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Jusque-là Louis XVI s'était opposé à l'établissement des gardes bourgeoises; ses ministres lui avaient laissé ignorer qu'elles s'étaient levées le 11; il les lui firent autoriser le 15! Elles avaient triomphé; on ne pouvait plus les montrer au roi comme une poignée de factieux. Le même jour la ville de Paris leur donna pour commandant le général La Fayette. (Voyez, pour toutes ces circonstances, le tome I" de ce Recueil, pages 10 à 45.)

Telle est l'origine de cette illustre milice nationale, dont le premier fait d'armes est la conquête de la liberté. La dénomination de gardes bourgeoises disparut presque aussitôt; la France armée ne comptait plus que des gardes nationales, parées des couleurs de la ville de Paris, rouge et bleu, auxquelles on joignit le blanc en signe d'union et de concorde entre toutes les villes du royaume. (Voyez, pour le pavillon et la cocarde tricolores, tome II, page 176 à 180; pour le drapeau, tome 4, page 19.)

La levée des gardes nationales dans toute la France se fit avec une si grande rapidité, que leur première organisation, ouvrage du zèle patriotique, dut laisser à désirer; 'elle devint successivement l'objet de quelques décrets provisoires portant sur la régularité des inscriptions, du service et de l'uniforme; et c'est avec ce seul régime qu'à l'époque de la grande Fédération (voycz tome II), premier anniversaire de leur triomphe, les gardes nationales présentèrent à la France la plus belle armée citoyenne qu'aucun peuple eût jamais formée; fille de la Liberté, elle en avait tous les charmes. Cependant une organisation définitive était vivement attendue : les héros de 89 se permirent de la solliciter directement de l'Assemblée; le 18 novembre. 1790 une députation de la garde nationale parisienne, présidée par le commandant général, fut admise à la barre; le général La Fayette porta la parole en ces termes: (1)

(1) «Cette adresse a été votée par le bataillon des Jacobins, et rédigée par M. Lehoc; l'armée parisienne l'a adoptée à l'unanimité.. (Moniteur.)

Adresse de la garde nationale parisienne à l'Assemblée nationale (18 novembre 1790.)

« Messieurs, la garde nationale parisienne, persuadée qu'il n'est aucun genre de courage qui ne soit accueilli par les représentans d'un peuple libre, vient vous présenter des vérités qui sans doute n'ont point échappé à votre patriotisme, mais sur lesquelles il est urgent de fixer votre attention.

» Vous avez décrété, messieurs, que tous les citoyens du royaume étaient les soldats de la révolution, et déjà les habitans de Paris avaient accompli le serment de leur cœur avant que leur bouche l'eût prononcé; déjà ils en avaient préparé le succès avant que vous eussiez consacré la volonté générale. Oui, messieurs, nous avons tous promis à la patrie nos armes, à la loi notre soumission, au ciel notre liberté; mais ces armes, cette soumission, cette liberté ont besoin d'être dirigées par vons. Tous nos devoirs sont encore confondus, et quelque pur que soit notre dévouement, quelque infatigable que soit notre zèle, la première condition pour bien remplir un devoir est de le bien connaître : l'organisation de la garde nationale peut seule faire cesser notre incertitude. Il est temps que cette institution guerrière et citoyenne soit liée aux bases de la constitution monarchique : il est temps qu'une sainte émulation embrase l'universalité des citoyens, que chaque membre de la société connaisse sa véritable place, qu'il sache à quel service il est doux de se livrer, honteux de se soustraire, et que les cœurs froids ou endurcis cessent de jouir dans un lâche repos des bienfaits du patriotisme, qu'ils calomnient!

>> Tout vous porte, messieurs, à accélérer cette organisation, et vous penserez que rien ne doit la retarder. Permettez-nous de vous représenter que c'est peut-être de cette opération que dépend l'ordre public, sans lequel seraient infructueux vos travaux et les nôtres. Citoyens, nous conviendrons avec douleur que les perceptions languissent, que le trésor public est sans aliment, et que la nation ne reçoit plus de la nation en proportion de ses besoins : soldats, nous vous dirons avec franchise que nous ignorons quelle est l'espèce, le degré, la forme de protection que la garde nationale doit

à la contribution commune, comment nous pouvons assurer l'exécution si importante de vos décrets, et forcer à s'y soumettre le citoyen qui s'y dérobe: citoyens et soldats tout ensemble, nous savons que les armes que la Constitution nous donne sont les armes de la loi; que ce serait un sacrilége d'en user pour se défendre d'elle; que la loi c'est la liberté, que la liberté c'est la loi; que la contribution est la dette de tous, est la créance de tous, est enfin le salut de tous. Hâtez-vous donc, messieurs, d'intéresser notre honneur civique et militaire à défendre nos intérêts publics et à sacrifier. nos intérêts personnels. Sans doute ces vérités patriotiques seront la base de l'institution que nous attendons de vous, et si nous osons en ce moment prévoir votre sagesse et vos décrets, pardonnez-nous l'impatience qui nous porte à les provoquer.

