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pontifes: Jules II, le casque en tête et la cuirasse sur le dos; le voluptueux Léon X; Alexandre VI, souillé d'incestes et d'assassinats; tant de papes entourés de maîtresses et de bâtards, se jouant, dans le sein de la débauche, de la crédulité humaine, ont-ils levé à Dieu leurs mains pleines d'or et teintes de sang? un seul a-t-il fait pénitence dans la retraite? tandis que nous voyons Charles-Quint chanter à Saint-Just son De profundis.

Les véritables incrédules ont donc été de tout temps les théologiens, grands ou petits, tondus ou mitrés.

Si je ne me trompe, voici comme chacun d'eux a raisonné : « La religion chrétienne que j'enseigne n'est certainement pas celle des premiers siècles. Il est clair que la synaxe des premiers chrétiens n'était pas une messe privée; il est constant que les images que nous invoquons furent défendues pendant plus de deux cents années; que la confession auriculaire a été longtemps inconnue; que toutes les pratiques ont changé, sans en excepter une seule. Tous les dogmes ont visiblement changé de même; nous savons l'époque de l'addition au symbole des apôtres, touchant la procession du Saint-Esprit. De toutes les opinions qui ont excité tant de guerres, il n'y en a pas une qui soit nettement dans nos Évangiles. Tout est donc notre ouvrage, tout est donc arbitraire; nous ne pouvons donc croire ce que nous enseignons; nous devons donc profiter de la sottise des hommes; nous pouvons donc, sans rien craindre, les dépouiller et les confesser, les assassiner, et leur donner l'extrême-onction. >>

Non-seulement ils ont fait ce raisonnement, mais il est impossible qu'ils ne l'aient pas fait; car, encore une fois, il n'est pas dans la nature qu'un homme dise : « Je crois fermement tout ce que j'enseigne, et vais faire le contraire pendant toute ma vie et à ma mort. »

Beaucoup de séculiers, et surtout parmi les grands, ont imité les théologiens dans toutes les religions. Mustapha a dit : « Mon muphti ne croit point à Mahomet; je ne dois donc pas y croire; je peux donc faire étrangler mes frères sans le moindre scrupule. »

Ce syllogisme abominable : « Ma religion est fausse, donc il n'y a point de Dieu, » est le plus commun que je connaisse, et la source la plus féconde de tous les crimes.

Quoi! mes frères, parce que Malagrida est un assassin, Le Tellier un faussaire, La Valette un banqueroutier, et le muphti un fripon, s'ensuit-il qu'il n'y ait pas un Être suprême, un créateur, un conservateur, un juge équitable, qui punit et qui récompense? J'ai connu un jacobin, docteur de Sorbonne, qui était devenu athée, parce que son prieur l'obligeait de soutenir dans son cloître la conception de la Vierge dans le péché, et qu'en Sorbonne il était obligé de soutenir le contraire. Il disait froidement : « Ma religion est fausse: or, puisque ma religion, qui est sans contredit la meilleure de toutes, n'a que des caractères de fausseté, il n'y a donc point de religion, il n'y a done point de Dieu; j'ai donc fait une énorme sottise de me faire jacobin à l'âge de quinze ans. »

J'eus pitié de ce pauvre homme; je lui dis : « Il est vrai qu'en vous

faisant jacobin, vous avez été un grand fou; mais, mon ami, que Marie soit née maculée ou immaculée, Dieu en existe-t-il moins? Dieu en est-il moins le père et le juge de tous les hommes? n'ordonne-t-il pas également au premier colao de la Chine, et au dernier des jacobins, d'être juste, sincère, modéré, et de faire à autrui ce que tout jacobin voudrait qu'on lui fît à lui-même ? Les dogmes changent, mon ami; mais Dieu ne change pas. Le cordelier saint Bonaventure et le jacobin saint Thomas ne sont presque jamais du même avis: eh bien! ne pensez ni comme Thomas ni comme Bonaventure. On a falsifié de certains livres, on en a supposé d'autres; cela vous fait de la peine : consolezvous; on ne peut falsifier le grand livre de la nature, dans lequel il est écrit : « Adore un Dieu, et sois juste. >> Je vis avec plaisir que mon sermon fit une grande impression sur mon jacobin.

