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des statues, des couronnes de laurier et des triomphes, rendit les Romains vainqueurs d'une grande partie du monde. L'honneur subsistait d'une cérémonie ou d'une feuille de laurier ou de persil.

Dès qu'il n'y eut plus de république, il n'y eut plus de cette espèce d'honneur.

XXV. Une république n'est point fondée sur la vertu; elle l'est sur l'ambition de chaque citoyen qui contient l'ambition des autres, sur l'orgueil qui réprime l'orgueil, sur le désir de dominer qui ne souffre pas qu'un autre domine. De là se forment des lois qui conservent l'égalité autant qu'il est possible: c'est une société où des convives, d'un appétit égal, mangent à la même table, jusqu'à ce qu'il vienne un homme vorace et vigoureux qui prenne tout pour lui et leur laisse les miettes.

XXVI. Les petites machines ne réussissent point en grand, parce que les frottements les dérangent il en est de même des Etats; la Chine ne peut se gouverner comme la république de Lucques.

XXVII. Le calvinisme et le luthéranisme sont en danger dans l'Allemagne : ce pays est plein de grands évêchés, d'abbayes souveraines, de canonicats, tous propres à faire des conversions. Un prince protestant se fait catholique pour être évêque ou roi d'un certain pays, comme une princesse pour se marier.

XXVIII. Si la religion romaine reprend le dessus, ce sera par l'appât des gros bénéfices, et par le moyen des moines. Les moines sont des troupes qui combattent sans cesse; les protestants n'ont point de troupes.

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XXIX. On a prétendu ' que les religions sont faites pour les climats; mais le christianisme a régné longtemps dans l'Asie. Il commença dans la Palestine, et il est venu en Norvége. L'Anglais qui a dit que les religions étaient nées en Asie, et trouvaient leur tombeau en Angleterre, a mieux rencontré.

XXX. Il faut avouer qu'il y a des cérémonies, des mystères qui ne peuvent avoir lieu que dans certains climats. On se baigne dans le Gange aux nouvelles lunes: s'il fallait se baigner en janvier dans la Vistule, cet acte de religion ne serait pas longtemps en vigueur, etc.

XXXI. On a prétendu que la loi de Mahomet qui défend de boire du vin est la loi du climat d'Arabie, parce que le vin y coagulerait le sang, et que l'eau est rafraîchissante. J'aimerais autant qu'on eût fait un onzième commandement en Espagne et en Italie de boire à la glace.

Mahomet ne défendit pas le vin parce que les Arabes aiment l'eau : il est dit dans la Sonna qu'il le défendit parce qu'il fut témoin des excès que l'ivrognerie fait commettre.

XXXII. Toutes les lois religieuses ne sont pas une suite de la nature du climat.

Manger debout un agneau cuit avec des laitues, jeter ce qui en reste dans le feu; ne point manger de lièvre, parce qu'il est dit qu'il n'a

1. Esprit des Lois, XXIV, XXV. (ÉD.) — 2. Ibid., XIV, X. (ÉD.)

pas le pied fendu, et qu'il rumine; se mettre du sang d'un animal à l'oreille gauche; toutes ces cérémonies n'ont guère de rapport avec la température d'un pays.

XXXIII. Si Léon X avait donné des indulgences à vendre aux moines augustins, qui étaient en possession du débit de cette marchandise, il n'y aurait point de protestants. Si Anne de Boulen n'avait pas été belle, l'Angleterre serait romaine. A quoi a-t-il tenu que l'Espagne n'ait été tout arienne, et ensuite toute mahométane? A quoi a-t-il tenu que Carthage n'ait détruit Rome?

XXXIV. D'un événement donné déduire tous les événements de l'univers, est un beau problème à résoudre; mais c'est au maître de l'univers qu'il appartient de le faire.

EXTRAIT

DE LA BIBLIOTHÈQUE RAISONNÉE'.

Les Euvres de M. de Maupertuis, à Dresde, 1752, in-4o de quatre cent quatre pages; une Épître dédicatoire, et une Préface, qui en font vingt-deux. C'est un recueil de plusieurs dissertations dont quelques-unes avaient déjà été reçues favorablement. La première est un Essai de Cosmologie.