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» Nous ne craignons pas non plus, messieurs, d'être désavoués par trois millions de nos camarades en vous assurant que la gardenationale, lorsqu'elle ambitionne une soumission constitutionnelle, est bien éloignée de ces prétentions inquiètes, de ces vains et puérils désirs de prérogatives et d'honneurs si incompatibles avec l'égalité des citoyens: grâce à vous, toutes les distinctions ont disparu; nosgrades ne seront jamais des titres; le meilleur citoyen sera toujours le soldat le plus brave; et sous ce rapport tous ayant les mêmes sentimens, l'honneur de servir sera toujours égal à l'honneur de cominander. La patrie a une dette plus particulière à remplir envers le citoyen qui, renonçant à des travaux utiles, l'habitation de ses pères, aux caresses de ses enfans, aux charmes consolateurs de l'amitié, va sous un ciel étranger et combattre et mourir : que l'État s'acquitte envers lui par les dédommagemens de la fortune et les honneurs qui la suppléent; mais nous, messieurs, en remplissant des fonctions aussi nobles, nous avons bientôt oublié quelques heures de fatigue dans les jouissances paisibles que nous retrouvons au sein de nos foyers; partout, à chaque instant la liberté nous environne; les armes mêmes que nous portons nous en rappellent et la douceur et les devoirs; c'est la liberté qui nous récompense et nous décore; c'est elle qui nous paie avec usure les sacrifices qu'elle a rendus nécessaires! Ce sentiment

vraiment français, ce'sentiment qui nous permet d'allier la fierté d'un soldat libre aux fonctions guerrières d'un citoyen subordonné, n'a plus besoin que de voir tracer par vous les lois auxquelles il doit étre soumis, et que nous vous jurons de respecter et de chérir. »

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Réponse du président.

«L'Assemblée nationale n'a pas oublié et n'oubliera jamais les services que les gardes nationales ont rendus à la liberté, et particulièrement ceux de l'armée parisienne; elle ne peut qu'approuver votre empressement, vôtre împatience dans la demande que vous faites pour obtenir une organisation légale. Je puis vous annoncer que ce travail peut être présenté à l'Assemblée sous peu de jours. »

En effet, trois jours après l'Assemblée entendit le rapport de ses comités sur l'organisation de la force publique (voyez plus haut, page 2); mais ce n'était pas encore l'organisation des gardes nationales, dont le projet, distribué quelques mois plus tard, fut enfin mis à l'ordre du 20 avril 1791.

Développemens du projet de décret sur l'organisation des gardes nationales, exposés par M. Rabaut Saint-Etienne. (Séance du 20 avril 1791.)

« Vous voilà parvenus au moment d'organiser cette force publique qui est destinée à maintenir la tranquillité des ci- toyens, à soutenir leurs droits, à défendre leur liberté, à repousser les attaques des ennemis intérieurs et extérieurs. C'est la nation elle-même, dont vous allez distribuer la force en soumettant cette force au joug salutaire de la loi; ce sont les citoyens eux-mêmes qui, après avoir adhéré par leurs représentans à la Constitution établie, après s'être armés pour la soutenir, vont être distribués en corps séparés pour la maintenir chacun dans leurs foyers, prêts à se réunir pour la protéger et pour la défendre en commun.

» Vous avez déjà décrété les principes d'après lesquels cette organisation doit être formée, et vos comités n'ont eu qu'à

se conformer à vos décrets dans le plan qu'ils vous ont présenté (1). Tous les citoyens actifs et leurs enfans, avez-vous dit, sont obligés de déclarer solennellement la résolution où

(1) Ces décrets, rendus sur la proposition des comités, et sans discussion, sont des 30 avril, 30 mai, 12 et 24 juin, 19 juillet, 5 septembre et 25 décembre 1790; ils se retrouvent tous dans le décret définitif sur l'or. ganisation de la garde nationale.-M. Rabaut cite encore dans cet exposé les dispositions que contient le décret du 6 décembre 1790, textuellėment rapporté dans ce volume; voyez plus haut, page 23.

Le 8 juin 1790, lorsque l'Assemblée délibérait sur les dispositions relatives à la première Fédération, un autre décret lui fut présenté en ces termes par le général La Fayette:

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Quelque empressé que je sois de célébrer les fêtes de la liberté, et nommément les 14 et 15 juillet, j'aurais souhaité que l'époque d'une confédération générale fût moins déterminée par des souvenirs que par les progrès de nos travaux; non que je parle ici des décrets réglementaires ou législatifs, mais de cette déclaration des droits, de cette organisation de l'ordre social, de cette distribution de l'exercice de la souveraineté, : qui forment essentiellement une Constitution: c'est pour elle que les Français sont armés et qu'ils se confédèrent. Puissions-nous, animés par l'idée de cette sainte réunion, nous hâter de déposer sur l'autel de la patrie un ouvrage plus complet! L'organisation des gardes nationales en fera partie; par elle la liberté française est garantie à jamais. Mais il ne faut pas qu'à cette grande idée d'une nation tranquille sous ses drapeaux civiques puissent être mêlées un jour de ces combinaisons individuelles qui compromettraient l'ordre public, peut-être même la Constitution. Je crois qu'au moment où l'Assemblée nationale et le roi impriment aux confédérations un si grand caractère, où toutes vont se réunir par députés, il convient de prononcer un principe si incontestable que je me contente de proposer le décret suivant :

» L'Assemblée nationale décrète comme principe constitutionnel que personne ne pourra avoir un commandement de gardes nationales dans plus d'un département, et se réserve de délibérer si ce commandement ne doit pas même être borné à l'étendue de chaque district. »

L'Assemblée adopta ce décret à la presque unanimité; non-seulement on applaudit au principe qu'il renferme, mais on sut apprécier le sentiment qui l'avait dicté au commandant général de la garde nationale parisienne-C'est en conséquence de ce décret que la Constitution porte, titre IV, article 6: Nul ne commandera la garde nationale de plus d'un district. »

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