Il faut, mes frères, épurer la religion; l'Europe entière le crie; et, pour l'épurer, ce n'est point par épurer la théologie qu'il faut commencer; il faut l'abolir entièrement. Il est trop honteux d'avoir fait une science de cette grave folie qui n'a servi qu'à renverser des milliers de cervelles, et qui a bouleversé tous les Etats les uns après les autres. Elle seule fait les athées. Le grand nombre des petits théologiens, qui est assez sensé pour voir tout le ridicule de cette science chimérique, n'en sait pas assez pour lui substituer une saine philosophie. It conclut, comme le jeune jacobin, que la Divinité est une chimère, parce que la théologie est chimérique. C'est précisément dire qu'il ne faut prendre ni quinquina pour la fièvre, ni être saigné dans l'apoplexie, ni faire diète dans la pléthore, parce qu'il y a de mauvais médecins c'est nier les effets évidents de la chimie, parce que des chimistes charlatans ont prétendu faire de l'or. Les gens du monde, encore plus ignorants que ces petits théologiens, disent: « Voilà des « bacheliers et des licenciés qui ne croient pas en Dieu; pourquoi y << croirions-nous? »

<< Mes frères, une fausse science fait les athées; une vraie science prosterne l'homme devant la Divinité; elle rend juste et sage celui que la théologie a rendu inique et insensé.

«Voilà, mes chers frères, ma profession de foi; ce doit être la vôtre; car c'est celle de tous les honnêtes gens. Amen. »

LES CAR.

A M. LE FRANC DE POMPIGNAN.

(1761.)

Vous ne cessez point de calomnier la nation; car jusque dans l'Eloge de feu monseigneur le duc de Bourgogne, lorsqu'il ne s'agit que d'essuyer nos larmes, vous ne parlez à l'héritier du trône, au père affligé,

au prince sensible et juste, que de la fausse et aveugle philosophie qui règne en France, de la raison égarée, des cœurs corrompus, des mains suspectes, d'esprits gâtés par des opinions dangereuses; vous dites que dans ce siècle on ne regarde la mort que comme le retour au néant, etc.

Vous avez tort: car il est cruel de dire à la maison royale que la France est pleine d'esprits qui ont peu de respect pour la religion catholique, et d'insinuer qu'ils en auront peu pour le trône; il est barbare de peindre comme dangereux des gens de lettres qui sont presque tous sans appui; il est affreux de faire le métier de délateur, quand on s'érige en consolateur, et de vouloir irriter des cœurs dont vous prétendez adoucir les regrets par vos phrases.

On voit assez que vous cherchez à écarter les gens de lettres de l'éducation des enfants de France: car vous aspirez à en être chargé vous-même, vous et M. votre frère; car, pour paraître à la cour en maître, vous priâtes M. Dupré de Saint-Maur, qui vous recevait à l'Académie, de vous comparer à Moïse, dans son beau discours, et M. votre frère à Aaron; ce qu'il fit, et ce qu'il ne fera plus.

Ah, Moïse de Montauban! vous n'aviez pas pris dans les Tables de la loi votre Prière du déiste, car elle n'y est pas. Cessez donc d'imputer des sentiments d'impiété à la nation, car vous avez ouvertement professé l'impiété.

Ce n'était pas ce que professait le professeur en droit votre grandpère, professant à Cahors : c'était un homme sage que ce professeur; s'il vivait encore, il vous dirait : « Mon fils, soyez modeste; corrigez les vers de votre Didon, qui sont lâches, faibles, durs, secs, hérissés de solécismes. >>

Récitez les psaumes pénitentiaux, et ne les translatez point en vers plus durs et plus chargés d'épithètes que votre Didon. Ne soyez point hypocrite après avoir été impie, car c'est là le mal. Demandez pardon à l'Académie de l'avoir insultée, et surtout ennuyée, la seule fois que vous avez osé paraître devant elle. Ne donnez point de Mémoires au roi, car il ne les lira pas; et n'imaginez point de les faire imprimer par ordre du roi, car le roi n'en donnera pas l'ordre; ne soyez point délateur, car c'est un vilain métier; ne faites point le grand seigneur, car vous êtes d'une bonne bourgeoisie; ne cabalez plus pour être intrus dans l'éducation de nos princes, car, comme vous dites dans votre Épître à monseigneur le dauphin, elle ne sera pas confiée aux esprits gâtés, aux auteurs de la Prière du déiste, ni aux têtes chaudes qui ont l'esprit froid; n'insultez point les gens de lettres, car ils vous diront des vérités.

Si vous présidez à la cour des aides de Cabors, ou à l'élection, ou au grenier à sel, n'imitez point ce juge de village dont parle Horace, qui portait le laticlave, et faisait parade de sa chaise curule; car on en rit.

Ne dites plus au roi, dans un libelle de supplique, qu'il traite ses sujets comme des esclaves; car alors ce n'est plus une supplique, et il ne reste que le libelle; et lorsqu'on est coupable d'un libelle si insensé,

on a beau faire sa cour au P. Desmarets jésuite, le P. Desmarets jésuite ne vous fera jamais entrer dans le conseil; car il n'y entrera pas lui-même.

LES AH! AH!

A MOISE LE FRANC DE POMPIGNAN.

(1761.)

