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pacte social, et les lois les plus irrefragables et les plus sacrées de la nature.

» Mais remarquez, je vous prie, que ce principe nesouffve aucune distinction entre ce que vous appelez citoyens actifs et les autres. Que les représentans du peuple français aient cru pendant quelque temps (1) qu'il fallait interdire à tant de millions de Français, qui ne sont point assez riches pour payer une quantité d'impositions déterminée, le droit de paraître aux assemblées où le peuple délibère sur ses intérêts ou sur le choix de ses représentans et de ses magistrats, je ne puis en ce moment que me prescrire sur ces faits un silence religieux; tout ce que je dois dire c'est qu'il est impossible d'ajouter à la privation de ces droits la prohibition d'être armé pour sa défense personnelle ou pour celle de sa patrie; c'est que ce droit est indépendant de tous les systèmes politiques qui classent les citoyens, parce qu'il tient essentiellement au droit inaltérable, au devoir immortel de veiller à sa propre conservation.

>> Si quelqu'un m'objectait qu'il faut avoir ou une telle espèce ou une telle étendue de propriété pour exercer ce droit, je ne daignerais pas lui répondre. Eh! que répondrais-je à un esclave assez vil ou à un tyran assez corrompu pour croire que la vie, que la liberté, que tous les biens sacrés quela nature a départis aux plus pauvres de tous les hommes ne sont pas des objets qui vaillent la peine d'être défendus! Que répondrais-je à un sophiste assez absurde pour ne pas comprendre que ces superbes domaines, que ces fastueuses jouissances des riches, qui seules lui paraissent d'un grand prix, sont moins sacrées aux yeux des lois et de l'humanité que la plus chétive propriété mobilière, que le plus

(1) « Je dis pendant quelque temps parce que le décret du marc d'argent et ceux qui tiennent au même principe sont jugés depuis longtemps par l'Assemblée nationale, qui ne se séparera pas sans avoir cxaucé à cet égard le vœu de la nation.» (Note de l'orateur.) — Nous avons dit que ce discours avait été composé en 1790; le décret du maro d'argent fut rapporté le 27 août 1791. Voyez tome VI, pages 72 à 108.

modique salaire auquel est attaché la subsistance de l'homme modeste et laborieux!

»> Quelqu'un osera-t-il me dire que ces gens-là ne doivent pas être admis au nombre des défenseurs des lois et de la Constitution, parce qu'ils n'ont point d'intérêt au maintien des lois et de la Constitution? Je le prierai à mon tour de répondre à ce dilemme: si ces hommes ont intérêt au maintien des lois et de la Constituiion, ils ont droit, suivant vos principes mêmes, d'être inscrits parmi les gardes nationales: s'ils n'y ont aucun intérêt, dites-moi donc ce que cela signifie, si ce n'est que les lois, que la Constitution n'auraient pas été établies pour l'intérêt général, mais pour l'avantage particulier d'une certaine classe d'hommes; qu'elles ne seraient point la propriété commune de tous les membres de la société, mais le patrimoine des riches, ce qui serait, vous en conviendrez sans doute, une supposition trop révoltante et trop absurde. Allons plus loin. Ces mêmes hommes dont nous parlons sont-ils, suivant vous, des esclaves, des étrangers, ou sont-ils citoyens? Si ce sont des esclaves, des étrangers, il faut le déclarer avec franchise, et ne point chercher à déguiser cette idée sous des expressions nouvelles et assez obscures: mais, non; ils sont en effet citoyens; les représentans du peuple français n'ont pas dépouillé de ce titre la très-grande majorité de leurs commettans; car on sait que tous les Français, sans aucune distinction de fortune ni de 'cotisation, ont concouru à l'élection des députés à l'Assemblée nationale; ceux-ci n'ont pas pu tourner contre eux le même pouvoir qu'ils en avaient reçu, leur ravir les droits qu'ils étaient chargés de maintenir et d'affermir, et par cela même anéantir leur propre autorité, qui n'est autre que celle de leurs commettans; ils ne l'ont pas pu, ils ne l'ont pas voulu, ils ne l'ont pas fait. Mais si ceux dont nous parlons sont en effet citoyens, il leur reste donc des droits de cité, à moins que cette qualité ne soit un vain titre et une dérision; or parmi tous les droits dont elle rappelle l'idée, trouvez-m'en, si vous le pouvez, un seul qui y soit plus essentiellement attaché, qui soit plus nécessairement fondé sur les principes les plus inviolables de toute société humaine

que celui-ci. Si vous le leur ôtez, trouvez-moi une seule raison de leur en conserver aucun autre: il n'en est aucune. Reconnaissez donc comme le principe fondamental de l'organisation des gardes nationales, que tous les citoyens domiciliés ont le droit d'être admis au nombre des gardes nationales, et déèrétez qu'ils pourront se faire inscrire comme tels dans les registres de la commune où ils demeurent.

