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sont exclus; si vous avez pensé qu'il serait dans chaque famille un aiguillon au travail et surtout à l'économie, ces vertus principales des pauvres ; si vous avez cru qu'il devait exciter et former chez eux les vertus domestiques, parce que l'esprit d'ordre conduit à l'épargne, et le goût de l'épargné à l'aisance, à l'attachement réciproque des membres de lá famille, vous avez pensé aussi que le moment viendrait où chaque citoyen français serait aussi citoyen actif. Il est en effet des institutions qui dépendent des mœurs, et qui né peuvent s'achever que lorsque les mœurs sont perfectionnées; il est d'une sage politique d'attendre la maturité des fruits.

» Sur la troisième disposition de votre décret du 12 juin, concernant le remplacement des citoyens inscrits, nous avons eru devoir vous proposer quelques développemens. 1° Si un citoyen commandé allègue un empêchement légitime, il cpourra se faire remplacer : c'est votre loi. 2°. Il ne pourra sẽ faire remplacer que par un citoyen inscrit; c'est votre loi encore: nous y ajoutons par un citoyen servant dans là même compagnie, afin d'éviter le désordre qui naîtrait si chaque compagnie n'avait pas son tour de service, et si les citoyens faisaient le métier de remplir pour de l'argent les fonctions citoyennes de gardes nationales, 3o Un citoyen inscrit qui ne se fait pas remplacer doit servir la patrie de quelque manière; il sera taxé. 4° S'il s'obstine à payer la taxe, s'il s'avilit au point de penser que son service peut être représenté par de l'argent, il sera suspendu pendant un an de l'honneur de servir en personne; mais il sera toujours taxé, 5o Enfin ceux qui refusent de se faire inscrire n'y seront pas contraints; on les abandonne à l'inévitable jugement de l'opinion publique; mais puisque la société protége leur personne et leurs biens, ils doivent payer le remplacement que la société est obligée de faire de leur personne; enfin ils ne pourront pas faire leur service en personne, car ils ne sont pas inscrits ni classés dans des compagnies.

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Enfin, sur la seconde disposition de votre décret du 12. juin, concernant ceux qui sont exempts de service ou dont le service est suspendu pour raison d'incompatibilité, nous n'avons aucune explication à donner; les articles que nous vous proposons nous paraissent assez clairs.

Il me paraît qu'après ces développemens l'Assemblée peut passer à la délibération sur la première section de notre projet de décret. »

Quelques débats qui s'élevèrent immédiatement sur ce projet montrèrent que l'examen n'en avait pas été assez approfondi; l'Assemblée, sur la demande de plusieurs membres, en ajourna la discussion à huitaine.

Démission et rentrée de M. La Fayette.

Pendant cet intervalle survint un incident que nous rappellerons ic i; il ne peut paraître étranger à l'organisation des gardes nationales, puisqu'il eut pour résultat de faire proclamer les principes constitutionnels d'après lesquels la force publique doit agir.

Nous avons vu, (tome III, page 77)qu'au mois d'avril 1791 Louis XVI eut l'intention de quitter Paris pour se rendre, disait-il, à Saint-Cloud; que cette démarche éveilla les soupçons des Parisiens, déjà inquiets de la présence favorisée à la cour d'ennemis bien connus de la révolution et des lois constitutionnelles; que le peuple en foule entoura la voiture du roi, le pria de ne point abandonner la capitale, et qu'enfin Louis XVI,.cédant aux sages représentations du département, se décida à rester à Paris. Cet événement, arrivé le 18, jeta les citoyens armés dans une grande agitation; l'intention du roi était diversement interprétée, et, soit pressentiment (1), soit ombrage, le peuple ne prit conseil que de l'impression qu'il recevait des circonstances. Le commandant général de la garde nationale voulait que l'amour de la liberté restât toujours inséparable du respect de la discipline; il voulait que le roi fùt aussi libre que tout autre citoyen, et le peuple s'était ouvertement opposé au voyage projeté du monarque. Témoin de ces rigueurs, le commandant veut les faire cesser : sa voix est méconnue: il donne sa démission, qu'il fait remettre le 21 entre les mains du maire de Paris. Ce fut un coup de foudre pour l'armée citoyenne; l'amour qu'elle portait au général

(1) Deux mois plus tard Louis XVI fut arrêté à Varenne.. Vaycz t. II..

La Fayette se manifesta en cette occasion parles expressions les plus vives, les plus fortes, par les démarches les plus extraordinaires. Elle se porte en masse à la demeure du général; de nombreuses députations parviennent jusqu'à sa personne, lui témoignent les regreis, le désespoir de l'armée parisienne, et le conjurent d'en reprendre le commandement. Le général persiste dans sa détermination. Les citoyens ont recours à leur premier magistrat : le maire de Paris, suivi de toute la municipalité, arrive chez M. La Fayette; « parlez pour nous, criait-on à M. Bailly, parlez pour nous! » Au nom de la ville de Paris, M. Bailly joint ses prières au vou de la garde nationale; « rendez, dit-il au général, rendez un père à ses enfans et des enfans à leur père!» M. La Fayette se montre à la foule qui environne sa demeure; il est dépouillé des marques de son grade; il est vêtu d'un simple habit bourgeois.... A cette vue l'armée pousse un cri de désespoir. M. La Fayette promet de porter lui-même sa réponse le lendemain à l'Hôtel-de-Viñe ; on cède, et l'on se retire partagé entre la crainte et l'espoir. Le 22 M, La Fayette se rend à la maison commune : nouveaux cris, nouveaux transports; Paris est tout entier sur les pas du général; on le presse; on le porte. Il prononce le discours suivant devant les municipes assemblés :

Discours de M. La Fayette au conseil général de la commune de Paris, le 22 avril 1791.