Il y a au devant de ce petit Traité de cosmologie un correctif qui a paru nécessaire à l'auteur. Le traité roule principalement sur deux points. Le premier infirme les preuves de l'existence de Dieu les plus naturelles; et dans le second on cherche la preuve de cet Être suprême dans une loi de la réfraction. Il est clair qu'il y a plus de lecteurs capables de sentir cette foule d'arguments, par lesquels la nature démontre son maître à tous les sens, qu'il n'y en a qui puissent le reconnaître dans une formule d'algèbre. C'eût été rendre problématique une vérité si importante et si nécessaire aux hommes, que d'ébranler la force des témoignages les plus reçus, et de ne réserver la certitude d'un Être souverain qu'à un problème. L'auteur a donc fait sagement de prévenir les reproches que quelques lecteurs pouvaient lui faire.

Il est difficile d'être de son avis, quand il combat les preuves de l'existence de Dieu, qui ont paru si fortes à Newton et à tant d'autres philosophes. Newton voyait, ainsi que Platon, dans toute la nature un but et des moyens moyens uniformes dans les êtres de même espèce; moyens variés dans les autres genres; moyens infinis dans l'étendue immense des choses.

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On est étonné qu'un philosophe comme l'auteur se serve du terme de hasard, que la saine philosophie a proscrit il y a longtemps.

On n'est pas moins surpris qu'il cherche à avilir cette divine industrie, qui préside à la formation des insectes. « Tout cela, dit-il,

1. Mois de juillet, août et septembre 1752. (ED.)

aboutit à produire un insecte incommode, que le premier oiseau dévore, ou qui tombe dans les filets d'une araignée. » Il n'a pas pensé que ces animaux destinés en partie à la pâture des autres, sont certainement un moyen de conserver l'espèce qui s'en nourrit; un moyen qui prouve un choix, qui par conséquent annonce la puissante intelligence qui a fait ce choix; et ce moyen ne peut être l'effet du hasard, le hasard n'étant qu'un mot vide de sens.

L'auteur, après avoir plaint les mouches d'être mangées par les araignées, plaint ensuite les hommes de ce que « les mers couvrent la moitié de la terre, et qu'on y voit des rochers escarpés, etc. » Il aurait dû se souvenir qu'il est démontré que ces mers servent à fournir toute l'eau qui s'en évapore, et qui retombe ensuite sur cette chaîne de rochers, réservoirs perpétuels de toutes les sources de rivières qui arrosent et fertilisent la terre. « Examinez, dit-il ensuite, les mœurs de ceux qui l'habitent; vous trouverez le mensonge, le meurtre, le vol, et partout les vices plus communs que la vertu. »

Cette ancienne objection tant rebattue n'a pas tant de force que plusieurs personnes l'ont cru. Il est très-faux qu'il soit plus commun d'être volé et assassiné que de jouir en liberté de son bien et de sa vie. Parcourez mille villages, vous ne trouverez pas dix meurtres et dix vols dans un siècle. Il ne se commet pas à Londres, à Rome, à Constantinople, à Paris, dix meurtres par an. Il y a des années où il ne s'en commet point du tout. Les guerres sont ce qu'il y a de plus fatai après les grandes pestes; mais sur cent millions d'habitants au moins, dont l'Europe est peuplée, la guerre ne fait pas périr en un siècle, parmi les mâles, la trentième partie des cent millions, qui chaque année se renouvellent. Quand on examine ces lieux communs avec des yeux attentifs, on voit qu'en effet il y a beaucoup plus de bien que de mal sur la terre. On voit évidemment que ces reproches, faits de tout temps à la Providence, ne viennent que du plaisir secret que les hommes ont de se plaindre, et qu'ils sont plus frappés des maux qu'i¡s éprouvent que des avantages dont ils jouissent. L'histoire, qui est pleine d'événements tragiques, contribue d'ordinaire beaucoup à favoriser l'idée qu'il y a incomparablement plus de mal que de bien; mais on ne fait pas réflexion que l'histoire n'est que le tableau des grands événements, des querelles des rois et des nations. Elle ne tient point compte de l'état ordinaire des hommes. Cet état ordinaire est l'ordre et la sûreté dans la société. Il n'y a point de ville au monde qui n'ait été vingt fois plus longtemps tranquille que troublée de séditions. Il y a plus de cent ans qu'il n'y a eu de sédition à Paris. Depuis CharlesQuint, Rome n'a point souffert. Le vaste empire de la Chine est entièrement paisible depuis plus d'un siècle. L'intérieur de Venise a été mille ans tranquille.

