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les lois mais si le législateur est parvenu à obtenir un si grand empire sur les esprits que ces lois en soient reçues avec respect, il doit profiter de cet heureux ascendant pour former d'utiles institutions et pour substituer à de serviles préjugés l'éducation de nouvelles habitudes.

» Les lois ne peuvent rien sans les mœurs, vous dit-on tous les jours; et l'on croit faire votre satire et celle de la nation! Ils auraient raison, messieurs, si vous ne faisiez qne d'arides décrets; mais si vos lois ont changé les idées, si elles font prendre un autre cours aux habitudes; si, dans la tourmente qu'elles ont excitée, les passions faibles ont cédé aux passions généreuses, si vous venez au secours de vos lois par de gran des et sages institutions, vous aurez créé de nouvelles mœurs et régénéré l'espèce humaine.

» Ainsi organisés, ainsi élevés pour composer la force publique, moins encore par celle des armes que par leur respect pour les lois, les citoyens prêteront un utile secours pour le maintien de l'ordre, l'observation des décrets, la perception des contributions, la libre circulation des subsistances, et pour tout ce qui peut rétablir et entretenir la tranquillité intérieure. Les décrets que nous vous présenterons à cet égard leur prescriront leurs devoirs et leurs fonctions, l'obéissance rigoureuse qu'exige le service, les bornes dans lesquelles ils doivent se renfermer, et les lois qui résultent de ce principe que nous avons posé en commençant, que les gardes nationales sont les citoyens qui s'arment pour l'exécution de leurs propres lois.

» Cet objet, ainsi que le rapport et le travail particulier sur la maréchaussée, vont être imprimés et soumis à votre

examen. »

SI. Principes constitutionnels.

(Voyez les développemens dans le rapport ci-dessus.)

Le 5 décembre suivant, M. Rabaut Saint-Étienne reprit la parole en ces termes :

<< Messieurs, le comité de constitution, avant de présenter à l'Assemblée les projets de décrets sur l'organisation de la force publique dans ses diverses parties a cru devoir les

faire précéder des articles constitutionnels: la postérité y retrouverait les principes dans toute leur pureté pour corriger les erreurs que le temps aurait pu introduire; c'est même le seul moyen de conserver la Constitution dans son intégrité, parce que les principes constitutionnels expliquent clairement la pensée du législateur, et qu'ils la perpétuent sans altération. Enfin, si l'Assemblée trouvait quelque chose à y changer, à ajouter ou à retrancher, le comité en profiterait pour rectifier les diverses parties de son travail, qui sont des conséquences de ces principes. Voici les articles constitutionnels que votre comité présente à votre délibération. (Voyez ci-après le décret.)

M. Rabaut avait à peine fini la lecture de ce projet, et déjà M. Montlosier était à la tribune; il s'attacha presque seul, et avec beaucoup de chaleur, à combattre le décret proposé; aussi essuya-t-il de promptes interruptions. M. Montlosier. « Je n'ai jamais cru qu'il fût possible d'organiser un corps sans parler de son âme... (Murmures.) Je trouve, après avoir lu tous ces articles, une force publique qui ne sera pas organisée : il faudrait savoir quelle sera sa vie, quelles seront ses attaches, ses ressorts. J'ai donc raison de dire qu'on propose un corps mort au lieu d'un corps organisé.

» Le roi est le chef de la force publique... Je crois que vous ne pouvez oublier, dans des articles sur la force publique, le nom du roi sans être criminels envers la nation, qui vous a ordonné de faire une Constitution monarchique. Vous l'avez dit quand vous étiez moins forts qu'à présent; vous avez déclaré le gouvernement français essentiellement monarchique je dois être scandalisé de voir le comité de constitution l'oublier. Il n'est pas de monarchie quand la force publique n'est pas dans les mains du roi. Je demande le renvoi et l'ajournement des articles, et l'impression de tous les projets d'organisation de la force publique dans ses diverses parties. Il faut imposer cette pénitence au comité de constitution pour lui apprendre à proposer un projet de décret sur l'organisation de la force publique où il n'est pas question du roi. »»

M. Demeunier. « M. Montlosier a calomnié le comité et l'Assemblée nationale. D'après les principes que vous avez déjà manifestés, et suivant les propositions que votre comité doit vous faire, le roi aura une autorité telle que la Constitution le veut. Les articles qu'on vous présente maintenant ne sont pas, si vous le voulez, des articles constitutionnels, mais bien une espèce de déclaration des droits et des devoirs sur cette partie. Il est extraordinaire, quand votre comité désire que vous décrétiez d'abord ces bases afin qu'il ne vous présente pas ensuite un travail imparfait, que l'on demande l'impression de quatorze titres !'»

M. Montlosier. « Je demande la parole.... ( Murmures. L'Assemblée ferme la discussion.) Si vous refusez de m'entendre je demande qu'on renouvelle le serment d'être fidèle au roi... (Agitation.) Cette proposition doit passer avant toutes les autres. M. le président, mettez-la aux voix. »

3

La question préalable est réclamée et adoptée; violens murmures du côté droit. Le président met aux voix le premier article du projet.

