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tous; celle-ci, née ultérieurement de l'engagement spécial du soldat, embrasse ce qui n'est pas commandé óu défendu à tous, et qui est commandé ou défendu au soldat.

» Si la loi commune ne comprenait pas dans toute sʼn latitude le soldat comme les autres citoyens, elle ne serait pas la loi commune; il y aurait des hommes ou dispensés d'elle ou mis hors de sa protection, des priviléges ou de la servi tude, une inégalité de droits par qui la Constitution serait intervertie.

» Pour assigner à la loi militaire son objet précis je vais donc à la recherche de ce qui est particulièrement com. mandé ou défendu au soldat.

» L'armée est la somme de force qu'on estime nécessaire et qu'on rassemble pour protéger la société contre les entreprises extérieures, et même contre les désordres intestins.

» Mais toute force est dangereuse et menaçante si elle ne dépend pas; il faut une volonté qui la gouverne, et cette volonté doit en être séparée: dès que la force peut ellemême vouloir elle est tout; il y a alors deux volontés qui se croisent, et celle qui est unie à la force prévaut.

>> C'est ainsi qu'arrivent la tyrannie et l'oppression; c'est ainsi que cette superbe Rome reçut des fers après en avoir fait porter à toute la terre.

» La force est terrible et nécessaire; il faut la diriger de manière qu'ayant tout son effet elle ne soit pourtant qu'un instrument inactif par lui-même et ne connaissant que le mouvement qui lui est communiqué.

» L'armée, instituée pour le besoin de la société, doit donc agir au gré de ce besoin; elle est le gardien matériel et non l'arbitre de la sûreté sociale; elle doit donc dépendre : action et dépendance, voilà ce qui caractérise la force publique bien instituée.

» Ce qui est l'obligation de l'armée considérée en masse détermine l'obligation de chacun des individus qui y sont enrôlés; l'action de l'armée et sa dépendance sont le composé de l'action et de la dépendance des individus.

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» Absolument parlant, il y a délit quand il y a violation de la convention sociale : il y a aussi dans le délit militaire une

violation de la convention sociale, puisque c'est à son accomplissement que tendent toutes les institutions.

>> Dans son acceptation spéciale le délit militaire résulte de la violation de l'engagement militaire ; il se trouve dans tout acte contraire à l'action et à la dépendance que le soldat a promises, à cette action et à cette dépendance que la loi attend du soldat et n'exige pas des autres citoyens. >> » Après avoir saisi l'idée distincte des délits militaires il faut voir de quelles peines ils sont susceptibles.

» Dans cette recherche on ne doit pas perdre de vue les principes généraux d'après lesquels s'exerce le droit de punir; il ne saurait être étendu au-delà de la prévoyance originaire; mais il peut être restreint : la loi militaire ne suppose pas une stipulation autre que celle qui a lié tous les hommes associés; elle en est pour des cas déterminés le commentaire, la règle d'application.

>> J'examine ce dont elle doit ou ne doit pas profiter dans la soumission pénale que chaque individu a faite à la société.

A l'égard de la vie, tandis qu'elle est l'objet principal de Ja protection assurée à chaque citoyen, elle est celui du premier sacrifice que fait le soldat.

» Il est, relativement aux devoirs dont sa vie est le gage, sous l'empire de la loi commune; mais sa vie n'est pas le gage des devoirs militaires.

» La loi commune s'aide de notre attachement à la vie; la loi militaire en suppose le mépris : la perte de la vie est selon celle-là la plus grande des peines; si celle-ci pouvait la prescrire elle y serait la moindre, ou bien l'esprit militaire ne serait pas dans l'armée.

>> Ici l'opération de la société est d'antant plus délicate qu'elle ne suit pas l'impulsion de la nature; elle la contrarie; elle impose silence à ce penchant conservateur qui lie chaque être à lui-même; elle exige un grand effort; elle veut que la vie du soldat ne lui appartienne que pour l'immoler; souvent il faut que la mort lui paraisse le bonheur suprême.

» Mais après cela si la législation fait de la mort une peine militaire je vois qu'elle associe deux idées contradictoires, et il me semble que par l'une elle détruit l'autre.

» Quelquefois le préjugé est dans ses caprices un bon guide, et se rapproche de la vérité; il allait ci-devant en sens plus juste que la loi: il la redressait; il voulait que la mort infligée comme peine militaire, laissât subsister l'honneur; preuve que la peine de mort ne convient point aux délits militaices, car punir et honorer ne vont pas ensemble.

Quand j'ai communiqué l'idée que je m'étais faite làdessus j'ai trouvé des esprits qu'elle a soulevés.

» On m'a dit qu'il allait être impossible de contenir un grand nombre d'hommes armés s'ils ne connaissaient pas le frein de la peine de mort.

» On m'a dit que si le simple soldat devait respirer encore après avoir levé la main sur l'officier qui le commandait, la subordination, qui est l'âme de l'armée, disparaitrait, et qu'il n'y aurait plus d'armce.

» J'en ai vu dans ces objections que l'aveu d'une routine aveugle qui s'identifie avec des usages et qui ne les raisonne pas.