Ah! ah! Moïse Le Franc de Pompignan, vous êtes donc un plagiaire, et vous nous faisiez accroire que vous étiez un génie!

Ah! ah! vous avez donc pillé le P. Villermet dans votre Histoire de Mgr le duc de Bourgogne, et vous vous portiez pour historiographe des enfants de France, écrivant de votre chef. Vous avez cru que les biens des jésuites étaient déjà confisqués, vous vous êtes pressé de vous emparer de leur style. Vous êtes traducteur de Villermet après avoir été traducteur de Métastase, et vous n'en disiez mot!

Ah! ah! vous vous donniez pour un favori que la famille royale a prié de vouloir bien écrire l'histoire des enfants de France. Vous nous induisiez en erreur, en disant dans votre Épitre dédicatoire à Mgr le dauphin et à Mme la dauphine : « J'obéis à vos ordres; » et il se trouve que vous avez seulement usé de la permission qu'ils eut daigné vous donner de leur dédier votre petite translation, permission qu'on accorde à qui la demande.

Il semble, par votre Épître dédicatoire, que le roi et Mgr le dauphin vous aient dit : « Monsieur Le Franc de Pompignan, ayez la bonté d'apprendre à l'univers que nous ne confierons jamais nos enfants à des mains suspectes, à des cœurs corrompus, à des esprits gâtés.

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Mais, Moïse Le Franc, qui jamais a voulu faire élever ses enfants par des esprits gâtés, et des cœurs corrompus, qui ont des mains suspectes? Vos mains ont sans doute un bon cœur; mais ce n'est pas assez pour élever nos princes.

Ah! ah! Moïse Le Franc de Pompignan, vous vouliez donc faire trembler toute la littérature? Il y avait un jour un fanfaron qui donnait des coups de pied dans le cul à un pauvre diable, et celui-ci les recevait par respect; vint un brave qui donna des coups de pied au cul du fanfaron; le pauvre diable se retourne, et dit à son batteur : Ah! ah! monsieur, vous ne m'aviez pas dit que vous étiez un poltron; et il rossa le fanfaron à son tour, de quoi le prochain fut merveilleusement content: Ah! ah!

1. Confesseur du roi. (ED.)

ENTRETIENS

D'UN SAUVAGE ET D'UN BACHELIER.

PREMIER ENTRETIEN.

Un gouverneur de la Cayenne amena un jour un sauvage de la Guiane qui était né avec beaucoup de bon sens, et qui parlait assez bien le français. Un bachelier de Paris eut l'honneur d'avoir avec lui cette conversation.

LE BACHELIER.

Monsieur le sauvage, vous avez vu sans doute beaucoup de vos camarades qui passent leur vie tout seuls? car on dit que c'est là la véritable vie de l'homme, et que la société n'est qu'une dépravation artificielle.

LE SAUVAGE. Jamais je n'ai vu de ces gens-là: l'homme me paraît né pour la société, comme plusieurs espèces d'animaux : chaque espèce suit son instinct nous vivons tous en société chez nous.

LE BACHELIER.

Comment! en société! vous avez donc de belles villes murées, des rois qui tiennent une cour, des spectacles, des couvents, des universités, des bibliothèques, et des cabarets?

LE SAUVAGE. - Non est-ce que je n'ai pas ouï dire que dans votre continent vous avez des Arabes, des Scythes, qui n'ont jamais rien eu de tout cela, et qui forment cependant des nations considérables? nous vivons comme ces gens-là. Les familles voisines se prêtent du secours. Nous habitons un pays chaud, où nous avons peu de besoins; nous nous procurons aisément la nourriture; nous nous marions, nous faisons des enfants, nous les élevons, nous mourons. C'est tout comme chez vous, quelques cérémonies près.

LE BACHELIER. - Mais, monsieur, vous n'êtes donc pas sauvage?
Je ne sais pas ce que vous entendez par ce mot.

LE SAUVAGE.

LE BACHELIER.

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En vérité, ni moi non plus; il faut que j'y rêve : nous appelons sauvage un homme de mauvaise humeur, qui fuit la compagnie.

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LE BACHELIER.

- Je vous ai déjà dit que nous vivons ensemble dans nos

Nous appelons encore sauvages les bêtes qui ne sont pas apprivoisées, et qui s'enfoncent dans les forêts; et de là nous avons donné le nom de sauvage à l'homme qui vit dans les bois. Je vais dans les bois, comme vous autres, quand

LE SAUVAGE.

Vous chassez.

LE BACHELIER.

LE SAUVAGE.

LE BACHELIER.

Pensez-vous quelquefois?

On ne laisse pas d'avoir quelques idées.

Je serais curieux de savoir quelles sont vos idées : que pensez-vous de l'homme?

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Je pense que c'est un animal à deux pieds, qui a la

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