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que la nation entière réprouvait. Ces dispositions changeront sans doute, sans doute les officiers de l'armée se soumettront à la toute-puissance de la nation, leur souverain; ils retourneront à la patrie, qui leur tend les bras; ou bien votre lente mais juste sévérité se déploiera contre eux. Mais enfin, dans ces momens dont le terme n'est pas encore venu, il y avait quelque danger à laisser craindre aux citoyens qui servaient la patrie en qualité de gardes nationales qu'ils ne fussent sacrifiés à l'armée de ligne, comme on vous l'a dit dans cette tribune; qu'ils ne se crussent désarmés, dégradés, et que jugeant, ainsi qu'on n'a cessé de nous en accuser pendant six mois, que nous voulions les livrer aux instrumens naturels du despotisme, ils n'abandonnassent la cause dont ils se croiraient abandonnés : votre comité a eu cent preuves de cette dangereuse disposition. Fallait-il pour cela sacrifier les principes? Non sans doute; il n'y a point de composition avec les principes; leur lumière éclaire tôt ou tard les esprits; leur mâle inflexibilité fait plier devant elle tous les obstacles; aussi vos comités les ont-ils religieusement observés.

» Je vous ai déjà démontré que nous n'avions fait que développer ces principes mêmes décrétés par vous; mais puisque mon discours a pour objet aussi de répondre aux inculpations qui ont été faites à vos comités de n'avoir pas même soupçonné les bases sur lesquelles devait être fondée l'organisation que vous leur avez demandée, je vais prouver en peu de mots que les principes posés par l'opinant que je réfute font précisément les bases de notre projet de décret; en sorte que s'il les y a vus il a pu les en tirer; s'il ne les y a pas vus nous allons les lui montrer. Je parcours rapidement les principes que le préopinant vous a présentés. «Le prince ni aucune personne sur laquelle le prince a >> une influence spéciale ne doit nommer les chefs ni les » officiers des gardes nationales. » Tel est le principe posé par M. Robespierre : dans notre projet ils sont nommés par leurs concitoyens ; nous avons donc connu ce principe. « Les » chefs et les officiers des troupes de ligne ne peuvent être » chefs ni officiers des gardes nationales. » Ce principe fait le vingt-deuxième article de notre seconde section. « Le

» prince ne doit ni avancer, ni récompenser, ni punir les » gardes nationales. » Nous ne proposons pas la moindre dis-' position qui choque le moins du monde ce principe: « Il faut > empêcher, dit Robespierre, que les gardes nationales' ne >>forment un corps et qu'elles n'adoptent un esprit parti» culier... » Ce principe se trouve dans le texte de nos décrets... «Que les chefs ne portent pas habituellement des »'marques distinctives. » Nous le proposons textuellement.

» Telles sont les principales bases que le préopinant'a accusé les comités de n'avoir pas soupçonnées, et que cependant ils ont posées presque dans les mêmes termés. Je suis loin de me plaindre de cette lutte; elle entretient le mouvement, premier élément d'une assemblée d'hommes libres.

» On a donc fait aux comités deux reproches contraires : 1a qu'ils humiliaient les citoyens en les soumettant à l'armée; 2° qu'ils donnaient un orgueil dangereux'aux citoyens én en faisant une armée.

» Il est facile de prouver qu'ils n'ont fait ni l'un ni l'autre. Entre ces deux écueils qu'il fallait éviter les comités devaient s'arrêter à résoudre ce problème: organiser les gardes nationales de manière qu'elles ne pussent pas faire un corps militaire, et que cependant elles pussent en faire le service au moment où l'Etat en aurait besoin. »

M. 'Noailles. «Je pense aussi comme MM. Robespierre et Pétion, que tout citoyen domicilié doit faire le service de garde nationale, afin de ne pas faire deux classes dans l'Etat. Qu'on veuille bien se rappeler que le despotisme n'a fait tant de progrès en Hollande que parce qu'il s'est emparé de cette classe qu'on a rejetée du sein de la nation. »

M. Charles Lameth. «Les gardes nationales sont l'institution la plus dangereuse pour la liberté si elles ne sont pas composées de toute la nation.

» On a cru élever les gardes nationales en les plaçant au même rang que les troupes de ligne... Mais elles ne leur sont pas seulement égales, elles leur sont supérieures; car ce sont les gardes nationales, c'est-à-dire la nation qui paie les

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troupes de ligne; car ce sont les gardes nationales, c'est-àdire la nation qui est le souverain.

On a cru beaucoup dire en disant que l'état militaire ne doit pas être supérieur à l'état civil; mais ce qu'il fallait dire c'est qu'il lui est inférieur : tout est fait par les citoyens et pour les citoyens. De qui les troupes reçoivent-elles l'ordre de marcher et d'agir? Des magistrats civils.

» Montesquieu a dit, que pour qu'il y ait liberté, il faut qu'un citoyen ne puisse jamais craindre un autre citoyen... Mais si les uns sont armés et les autres non, comment ceux qui ne seront pas armés ne craindront-ils pas ceux qui le

scront?