M. Montlosier. « Il faut ajouter : sous l'autorité du roi.» (Murmures.)

M. Folleville. « Je demande par sous-amendement que, pour lever les inquiétudes de ceux qui semblent redouter la latitude du pouvoir exécutif, il soit dit: sous l'autorité constitutionnelle du chef de la nation. »

L'amendement et le sous-amendement sont écartés par la question préalable, et le premier article du projet est décrété plusieurs membres de la droite quittent la salle ; on applaudit.

M. Châtenai-Lanti (s'adressant au côté gauche). « Observons le plus profond silence; il s'agit d'un des points les plus sacrés de notre Constitution.» (On passe au second article du projet.)

M. Montlosier. « Il faut ajouter après ces mots : de la force publique, ceux-ci: dont le roi est le chef. Je tiens à

cet amendement, et le soutiendrai jusqu'à la mort; on doit le mettre aux voix. »>

M. Duquesnoy. « On ne répète ainsi le nom du roi que pour publier dans vingt libelles que vous attaquez les principes monarchiques. Vous avez décrété que le roi est le chef suprême du pouvoir exécutif; veut-on que vous le répétiez dans toutes vos délibérations? Il est temps que l'on sache que ceux qui parlent sans cesse de l'autorité du roi ne sont pas ceux qui la veulent. (Applaudissemens; plusieurs voix: Ce sont ses ennemis!) Les meilleurs amis de la Constitution sont aussi ceux du roi ; le roi est dans la Constitution: qu'on ne vienne donc pas profaner davantage ce nom de roi et cette autorité pour nous faire perdre notre temps et exciter des désordres!

M. Montlosier. « Il n'est pas permis d'inculper ainsi un membre de cette Assemblée sans qu'il lui soit permis de se défendre. Je n'inculpe pas votre parti, et certainement c'est beaucoup pour moi; mais j'inculpe votre décret.» (Aux voix, aux voix.)

L'amendement de M. Montlosier est encore une fois rejeté ; l'Assemblée adopte le second article du projet des comités. Sur le troisième M. Rabaut donne cette explication.

Le rapporteur. « Il faut distinguer la force et son organisation ; quand on parle de la machine on ne parle pas du moteur: tout dans ces dispositions a rapport à la force matérielle. Je devais rappeler ces principes pour ceux dont l'imagination divague avec tant de facilité. »

M. Montlosier. « Je vois dans cette troisième disposition une inconvenance; vous pouvez en redresser le sens en la considérant abstraitement : la force publique désignée dans l'article doit avoir un chef... (Murmures.) Je vous défie đe m'empêcher de parler; je vous dirai toujours, je vous.dis et je vous dirai jusqu'au dernier moment que vous voulez reñ

verser les principes, que vous êtes des manichéens. Je demande donc que l'on mette aux voix mon amendement. »

Cet amendement, reproduit avec tant de persévérance, et que M. Malouet essaya inutilement de soutenir, në put définitivement s'introduire dans aucun des articles présentés par le comité; ils furent tous décrétés successivement, sauf quelques changemens de rédaction; le lendemain M. Rabaut en donna une nouvelle lecture, et l'Assemblée rendit le décret suivant à une grande majorité :

Déclaration et décret de l'Assemblée concernant la force publique. (Du 6 décembre 1790.)

L'Assemblée nationale déclare comme principes constitutionnels ce qui suit (1):

» Art. 1er. La force publique, considérée d'une manière générale, cst la réunion des forces de tous les citoyens.

• 2. L'armée est une force habituelle extraite de la force publique, et destinée essentiellement à agir contre les ennemis du dehors.

» 3. Les corps armés pour le service intérieur sont une force habituelle extraite de la force publique, et essentiellement destinée à agir contre les perturbateurs de l'ordre et de la paix.

4. Ceux-là seuls jouiront des droits de citoyen actif' qui, réunissant d'ailleurs les conditions prescrites, auront pris Fengagement de rétablir l'ordre au-dedans quand ils en seront légalement requis, et de s'armer pour la défense de la liberté et de la patrie.

5. Nul corps armé ne peut exercer le droit de délibérer; la force armée est essentiellement obéissante,

»6. Les citoyens actifs ne pourront exercer le droit de suffrage dans aucune des assemblées politiques s'ils sont armés ou seulement vêtus d'um uniforme.

7. Les citoyens ne pourront exercer aucun acte de la force publique établie par la Constitution sans en avoir été requis; mais, lorsque l'ordre public troublé ou la patrie en péril demanderont l'emploi de la force publique, les citoyens ne pourront refuser le service dont ils seront requis légalement.

»8. Les citoyens armés ou prêts à s'armer pour la chose publique

(1) Ces dispositions composent en partie le titre IV de la Constitution. Voyez tome VI.

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