donnons l'exemple, produiront sans doute une réduction graduelle dans le nombre de soldats que les différentes puissances de l'Europe tiennent actuellement sur pied; mais le succès même de ces principes et l'achèvement de notre révolution exigent que nous assurions aujourd'hui la paix par une contenance imposante, et nous devons faire respecter cette morale qui nous interdit toute agression contre les autres peuples, en nous montrant prêts à repousser celles qui pourraient être tentées contre nous.

D Je sais qu'en partant de ces idées et eu jetant les yeux sur les armées qu'entretiennent les rois de Prusse et de Hongrie, le nombre d'hommes que nous proposons pourrait paraître insuffisant; mais nous avons pensé, messieurs, qu'indépendamment de l'énergie extraordinaire qu'on doit toujours attendre de citoyens, d'hommes qui ont vraiment une patrie et qui combattent pour sa défense, la France possédait assez de moyens d'accroître cette armée au moment de la guerre et de porter rapidement ses forces au niveau de celles qui pourraient être employées contre elle, pour être pleinement rassurée contre les plus extrêmes suppositions. Si l'on considère en effet quelle facilité doivent donner aux moyens de recrutement et d'accroissement l'immense popu

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