>> On veut établir dans les gardes nationales tous les rangs de subordination nécessaires dans les troupes de ligne; mais il faut donc qu'on dise que cette subordination n'aura lieu que dans les rapides instans de service, c'est-à-dire quelques heures pendant une année, et que hors du service les épaulettes et les hausse-cols seront mis dans la poche, pour ne laisser voir entre les officiers et les soldats que des citoyens, tous absolument égaux à ce titre : autrement vous mettez à la place du respect pour la loi la crainte des individus. Permettez-moi de plaider pour l'égalité; dans un gouvernement despotique, dit encore Montesquieu, tous les hommes sont égaux parce qu'ils sont également avilis: l'égalité est donc la consolation des esclaves et la force des hommes libres. Si l'Assemblée nationale contrevenait à ces principes elle détruirait la liberté. »

M. Dandré. « Si vous voulez que les législatures ne changent pas votre Constitution il ne faut pas commencer par l'altérer vous-mêmes. Vous avez décrété que pour être citoyen actifil fallait payer une contribution : le domicile n'est pas suffisant, car le premier mendiant est domicilié. Je suppose que tous les citoyens soient admis également à exercer les fonctions de gardes nationales; lorsqu'ils prévariqueront comment punirez-vous celui qui n'est pas citoyen actif? Il faudra toujours lui infliger des punitions corporelles, le mettre toujours en prison. Il faut que tout homme exerçant les droits de citoyen puisse partager les charges de la société ;

c'est ce qui me fait demander la question préalable sur la proposition de M. Robespierre. Rappelez-vous vos décrets des 12 juin et 6 décembre, et vous verrez que vous avez trèsimplicitement déclaré qu'il n'y avait que les citoyens actifs qui pussent être inscrits sur la liste des gardes nationales. On a dit que ce serait faire deux classes de la nation, que ce serait introduire des distinctions... Mais n'en serait-ce pas une bien plus injurieuse qui existerait dans le cas proposé par les partisans du système que je combats, de voir un garde national se retirer dans la section pour délibérer, et l'autre à qui l'entrée en serait interdite? Voulez-vous donc détruire la qualité de citoyen actif? Dites-le franchement. (Applaudissemens. Aux voix, aux voix.) On dit que c'est sous le rapport politique seulement... Mais les gardes nationales ne sont-elles pas politiquement instituées? Vous devez suivre les bases que vous avez posées, et ne pas détruire en un instant ce que vous avez eu tant de peine à élever. »

L'Assemblée manifestant le désir d'aller aux voix, le président fit remarquer que les observations de plusieurs préopinans donnaient matière à divers amendemens; ils furent écartés; on s'arrêta à la seule proposition de M. Robespierre, que soutinrent encore MM. Buzot, Malès et Prieur : le président la mitaux voix, et l'Assemblée la rejeta. L'article du projet fut immédiatement décrété: on sait qu'il n'admet que les citoyens actifs sur les registres de la garde nationale. Dès-lors les opposans au projet des comi! tés abandonnèrent leurs projets particuliers, qui se trouvaient détruits dans leur base par cette première décision de l'Assemblée. La discussion ne fut reprise que le 27 juillet suivant; sur la proposition du rapporteur, l'Assemblée délibéra article par article, et en deux séances tout le projet fut adopté; il subit fort peu d'amendemens,

Ce décret, des 27 et 28 juillet 1791, compose presque entièrement la belle loi du 29 septembre suivant sur l'organisation des gardes nationales; les dispositions qui la complètent furent adoptées sans discussion.

Toutes les gardes nationales de France allaient être sou

mises à des règles générales: il parut nécessaire de conserver à la capitale une garde particulière; c'est l'objet du rapport suivant, qui fera connaître en même temps l'origine des compagnies soldées de l'armée parisienne.

RAPPORT sur l'organisation de la garde nationale parisienne soldée, fait au nom des comités de constitution et militaire, par M. Menou, (Séance du 3 août 1791.)

« Messieurs, je viens au nom des comités militaires et de constitution vous proposer d'accorder de grandes récompenses à de grands services rendus..

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L'Assemblée nationale a fait des lois; elle a donné une Constitution à l'empire français; elle a fait connaître les grands principes de la liberté; elle a rétabli l'égalité politique et civile entre tous les hommes; elle a fondé le bonheur des générations futures: mais de quelle utilité auraient été ses immenses travaux si le patriotisme, si les vertus civiques de presque tous les Français n'avaient concouru d'une manière, j'ose le dire, inconnue jusqu'à présent dans les annales du monde, à renverser le despotisme et fonder la liberté!

Oli!nation généreuse et fière, quel génie t'a donc animée lorsqu'en 1789, du nord au midi de la France, un seul instant a vu pour ainsi dire naître des millions de soldats prêts à tout sacrifier pour redevenir ce qu'ils n'auraieat jamais dû cesser d'être, des hommes libres et n'obéissant qu'à la loi! Oh Français ! votre sommeil était celui du líon; votre réveil a été terrible; il a fait trembler tous les tyrans. Le cri de la liberté a retenti dans toutes les parties du globe; partout à de cri ceux d'entre les hommes que l'esclavage n'a pas encore réduits au dernier degré d'avilissement ont senti renaître Féspérance; partout, je ne crains pas de le dire, le nom français a eté pour eux le signal de ralliement. Ah! pourquoi se fait-it que ceux qui, s'ils entendaient bien leurs intérêts, devraient être les premiers à propager les grands principes des gouvernemens libres, à faire connaître aux peuples les vérités qui peuvent les rendre heureux; ah! pourquoi, dis-je, les monarques du monde veulent-ils rester dans leur aveugle

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