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ne nous privons pas les mêmes ressources. Si les places de l'Authie et de la Somme n'existaient pas, nul homme de bon sens ne proposerait de les construire; mais elles existent; elles peuvent être conservées sans la moindre dépense l'Etat, et nul homme prudent qui aura étudié la guerre et nos frontières n'osera donner le conseil de les démolir. Enfin, quand il serait vrai qu'après un examen bien réfléchi on reconnaîtrait l'inutilité absolue de quelques-unes de ces-forteresses, le comité a pensé que lorsque la fermentation agite toutes les têtes, lorsque des inquiétudes se manifestent, -lorsque l'annonce de la guerre s'accrédite par des rumeurs populaires, ce n'était pas le moment d'atténuer nos moyens de défense et de priver l'Etat de la moindre de ses ressources.

» Une seconde disposition du décret mérite encore quelques développemens; c'est celle qui considère les places fories sous le rapport de la paix et sous celui de la guerre.

>> Le comité a pensé que, la sûreté des places dépendant de la vigilance de celui qui est chargé de les défendre, et cette vigilance étant la partie la plus essentielle de la police, il était indispensable que cette police fût confiée exclusive ́ment à celui qui sur s sa tête et sur son honneur était garant ́de ses effets; qu'un honnête homme n'oserait jamais répondre d'une place assiégée ou menacée s'il ne disposait pas librement de tous les moyens de surveillance et de précaution qu'exige un pareil emploi; que l'état de guerre nécessitait un ordre de choses absolument différent de l'état ́de paix; qu'il exigeait une suprématie, une dictature seule capable d'assurer l'unité des forces et la concordance des 'moyens; et qu'enfin, si la loi devait toujours étre en vi ́gueur, du moins dans certains momens il était indispensable d'en changer les organes.

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» Je bornerai là l'exposition des motifs qui ont déterminé le comité, et je me réserve de donner les éclaircissemens nécessaires à mesure qu'on les demandera dans le cours de la discussion. »>

Ce rapport, ou plutôt cette réfutation de l'opinion qui s'était élevée contre le système des places fortes, avait pour objet d'appuyer le premier titre du projet, lequel statuait

sur la conservation de ces places; M. Bureaux-Puzy avait annoncé un rapport particulier sur chacun des cinq autres titres; mais la seule lecture de cet important travail ayant suffi pour le faire apprécier dans toutes ses parties, M. Bureaux se dispensa de continuer le développement de ses motifs; il soumit à une délibération successive tous les articles du projet, qui ne subit que de légers amendemens; il fut décrété dans les séances des 24 mai, 25, 27 et 30 juin, 2, 4, 5 et 8 juillet 1791.

RAPPORT sur la répartition des gardes nationales destinées à la défense des frontières en cas d'invasion, fait au nom des comités militaire et diplomatique, par M. Alexandre Lameth. (Séance du 22 juillet 1791).

Avant de passer à ce rapport, arrêtons-nous sur quelques circonstances qui se rattacheut à son objet.

Les gardes nationales, soumises à un régime uniforme, joignaient le respect des devoirs à l'amour de la liberté; l'armée par sa nouvelle formation venait de recevoir de grands avantages; l'organisation de la force publique était enfin terminée, et présentait à la France de puissans motifs de sécurité : mais tout espoir de bonheur pour la France affranchie devenait un tourment pour ses anciens oppresseurs; plus la révolution apportait de bienfaits au peuple, plus ils s'attachaient à la calomnier; au-dehors ils continuaient de mendier des forces pour ramener dans leur patrie et les abus et la tyrannie; ils semaient au-dedans les haines et les divisions: l'indiscipline des troupes fut leur ouvrage; trompée par leurs suggestions coupables, l'armée devint l'effroi des citoyens.

Le licenciement de cette armée infidèle était sollicité dans de nombreuses pétitions; quelques-unes se bornaient au licenciement des officiers, généralement signalés comme des ennemis de la révolution. MM. Bureaux-Puzy et Fréteau, au nom de six comités réunis, soumirent cette affligeante question à la délibération du 10 juin 1791. Après une discussion solennelle l'Assemblée nationale, considé

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rant qu'envers des Français égarés les mesures rigonreuses ont beaucoup moins de pouvoir qu'un appel aux sentimens généreux et patriotiques, rejeta la demande du licenciement; elle préféra l'engagement d'honneur, sous peine d'infamie, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, laissant à tout individu qui se refuserait à ce serment la liberté de quitter ses drapeaux... Cette grande et noble manière de se venger de quelques hommes déloyaux, qui en profitèrent pour émigrer, conserva à la nation une armée pure et digne d'elle. Pour compléter cette belle délibération l'Assemblée pourvut à la sûreté exté rieuré de l'État en confiant aux citoyens eux-mêmes la défense de leurs foyers (1); elle décréta une conscription de gardes nationales de bonne volonté, dans la proportion d'un sur vingt. (Séance du 10 au 13 juin 1791.)