Cette ancienne question épuisée du mal moral et du mal physique ne devrait être traitée qu'en cas qu'on eût des choses nouvelles à dire. Mais remarquons qu'elle n'attaque point l'Intelligence suprême : elle attaque l'idée que nous nous faisons de sa bonté. L'auteur, en examinant succinctement les opinions qui justifient la bonté du Créa

teur, omet la plus digne observation, et la plus philosophique. La voici c'est que dans l'ordre et dans la chaîne infinie des êtres créés, il faut qu'il se trouve un être tel que l'homme : or, si dans cette chaîne infinie l'homme doit être tel qu'il est aujourd'hui, quel reproche peuton faire à la Divinité?

Enfin l'auteur, après avoir trop sommairement jeté des doutes sur les preuves les plus palpables de la Providence, traite la cosmologie plus sommairement encore en un seul chapitre. Il vient ensuite au choc des corps, et à l'action par laquelle la lumière passe d'un milieu dans un autre. Il se sert de la découverte de Newton, qui le premier a vu cette inflexion singulière des rayons'. Il n'est pas assurément démontré, et Newton n'a jamais cru que ces rayons s'infléchissent, parce que la nature y emploie la moindre action possible. Le fait tient à une autre cause qui allonge le temps et le chemin de la lumière. Cependant l'auteur prétend qu'on trouve évidemment dans ce phénomène le principe de la moindre action possible; et il prétend que cette moindre action possible est une loi mathématique générale de son invention. C'est sur cette loi générale mathématique qu'il fonde l'existence de Dieu.

Il est difficile de concilier cette prétendue loi avec la profusion qu'on remarque dans toutes les opérations de la nature. Cette loi paraît même directement opposée à l'effet qui arrive dans le chemin, et le temps allongé que prend un rayon de lumière dans la réfraction. Enfin si cette loi a quelque vraisemblance. elle ne serait que l'ancien axiome, que la nature agit toujours par les voies les plus simples.

Mais ce qu'il est très-important d'observer, c'est que rien ne serait

1. L'auteur de cet Extrait ne parait pas s'être donne la peine d'examiner les matières auxquelles il touche dans l'endroit cité. M. de Maupertuis ne se sert point de la découverte de Newton pour déterminer la loi de la réfraction des rayons de lumière, et dans toute cette matière il n'est pas question de l'inflexion des rayons, qui est tout autre chose. Il aurait donc dû tourner sa critique tout autrement, et dire, par exemple:

Il se sert de la découverte de Leibnitz, qui, le premier, a appliqué le calcul des plus grandes et des moindres quantités, et la considération de la cause finale pour déterminer la loi de la réfraction.» (Voyez son mémoire De unico opticæ, catoptricæ et dioptricæ principio, dans les Actes de Leipzig, de l'année 1682, page 185.)

On ne peut pas même voir en quoi le calcul de M. de Maupertuis diffère de celui de M. de Leibnitz, tant la conformité est grande. M. de Maupertuis aurait donc mieux fait de convenir franchement des obligations qu'il avait à ce grand homme, que de s'amuser à le réfuter mal à propos, comme il l'a fait dans les Mémoires de l'académie royale des sciences de l'an 1744, où il a publié pour la première fois cette Dissertation sur la loi de la réfraction, etc. Je dis mal à propos, parce que M. de Maupertuis lui-même parait avoir reconnu son tort, en ce qu'il a changé ou ôté dans cette nouvelle édition tous les passages qui roulaient sur les prétendues bévues de M. Leibnitz, comme on peut s'en convaincre en comparant ce qui se trouve dans les Mémoires de 1744 avec ce qui se trouve, sur la même matière, dans l'ouvrage que nous annonçons. S'il est bon de corriger ses fautes, il vaudrait encore mieux de n'en point commettre. Mais le grand point consiste en ceci. L'auteur prétend tirer de la moindre action les lois de la nature; il veut en démontrer l'existence d'un Dieu. Il faudrait donc, non-seulement nous expliquer ce qu'il faut entendre par l'action, et nous en donner une certaine estimation. mathématique; mais il faudrait encore démontrer