« Messieurs, je viens dans la maison commune, où tant de souvenirs se retracent à moi, reconnaître les derniers témoignages de vos bontés avec toute la sensibilité d'un cœur dont le premier besoin, après celui de servir le peuple, est d'en être aimé, et qui s'étonne de l'importance qu'on daigne mettre à un individu dans un pays libre, où rien ne devrait être important que la loi.

Si ma conduite dans cette occasion, messieurs, pouvait n'être réglée que sur des sentimens d'attendrissement et de reconnaissance, je ne répondrais aux regrets dont vous et la garde nationale m'avez honoré qu'en obéissant à vos instances; mais de même que je n'avais écouté pour cette démarche auçun motif personnel, de même au milieu des mouvemens

qui nous agitent ce n'est point au gré d'affections particulières que je puis me déterminer.

» Je ne pense point que la garde nationale, dont la grande ́majorité fut toujours inaccessible aux séductions de l'esprit de licence et de parti, ait vu avec indifférence ce qui a causé mon découragement : les autorités constitutionnelles mécon ́nues, leurs ordres méprisés, la force publique opposée à l'exécution de la loi, dont la protection lui est confiée........... Nous sommes citoyens, messieurs, nous sommes libres; mais sans l'obéissance à la loi il n'y a plus que confusion, anarchie, despotisme; et si cette capitale, le berceau de la révolution, au lieu d'entourer de ses lumières et de son respect les dépositaires des pouvoirs de la nation, les assiégeait de ses tumultes ou les fatiguait de ses violences, elle cesserait d'être l'exemple des Français ; elle risquerait d'en devenir la terreur.

» Cependant, messieurs, dans les marques si touchantes d'affection que j'ai reçues on a beaucoup trop fait pour moi; on ́n'a pas assez fait pour la loi : je me suis convaincu avec la plus tendre émotion que mes camarades m'aimaient; je n'ai point encore su à quel point ils chérissaient tous les principes sur lesquels la liberté est fondée. Je dépose en vos mains, messieurs, cet aveu sincère de mes sentimens ; daignez les faire connaître à la garde nationale, dont j'ai reçu les témoignages d'amitié avec tant de sensibilité, pour qui je serai toujours un frère aussi affectionné que reconnaissant. J'avoue que pour la commander j'avais besoin d'être assuré qu'elle croirait unanimement le sort de la Constitution attaché à l'exécution de la loi, seule souveraine d'un peuple libre; que la liberté des personnes, la sûreté des domiciles, la liberté religieuse, le respect des autorités légitimes lui seraient sans exception aussi sacrés qu'à moi. C'est non-seulement de courage et de vigilance que nous avons besoin, mais aussi d'unanimité dans les principes que je viens d'exposer; et j'ai pensé, je pense encore que la Constitution sera mieux servie par la démission motivée que j'ai donnée que par mon acquiescement à l'invitation dont vous avez daigné m'honorer. »

Ce discours, transmis phrase par phrase aux soixante

bataillons réunis sur la place de l'Hôtel-de-Ville, les laisse encore dans le même état de douleur et d'inquiétude; ils veulent pénétrer jusqu'auprès du général; mais il s'est dérobé à leurs instances. Le trouble devient extrême; la garde nationale ne peut supporter l'idée de rester un jour de plus dans une telle anxiété ; les bataillons se disposent à retourner chez M. La Fayette. Un officier propose alors un moyen plus sûr de vaincre sa résistance; c'est que chaque bataillon prenne un arrêté portant « que tout individu de l'armée convaincu d'avoir refusé d'obéir au général serait rayé de l'état militaire comme indigne de servir la nation. » Cet avis est adopté avec enthousiasme, et bientôt toute l'armée a juré obéissance aux lois et à son général. Le 24 le maire de Paris porta à M. La Fayette le recensement des délibérations; il l'invita de nouveau à céder au vœu des citoyens, et le général pour toute réponse se jeta avec attendrissement dans les bras de son collègue. La reprise du commandement par M. La Fayette fut célébrée dans l'armée parisienne comme une fête nationale.

Nota. Lesarrêtés respectifs des différensbataillons furent tous rédigés dans le sens de celui-ci, pris immédiatement par le cinquième, et adressé le même jour aux cinquanteneuf autres bataillons :

« L'Assemblée nationale a décrété que la force publique serait essentiellement obéissante, et une partie de l'armée parisienne s'est montrée essentiellement désobéissante.

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» M. La Fayette n'a cessé de la commander que parce qu'elle a cessé d'obéir à la loi.

» Il veut une entière soumission à la loi, et non un attachement stérile pour sa personne.

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Que les bataillons s'assemblent; que tout soldat citoyen jure sur son honneur et signe d'obéir à la loi (1) ;

(1) Le bataillon des Blancs-Manteaux ajouta : ..... Et d'obéir dans toutes les circonstances à M. La Fayette, que le bataillon regarde toujours comme commandant de la garde nationale parisienne, et auquel il jure de nouveau un attachement inviolable et une confiance sans bornes...» M. Dubois-Crancé, grenadier de ce bataillon, et membre de l'Assemblée nationale, publia dans le temps une lettre à ses commettans dans

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