Quelques jours s'écoulent, et le roi quitte Paris!..... (Voyez tome III.) Cet affreux succès des ennemis de la liberté, succès d'un moment sans doute, exigeait néanmoins de promptes mesures; après avoir entendu le président de son comité militaire l'Assemblée décréta, dans la séance permanente du 21 juin 1791, la mise en activité des gardes nationales comprises dans la conscription adoptée le 11: vingt-six mille hommes seulenient furent appelés alors aux

(1) Le traité de Pilnitz n'était pas signé (il est du 27 août 1791); mais déjà tous les petits princes d'Allemagne, croyant voir une armée dans les émigrans à qui ils donnaient asile, rêvaient avec eux l'envahissement de la France, dont le démembrement même avait été sérieusement stipulé par l'électeur de Mayence dans une note adressée à la diète germanique. C'est chez cet électeur que le prince de Condé forma le noyau de l'armée qui prit son nom.

L'Assemblée nationale, par les articles 16, 17, et 18 de son décret du 11 juin 1794, invitait le prince de Bourbon-Condé à rentrer dans le royaume dans le délai de quinze jours, ou à s'éloigner des frontières en déclarant qu'il n'entreprendrait jamais rien contre la Constitution et la tranquillité de l'Etat; à défaut par ce prince de rentrer dans le royaume, ou, en s'éloignant, de faire ladite déclaration, l'Assemblée le déclarait rebelle, déchu de tout droit à la couronne, et responsable des mouvemens hostiles qui pourraient être dirigés contre la France sur la frontière. 16

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frontières; le retour du monarque, en déjouant les projets de ses conseillers perfides, rendait moins pressante une plus forte levée.

Dans ces diverses circonstances le comité militaire, en satisfaisant aux besoins du moment, ne s'était cependant pas écarté du système général de défense qu'il avait combiné pour tous les temps; lorsque, le 28 janvier 1791 (voyez plus haut, page 31), l'Assemblée décréta que cent mille hommes pris dans les gardes nationales formeraient la force publique auxiliaire, le rapporteur du comité lui soumit en même temps ses vues sur cette conscription de gardes nationales destinée à donner au premier signal trois ou quatre cent mille défenseurs à la patrie : c'est ce même projet, alors ajourné, que l'Assemblée adopta successivement, savoir, le 11 juin en décrétant les bases de la conscription, le 21 en statuant sur le mode de son organisation d'activité, et le 3 juillet suivant en donnant au décret du 21 juin une première application par l'appel aux frontières du nord de vingt-six mille gardes nationales. Une seconde levée faite en vertu de ce décret va fournir au président du comité militaire l'occasion de donner de plus grands développemens au système de défense extérieure établi sur la conscription des gardes nationales.

Rapport de M. Alexandre Lameth, président du comité militaire. (Séance du 22 juillet 1791.)

<< Messieurs, une suite de circonstances plus ou moins graves ont engagé l'Assemblée nationale à prendre à différentes époques des mesures puissantes pour la sûreté extérieure du royaume.

» Ces mesures, adoptées en différens temps, ont néanmoins été combinées dans un même système de défense: toujours dirigées par les mêmes vues, elles ont seulement présenté plus d'étendue dans l'emploi des moyens lorsque les circonstances qui les provoquaient ont acquis plus de consis

tance.

» Plusieurs de ces révolutions de l'Assemblée nationale

ont été suivies et exécutées avec activité et succès; d'autres ont été contrariées ou retardées par différentes causes.

» Aujourd'hui qu'il est nécessaire de donner à nos combinaisons de défense et de sûreté toute l'étendue qu'elles peuvent recevoir, et d'assurer à chaque partie de ce plan une exécution prompte et certaine, vos comités militaire et diplomatique croient devoir mettre sous vos yeux un tableau général des mesures déjà prises et de leur exécution, de la situation effective des forces nationales dans tous les parties de leurs rapports avec ce qu'exige une défense générale, et vous proposer ensuite le complément de forces et de moyens qui leur a paru nécessaire pour mettre la sûreté et la dignité nationale au-dessus de toute atteinte et de toute inquiétude.

» Au moment où l'ordre de vos travaux vous a conduits à vous occuper de l'organisation de l'armée de violentes commotions s'y étaient déjà fait sentir; les militaires, placés dans des situations nouvelles, flottaient entre les anciens principes de leur état et des sentimens jusqu'alors inconnus; à l'agitation des événemens publics se joignait pour eux l'incertitude de leur sort.

» Dans cette situation l'armée n'était ni rassurante par ses dispositions ni redoutable par le nombre,

>> Les soldats, environnés de toute espèce de suggestions, ignoraient encore quelle était pour eux l'autorité salutaire et protectrice; la loi n'avait encore déterminé ni leurs devoirs ni leurs récompenses, et l'inquiétude dans laquelle ils existaient avait déjà rompu et relâché les liens de la discipline militaire avant que leur sentiment sur la révolution eût donné un nouveau gage de leur conduite et de leur fidélité.

> De grands actes de justice vous ont acquis la confiance de la plus grande partie de l'armée : vous auriez dû l'avoir tout entière; car à l'exception de ceux qui, placés autour du trône, composaient leur existence et leur fortune des injustices qu'ils savaient en obtenir, toutes les classes de l'armée ont vu leur condition honorablement améliorée par vos lois; mais si des préjugés profonds, soigneusement en

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