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plus capable de jeter des doutes sur le dogme si vrai et si nécessaire de l'existence d'un Dieu infiniment sage et infiniment juste, que de réduire toutes les preuves morales et physiques de cette vérité à une formule algébrique. Un théorème géométrique est une vérité nécessaire. Les trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits, parce que la chose ne peut être autrement. Or la nécessité des choses est précisément l'opposé d'un Dieu infiniment puissant et infiniment libre. Ce qui est nécessaire exclut un choix. C'est dans ce choix des moyens que le grand géomètre Newton trouvait une des convictions les plus frappantes de l'existence de l'Être créateur et gouverneur. Il serait à souhaiter que l'auteur eût plus corrigé qu'il n'a fait cet Essai de cosmologie, trop superficiel d'ailleurs pour instruire, et dans lequel il y a trop de vérités combattues, des assertions hasardées, et pas assez de clarté.

Cet Essai est suivi d'un Discours sur les différentes figures des astres, qui avait déjà paru, et dont l'auteur a sagement retranché des propositions trop peu vraisemblables sur l'idée qu'il s'était faite de quelques étoiles qu'il faisait ressembler à des meules de moulin. Ce petit traité, purgé de ces singularités qui l'avaient décrié, est plein de connaissances physiques. On voit que l'auteur est très-instruit. Nous n'entrerons point dans le détail de cet ouvrage, parce que toutes ces choses sont connues, et enseignées dans toutes les académies de l'Eu

rope.

Le Voyage au cercle polaire vient après le Discours sur les astres. C'est un ouvrage bien fait, curieux, et instructif, dont on a déjà rendu compte plusieurs fois; et nous pouvons avancer que ce voyage est le meilleur traité de ce recueil.

que cette estimation est légitime, qu'elle est conforme aux principes incontestables de la raison. M. de Maupertuis nous dit, dans ce Mémoire, que l'action d'un corps en mouvement doit être estimée par l'espace parcouru, et la vitesse avec laquelle cet espace a été parcouru. Mais qui autorise M. de Maupertuis à estimer l'action de la sorte? Le P. Malebranche l'estimait par l'espace tout seul; d'autres pourraient vouloir l'estimer par l'espace et le temps; d'autres encore autrement. Il faut donc que l'estimation, qui doit passer pour vraie, et sur laquelle on veut bâtir les preuves de l'existence d'un Dieu, soit premièrement démontrée des principes de la dynamique reçus de tous les philosophes; sans cela, c'est batir en l'air un pompeux édifice que le souffle d'un negatur assumptum renverse incontinent. L'estimation de M. de Maupertuis peut être vraie; mais cette vérité n'est assurément pas connue. Les plus grands géomètres en sont surpris; ils n'ont jamais ouï parler de cette estimation de l'action. Il y en a eu dans l'Académie royale des sciences de Paris qui ont demandé à M. de Maupertuis la démonstration de ce paradoxe; mais il n'a jamais pu les satisfaire.

En admettant l'estimation de l'action supposée par M. de Maupertuis, c'est encore une grande question si les lois du mouvement et de l'équilibre sont une suite de son minimum, ou de sa moindre quantité possible. Adhuc sub judice lis est. Il y a des savants qui le nient. On saura à quoi s'en tenir quand la controverse engagée sur cette matière entre MM. de Maupertuis et Koenig sera finie. Quoi qu'il en puisse être, il est indubitable qu'en tout cas cette loi de l'epargne ne serait qu'un corollaire de cette loi générale, que Dieu et la nature donnent toujours la préférence au meilleur et au plus convenable dans leurs opérations. (Cette note est dans la Bibliothèque raisonnée, et peut-être do son rédacteur. ED.)

VOLTAIRE. XVIII.

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