» C'est en vain qu'à ces droits inviolables on voudrait opposer de prétendus inconvéniens et de chimériques terreurs; non, non, l'ordre social ne peut être fondé sur la violation des droits imprescriptibles de l'homme, qui en sont les bases essentielles après avoir annoncé d'une manière si franche et si imposante dans cette déclaration immortelle où nous les avons retracés qu'elle était mise à la tête de notre code constitutionnel, afin que les peuples fussent à portée de la comparer à chaque instant avec les principes inaltérables qu'elle renferme, nous n'affecterons pas sans cesse d'en détourner nos regards sous de nouveaux prétextes, lorsqu'il s'agit de les appliquer aux droits de nos commettans et au · bonheur de notre patrie. L'humanité, la justice, la morale, voilà la politique, voilà la sagesse des législateurs; tout de reste n'est que préjugés, ignorance; intrigues, mauvaise foi. Partisans de ces funestes systèmes cessez de calomnier le peuple et de blasphemer contre votre souverain, en le représentant sans cesse indigne de jouir de ses droits, méchant, barbare, corrompu! C'est vous qui êtes injustes et corrompus; ce sont les castes fortunées auxquelles vous voulez transférer sa puissance : c'est le peuple qui est bon, patient, généreux; (nótré› révolution, les crimes de ses ennemis l'attestent; mille traits récens et héroïques qui ne sont chez lui que naturels en déposent; le peuple ne demande que tranquillités justice, que le droit de vivre; les hommes puissans, les riches sont affaniés de distinctions, de trésors, de voluptés l'intérêt, le vœu du peuple est celui de la nature, de l'humanité ; c'est l'intérêt généràl ; l'intérêt z le vœu des riches et des hommes puissans, est celui de l'ambition, de l'orgueil, de la cupidité, des fantaisies les plus extravagantes, des passions les plus funestes au bonheur de la so ciété; les abus qui l'ont désolée furent toujours leur ou

vrage; ils furent toujours les fléaux du peuple. Aussi qui a fait notre glorieuse révolution? Sont-ce les riches, sont-ce les hommes puissans? Le peuple seul pouvait la désirer et la faire; le peuple seul peut la soutenir par la même raison... Et l'on ose nous proposer de lui ravir les droits qu'il a reçonquis! On veut diviser la nation en deux classes, dont l'une ne semblerait armée que pour contenir l'autre comme un ramas d'esclaves toujours prêts à se mutiner! Et la première renfermerait tous les tyrans, tous les oppresseurs, toutes les sangsues publiques, et l'autre le peuple! Vous direz après cela que le peuple est dangereux à la liberté ! Ah! il en sera le plus ferme appui si vous la lui laissez! Cruels et ambitieux sophistes, c'est vous qui à force d'injustices voudriez le contraindre en quelque sorte à trahir sa propre cause par son désespoir! Cessez donc de vouloir accuser ceux qui ne cesseront jamais de réclamer les droits sacrés de l'humanité! Qui êtes-vous pour dire à la raison et à la liberté : vous irez jusques-là; vous arrêterez vos progrès au point où ils ne s'accorderaient plus avec les calculs de notre ambition ou de notre intérêt personnel ?... Pensez-vous que l'univers sera assez aveugle pour préferer à ces lois éternelles de la justice, qui l'appellent au bonheur, ces déplorables subtilités d'un esprit étroit et dépravé, qui n'ont produit jusqu'ici que la puissance, les crimes de quelques tyrans, et les malheurs des nations! C'est en vain que vous prétendez diriger par les petits manéges du charlatanisme et des intrigues de cour une révolution dont vous n'êtes pas dignes; Vous serez entraînés comme de faibles insectes dans son cours irrésistible; vos succès seront passagers comme le mensonge, et votre honte immortelle comme la vérité! Mais au contraire supposons qu'à la place de cet injuste système on adopte les principes que nous avons établis, et nous voyons d'abord l'organisation des gardes nationales en sortir pour ainsi dire, naturellement avec tous ses avantages sans aucune espèce d'inconvénient.

» D'un côté, il est impossible que le pouvoir exécutif et le force militaire dont il est armé puissent renverser la Constitution, puisqu'il n'est point de puissance eapable de balancer celle de la nation armée.

»D'an autre côté, il est impossible que les gardes nationales deviennent elles-mêmes dangereuses à la liberté, puisqu'il est contradictoire que la nation veuille s'opprimer ellemême. Voyez comme partout à la place de l'esprit de domination ou de servitude naissent les sentimens de l'égalité, de la fraternité, de la confiance, et toutes les vertus douces et généreuses qu'ils doivent nécessairement enfanter!

»Voyez encore combien, dans ce système, les moyens "d'exécution sont simples et faciles!

» On sent assez que pour être en état d'en imposer aux ennemis du dedans tant de millions de citoyens armés répandus sur toute la surface de l'empire n'ont pas besoin d'être soumis au service assidu, à la discipline savante d'un corps d'armée destiné à porter au loin la guerre; qu'ils aient toujours à leur disposition des provisions et des armes, qu'ils se rassemblent et s'exercent à certains intervalles, et qu'ils volent à la défense de la liberté lorsqu'elle sera menacée, voilà tout ce qu'exige l'objet de leur institution.

» Les cantons libres de la Suisse nous offrent des exemples de ce genre, quoique lear milice ait une destination plus étendue que nos gardes nationales, et qu'ils n'aient point d'autre force pour combattre les ennemis du dehors.

» Là tout habitant est soldat, mais seulement quand il faut l'être, pour me servir de l'expression de J.-J. Rousseau; les →jours de dimanche et de fête on exerce ces milices selon »l'ordre de leur rôle ; tant qu'ils ne sortent point de leurs de» meures, peu ou point détournés de leurs travaux, ils n'ont » aucune paie; mais sitôt qu'ils marchent en campagne ils » sont à la solde de l'Etat. » Quelles qu'aient été nos mœurs et nos idées avant la révolution, il est peu de Français, même parmi les moins fortunés, qui ne pussent ou qui ne voulussent se prêter à un service de cette espèce, qu'on pourrait rendre parmi nous encore moins onéreux qu'en Suisse. Le maniement des armes a pour les hommes un attrait naturel qui redouble lorsque l'idée de cet exercice se lie à celle de la liberté et à l'intérêt de défendre ce qu'on a de plus cher et de plus sacré.

» Il me semble que ce que j'ai dit jusqu'ici a dû prévenir are difficulté rebattue qu'on scra peut-être tenté d'opposer

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