» C'en'est pas précisément dans l'intensité des peines que la législation puise son efficacité; c'est dans l'art de les graduer et dans la certitude de l'application.

`» Si la peine de mort était le seul moyen de contenir la multitude qui forme une armée, il faudrait bientôt qu'elle fût appliquée au délit le plus léger, car le danger de l'exemple s'y trouverait comme dans le plus grave, et la peine dans ce système serait déterminée par le danger et non par l'espèce du délit.

» Et c'est de là que partait la législation que vous réformez dans l'usage qu'elle faisait de la peine de mort; elle l'infligeait à la sentinelle qui, fuyant vers l'ennemi, trahissait tous ses devoirs; elle la reproduisait pour le soldat harassé que ia nuit et la nature avaient à son poste plongé dans un somn neil involontaire; la mort était due à celui qui avait dés obéi à son supérieur, à celui qui Pavait menacé, à celui qui l'avait frappé.

» Mais toutes les idées de justice et de raison sont blessées dans un ordre de choses où des délits si divers provoquent

une peine commune, et l'on désire naturellement de sortir de cette confusion.

»Je dis maintenant que si la peine de mort n'est pas le seul moyen de maintenir dans l'armée l'ordre et la subordination; s'il est non pas un seul délit, mais une seule faute militaire qui puisse être réprimée par une peine d'un autre genre, il ne s'agit plus que d'aller de degré en degré, et l'on a le même avantage à l'égard de tous les délits militaires.

» Les partisans même de la peine de mort connaissent des fautes et même des délits à l'égard desquels il ne faut pas aller jusque-là: je prends note de cette portion de leur théorie, et vous allez voir où elle me conduit.

»Je me figure deux échelles : l'une me sert pour la mesure des délits militaires; je trace sur l'autre la mesure des peines: si je peux suivre sur celle-ci la progression de celle-là; si à côté du délit plus grave je peux mettre toujours une plus grande peine, il est évident qu'étant comparativement toujours au niveau j'aurai toujours une force égale à celle que je dois balancer, ce qui est tout le secret de la législation pénale.

>> Ainsi, par exemple, si la désobéissance simple est punie comme faute de discipline par quatre jours de cachot, qui sont le maximum du châtiment de discipline, la désobéissance caractérisée par le refus formel est un manquement plus grave qui mérite une augmentation de la peine.

» Mais si les principes généraux ne sont pas oubliés, le délit étant dans le même genre bien que plus grave, la la peine aussi, bien qu'avec plus de rigueur, doit être dans le même genre; la législation a son arithmétique; et il m'est prouvé que de la simple désobéissance à la désobéissance formelle il n'y a pas la meme distance que de la peine de quatre jours de cachot à la peine de mort.

» Il ne reste après cela qu'une diffiiculté, c'est de graduer les peines comme les délits sont gradués; c'est d'avoir toujours sur mes deux échelles échelon pour échelon, et si je parviens à la résoudre il sera clair que la peine de mort, incompatible aves l'esprit du génie militaire, y est de plus sans nécessité.

»Je ne suis pas surpris que sous l'influence du pouvoir absolu la peine de mort ait été introdnite dans le code militaire; il associe les volontés, les procédés les plus contradictoires; le despote et ses ministres n'ont faire de prescrire des règles et de dicter des proportions; ils ne voient autour d'eux que des machines, et leur impatience les brise au moment où elles ne servent pas à leur fin.

que

>> Quand la loi revit, chaque chose, chaque homme revient à sa place; au caprice particuiier qui confond tout, succède l'intelligence générale, qui rend tout à son mouvement régulier. Alors puisque la peine de mort est contraire à l'esprit militaire et n'est pas commandée par la nécessité, elle doit être bannie du code militaire.

» De même les peines qui s'exercent sur la propriété ne conviennent point à l'engagement du soldat.

>> Si le soldat possède c'est comme citoyen, c'est sous la protection de la loi commune, et à cet égard il n'est res→ ponsable qu'à elle.

» Il n'y a aucun rapport des devoirs du soldat à sa propriété; celle-ci ne peut donc être le sujet d'aucune peine quand ces devoirs sont violés : les peines pécuniaires, dont la loi commune fait un si grand et si utile usage lorsqu'elle les applique justement, doivent donc être oubliées dans le code militaire.

»Des biens sociaux sur lesquels le droit de punir est exercé il ne reste ainsi à la loi militaire que la liberté et l'honneur. » La liberté du citoyen est modifiée dans l'état social; celle du soldat est aliénée par son engagement : tant que dure l'engagement il est presque esclave, et, s'il oublie la rigueur de son devoir, appesantir la dépendance c'est prendre dans la nature même de la stipulation qui le lie le moyen de l'en raviser.

» L'honneur est susceptible de quelque latitude, non en soi-même, mais dans ses effets : celui qui s'abstient de l'acte qui lui enleverait l'approbation des autres veut conserver son honneur; celui qui en vue de cette approbation fait un grand effort veut assurément quelque chose de plus et pourtant c'est toujours de l'honneur.

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